[one-shot] Inception - Comme du sable entre les doigts (2/2)

Apr 10, 2011 19:07

Titre : Comme du sable entre les doigts
Auteur : shono_hime
Fandom : Inception
Personnages : Cobb, Arthur, Mal et des OC
Rating : PG
Disclaimer : Tout est à Nolan et consorts.
Prompt : Inception, Dom/Mal, une suite de ça : http://community.livejournal.com/6variations/87343.html
Sur la première fois que Mal a vraiment conspiré pour faire échouer une mission de Dom. Un degré plus amère et plus cruelle que dans ta fic, donc, quoique pas tout à fait autant que dans le film peut-être, et lui qui se demande, qui lui demande, pourquoi elle fait ça...
Note : Écrit pour flo_nelja pour creerpouraider. Suite de la fic susmentionnée, crossover léger avec Brick, mais pas nécessaire pour comprendre la fic. Un gros merci à Flo pour m'avoir inspirée à ce point, ça faisait longtemps que j'avais pas autant écrit !!! Et un autre gros merci à benebu pour sa beta très précieuse !!

La fic est en deux parties parce que LJ trouve le post trop long !

Dom passe le jour qui suit le nez dans des plans de yachts fournis par Arthur. Ce dernier achève également de compiler un dossier sur la cible, et plus les informations s’accumulent, plus Dom est certain de pouvoir jouer sur la paranoïa de Zhou pour obtenir ce qu’ils cherchent. Tan leur donne quelques notions de chinois et participe avec efficacité et discrétion aux séances de mise en place du yacht. Ensemble, ils parcourent les coursives du navire jusqu’à en connaître les moindres recoins.

« J’ai rajouté un raccourci entre le restaurant et le couloir menant aux quartiers des officiers en passant par la piscine intérieure, leur explique-t-il.
- C’est dangereux. Les projections de Zhou pourraient nous couper le chemin.
- Le passage est dissimulé. Regarde. »

Il leur montre une des vitres sans tain, qui bordent la piscine intérieure. Il la fait pivoter pour s’ouvrir sur les couloirs réservés au personnel du yacht.

« Le coffre-fort sera situé dans une pièce du quartier des officiers. En passant par ici, on pourra y accéder plus facilement. Avoue qu’un passage entre la piscine et cette partie-là du navire n’est pas forcément évident. »

Arthur hoche lentement la tête, et Dom sait qu’il est en train de calculer comment rendre ce passage le plus inaccessible possible, tandis qu’ils visitent le casino.

Ils n’ont pas reparlé de l’incident. Depuis, c’est toujours Tan qui leur sert de cible, et Dom n’est pas sûr de savoir s’il préfère le subconscient sombre et banalement agressif du chinois à la roulette russe que représente celui de son partenaire. Pourtant, malgré cette apparente réconciliation, Dom ne peut pas repousser entièrement l’envie qui le submerge parfois de regarder Arthur du coin de l’œil. Et les appels qu’il reçoit ou qu’il passe assez régulièrement ne font rien pour calmer ses inquiétudes.

Il essaie de rationaliser en se disant qu’Arthur est peut-être déjà en train de leur arranger une affaire pour quand ils en auront fini ici, mais il n’y croit pas vraiment. Surtout quand son organisateur s’excuse invariablement et va prendre la conversation à l’abri des oreilles indiscrètes... en particulier de celles de Dom. Et quand ce dernier lui fait une réflexion à ce sujet, Arthur détourne les yeux avec un murmure vague, prétextant une affaire personnelle urgente. Les mots sonnent faux à ses oreilles, et le comportement fuyant d'Arthur l'inquiète de plus en plus.

Les non-dits entre eux s'accumulent, mais ils continuent à travailler. Sans doute, dans le cas de Dom, parce que le travail est bien la seule chose qu'il lui reste, après la perte de sa famille et le doute en voyant son dernier allié se détourner de lui.

