Titre : Résolution
Auteur :
shono_himeFandom : Thorgal
Personnages/Couple : Kriss de Valnor, one-sided Kriss/Thorgal
Rating : Disons R
Disclaimer : Rien n'est à moi et tout est à Van Hamme et Rosinski !
Note : Ecrit pour ??? sur
obscur_echange !
Avertissement : Références à un viol, alors attention !
La première fois qu'elle le vit tirer, elle se rendit compte de qui il pouvait être pour elle.
Il lui était d'abord paru insignifiant. Un grand brun caché derrière des cheveux hirsutes, un murmure ironique et des yeux clairs. Une main bandée. Un "estropié en noir". Rien de plus.
Rien de plus.
Quelle folle, elle avait été !
Car ce Thorgal, un arc à la main, lui était plus inaccessible que la lune elle-même, qu'elle rêvait tant de dérober au ciel.
Il était beau.
Oh, elle pouvait en avoir des centaines, des hommes séduisants qui ramperaient à ses pieds. Elle était Kriss de Valnor. Elle pouvait avoir qui elle voulait.
Qui elle voulait.
À part lui.
Quand il la regardait, elle savait qu'il ne la voyait pas. Elle dont les charmes n'étaient plus à prouver, elle dont les lèvres envoûtaient et empoisonnaient, elle dont le corps n'était qu'un leurre, dissimulant le danger derrière la douceur de ses courbes.
Sigwald avait vite compris. Avant elle. Avant qu'elle le voie tirer et qu'elle comprenne.
Alors même que Thorgal souriait après que Tjall l'ait humiliée par son talent à l'arc, et qu'elle y répondait en tournant les talons, une capitulation indigne d'elle, il la regardait avec l'air de celui qui comprenait plus que son apparence rude ne pouvait le laisser penser. Mais il n'avait rien dit. Sigwald-le-Brûlé avait de nombreuses qualités : son arc, sa massue et son silence. Il était le partenaire parfait pour quelqu'un comme elle. Alors pourquoi dès cette nuit-là, alors qu'elle fermait les yeux, imaginait-elle le mystérieux archer à ses côtés ?
Au matin, son coeur brûlait de rage. De haine. De désir. Kriss était habituée à ce qu'on la désire, pas le contraire. Ce viking n'avait pas le droit de lui faire ressentir cela. Il l'humiliait encore, alors même qu'il n'était pas là, et ce pouvoir qu'il semblait avoir sur elle le rendait encore plus détestable.
Le voyage vers le tournoi d'Umbria promettait d'être long, si elle le passait à penser à cet homme.
Troublée, elle l'était. Aveuglée par ce trouble, même, et cela fut leur perte.
Sa perte.
Il suffit d'une attaque presque anodine par des pillards attirés par l'éclat tentateur de la Pierre de Lune. Les brigands s'emparèrent d'elle si facilement qu'elle en eut honte.
Mais la haine dominait tandis qu'ils abusaient d'elle, de ce corps qui faisait sa fierté et qui la condamnait à être la victime de leur violence si masculine. Elle voulait les tuer, tous autant qu'ils étaient, mâles dégoûtants et vicieux si imbus de leur supériorité qu'ils la lui imposaient à grands coups de reins. Elle fermait les yeux sous leurs assauts, fermait son cœur à la peur et à la douleur pour ne laisser que la haine ressortir. Ce sentiment brûlant la réchauffa quand ils la laissèrent seule, à moitié nue, attachée comme une chienne.
Elle n'avait pas poussé pas un seul cri. C'était hors de question. Elle n'avait pas pleuré, non plus. Elle gardait au fond d'elle la certitude que Sigwald n'était pas loin, et qu'il allait venir. S'il ne venait pas, elle le retrouverait et elle le tuerait. Et elle tuerait Thorgal, aussi, bien sûr, pour avoir été à l'origine de sa torture. Elle le tuerait lentement, en le faisant la regarde pour qu'il n'oublie pas que c'était à elle qu'il devait la douleur et la mort. Et la peur qu'elle lirait dans ses yeux serait si douce... Car elle le haïssait, évidemment. Si son image s'imposait derrière ses paupières mi-closes, n'osant pas les fermer de peur de voir un de ces animaux revenir se soulager en elle, c'était parce qu'il était détestable, rien de plus.
Rien de plus
Pourquoi, alors, après que Sigwald, accompagné de cette tête de linotte de Tjall, de son oncle et de ce maudit Thorgal, l'eut sauvée et qu'elle eut étanché, bien que partiellement, sa soif de sang et de vengeance, ressentait-elle toujours au fond d'elle comme un brasier en regardant ce dernier ? Pourquoi brûlait-elle toujours de haine -de haine ?- pour lui ?
Et puis elle le vit tirer, et c'était comme toucher le soleil et s'embraser. Ses yeux clairs intenses, ses muscles saillants et ses mains étrangement gracieuses pour un guerrier... Son talent, aussi, bien sûr.
En elle, le brasier se fit volcan.
Le tournoi passa trop vite. Elle se délecta de savoir son partenaire au bout de sa flèche, appréciant comme le plus doux des nectars cette fraction de seconde où il était à sa merci, où il lui suffirait d'un geste pour se débarrasser enfin de lui. Mais l'excitation de le savoir si doué et à ses côtés, le futur qu'ils pouvaient avoir tous les deux, tout ça ramenait invariablement ses yeux sur la minuscule cible qu'il portait accrochée sur le ventre. Sa haine se calmait, adoucie par cet espoir qui naissait en elle.
Et puis Thorgal baissa son arc et brisa ses espérances. C'était un pleutre, un ignoble lâche, rien de plus, qui étalait un talent presque divin avant de s'écraser au sol, comme un insecte. Jamais il ne serait pour elle ce qu'elle avait entrevu. La haine revint, décuplée.
Pourtant, elle resta lucide. Elle comprit la soif qu'il évoquait chez elle : désir, haine, envie et fascination mélangés. Elle comprit également qu'elle pourrait fuir, tuer et trouver des amants, elle n'en serait jamais libre.
Jamais.
C'est ainsi que Kriss de Valnor se fit cette promesse : elle n'aurait de cesse de faire de la vie de Thorgal un enfer. Il pourrait chercher à lutter ou il pourrait capituler. Et quand il serait à genoux devant elle, la suppliant de l'aimer, elle aurait gagné.
Alors, elle le tuerait.
FIN