Titre : Manigances
Auteur : Kethry_raven
Thème : Le hasard d'une rencontre
Fic : N°3
Fandom : Mythologie grecque
Personnages/Couples : Aphrodite et une autre divinité
Rating : PG
Note : j'ai utilisé une généalogie différente pour Aphrodite, qui ici n'est pas fille de Zeus, mais née de l'écume.
La journée était à peine commencée et Aphrodite, allongée sur sa couche, se languissait déjà. Le soleil, pas encore haut dans le ciel, écrasait pourtant de sa chaleur toute l'Olympe. Probablement un excès de zèle de la part d'Hélios. Ces derniers temps, il s'employait si bien à rayonner qu'il incommodait tout l'Olympe. Le pire étant qu'il n'y avait aucun souffle de vent pour rendre cette fournaise supportable. Car Éole et ses quatre disciples avaient disparu depuis plusieurs semaines. La rumeur voulait qu'ils aient quitté l'Olympe pour rendre visite à leur homologues Amérindiens. Dans leur périple, ils avaient emmené tous les nuages avec eux. Ce qui empêchait Zeus de faire tomber pluie ou foudre et ainsi humidifier l'air.
Les distractions se faisaient de plus en plus rares et depuis quelques temps, Aphrodite n’avait même plus envie de se joindre aux constantes orgies de Dionysos. Après plusieurs siècles passés à séduire tout ce que l'Olympe comptait d'Immortels, « La Vénus Callipyge » avait totalement épuisé les réserves masculines. Depuis, un malaise l'avait envahie qui lui avait encerclé le cœur et lui coupait le souffle. Malgré de nombreuses tentatives pour se distraire, ce sentiment ne l'avait pas quitté. Sa mélancolie ainsi que sa vie de recluse commençaient sérieusement à lui peser. Il lui fallait une distraction. Maintenant.
C'est en passant devant l'un de ses immenses miroirs qu'une idée lui vint. Une fois que le polythéisme devint obsolète et que les Dieux se furent retranchés dans leurs Sanctuaires respectifs, Héphaïstos forgea un gigantesque miroir qui permettait d'observer la vie des mortels. Mais après avoir perdu leur dernier croyant et avec lui leur droit d'interférence, ils avaient fini par condamner la pièce qui le contenait pour éviter toute tentation. Étrangement, ils s'étaient tous résignés et pas un n'avait essayé de braver l'interdit. Ce qui était vraiment étonnant si l'on prenait en compte leur prédisposition à la désobéissance.
Revigorée, Aphrodite passa un chiton rouge avant de se diriger discrètement vers le coin de l'Olympe qui abritait l'objet. A son passage, personne ne l'aborda. Les autres Dieux étant soit retranchés dans leur demeure, soit trop imbibés pour lui prêter la moindre attention.
Arrivée à destination sans encombre, sa progression fut stoppée par les nombreux sceaux appliqués sur la porte d'entrée. Heureusement, la déité avait pris avec Elle un passe-partout, subtilisé plusieurs siècles auparavant à son époux. Sa prévoyance finissait par payer.
La Déesse plaqua l'objet sur le mur et recula prudemment de quelques pas, incertaine de l'effet qu'il aurait sur cette porte. Fort heureusement, il n'y eut aucune manifestation visible. Une fois le passage débloqué, la divinité remit le passe-partout autour de son cou. Puis Elle s'engagea dans l'ouverture. À peine ceci fait, le passage se referma et les lieux s'éclairèrent.
L’Immortelle ne marcha pas longtemps avant d'atteindre le drapé qui la séparait du miroir. Mais avant qu'Elle ne découvre le passage, la Déesse se figea. Quelqu'un d'autre se trouvait là. Quelqu'un qui n'avait pas masqué sa présence. Quelqu'un qui visiblement ne s'attendait pas à avoir de la compagnie. Aphrodite, intriguée, dissimula son aura. Puis se glissa dans la salle le plus discrètement possible. Lorsqu'Elle atteignit le haut des escaliers, la déité découvrit une silhouette penchée au-dessus du miroir.
Aphrodite refréna de justesse l'envie de signaler sa présence. Elle contempla avec curiosité la figure courbée devant l'immense glace. De toutes les divinités qui auraient allègrement enfreint la loi de Zeus, Athéna n'était certainement pas la première qui lui soit venue à l'esprit. Mais en y réfléchissant, la Déesse « protectrice de la cité » avait par le passé montré à maintes reprises son attachement aux mortels, et son indifférence face aux restrictions imposées aux Olympiens. Après tout, Elle n'était pas la Déesse de l'intelligence et de la ruse pour rien.
Aphrodite s'assit sur le bord des marches, les pieds au-dessus du vide, attendant patiemment que sa consœur ait terminé son ouvrage. Mais sa principale motivation était de pouvoir ainsi tranquillement espionner Athéna. Si Elle apprenait un ou deux secrets, ils lui permettraient peut-être d'exiger des services en sa faveur.
Elle observa la Déesse s’affairer au-dessus du miroir, le sourire aux lèvres. Des centaines de visages de mortels se succédèrent et des passages de leur vie défila sous ses yeux. Elle vit Athéna sourire, pleurer, s'irriter, s’attendrir comme si chacun d'eux était son enfant. Aphrodite l'écouta leur offrir des paroles encourageantes dans leurs entreprises. Son visage s'était illuminé, déposant sur ses traits une touche de douceur bien rare face à son sérieux habituel.