Alors qu'ils examinent les tables de poker, où quelques projections richement vêtues sont en train de jouer, Dom est bousculé par une femme au parfum discret. Plutôt petite et rousse, elle est vêtue d’une robe blanche qui caresse joliment ses courbes, et plus d'un homme se retourne sur son passage.

« Dommage qu'Eames ne soit pas là, remarque Arthur en jetant un bref coup d'œil à la projection. Ça lui ferait un nouveau modèle à exploiter. Il ne me semble pas qu'il ait de rousse dans son répertoire. »

Dom a un petit rire silencieux, mais le cœur n'y est pas vraiment. Dans la seconde avant qu'il ne se retourne, alors que seul le parfum trahissait la présence de la projection, il a cru qu'il s'agissait de Mal. Le bruissement de la robe, le bruit des talons… l'erreur était presque possible, mais il se sent nauséeux à l'idée d’avoir pu confondre Mal avec une autre. Surtout avec une vulgaire projection sans âme.

Mais depuis qu’il est à Hong Kong, Mal ne vient plus hanter ses rêves. Il sait qu’il devrait s’en réjouir, mais elle lui manque tant qu’il voudrait ne faire que rêver, explorer les moindres recoins des mondes oniriques qu’ils créent dans le seul but de savoir où elle se cache. Dès que ses yeux se ferment, bercé par le bruit familier du PASIV, il prie avec une dévotion coupable pour qu’elle soit là, à l’attendre, le visage baigné par le soleil de l’île où le yacht est amarré. Mal aimait le soleil et la chaleur, et ils le lui rendaient bien, redessinant ses traits aux couleurs de l’été, comme pendant leur lune de miel. Autrefois. Avant qu’ils ne se réveillent sous le soleil couchant d’un rêve presque infini et que le crépuscule ne s’empare de leur vie.

La femme à la robe blanche s’est éloignée sans lui accorder un autre regard. Dom baisse les yeux. Il manque d’air, soudain, et le regard interrogateur d’Arthur lui donne encore plus envie de sortir. Avec un marmonnement machinal, il se dirige vers les portes et quitte rapidement le casino. Le pont du bateau est baigné de soleil, mais une brise légère rend la chaleur supportable. Il regarde autour de lui sans y croire, mais Mal n’est nulle part.

Le bois du bastingage est chaud sous ses doigts. Dom s’y accroche avec un désespoir qui lui donne envie de briser ce rêve, tout ce qu’il a patiemment construit, parce que rien n’est beau sans elle. Pendant une seconde, il se voit déchirer le rêve. Puis la voix d’Arthur retentit derrière lui.

« Ce n’est pas toi qui a décrété qu’on ne devait pas se balader seuls ? »

Les yeux fermés, Dom écoute les pas de son ami sur le pont. Arthur est quelques pas derrière lui, comme pour lui laisser de l’espace.

« Ça va comme tu veux ?
- Oui, oui, répond-il, agacé. Je ne suis pas une bombe à retardement sur le point d’exploser, Arthur !
- Il nous reste quelques minutes de rêve. On devrait peut-être faire une pause.
- Non, tout va bien, je te dis.
- Ce n’est pas juste toi, d’accord ? On a tous les trois besoin d’un petit break. »

Arthur a raison, bien sûr. Dom le sait. Il faut qu’ils fassent une pause. Pas tant à cause de la fatigue, parce qu’ils passent essentiellement leurs journées à dormir, mais passer trop de temps dans un rêve augmente les risques de perdre de vue la réalité. Il l’a appris de la pire des façons. Il soupire.

