Titre: prendre une decision
Fandom : Mézérhían
Personnage : Maeron - Aodhaàn - Sei rhiàn - Lieutenant Ashoka
Rating : G
Disclaimer : Tout à moi ^^
Nombre de mots : 4630 mots
Les jours se succédèrent à Mauraur sans que Maeron ne s'en aperçoivent vraiment. La journée le chasseur continuait à prodiguer des soins à Canthaïr Rhiàn dont la santé s'améliorait grandement, sa brûlure cicatrisait désormais dans de bonnes conditions et ses hématomes s'étaient pour la plupart résorbés. Seule persistait des marques résiduelles sur sa gorge dont Maeron doutait sérieusement du fait qu'elles s'estomperaient un jour. Le Seigneur du Reyr repartirait de Mauraur avec un bon nombre de cicatrices mais il ne semblait pas s'en préoccuper. Sa toux commençait également à s'estomper et les infusions de thym que lui préparait le chasseur n'y étaient pas étrangères, sa respiration était moins sifflante et le Reyr'en pouvait parler sans être essoufflé.
Maeron avait également prodigué de nombreux soins aux soldats survivants. Les plaies, moins récentes que celles de Canthaïr avaient été nettement plus difficiles à soigner. Des nombreuses infections s'étaient déclarées et il avait dû procéder, avec l'aide de Daleròn à quelques amputations qui avaient étés éprouvantes. Sellod lui avait également apporté son aide pour recoudre et suturer les innombrables plaies. Ce travail de précision avait permis à Maeron de se vider l'esprit. Lorsqu'il était auprès des soldats blessés il arrivait à apaiser la douleur lancinante de son cœur et à se concentrer uniquement sur les tâches qui lui incombaient. Malgré leur acharnement ils avaient tout de même subit quelques pertes. Trois hommes étaient morts depuis qu'ils les avaient tirés des cachots. Deux d'une infection du sang suite à des plaies trop importantes, le troisième d'une affection des poumons sûrement due au froid et au manque de nourriture qu'ils avaient subit.
Un bûcher avait été monté dans la cours principale de Mauraur. Les soldats les moins touchés y avaient contribué et chaque corps avait été inhumé dans un silence glacial. D'ordinaire les soldats n'avaient pas droit à un bûcher qui était réservé aux Seigneur et nobles du royaume mais dans le Nord il n'y avait pas d'autre choix possible. Le sol gelé était bien trop dur pour être creusé et la crémation était le seul moyen de lutter contre les charognards.
Son père avait subit le même sort. Lorsque Maeron était sortit des appartements de Canthaïr Rhiàn après avoir eut leur conversation sur les Estiens il avait été surpris de tomber sur Sellod. Le géant roux lui avait adressé un regard peiné et Maeron avait tout de suite comprit : son père avait fini par succomber à ses blessures. Son diagnostic n'avait pas été mauvais les blessures étaient trop importantes pour être soignées. Sellod avait posé sa main sur son épaule intacte et serré d'un geste de réconfort dont Maeron lui était reconnaissant. De part son handicap le guerrier Odenaith'en n'était pas en mesure de commenter les faits ou de poser trop de questions mais Maeron était certain qu'il avait fait le lien entre ses doutes face à l'honneur des chevalier, sa cicatrice et la présence de son père.
A-t-il dit quelques chose ? avait demandé Maeron d'un ton abrupt.
Sellod avait hoché négativement la tête avant de se mettre à signer. « Rien à ton propos » comprit Maeron. Le guerrier roux lui apprit également qu'Aodhaàn et lui avaient transporté son père jusqu'au bûcher et qu'ils étaient prêt à l’inhumer. Le lieutenant l'en avait remercié avant de le suivre. C'est ainsi qu'il s'était trouvé dans la cours glaciale de Mauraur, devant un bûcher bancal entouré d'Aodhaàn et de Sellod. Aodhaàn lui avait tendu la torche lui demandant tacitement s'il voulait enflammer lui même le bûcher mais il avait refusé. Il ne voulait plus rien avoir à faire avec cet homme. Le chevalier avait donc lui même mit le feu avant de venir se ranger à ses côtés.
