Auteur :
andersandrew Titre : Madame Pince, ou l’histoire d’une vocation
Prompt : Irma Pince, qu'importe la situation dans laquelle les persos sont placés, si c'est bien écrit
Résumé : Qui est Irma Pince ? Comment est-elle devenue la bibliothécaire de Poudlard ?
Rating : Tout public
Nombre de mots : 1594
Votre invité :
elwan59 Mot du chef cuisinier : En espérant que ce texte corresponde à ce que tu entends par « bien écrit », je te souhaite un très bon appétit.
La beauté n’avait jamais été le point fort d’Irma Pince.
La gardienne du savoir ancestral des livres de Poudlard était une femme au visage marqué par un caractère foncièrement anxieux et des années de froncement de sourcil perpétuel - même lorsqu’elle dormait, elle conservait une expression crispée, comme si elle s’attendait à tout moment à subir l’attaque d’un moremplis et ce bien que la créature, surnommé aussi « suaire vivant », ne soit guère acclimatée aux températures de la Grande Bretagne, préférant les contrés tropicales.
De ce fait, et étant par ailleurs détentrice d’une intelligence légèrement supérieure à la moyenne, Irma Pince savait dès son plus jeune âge qu’elle ne devait pas fonder trop d’espoirs sur un bon mariage qui la placerait à l’abris du besoin.
Sa famille possédait de modestes revenus grâce à l’entreprise de papeterie de son père. Elle n’aurait de toute façon bénéficié que d’une petite dot, ce qui renforça son idée qu’elle ne réussirait dans la vie que par un travail acharné.
Elle était certes une sorcière compétente, mais ses capacités en la matière ne sortaient guère de l’ordinaire. Certes, elle aurait pu, par quelques procédés magiques, céder à la facilité de modifier son apparence afin de paraître plus avenante et se trouver un bon parti. Cependant, la dissimulation, l’hypocrisie d’une telle conduite était en totale contradiction avec ses valeurs, et, malgré son cynisme, elle gardait néanmoins le désir secret qu’un jour, il existerait un homme qui peut-être verrait au-delà de son physique disgracieux - de son nez busqué, de ses joues creuses, de ses orbites enfoncés, de sa maigreur et son teint maladifs -, qui en ferait abstraction pour n’aimer qu’elle.
Cela étant dit, elle n’avait pas non plus une personnalité douce et agréable.
Besogneuse, elle prenait toujours la peine de faire bien les choses, ce que l’on finissait toujours par lui reprocher, car les tâches qu’on lui assignait étaient généralement destinées à être bâclées. Elle était aussi bornée qu’une mule et s’entendait mal avec ceux qui venaient bouleverser ses habitudes; elle supportait difficilement l’autorité de gens qu’elle considérait moins aptes qu’elle à s’occuper de certaines choses.
Bien vite, elle avait compris que son domaine de prédilection serait les livres. Toute petite, elle passait ses journées à la maison, à lire, tandis que sa mère l’encourageait à sortir. Mais Irma était une enfant un peu capricieuse, et étant fille unique, elle n’obéissait qu’à contrecoeur, sachant par avance que ses parents seraient trop peureux de lui infliger une punition.
Adolescente, elle s’était prise de passion pour le métier de libraire, passion qui perdura jusqu’à ce que ses rêves se fracassent contre la réalité de la vie. Là encore, la pauvreté relative de sa famille, alliée à son tempérament renfermé et ses airs de vautour famélique, l’empêchèrent de mener ce projet à bien. La banque refusa toutes ses demandes de crédits, nécessaires à l’obtention d’une boutique.
Elle travailla un temps dans le prestigieux établissement du Chemin de Traverse, chez Fleury & Bott. Toutefois, elle fût rapidement renvoyée sous des motifs fallacieux - la vérité était qu’elle faisait peur aux clients. Ce fût un rude choc pour elle, car elle estimait avoir effectué son travail avec la plus grande minutie. Elle compris que le libraire était avant tout un vendeur, et qu’à cause de ça, elle n’était pas faite pour cette profession qui demandait d’interagir avec des clients; clients qui sans doute ne lui paraîtraient jamais assez bien pour acheter ces précieux objets qu’étaient pour elle les livres.
Pour la plupart des gens, il s’agissait d’objets banals. On les prend, on les lit, et ensuite on les range…puis on les oublie.
Madame Pince avait horreur de laisser croupir les livres dans la poussières. Elle se baladait toujours avec un plumeau dans les rayons de la librairie et veillait à ce que chaque exemplaire soit bien remis à sa place. Elle ne supportait pas ceux qui se montraient irrespectueux envers ce lieu qu’elle considérait comme le centre du savoir. Pour elle, les livres n’étaient pas seulement qu’un assemblage de pages, loin s’en faut. Ils étaient comme des êtres vivants, qu’elle pouvait chérir sans risquer de les entendre se moquer de la forme de son nez ou critiquer sa manière de se comporter. Les livres l’acceptaient comme elle était. Ils dépendaient d’elle, et elle s’en occupait avec un soin extrême qui mettait mal à l’aise la plupart des gens dits « normaux ».