« D’accord. On a bien avancé, on arrête pour la nuit, finit-il par dire en consultant sa montre. Il nous reste deux minutes. »

L’organisateur vient s’accouder au bastingage à côté de lui. Il ne porte ni cravate ni veste, juste une chemise légère, et c’est presque étrange de le voir aussi détendu. Combien de temps s’est écoulé depuis la dernière fois où ils ont pris un verre tous les deux, sans parler travail et sans que l’ombre de Mal ne s’installe entre eux ? Dom a perdu le compte, mais il a l’impression que cela fait des années. Un instant, il a envie d’inviter Arthur à rester boire un whisky avec lui, mais il n’ose pas. Et puis, que se diraient-ils ? De quoi parler, quand l’un n’a plus de vie et que l’autre dissimule jalousement tout ce qui concerne la sienne ? Non... Dom veut juste un instant de répit. Un peu de temps pour lui pour prétendre que tout va bien. Il sait ce qu’il lui faut, et ce n’est pas du whisky. Les aiguilles de sa montre se rapprochent inexorablement de la fin du rêve.

« Arthur ? Quand on aura bouclé pour la journée, laisse le PASIV dans ma chambre. J’ai besoin de faire quelques réglages et quelques essais dessus. »

Arthur le dévisage pendant de longues secondes, les dernières. Puis alors qu’il commence à hocher la tête, Dom ouvre les yeux.

Il se redresse du lit et range sa perfusion, aussi tranquillement que possible.

« On arrête pour aujourd’hui, lance-t-il à Tan. Prenez une douche et détendez-vous un peu. Vous ne devez pas avoir l’habitude de passer autant de temps dans un rêve, si ?
- Non, c’est vrai, admet Tan, étrangement affable. Merci, Monsieur Cobb. »

Le chinois les salue tous les deux d’un signe de tête, puis il quitte silencieusement la pièce. Arthur finit de ranger, lentement, sans regarder Dom. Il semble vouloir rester, et l’extracteur sait bien pourquoi. Mais là où il compte aller, ce qu’il compte faire, il doit le faire tout seul. Au fond de lui, le doute qu’il ressent à l’égard d’Arthur se mêle à l’affection qu’il a pour lui et il se refuse à le mêler à ça.

Heureusement pour lui, la sonnerie du téléphone, providentielle cette fois, retentit. Arthur le sort de sa poche et soupire, comme s’il savait avoir perdu la partie.

« Bonne nuit, Arthur. »

L’organisateur lui fait un sourire trop bref, son sourire-mensonge, comme disait Mal. Un sourire où ses yeux et son front restent plissés par le souci. Ces derniers temps, Dom n’a plus droit qu’à ça, mais il ne jettera pas la pierre à Arthur. Ce n’est pas comme si lui-même souriait souvent sincèrement.

La porte se referme doucement et Dom pousse un profond soupir. Debout au milieu de sa chambre désormais vide, il se surprend à apprécier et à détester en même temps être seul avec ses pensées. La pluie s’est calmée sur Hong Kong, et il n’y a même plus le battement familier sur la vitre pour troubler le silence.

Il vient lentement s’asseoir face à la mallette et il sort sa toupie de sa poche. Un petit bruit musical résonne quand elle touche la table, un léger tintement qui se poursuit tandis qu’elle tourne... avant de retomber. Dom la caresse du bout d’un doigt, puis il tire une perfusion de la mallette et se branche. Le sommeil tombe, implacable.

Il ne sait pas vraiment ce qu’il avait en tête, à part de vouloir retrouver Mal, une Mal vivante, douce, pas cette incarnation de la colère qu’elle semble devenue. Il se laisse juste guider par son instinct. Quand il ouvre les yeux, il est sur une plage. Une plage qu’il reconnaît bien.

Des rires d’enfant attirent son attention et son cœur se serre jusqu’à lui faire presque physiquement mal. Assise dans le sable, penchée sur Philippa et James, Mal ne semble pas le voir. Il se torture à regarder sa famille jouer, à apercevoir du coin de l’œil leur maison, plus haut. À se remémorer cette journée radieuse où, à cause d’un rendez-vous, il est arrivé tard, alors qu’il avait promis un pique-nique en famille sur la plage. Mal ne l’avait pas regardé de l’après-midi.