Maeron se doutait qu'en temps normal il aurait été du devoir d'Aodhaàn de prononcer un discours sur la mort de son frère d'arme qu'était Ser Ulwart et pourtant il n'en avait rien fait. Maeron devinait au visage fermé d'Aodhaàn que ce dernier avait été terriblement bouleversé par la révélation de la vraie personnalité de Ser Ulwart, qui était dans le cercle des chevalier un combattant reconnu et respecté. Maeron lui n'arrivait pas à démêler ses émotions. La tristesse qu’il épourvait pour Tea était devastatrice l’empêchant de ressentir autre chose mais il n'était pas certain que même dans une situation différente il aurait été à même d'éprouver de la tristesse suite à la mort de son père. Le seul sentiment qui émanait du fait de le voir brûler sur ce bûcher funéraire était le soulagement. Plus jamais son père ne lèverait la main sur lui, plus jamais il ne serait contraint de faire face à ses sarcasmes et ses insultes et plus jamais il ne serait en mesure de faire du mal à quelqu'un qu'il aimait. Remuer le passé ne servait plus à rien et le fait que sellod pose une nouvelle fois sa main sur son épaule en signe de soutien le rassénéra. Les seules personnes qui comptaient à ses yeux étaient au courant et s'était bien suffisant.
Maeron passait donc ses journées à prodiguer des soins mais le plus dur restait les nuits. Même si Sellod leur avait dégoté des appartements plutôt confortables dans les étages du château. Il ne s'y rendait que très peu, préférant passer ses nuits courtes dans les écuries. Le contact d'Essyrä était le seul qui arrivait à l'apaiser. Si la journée son esprit était assez occupé pour ne pas songer à Tea la nuit c'était tout le contraire. Sa peine remontait à la surface dans une souffrance bien plus compliquée à gérer qu'une douleur physique. Lorsque Tea n’apparaissait pas dans son esprit quand il était réveillé elle s'insinuait dans ses rêves. Il revivait ainsi des moments qu'ils avaient partagés ou encore des fantasmes qu'il ne pourrait plus jamais combler. À ces moments là il se réveillait les doigts crispés sur la crinière de la jument qui la plupart du temps se couchait autour de lui dans la paille. La respiration calme de la bête l'aidait à s'apaiser et il se concentrait seulement sur le doux regard ambré qu'elle posait sur lui pour essayer de se reprendre.
Il occupait également ses nuits plutôt blanches à observer le comportements des Eiwoarns qu'il avait repéré dans les écuries. Il y avait celui de Canthaïr Rhiàn dont la robe grise et le regard farouche n'échappait à personne, mais aussi un palomino à la taille moins imposante mais aux yeux presque dorés, un noir à la musculature impressionnante et aux membre recouverts d'épais fanons d'ébène et d'autre sur lesquels il doutait. Peut être était-ce seulement des hybrides comme Essyrä. Maeron ne pouvait s'empêcher de se poser des questions sur le comportement de cette dernière. Il avait été certes très perturbé depuis quelques jours mais il ne pouvait ignorer l'agressivité dont-elle avait fait preuve lorsqu'Aodhaàn l'avait rejoint dans les écuries. Sans parler du fait que la jument avait depuis leur rencontre un comportement atypique pour un cheval. Il avait également cru voir briller des crocs la nuit où tout avait basculé mais il était lui même trop déboussolé pour être certain de ne pas avoir rêver. Sans parler de sa colère, certes la souffrance de la disparition de Tea était un cataclysme sentimental pour lui mais cette colère qui avait pulsé dans ses veines face au chevalier lui avait semblé provenir d'ailleurs, même s'il lui semblait fou d'être capable de partager les sentiments d'un animal.