Finalement, la déité se redressa et passa vivement sa main par dessus la surface réfléchissante qui redevint terne. Puis la fille de Zeus se tourna pour monter les escaliers mais se figea lorsqu'Elle aperçut Aphrodite. Si « Celle qui apporte la victoire » fut surprise de sa présence, Elle n'en montra rien. Pourtant la fille d'Ouranos devina tout de même sa contrariété a être ainsi exposée. Athéna monta calmement les marches, mais Aphrodite, fine observatrice du langage corporel ne fut pas trompée. Sa consœur avançait avec beaucoup de raideur dans ses mouvements.
Lorsque la Déesse « Sage » arriva à sa hauteur, Aphrodite se releva et la regarda droit dans les yeux. Puis attendit patiemment que l'autre déité prenne la parole ; ce qui n'eut lieu qu'au moment où Athéna se rendit compte qu'Aphrodite n'entamerait pas la conversation. Elle ne s'y résolut qu'à contre-cœur.
« Aphrodite, la salua-t-Elle sèchement.
- Athéna, répondit la fille d'Ouranos avec un sourire en coin.»
Sa petite-nièce continua à l'observer en silence. Aphrodite observa avec délectation la patience d'Athéna fondre au fur et à mesure des minutes qui s'étiraient. Une fois que celle-ci eut atteint un stade avancé d'impatience, Aphrodite se décida à prendre la parole.
« Depuis quand vas-tu à l'encontre des ordres de Zeus ? Tu sais bien que nous n'avons plus le droit d'interférer avec les mortels.
- Je ne lui désobéis pas. À aucun moment il ne nous à interdit de nous rendre ici ou d'utiliser le miroir. Ils nous a simplement conseillé de ne pas le faire. Et je n'interfère pas avec les mortels, je m'occupe simplement de nos descendants. »
Aphrodite resta sans voix quelques secondes avant de trouver ce qu'Elle pouvait lui répondre.
« Très subtil. Maintenant que tu le mentionnes, je me rends compte que tu dis vrai. Il ne nous a rien interdit. »
L'Immortelle demeura un moment le regard dans le vague puis demanda d'une voix détachée :
« Reste-t-il des mortels de la lignée d’Énée ? »
Athéna lui lança un regard étrange avant de répondre d'une voix affectée :
« Ta progéniture s'est arrangée pour atteindre l'époque actuelle. »
Aphrodite se sentit soulagée. Sa famille bien-aimée avait continué dans sa voie et sa descendance ne s'était pas éteinte. La divinité de l'amour céleste était curieuse de découvrir ce qu'il était advenu d'eux. Il fallait qu'Elle utilise ce miroir. Mais d'abord, il lui fallait convaincre Athéna de lui montrer comment utiliser le miroir. Plus facile à dire qu'à faire. Athéna faisait partie des trois déesses sur lesquelles son charme n'avait jamais marché. C'était bien sa chance. Enfin, un sourire ne pouvait pas faire de mal.
« Pourrais-tu m'indiquer comment il fonctionne à présent ? »
Athéna l'étudia soigneusement avant de lui offrir une quelconque réponse. Mais au moment ou celle-ci ouvrit la bouche pour lui répondre, un bruissement d'ailes vint l’interrompre. D'un mouvement fluide la Déesse tendit le bras pour fournir un perchoir à sa chouette. Celle-ci vint se poser délicatement et commença à ululer. Les nouvelles qu'elle apportait à sa maîtresse ne devaient pas être bonnes car les traits de celle-ci se durcirent.
Athéna se tourna brusquement vers Elle, dans un bruissement d'étoffe. La chouette s'envola et disparut aussitôt. Elle lui attrapa le bras et la traîna à sa suite sans un mot. Aphrodite voulut protester, mais un seul coup d’œil vers sa consœur et les mots moururent sur ses lèvres. Elle se laissa donc docilement faire.
Elles ressortirent du bâtiment par un autre passage et Athéna ne lui lâcha le bras que lorsqu'Elles eurent atteint son temple.
« Puis-je savoir ce qu'il se passe ?
- Les nuisibles que tu appelles progéniture se sont mis en tête que tu avais disparu. Ils te cherchent partout, répondit-Elle contrariée.
- J'avais oublié que nous avions une réunion ce soir.
- Toujours à comploter dans le dos des autres ?
- Comploter est un grand mot, je lui préfère interférer. »
Athéna soupira.
« Cette conversation ne mènera nul part et je ne veux pas que tes laquais me trouvent. Mais avant de partir, il me reste quelque chose à faire. »
La Déesse lui prit sa main et murmura rapidement une formule, la prenant ainsi au dépourvu. Celle-ci la brûla un moment avant de revenir à la normale, ce qui signifiait la validité du serment.
Indignée, la déité de l'amour céleste ramena sa main contre sa poitrine.
« Un avertissement aurait été bienvenu. Nul besoin de tant de précaution. Je ne comptais pas parler de ce que j'ai vu.
- Ais-je l'air crédule ? Tes promesses n'ont aucune valeur. »
Aphrodite fut blessée par ses propos et répondit plutôt sèchement :
« Les tiennes en ont-elles plus ? »
Sans attendre de réponse, la fille d'Ouranos tourna brusquement les talons et se dirigea vers son temple d'un pas vif.
Le lendemain Elle recevait un splendide chiton accompagné d'un mot d'excuse.