Dom est comme frappé par l’évidence qu’il s’agit réellement d’un souvenir. Un souvenir qui le torture aujourd’hui, comme une personnification de ce temps perdu, de sa famille qui a glissé entre ses doigts comme du sable trop fin. Dire qu’il aurait pu être là, avec eux ! Il lui suffirait d’un pas en avant pour aller les rejoindre, mais il n’arrive pas à bouger. Quelque part, il a l’impression de ne pas faire partie de la scène, d’être condamné à rester là, un peu à l’écart, comme punition d’être arrivé trop tard, ce jour là.

Alors, il s’accroupit, pose ses mains dans le sable comme le fait James. Et il regarde devant lui l’image douce-amère de sa famille telle qu’elle était.

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Quatre jours de préparatifs plus tard, Dom estime qu’ils sont au point. Ils connaissent tous les trois le dédale du yacht, Dom a une idée très précise de comment il va extraire les informations et Arthur a sur son carnet au moins trois plans de secours qu’il ne sortira que si le besoin s’en fait sentir.

« Il ne nous manque plus que Zhou, annonce-t-il à Arthur un matin. Je pense qu’on peut prévenir Lao pour qu’il fasse le nécessaire. »

Arthur semble hésiter, son regard errant sans but dans la pièce. Quand il se pose sur la mallette, Dom réprime une irritation mâtinée de culpabilité. Toutes les nuits, depuis qu’il a demandé à Arthur de laisser le PASIV dans sa chambre, il a soigneusement, minutieusement et tendrement reproduit la plage, jusque dans les moindres détails. Mais Mal ne l’y regarde toujours pas, alors il a repensé à ce calme matin en Italie, près de la fenêtre de la maison qu’ils louaient. Mal était en bleu. Elle était magnifique. Elle l’aimait et elle le lui répète chaque nuit, depuis. Le monte-charge qu’il a imaginé pour passer d’un souvenir à l’autre a d’autres boutons qui mènent de plus en plus bas. Chaque nuit, la tentation d’y descendre se fait toujours plus grande. Il y résiste uniquement parce qu’il a peur de ce qu’il va trouver.

C’est certainement cette tension qu’Arthur perçoit chez lui qui le rend méfiant. Mais il ne peut pas comprendre. Tant qu’il peut voir Mal dans ces souvenirs qu’il se recrée, elle ne risque pas d’apparaître dans ses autres rêves, il en est sûr. Son envie de la voir ne risque pas de mettre en danger leur travail, de faire du mal à Arthur lui-même, comme ce jour-là en Norvège.

« D’accord, finit par concéder l’organisateur. Je vais prévenir Tan.
- Arthur, l’interpelle-t-il soudain. Tu crois qu’on peut lui faire confiance ?
- C’est un peu tard pour ça, non ? »

Dom lui jette un regard appuyé.

« On n’a pas vraiment le choix, concède son partenaire. Mais ne t’inquiète pas. J’assure tes arrières. »

Il a ce sourire torve qui lui ressemble déjà plus, puis il quitte la pièce pour aller parler à Tan. Dom repousse avec insistance la petite voix qui lui demande qui le protègera d’Arthur, si les choses devaient mal tourner. Il n’a pas le temps pour ça.

Les évènements s’enchaînent rapidement. Sitôt que Tan a été prévenu, il a quitté l’hôtel pour aller parler à son patron. Arthur et Dom, restés seuls, se sont regardés en chiens de faïence une seconde, puis l’organisateur s’est levé d’un geste décidé, et il est sorti, son téléphone à la main. Dom s’est laissé aller à la pensée perturbante qu’il aurait presque aimé que les fenêtres s’ouvrent pour y jeter ce satané portable. Puis il a bu un grand verre d’eau pour chasser la nausée, tout en regardant la toupie tourner.