Lorsqu'il ne passait pas son temps à soigner les blessés Maeron sortait avec Sellod hors de Mauraur. Tout deux avaient été désignés pour aller chasser et quittaient donc l'enceinte de la forteresse de l'Handor pour accomplir leur tâche. Après avoir longuement fouillé les cuisines Dalaigh s'était aperçut qu'il ne restait que peu de vivre. Maeron en avait tiré la conclusion qu'avant de devenir une prison gardée par une poignée d'homme, l'armée Estienne tout entière avait dû séjourner à Mauraur. Probablement au moment où le Seigneur Aeddar et sa famille avaient été sacrifiés. C'était pour cette raison que la poignée de gardiens Estiens avaient été contraints de partir à la chasse et ils agissaient de même. Aodhaàn n'avait pas été facile à convaincre mais nourrir la centaine de soldats rescapés des cachots était une priorité pour qu'ils recouvrent plus rapidement la santé. Maeron avait également souligné le fait qu'ils était peu probable qu'il y ait plus d'Estiens en Handor. Grâce aux informations recueillies par le Seigneur du Reyr ils avaient appris que le gros de l'armée avait rejoint le Cyriatàn avant de se rendre sur le front où ils avaient décimé l'armée Mézérhiàn'en. De plus Maeron avait l'impression d'étouffer dans ce château souterrain et sortir à l'air frais lui faisait le plus grand bien. La présence de Sellod était également des plus agréable car contrairement à Daleròn il était certain qu'il n'allait pas se perdre en bavardage inutile. L'Odenaith'en se révélait être un archer convenable qui ramenait presque autant de proies que Maeron. Le chasseur avait sauté sur l'occasion pour sortir Essyrä de sa stalle. La jument, heureuse de quitter le confinement des écuries, passait les premières minutes de ses sorties à batifoler dans la neige, enchaînant des bonds de joies que Maeron avait eut quelques difficulté à encaisser. Néanmoins lorsqu'elle « explosait » ainsi de joie il se sentait gagné par une bouffée de bonheur qui lui était étrangère mais qu'il accueillait avec reconnaissance. Il avait fini, lors de leur longues chevauchée dans la neige à la recherche de gibier, à faire le lien entre son ressentit et les émotions de la jument. Il n'était pas encore prêt à en parler aux autres mais il était sur d'une chose : les émotions de l'hybride le contaminaient.
Maeron était soulagé de retrouver les paysages enneigés de l'Handor. Cette province était encore plus somptueuse que l'était le Reyr et malgré les températures glaciales il se voyait bien rester vivre dans les environs. Il espérait de tout cœur qu'au cours de l'une de ses chasses il tomberait sur un ours polaire. L'animal emblème de la famille Aeddar l'intriguait. Il avait rencontré dans Mauraur de nombreuses représentations de l'animal, des graphismes sur à peu près chaque meuble ou vaisselle trouvée dans la forteresse mais aussi des sculptures en tailles réelles. Mais c'était surtout l'une des peau découverte dans la chambre du défunt Seigneur Handor'en qui avait exacerbé son envie de rencontrer un tel animal. La peau d'ours polaire faisait dans les sept pieds de long et Maeron, bien qu'il aie déjà rencontré des ours noirs dans la forêt de Dunvel, avait du mal à imaginer un carnivore d'une telle envergure. Il se souvenait encore parfaitement des émotions qu'il avait ressenti en rencontrant le léopard des neiges, symbole du Reyr, et avait hâte de se confronter à l'animal emblème de l'Handor.
C'était d'ailleurs devant l'une de ses immenses bannières représentant un ours immaculé dressé sur ses postérieurs sur champ rouge que Maeron était arrêté. En rentrant de la chasse Rodàan était venu le trouver dans les écuries pour le prévenir qu’il était attendu dans la salle du trône pour une sorte de réunion. Maeron lui avait adressé un regard désabusé mais son compagnon de route avait assuré que sa présence était urgemment requise. C'est donc d'humeur maussade que le chasseur avait fait une dernière caresse à sa jument avant de lancer une étrille à Rodàan et que quitter les écuries sous le regard amusé de Sellod.
Maeron n'était pas encore entré dans la salle du trône de Mauraur mais il savait où en était la porte. D'immenses bannières rouge sang, déchirées aux extrémités, flottaient de chaque coté des battants en bois foncé orné d'un ours menaçant. Les étendards se balançaient au rythme des courants d'air glacés qui traversaient les couloirs et le terrible animal gravé sur le bois ne donnait pas envie d'entrer dans la pièce. Maeron poussa néanmoins la porte et se figea. Il resta un instant interdit devant la centaine de pied de long que devait faire la salle. Enfuie sous la montagne comme le reste de Mauraur la pièce était éclairée par une nombre incalculable de torches qui ne suffisaient pas à réchauffer l'ambiance glaciale de l'endroit. La salle du trône était dépourvue de courant d'air mais l'immensité de la pièce ne permettait pas d'y conserver une véritable chaleur.