Elle traversa les années sans vraiment se préoccuper du monde extérieur. Les soubresauts qui agitèrent la communauté des sorciers lorsque Lord Voldemort et ses partisans prirent de l’ampleur dans le pays n’eurent sur elle aucune prise. Tant qu’elle pouvait s’occuper de ses livres adorés, le reste l’indifférait. D’ailleurs, elle n’avait pas particulièrement d’opinion sur les Moldus. Elle avait lu d’intéressants ouvrages dessus, cependant elle se moquait bien d’en fréquenter ou pas. La vérité était qu’elle aurait bien pu être seule au monde. Tant qu’il y aurait des livres pour lui donner une raison de vivre, les autres, les gens, pouvaient bien aller se faire pendre ailleurs.
Tout cela changea radicalement quand elle rencontra Dumbledore.
Au bout de dures années de labeur, Irma Pince était parvenue à économiser suffisamment d’argent pour s’acheter sa propre boutique. Les prix de l’immobilier ayant chuté en même temps que l’ascension de Voldemort, elle s’était installée en plein centre ville de Londres. Certes, l’endroit était assez petit et un peu vétuste, mais elle avait son propre appartement au dessus de sa librairie, et rien ne lui donnait plus envie de se lever le matin que de penser à tous ces livres qui n’attendaient qu’elle, sous ses pieds.
Elle recevait très peu de clients, cependant elle ne s’en plaignait pas; bien au contraire, c’était une bénédiction. Elle pouvait entièrement se consacrer à l’étude et à la conservation de ses précieux bouquins.
Pourtant, un jour qui n’était pas fait comme un autre, elle accueillit un client bien particulier. A première vue, il s’agissait d’un sorcier somme toute ordinaire. Grand et mince, il lui faisait penser à un oiseau de proie, avec son nez aquilin, comme un bec, et ses longs cheveux argentés, ainsi que sa barbe, lui faisaient penser à une sorte de plumage élégant, raffiné. Il portait des lunettes en demi-lune, et sa robe violette brillait comme de la soie. Une baguette en bois de sureau était attachée à sa ceinture.
Malgré son apparence policée -et le charmant sourire, accompagné d’un « bonjour » qu’il lui adressa à son entrée dans le magasin- Irma le surveilla de très près. Ce n’était d’ailleurs pas spécifique envers ce client; elle faisait de même avec tous, ce qui les décourageait, semble-t-il, de revenir. Cet état de fait ne déplaisait pas totalement à la libraire.
Pourtant, elle fût étonnée par la douceur avec laquelle l’homme à la longue barbe blanche maniait les livres afin de les feuilleter. Et la façon dont il s’intéressait au contenu; il paraissait se plonger littéralement dans sa lecture et oublier totalement sa présence, qui d’habitude gênait ses clients.
Pas une seul fois il ne se tourna vers elle tandis qu’elle l’espionnait. Et pour le coup, elle se sentit presque mal à l’aise.
Il finit par choisir un livre et passa en caisse. Irma eut quelques difficultés; la caisse était légèrement rouillée. Le client sortit sa baguette et lança un sortilège qui répara la machine; elle était comme neuve.
Après son départ, Irma fût prise du désir qu’il revienne.
Une dizaine de jours plus tard, l’homme revînt. Il avait un air joyeux et la salua, le sourire aux lèvres. Irma tenta de répondre et de lui sourire en retour. Elle ne sût jamais à quoi le résultat pouvait bien ressembler, mais tout ce qui importa fût que le regard du client se fit pétillant de malice. Il avait d’incroyables yeux bleus remplis d’intelligence, et les regarder faisait à Irma un effet des plus curieux, qui lui serrait le cœur.
Il lui acheta deux livres, et elle osa lui demander son nom.
« Albus Dumbledore », avait-il répondu. « Enchanté », qu’il avait ajouté.
Il s’était incliné et lui avait fait un baisemain. Et pour la première fois…elle se maudit de n’être ni belle, ni affable, et de n’avoir rien d’intéressant à dire sur l’actualité.
Alors elle commença à parler des livres. Et Dumbledore l’écouta.
« Je dirige une école, et je suis à la recherche d’une personne comme vous qui saurait apprendre aux élèves l’importance du savoir que renferme nos livres. Une personne telle que vous, qui soit passionnée par la lecture, et qui leurs inculquerait le respect dû aux ouvrages. Si vous voulez bien postuler, je serais plus que ravi de vous accueillir au sein de notre équipe. Par les temps qui courent, trouver quelqu’un d‘aussi compétent est une aubaine rare. »
Elle saisit cette opportunité au vol. Pas parce que le poste à pourvoir l’intéressait vraiment. En vérité, à l’idée de tous ces garnements auxquels elle devra prêter des livres en espérant qu’ils les rendront à temps et en bon état, elle frissonnait d’anticipation, dans une crispation d‘appréhension.
Mais au moment même où Dumbledore lui fit cette offre, elle sût qu’elle ne pourrait refuser. Parce que dès que cet homme ouvrait la bouche, on ne pouvait qu’avoir une totale confiance en ce qu’il disait; donc elle était malgré tout persuadée que c’était la meilleure chose à faire. Que c’était en quelque sorte son destin.
Et si, par la même occasion, elle pouvait rester aux côtés de cet homme, qu’elle connaissait pourtant à peine, alors tant mieux.
Ainsi, elle accepta de devenir la nouvelle bibliothécaire de Poudlard.