Dans la voiture qui les mène jusqu’à leur cible, Dom reste le regard résolument tourné vers la fenêtre. Il se dit que Mal aurait aimé Hong Kong, avec ses gratte-ciel immenses et ses petites rues encombrées. Il est désagréablement nerveux à l’idée de l’extraction à venir.

« Au moins, on aura pas à gérer les gardes du corps de Zhou pour parvenir jusqu’à lui, déclare soudain Arthur, et cette intervention maladroite ne lui ressemble pas.
- Je ne sais pas si je préfère le voir nous être offert pieds et poings liés, rétorque Dom avec acidité. Tuer des gens, ça va dans les rêves, Arthur, mais on sait très bien ce qui arrivera à ce type si on trouve les informations qu’ils veulent. Je suis censé extraire de son esprit quelque chose qui ressemble de très près à une arme sur sa tempe.
- Je sais... »

Pourtant, c’est lui qui les a menés ici. Arthur soupire et se frotte les yeux, l’air usé. Puis poussé par ses réflexes militaires, que Dom déteste autant qu’il les remercie régulièrement, il se redresse et le regarde droit dans les yeux.

« Je n’aime pas beaucoup cette situation non plus, tu sais. Mais si on ne le fait pas, ce sont des dizaines de morts qu’on aura sur la conscience. Que ce soient des consommateurs qui auront acheté la drogue contaminée, ou des membres de gangs, quand la situation aura dégénéré.
- Je sais tout ça, Arthur. Mais si c’est le seul argument que tu as pour m’avoir fait venir ici, tu...
- Quoi, j’ai besoin d’arguments, maintenant ? le coupe-t-il. Tu m’as demandé de nous trouver du boulot, Cobb. Je nous ai trouvé du boulot qui paye bien, et où on est sûrs que tu n’auras pas à t’inquiéter des autorités. On a pas les moyens de faire la fine bouche ! »

Dom serre les dents. Il sait qu’Arthur a raison. Il garde aussi une impression étrange de l’entendre dire “on”, mélange confus de gratitude et d’incompréhension. Mais il ne faut pas qu’ils se disputent maintenant. Mettre en danger la mission ne l’emballe pas plus que de la réussir. Il retombe dans son siège avec un soupir, et Arthur détourne les yeux, l’air mal à l’aise.

« Parfois, j’oublie à quel point tu es pragmatique, » finit-il par murmurer en guise d’excuses.

Sa voix s’est teintée de l’affection triste qui l’assaille quand il se laisse aller. Il la ravale difficilement, et la vue furtive des fossettes d’Arthur quand celui-ci lui sourit, alors que la voiture ralentit, ne l’aide pas à retrouver sa sérénité. Si tant est qu’elle existe encore.

Un homme de main de Lao les attend, un parapluie à la main, pour les conduire dans un petit bâtiment étroit, coincé entre deux autres immeubles plus imposants. Une volée d’escaliers métalliques, un couloir étroit, et les voici dans une pièce qui tient plus de la morgue qu’autre chose. Même Arthur, pourtant impassible d’ordinaire, ne peut retenir un pincement de lèvres. Les murs sont blancs, l’éclairage agressif, et le sol carrelé est immaculé. Une table métallique trône au centre, leur cible déjà endormie, prête pour l’extraction. Trois fauteuils sont installés à côté d’une autre table. Tan est en train de contrôler la perfusion du dormeur quand ils entrent, et il les salue de la tête.

Après cette seconde de malaise, Dom fait un pas en avant. Arthur l’imite et le charme est rompu. L’organisateur installe la mallette sur la table, l’ouvre et procède aux derniers réglages pendant que Dom s’approche de Tan, regardant la perfusion d’un air interrogateur.