Maeron se remit en marche et traversa la salle en direction des voix qui s'élevaient au fond de la pièce. Il détailla le sol en pierre lisses, les murs ouvragés de colonnes aux entrelacs nordiques et c'est alors que son regard vert se posa sur le trône. Cette salle ne portait pas son nom pour rien. Un immense siège en tourmaline noire ornait la salle et en s’avançant Maeron resta stupéfait devant les deux imposantes statues en formes d'ours polaire qui formaient les accoudoirs. Les sculptures étaient en pierres calcaires polies d'un blanc contrastant avec la noirceur du trône. La pierre taillées avec précision représentait bien le pelage immaculé des prédateurs et leurs yeux étaient formé de deux rubis éclatants. Maeron n'avait jamais eut l'occasion de pénétrer dans la salle du trône de Mézérhian mais il n'arrivait pas à imaginer quelques chose de plus majestueux que ce qui se trouvait devant lui.
Par ici Lieutenant! l’interpella une voix masculine.
Maeron se pencha pour découvrir que derrière le trône et ses menaçants accoudoirs se trouvait une table de bois ou plusieurs hommes étaient attablés. Il les rejoignit, ses pas claquant sur le dallage de l’immense salle vide. Maeron reconnu aussitôt l’épaisse silhouette d'Aodhaàn qui les deux mains posées à plat sur la table étudiait un document. Canthaïr Rhiàn qui se tenait droit mais semblait encore affaibli par ses blessures était à ses cotés. Maeron était satisfait de voir qu’il était capable de se lever et de tenir debout. Le Seigneur Reyr'en avait revêtu une tenue propre composée de cuir bouilli et une épaisse cape dont le col en fourrure dissimulait ses derniers hématomes. Le troisième homme lui était par contre inconnu, il l’avait certes croisé dans les couloirs et dans les appartements ou dormaient les soldats en convalescence mais il ne connaissait pas son identité. Le soldat avait revêtu lui aussi des vêtements propre et s’était approprié une broigne de cuir ornée d'un ours. Ses cheveux blonds mi longs étaient attachés en catogan et ses yeux gris le scrutait avec froideur.
Veuillez excuser mon retard, grommela-t-il en s’approchant de la table.
Son regard se posa aussitôt sur une carte du royaume étalée sur le bois et épinglée avec deux dagues. Cette carte était beaucoup plus détaillée que toutes celles qu’il avait pu voir auparavant et son regard se perdit sur les nombreux cours d’eau et montagnes de l’Handor dont les noms étaient calligraphiés avec finesse.
La chasse à été bonne ? lui demanda Aodhaàn lui faisant ainsi relever les yeux
Satisfaisante, répond Maeron avec honnêteté en se remémorant les deux biches qu'ils avaient réussi à ramener. Mais nous ne pourrons rester éternellement ici, le gibier est intelligent et avec l'hiver de nombreuses espèce semblent entrer en hibernation ce qui va nous compliquer la tâche.
S’il était réellement tombé amoureux des paysages enneigés de l’Handor il devait reconnaître que l’hiver en montagne n’était pas une saison propice pour la chasse
C’est justement pour cette raison que nous nous sommes réunis, lui apprit Canthaïr Rhiàn en se tirant une chaise pour s’asseoir. Nous avons des décisions à prendre
Le chasseur le dévisagea un instant, même si le Seigneur du Reyr était entrain de retrouver une santé il restait faible et le fait qu’il s’asseye alors que tout trois restaient debout était un signe qui ne trompait pas sur son besoin de repos
Maeron laisses-moi te présenter le lieutenant Ashokaà, lui dit Canthaïr en désignant le soldat qu’il ne connaissait pas. L’un des officier rescapé de l’orrustän Jviollïn.
