Titre: Accident
Auteur: Isil
Personnages: Stellian Romanescu, un peu de Charlie
Rating: PG-13
Disclaimer: L'étoile de mer m'appartient, ainsi que sa famille, Charlie est à Rowling.
Notes: Pour
guru_messakira, thème : Première fois ! J'aurais fait plus joyeux et de meilleure qualité, mais ya que ça qui a poppé v__v Et un crossover avec
nick_and_co XD
La première fois que Stellian fut confronté avec la mort, il avait 8 ans. Les genoux écorchés et les mains perpétuellement sales, il arpentait les chemins terreux de la Réserve de Mir comme s'ils étaient son royaume personnel. C'était peut-être un peu le cas, car son père, Ilie Romanescu, dirigeait la Réserve, peut-être pas sur le papier, mais en tout cas dans les faits. Il emmenait régulièrement son fils avec lui quand il inspectait tel ou tel endroit, et Stellian avait rapidement pris possession de son domaine.
Il avait échappé à la surveillance de sa mère, profitant de l'arrivée de trois blessés dans l'infirmerie. Il s'ennuyait ferme, assis sur un fauteuil trop dur dans un coin de la pièce, aussi. C'était beaucoup plus amusant, pour un enfant de son âge, de passer les après-midi dehors, sur les épaules ou aux côtés de son père. Malheureusement, Ilie était occupé ailleurs, et Daciana, sa femme, n'avait pas une occupation aussi passionnante pour leur fils cadet.
Trottinant sans prudence sur le sentier pourtant dangereux, Stellian ne prêtait pas attention aux cailloux qui roulaient sous ses pieds. Il cherchait son père, bien décidé à lui faire comprendre qu'il avait l'âge de venir s'occuper des dragons avec lui. Si maman avait besoin de compagnie à l'infirmerie, il était sûr que Florin se ferait un plaisir de rester. Stellian pouvait s'endormir rien qu'à les écouter tous les deux parler de telle ou telle plante utile pour fabriquer telle ou telle potion au nom imprononçable. Lui, il était mieux dehors avec son père.
Dans la réserve, tous plaisantaient sur le fait que les Romanescu avaient fait deux enfants à leur image : le plus âgé, Florin, était calme et posé, avec ses grands yeux noisette et son air solennel, tout comme leur mère. Quand à Stellian, son cadet de deux ans, il était beaucoup plus remuant et intrépide, et ses yeux bleus ne s'arrêtaient jamais d'observer le monde autour de lui. Le portrait craché de leur père.
Pourtant, bien qu'ils soient très différents, les deux garçons s'entendaient à merveille. Leurs caractères respectifs se contrebalançaient parfaitement, et même s'ils n'avaient pas à proprement parler une relation fraternelle classique, ils étaient très complices. D'ailleurs, Stellian redoutait l'arrivée de l'automne et le départ de son frère pour l'école. Il savait déjà qu'il lui manquerait.
À l'instant présent, cependant, Stellian espérait ne pas croiser son frère. Ce dernier le forcerait certainement à retourner avec leur mère et il n'avait pas envie. S'il arrivait à trouver son père, peut-être même qu'il pourrait passer du temps avec Charlie, le nouveau. Stellian l'aimait bien : il était toujours souriant, il avait des cheveux rouges comme les flammes des dragons et avec ses larges épaules, il le portait toujours comme un rien.
Il longea un enclos vide, respectant sagement les consignes de son père qui tenaient en quelques mots : jamais dans l'enclos. Même s'il a l'air vide. Il n'avait pas envie de se faire punir et surtout pas envie de se faire rôtir. Les dragons étaient magnifiques, mais ils étaient surtout immenses et dangereux. Et ça, Stellian l'avait compris très tôt.
Il se figea en apercevant des silhouettes et sourit en reconnaissant Florin parmi elles. C'était facile de le repérer: il était le plus petit et se tenait toujours sagement derrière les adultes. Maintenant qu'il l'avait repéré, il allait falloir qu'il l'évite le temps de trouver et de convaincre Illie de le garder avec lui.
« Stellian ! »
Raté... Florin s'était tourné vers lui, et sans doute qu'il prétendrait avoir des pouvoirs magiques de grand-frère pour justifier de l'avoir aperçu de loin. Hésitant à partir en courant, il perdit quelques secondes précieuses qui permirent à son frère de le rattraper.
« Pourquoi tu es pas avec maman ?
- Je m'ennuie. Il est où, papa ?
