Titre : Extrinsèque
Auteur :
clair_de_lunePersonnages : Lincoln, Michael, Sara
Public : Tout public
Mots : ~ 940
Disclaimer : Ils ne sont pas à moi. Je les emprunte un instant et les rends dans quelques lignes.
Notes : Il s’agit d’un petit contrepoint pour
Joli et on va dire que ça peut se dérouler à un moment indéterminé de la saison 2. Challenge n°0 pour
french_fanfics,
table 1, prompt #022 Autre
Ce n’est pas le genre de Lincoln. Larmoyer. Chouiner. Couiner. Sangloter - et ils n’en sont pas encore là mais il n’empêche que c’est en bonne voie.
Pleurer.
En public.
Pour autant qu’ils le considèrent comme du "public" bien sûr. Michael est son frère. Sara est... Sara est... il ne sait pas ce qu’est Sara, au fait. Pas (encore ?) la nana de Michael mais presque. Outre le fait qu’elle est quelqu’un qui a fichu en l’air une partie, voire la majeure partie de son existence pour lui - enfin, pour Michael, pour lui - et sans doute rien que pour ça, il ne devrait rien trouver à redire à ce qui est en train de se passer. Ce n’est pas comme s’ils n’avaient pas le droit de le forcer à assister à ça.
Ils n’ont vraiment pas le droit de le forcer à assister à ça.
S’ils étaient en train de... faire autre chose, et il ne souhaite vraiment pas s’attarder sur les détails, il pourrait comprendre (ô combien), et il saurait quoi faire. Aller faire un tour, voire s’il était d’humeur généreuse prendre une autre chambre. Si possible non mitoyenne [1]. Mais ils n’ont même pas la correction de faire un truc assez normal et indécent pour qu’il puisse sortir de là en toute bonne conscience. Il reste parce qu’il ne sait pas quoi faire mais s’inquiète vaguement. Présent, embarrassé et inutile.
Lincoln ne sait pas au juste pourquoi Sara pleure (encore qu’il peut s’en faire une idée) et quand il lui pose la question, elle lui répond qu’elle n’en sait rien. Et il suppose que Michael pleure de voir Sara pleurer. Une sorte de phénomène de mimétisme. Michael est doué pour le mimétisme : quand son frère est envoyé en taule, il l’imite ; quand sa presque petite amie pleure, il l’imite.
Michael pleure comme une image : en silence, sans secousse, sans trace.
Sara pleure comme un être humain : il y a du bruit, des reniflements, des trucs qui coulent.
Ils sont assis sur un des lits de la chambre de motel, face à face, une jambe repliée sous eux en une position ridiculement similaire, et ils se regardent. Les mains de Sara sont serrées sur ses genoux, les mains de Michael sont sur celles de Sara, sur ses joues, parfois dans ses cheveux, s’efforçant de calmer et tranquilliser. Ca ne marche pas. Pas du tout. Lincoln dirait même que ça provoque l’effet inverse, mais Michael ne semble absolument pas s’en rendre compte, et il continue. Parce que s’il y a une qualité qu’il faut reconnaître à Mike, c’est la persistance. Ce qui n’est pas une mauvaise chose, doit-il avouer.
Lincoln est à peu près sûr qu’ils ne voient rien d’autre de ce qui se passe dans la chambre. Il pourrait se coucher et s’endormir près d’eux ou faire les pieds au mur que ça ne changerait rien. Il se sent exclu, étranger, encombrant, indiscret, envahissant, autre, inopportun, extérieur, intrus... et il pourrait poursuivre la liste de synonymes encore et encore. Il reste planté au milieu de la pièce, les mains enfoncées dans les poches de son jean, et bascule doucement d’avant en arrière sur lui-même sans trop savoir où regarder.
Il se sent stupidement bien : pour la première fois depuis trois ans, et plus encore pour la première fois depuis deux mois, Michael se concentre sur autre chose que le Plan, sur quelqu’un d’autre que lui. Lincoln est soulagé, libéré, déchargé de tout un tas de responsabilités, sans mentionner heureux pour Michael - d’une certaine façon.
Si Sara et lui pouvaient juste arrêter de lui imposer ça...
Il cesse de se balancer avec embarras d’une jambe sur l’autre et part en direction de la salle de bains. Michael est peut-être là pour gérer l’aspect émotionnel du problème, mais les trucs qui coulent continuent de couler, ce n’est pas beau à voir, et ce ne sont pas des murmures apaisants et des caresses dans les cheveux qui vont arranger la situation. Il ne trouve rien d’autre que le rouleau de papier toilette, et Michael lui lance ce coup d’oeil, comme s’il venait de briser la perfection du moment, mais Sara, nettement plus pragmatique (ou désespérée) s’en empare sans manière.
Sara se mouche comme un être humain et lui adresse un regard reconnaissant. Lincoln envisage un instant de venir s’asseoir près d’eux et de faire... quelque chose, mais c’est pile le moment où Sara essaye de reprendre sa respiration, et il y a un son sifflant et absurde qui sort de son nez, et...
C’est, sans jeu de mot douteux, la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
« Hum, bon, vous savez quoi ? Je vais aller vous acheter... » Il s’interrompt brusquement. Il n’est pas tout à fait sûr qu’ils l’entendent mais il redoute pendant une fraction de seconde que dire qu’il va leur acheter des mouchoirs les conforte dans leurs démonstrations lacrymales. « ... non, je veux dire, je vais aller acheter des Kleenex. » Pas de réaction. « Michael ? OK ? Je peux vous laisser ? »
Michael lui dit quelque chose à propos de la nécessité de se montrer prudent (et Lincoln est bien d’accord, se faire arrêter par les flics alors qu’il est en train d’acheter des Kleenex serait pour le moins absurde) mais il est déjà en train d’attraper le portefeuille, un peu d’argent et de filer vers la porte.
Il sort sur le couloir extérieur du motel, ferme la porte derrière lui et s’y adosse.
Il se demande s’ils vont lui imposer ça longtemps et si, malgré tout, il ne devrait pas prendre une autre chambre.
-FIN-
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1 . Parce qu’en plus,
anna-tarawiel a déjà couvert cette éventualité.
D’une certaine façon *grin*