« La bataille des montagnes », traduisit machinalement Maeron à voix haute
Canthaïr se figea en se tournant vers lui, avec un étrange sourire aux lèvres
Tu parles l'Andaàr, dit-il
Maeron à plus d'une corde à son arc, s'amusa Aodhaàn en lui adressant un signe de tête. C'est pourquoi je voulais son avis.
Maeron expira lentement. Ils y étaient. Ils allaient devoir prendre une décision maintenant que leur mission qui consistait à retrouver Canthaïr Rhiàn était terminée et qu’il ne servait plus à rien de le ramener au Roi. Maeron sentit la colère s’insinuer en lui et fit de son mieux pour rester stoïque. Il aurait souhaité envoyer balader ces trois hommes et leur dire qu’il ne souhaitait rien d’autre que de changer de vie et de prendre le temps de faire son deuil et pourtant il se trouvait là, à devoir les écouter.
La solution est évidente, déclara le Lieutenant Ashokaà en posant sa main à plat sur la carte. Nous devons rester ici, la forteresse est spacieuse et dispose du confort nécessaire pour nous abriter
Maeron réalisa que lieutenant avait posé sa main à l'endroit où se situait Mauraur et il se redressa pour dévisager le soldat. Ce dernier le fixait et le chasseur cru lire dans son regard gris une sorte de défi.
Même si la chasse peut devenir compliquée, continua le soldat avec un sourire ironique. Il nous suffira d’envoyer plus que deux hommes à la recherche de gibier. Les écuries nous permettent d’abriter les chevaux le temps que l’hiver passe et nous serons aptes à repartir au printemps
La pique envoyée par le lieutenant ne passa pas inaperçue et Maeron croisa le regard agacé d'Aodhaàn alors que pour sa part il était stupéfait.
Vous voulez vous terrer ici ? cracha-t-il avec moins de politesse qu'il ne l'aurait fallu.
Il avait personnellement l'idée de se trouver un coin tranquille au cœur de ces montagnes pour se reconstruire mais en aucun cas il n'aurait cru que ce serait le cas de ces soldats.
Nous remettre sur pied, le contredit Ashokaà. Nombreux de mes hommes ont encore besoin de soin je vous le rappelle.
Cette fois Maeron ne chercha plus à dissimuler sa mauvaise humeur. Il ne connaissait pas cet homme, ne lui avait jamais adressé la parole auparavant et voilà que depuis son arrivée dans cette austère salle du trône il l'agressait.
Il n'est pas nécessaire de me le rappeler vu que c'est moi et Sellod qui avons prodigués les plupart des soins !
Le soldat se redressa pour lui faire face, son regard gris empli de colère.
Nous vous devons certes notre liberté, cracha le soldat. Mais ça ne vous permet pas de...
IL SUFFIT ASHOKAA ! l'interrompit le Seigneur Rhiàn en levant une main. Maeron à raison, rester à Mauraur serait faire preuve de lâcheté.
Le chasseur se tourna vers Canthaïr et lui adressa un léger signe de tête. Il était au fond de lui ravi de voir que le Reyr'en ne partageait pas l'avis de son lieutenant.
Je ne pense pas que Maeron voulait vous traiter de lâche, tempéra Aodhaàn de sa voix grave. Je peux comprendre ce qui vous pousserait à adopter cette option mais si nous agissons ainsi nous pouvons dire adieu au Royaume.
Le royaume est déjà éclaté, grogna Maeron sans dissimuler son amertume.
Ces mots lui avaient échappés et le regard chargé de colère d'Aodhaàn le fit grimacer.
Mais les terres sont parcourues par l’ennemi, le reprit sèchement le chevalier. Si nous attendons le printemps pour agir il sera trop tard.
Maeron soupira violemment en reportant son attention sur la carte. Aodhaàn n'avait pas tord ce qui l’agaçait d'ailleurs au plus haut point. Décider de s'exiler dans un recoin de l'Handor équivalait à abandonner toutes les valeurs que Tea avait soutenues. Pleurer sa perte signifiait abandonner ce royaume qu'elle aurait dû un jour gouverner avec, il en était sûr, beaucoup plus de sagesse que son père. Ne pas agir, prendre le temps de faire son deuil voulait dire que de nombreux innocents allaient en payer le prix fort et succomber sous les coups bas de l'ennemi. Maeron et ses compagnons ne pourraient peut être pas changer le cours des choses mais il était certains que s'ils n'essayaient pas le royaume de Mézérhian était voué à sa perte.