- Occupé. Tu ne peux pas rester là, ils ont du travail. Allez, retourne à l'infirmerie, le houspilla Florin.
- Mais je m'ennuie ! râla le plus jeune.
- Ca m'est égal. File ! »
Ils se défièrent un instant du regard, puis Stellian soupira et baissa les yeux. Il aurait voulu parler à son père ou à Charlie, mais savait que c'était peine perdue. Florin ne le laisserait pas s'approcher. Il tenta donc une nouvelle tactique.
« Tu viens avec moi ? »
Avec son frère, il s'ennuierait moins. Et puis Florin avait l'air gelé, avec ses lèvres pincées et son bout du nez tout rouge. Stellian, lui, n'avait jamais froid. Ilie disait qu'il avait du sang de dragon dans les veines, pour la plus grande fierté de son fils.
« Non, je dois aller chercher des plantes. Avec tous les nouveaux qui sont arrivés récemment, on manque de potions contre les brûlures, expliqua Florin en désignant la colline escarpée aux pieds de laquelle on trouvait tout un tas de plantes utiles.
- Oh, d'accord... »
Stellian résista à l'envie de bouder. Il n'avait plus 6 ans, alors il fallait qu'il se comporte en homme, mais il aurait bien aimé pouvoir signifier sa déception autrement qu'en tournant les talons et en traînant les pieds. Il entendit son frère rire doucement face à ses fantaisies, mais il ne se retourne pas.
« Ne tombe pas dans la pente, Stel' ! le taquina son frère en s'éloignant à son tour.
- Parle pour toi ! » s'exclama le plus jeune, vexé.
Il s'engagea sur le sentier d'un pas rageur tandis que le rire de son frère s'éteignait avec la distance. Comme si Florin continuait à se moquer de lui, il trébucha plusieurs fois sur les cailloux, ce qui ne manqua pas de lui donner des envies de revanche. Il se hissa en haut de la pente poussé par son idée géniale de mettre du sable dans le lit de son frère.
Une fois en haut, il se tourna pour observer Florin et le sourire sur ses lèvres se figea.
Stellian n'avait jamais vu de télévision de sa vie, pourtant il lui sembla que la scène sous ses yeux se déroulait au ralenti. Il y avait Florin, penché au dessus d'un plant. Et plus haut, il y avait des rochers qui venaient de se décrocher de la paroi. Ils tombaient sans un bruit, semblant même aspirer les sons autour d'eux, y compris la voix de Stellian. Seul un grondement sourd parvenait à ses oreilles, couvrant tout le reste.
Il ferma les yeux.
Puis les rouvrit et se mit à courir.
Il se rendit compte au bout de quelques secondes de course que sa voix n'était toujours pas revenue. L'air lui brûlait la gorge alors qu'il essayait de hurler, mais en vain. Sa course paniquée manqua de le précipiter cent fois la tête la première dans les rochers, mais il arriva miraculeusement en bas sur ses pieds. Sans vraiment les voir, il aperçut des hommes courir dans la même direction que lui, mais il était plus proche et arriva le premier.
Du sang sur des rochers.
Pendant des mois, Stellian ne vit plus que cela en fermant les yeux. Du sang sur des rochers et au milieu de ça...
Il se mit à reculer, pas à pas, sans quitter des yeux le corps de son frère. Il aurait pu reculer jusqu'au bout du monde si on l'avait laissé, mais il percuta soudain quelque chose. Quelqu'un. On le prit à bras le corps et il eut le temps d'apercevoir des cheveux roux avant que Charlie ne lui prenne l'arrière de la nuque pour maintenir son visage dans le creux de son épaule.
Il entendit quelqu'un hurler le prénom de son frère mais ce n'est qu'en entendant les autres l'appeler qu'il reconnut la voix de son père. Il ferma les yeux et s'aperçut qu'il pleurait. Les bras de Charlie se refermèrent encore plus contre lui, et une litanie de mots confus se déversa à son oreille, dans un mélange étrangement apaisant de roumain et d'anglais.
Ilie pleurait, lui aussi et plus loin, Stellian entendait les hurlements déchirants de sa mère. Ses sanglots s'intensifièrent jusqu'à l'étouffer. Charlie se mit à reculer à pas lents. Il ferma les yeux et souhaita qu'il n'arrête jamais de marcher, allant toujours plus loin des cris de ses parents et du sang de son frère.
Il fallut six mois à Stellian pour recommencer à parler.
FIN.