Titre : Tout en nuances
Fandom : Avatar, le Dernier Maitre de l'Air
Personnages : Aang, Katara, Zuko
Rating : K
Disclaimer : Ni l'univers d'Avatar, ni ses personnages ne m'appartiennent, malheureusement !
Résumé : Au Pôle Sud, le blanc n'est pas forcément une bonne chose - mais pas une mauvaise non plus. Cela dépend forcément de la vision des choses.
Beaucoup étaient prêts à dire que le Pôle Sud était une région triste et austère, froide et dure, et s’étonnaient donc lorsqu’ils apprenaient qu’un peuple entier y vivait encore, et ce même s’il n’était à présent réduit qu’à l’état d’une petite tribu à l’équilibre fragile. Les membres du Peuple de l’Eau en question n’en pensaient pas moins eux-mêmes d’une certaine manière - difficile d’ignorer la rigueur du temps et le caractère impitoyable du froid qui s’abattait sur eux et qui les obligeait à survivre plus qu’à vivre. Et en même temps, ils étaient attachés à cette terre héritée de leurs ancêtres, qui portait l’ancienne gloire de leurs pairs et qui recelait une beauté que peu étaient en mesure de voir. Que peu étaient prêts à voir, surtout.
Car pour la plupart des Hommes, les landes glacées n’étaient qu’une surface de terre ou de glace désolée et hostile, aride et battue par les vents, recouverte d’un manteau uniformément blanc jusqu’à perte de vue. Mais la subtilité de ses nuances leur échappait totalement.
Mais Aang n’était pas de ceux-là, débordant déjà d’enthousiasme après tant d’années reclus dans sa prison de glace. Et il les découvrait avec Katara, et surtout en même temps qu’elle. Car touchée par l’innocence de l’adolescent et par les quelques bribes de son histoire en sa connaissance, la jeune fille hésitait à lui refuser ses quelques excentricités même si elle n’oubliait pas pour autant le poids de ses propres responsabilités. Seulement il s’estompait à mesure qu’elle redécouvrait avec lui son pays qu’elle parcourait pourtant tous les jours et qui lui apparaissait sous un angle nouveau grâce à la naïveté du garçon. Ce n’était plus seulement un pays de glace dans lequel ils survivaient tant bien que mal, las et chagrinés après toutes ces années marquées par les nombreuses disparitions de leurs proches et dans lequel ils demeuraient plus par fierté et par tradition qu’autre chose - et puis de toute façon, où auraient-ils pu aller ?
Si cela restait vrai, la réalité était bien plus riche encore.
En vérité, la jeune fille n’aimait pas vraiment le blanc. Nombreux l’associaient à la lumière et à la pureté, et il était vrai qu’en un sens, la neige et sa blancheur éclatante pouvaient s’y rattacher. Mais pour elle, il était surtout synonyme du froid qui les encerclait et les menaçait constamment, fragilisant sans cesse leur tribu déjà amoindrie - parfois ce n’était que le vent, parfois les chutes de neige jusqu’aux tempêtes. Pourtant, rien que ceci ne tenait plus alors qu’ils se pressaient contre la fourrure immaculée et chaude du gigantesque bison volant qui leur donnait un sentiment de sécurité, ce qui contrastait invariablement avec cette considération. Ainsi que les fourrures qui doublaient leurs propres vêtements et qu’elle portait sur elle tous les jours, ce qui ne l’avait pas empêchée de les éclipser de son esprit pour autant.
Alors qu’ils se trouvaient tous deux couchés dans la neige qui craquait au moindre de leurs mouvements, Aang leva alors un doigt vers le ciel et lui désigna les nuages, volutes moutonneuses d’un blanc presque pur teinté de nuances gris perle, qu’il considéra avec rêverie. Il se mit alors à lui décrire ce qu’il imaginait que chacun représentait, et si tout d’abord la démarche étonna la jeune fille, elle finit par la trouver amusante - et plus que cela, elle-même se prit à rêvasser en admirant le ciel au-dessus de leurs têtes. C’était apaisant. Katara ferma les yeux et se laissa bercer par la voix enjouée de l’adolescent, trop emporté dans son élan pour se rendre compte de son inattention.
Déjà quatre nuances, et loin d’être toutes mauvaises… Le blanc pouvait avoir de bons côtés, finalement.
Un cri interrompit cependant ses pensées indolentes qui la transportaient doucement vers le sommeil :
- Manchots !
- Q… quoi ? grogna la jeune fille en papillonnant des yeux, pour découvrir avec stupeur qu’il avait disparu de ses côtés.
En le cherchant du regard, elle le retrouva plus loin en haut d’une butte, en train de s’ébattre et d’imiter des manchots au ventre d’un blanc crémeux peu enthousiasmés par le plagiat peu convaincant qu’effectuait le jeune maitre de l’air. Les animaux s’échappaient et glissaient alors qu’il s’efforçait de les attraper, et chaque fois Aang se relevait, un peu dépité, avant de recouvrir son entrain puis un semblant de sérieux. Katara se leva à son tour pour marcher vers lui. La neige crissa sous ses pas, produisant un son répétitif et empreint de tranquillité.
- Besoin d’aide ? glissa-t-elle, amusée par ses tentatives.
La scène lui rappelait la première fois, lorsqu’elle lui avait demandé de la conduire au Pôle Nord en échange - mais elle ne voulut plus y penser davantage lorsque le souvenir du navire de la Nation du Feu lui revint brusquement en mémoire.
Aang adopta une grimace dépitée qui la fit rire.
- Je crois que le recours au poisson va se révéler nécessaire encore une fois !
Elle oublia alors le navire de la Nation du Feu pour se perdre dans les jeux du garçon, oublia ses responsabilités envers sa famille et sa tribu, oublia le reste. Oublia aussi que le blanc ne devait pas revêtir que quatre nuances.
Et que ces mêmes nuances ne devaient pas forcément signifier la même chose pour tout le monde.
Pour Zuko, le blanc des nuages lui rappelait surtout la constance de son exil - deux longues années déjà depuis qu’il avait quitté sa Nation et ne pouvait y retourner, qu’il admirait un ciel qu’il ne désirait plus voir. La neige ? Synonyme d’une terre lointaine et froide qui contrastait durement avec son propre pays - et il fallait qu’il se retrouvât là, lui et son équipage, et que lui se retrouvât là aussi. Le blanc en lui-même ? Une couleur qu’il avait fini par abhorrer, tant elle lui rappelait sa situation, tout ce qui l’y avait conduit et tout ce qu’il avait perdu.
Pourquoi l’Avatar s’était-il réfugié ici, et comment ses concitoyens ne l’avaient-ils pas remarqué plus tôt ? Un mystère qu’il se fichait de résoudre. Car une seule chose comptait à présent : retrouver cet homme afin de quitter cet affreux endroit au plus vite et de retourner dans son pays. Récupérer la place qui lui échouait de droit et que l’on lui refusait désormais.
Et déjà, ils marquaient les lieux de leur présence. Au-dessus d’eux, le ciel était partiellement obscurci par la sombre fumée noirâtre que crachait la cheminée du navire, volutes de cendres grises emportées par la brise en direction de la berge. Il ne fallut pas longtemps pour que la neige la plus proche commençât à se couvrir d’une fine pellicule de cendres et à prendre une teinte sale et grisâtre, et celle qui tombait lentement en lourds tourbillons l’était tout autant. Et celle-ci n’était annonciatrice ni de froid, ni de chaleur, ni de pureté ou de rêverie.
Juste de feu et de tristesse.