Monseigneur quelle est votre décision ? demanda le Lieutenant Ashokaà en sortant de ses pensées. Rentrons nous à Lijar ?
Maeron vit Canthaïr s'appuyer un peu plus sur le dossier de sa chaise d'un air las.
Ma place est dans ma province, souffla-t-il en passant une main fatiguée sur son visage aux traits tirés. Je ne l'ai déjà que trop délaissée.
Pourtant Maeron était sur d'une chose.
Mais nous savons tous que ce n'est pas le choix que vous ferez... mon Seigneur.
Il avait fini sa phrase en se rattrapant sur une formule de politesse qui lui semblait étrange mais qui il l’espérait édulcorerait un peu ses propos. Il fut soulagé de voir que loin de s'en ombrager le Seigneur Rhiàn tourna un visage amusé vers lui.
Et qu'est ce qui te fais dire ça ? demanda-t-il
Maeron jeta un regard à Aodhaàn qui semblait abasourdi par la familiarité entre le chasseur et le Seigneur-Chevalier du Reyr. Pourtant il était sûr de ce qu'il avançait.
Durant toute notre expédition à votre recherche mes compagnons de voyage m'ont rapporté que vous étiez un homme d'honneur. En plus d'être un Seigneur de province vous êtes un chevalier du royaume et vous avez prêté serment, souligna Maeron. Vous allez défendre les terres de ce royaume et en chasser l'ennemi.
Un silence pesant s'installa dans la pièce mais Maeron ne baissa pas le regard. Ce qu'il avait énoncé était vrai. Ces compagnons n'avaient cessé de lui rabâcher des discours sur l'honneur de Canthaïr Rhiàn et sur sa loyauté indiscutable. Il était temps de voir s'ils s'étaient fait des illusions à ce propos.
Tu es un homme surprenant, se mit à rire Canthaïr en se redressant sur son siège.
Maeron lui offrit une sourire et vit Aodhaàn se détendre. De toute évidence le chevalier était persuadé qu'il avait été trop loin.
Le peuple du Reyr compte sur son Seigneur pour le protéger, reprit Ashokaà en posant son regard sur sa province représentée sur la carte. Leur allégeance ne tiendra pas si nous l'abandonnons.
Le peuple du Reyr, a quitté la province pour se réfugier dans l'Odenaith, leur apprit Aodhaàn. Très peu de Reyr'ens sont restés sur place.
Canthaïr sembla frappé par cette nouvelle et Maeron se mordilla la lèvre. Il espérait que ce genre d'informations sensibles n'entacheraient en rien la guérison fragile du Seigneur.
Monseigneur, votre peuple...., commença le lieutenant Ahsokaa
Et que diront les Reyr'ens lorsque les Estiens et l'armée de Torged Manahaxar cerneront la province ! grogna Maeron sans dissimuler cette fois son agressivité envers le lieutenant. Lorsqu'il n'y aura plus aucune solution de replis et que vous serez tous pris au piège.
Il commençait à en avoir assez de ce lieutenant buté qui refusait de voir la vérité. S'il voulait retourner se terrer dans le Reyr c’était son choix et il avait le droit de l’assumer mais il n’avait pas à faire croire à tout le monde que cette idée profiterait au royaume.
Et quelle est votre proposition ? cracha à son tour le soldat.
Maeron croisa le regard d'Aodhaàn. Visiblement le chevalier semblait douter de sa décision et Maeron devait s'avouer qu'il avait une envie furieuse de déclarer que pour sa part il trouverait un coin tranquil loin de toute agitation pour s’installer et pleurer la femme qu’il aimait.
Si nous décidons d'accepter le fait qu'il nous reste une chance de sauver le royaume, dit-il sans lâcher Aodhaàn des yeux. Nous devons nous rendre sur le front
Il n'y a plus de front, le contredit Canthaïr
J'en ai bien conscience, reprit Maeron dans un souffle. Mais peut être que certains soldats auront survécu. Peut être y a-t-il un autre endroit ou trouver des rescapés ce qui pourraient augmenter nos forces.
Notre priorité serait de chasser les Estiens des terres du royaume et de refermer les frontières, renchérit Aodhaàn.
Canthaïr Rhiàn fixait la carte, l’air songeur.
Nous pourrions contacter les dirigeants de l'Odenaith et du Reidar, proposa-t-il. Peut-être leur reste-t-il assez d'homme pour garder toute la frontière et empêcher que d'autre Estiens n'entrent à Mézérhiàn.
Maeron et Aodhaàn acquiescèrent à cette pensée. Le chasseur avait peu de certitude sur le fait que l'Odenaith et le Reidar aient encore assez d’hommes pour sauvegarder les frontières mais il fallait garder espoir.
Je tiens à vous rappeler un point important ! grogna Ashokaà en tirant une chaise pour s'y asseoir. Nous n'avons pas d'oiseaux pour contacter Dame Llewelyn. Les Estiens ont tué tout les faucons présents à Mauraur.
Maeron retint un grognement, cet homme avait décidément décidé de lui pourrir sa journée.
Il nous en reste un, lui apprit-il sur un ton mielleux.
Dalaigh à un oiseau de grande qualité, assura Aodhaàn. Nous pouvons l'envoyer dans le Reyr qui est encore sécurisé et donner des instructions à votre intendant.
Canthaïr approuva d’un signe de tête.
C'est une bonne idée, approuva-t-il.
Maeron reporta son regard sur la carte, il se pencha en avant pour poser ses mains sur la table et ainsi déchiffrer avec plus de précision les traces du parchemin. Il repéra facilement l’Handor et une sorte de croix représentant Mauraur. Son regard glissa le long d’un trait épais qu’il devina être le Rijeikain. La province juste en dessous devait donc être le Reyr. Il reconnu l'emplacement des montagnes qu’ils avaient escaladé avec ses compagnon de route. Il laissa son regard dériver sur la gauche et trouva une dessin stylisé à proximité d’une forêt qui devait être Mézérhian. Il laissa son regard glisser sur le sud du pays, des provinces qu’il ne connaissait pas dont il ne savait presque rien, des climats qui lui étaient inconnu mais qui semblait être le plus éloignée de l’Est.
Quelles sont les provinces qui seront le moins rapidement touchée par l’armée Markanéeene? demanda-t-il en laissant glisser sa main sur la province la plus au sud Ouest.
Géographiquement? demanda Canthaïr et Maeron confirma d’un signe de tête. Je dirais le Daunlhiran et le Maelgyn. Du moins je l’espère.
Maeron releva la tête, se rappelant soudainement que la famille du Seigneur avait été envoyée dans le Maelgyn pour sa sécurité. Un instant il voulu lui faire part de sa compassion mais il ne savait pas vraiment quels mots employer.
Je suis sur que votre femme et votre fils sont sous bonne garde, déclara Aodhaàn lui épargnant ainsi une phrase maladroite.
Que les dieux vous entendent, soupira Canthaïr.
Maeron serra les dents, il avait bien fait de changer d’avis. Qu’aurait pensé Tea s’il n’avait pas essayer de sauver au moins ces deux personnes. Le fils du Seigneur Rhiàn et son épouse devaient être mis en lieu sûr, comme le reste du royaume.
Ce sont les provinces que nous devons rejoindre, reprit Maeron en pointant du doigt le Maelgyn. Si des hommes encore loyaux à la couronne ont réussi à échapper au massacre c’est vers ces provinces là qu’il vont se diriger. C'est dans le Maelgyn, le Daunlhiràn voir le Snaelhor que nous pourrons trouver du renfort.
Sa main remontait sur la carte surplombant des rivières, des forêts et des villages que les Estiens ne tarderaient pas à détruire.
- Et si on rencontre des Estiens sur notre route? lui demanda Ashokaà, ironique
Maeron se redressa, posant sa main sur la garde de son épée dont il ne se séparait plus. Il toisa le soldat avec force. Il n’allait pas se laisser impressionner, s’il voulait sauvegarder la mémoire de Tea il allait devoir en être digne
Nous leur feront regretter d’avoir forgé cette alliance, cracha-t-il.