« Sédatif léger, pour le tenir jusqu’à votre arrivée. Il ne devrait pas avoir d’interaction indésirable avec le Somnacin, le rassure le chinois.
- Tant mieux. Il ne manquerait plus qu’il se mette à délirer là-dedans.
- Cobb ? l’interpelle Arthur.
- On peut y aller. »

L’organisateur hoche la tête et finit de régler la machine avant de tirer trois lignes de perfusion. Ils s’installent dans les fauteuils quand Lao pénètre dans la pièce. En homme intelligent, il ne s’embarrasse pas de grands discours. Après un regard pour chacun, il leur lance :

« Bonne chance, messieurs. »

En guise de réponse, Arthur appuie sur le bouton d’injection du Somnacin. Dom a juste le temps de poser sa main sur sa poche, où repose la toupie, avant de sombrer dans le sommeil.

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Le restaurant du yacht est bondé. Ça ne présage rien de bon, si la situation venait à dégénérer. Dom affiche pourtant un air dégagé en progressant parmi les projections. Il leur a fallu quelques minutes pour se retrouver, et ils sont maintenant à la recherche de Zhou. Dom ouvre la marche, imposant dans son costume luxueux imaginé pour se donner l’apparence d’un opulent commerçant. Arthur joue son rôle d’assistant personnel à merveille, ses vêtements plus discrets et le petit carnet qu’il porte à la main complétant son uniforme. Quand à Tan, il porte des vêtements d’inspiration chinoise qui ne déparent pas parmi les projections.

Dom sait où sera Zhou. Ils ont fait ce qu’il faut pour que ses pas le conduisent vers le bar-lounge, où l’attendent certainement ses alcools préférés et quelques jeunes femmes à son goût. Ses goûts de luxe le rendent fort heureusement plutôt prévisible.

Et en effet, quand ils arrivent sur place, leur cible est en pleine conversation avec une demoiselle à l’air intéressé. Dom retient un sourire. L’ironie de voir quelqu’un compter fleurette à son propre subconscient ne cessera jamais de l’amuser. Le narcissisme inconscient à l’état pur, disait Mal en souriant. L’épaule d’Arthur effleure la sienne, et Dom inspire profondément, avant de faire un dernier pas décisif.

« Monsieur Zhou ? Je suis Donald Walters, associé chez Walters & Stone, se présente-t-il en tendant une main confiante au chinois. Comment trouvez-vous notre yacht ? Est-il à votre goût ? »

Le subconscient de Zhou fait le reste. Il assimile les informations que Dom lui glisse pour se forger sa propre réalité, et en une fraction de seconde, il hoche la tête. La jeune femme qui l’accompagne se lève gracieusement pour les laisser.

« Enchanté, Monsieur Walters. Je dois avouer que je suis pour le moment plutôt... sous le charme, le salue Zhou dans un anglais aisé avec un dernier regard vers la femme. Est-ce à vous que je dois cette invitation à bord ?
- En effet. Madame Fredericksen m’a beaucoup parlé de vous, lorsque nous nous sommes vus au salon de New York. »

La mention du nom d’une des maîtresses de Zhou, qui partage son goût pour les beaux bateaux, achève de détendre le chinois et il sourit en hochant la tête, un sourire qui le rajeunit étrangement.

« Il faudra que je pense à lui faire livrer des fleurs, dans ce cas, réplique-t-il en les invitant à s’asseoir. Joignez-vous à moi. Je voudrais vérifier si votre barman est aussi doué que le prétend mademoiselle.
- J’ai cru comprendre que vous aviez un intérêt certain pour le nautisme, je ne me trompe pas ? »

Dom s’installe, s’efforçant d’exprimer de la curiosité polie mais purement commerciale. Arthur s’installe à ses côtés tandis que Tan reste debout derrière eux. Zhou ne leur adresse à tous les deux qu’un regard de principe. Il semble visiblement préférer traiter directement avec les patrons.

- Vous êtes bien informé, fait remarquer Zhou avec un sourire presque amical. Enfin, ce n’est pas un secret, j’imagine. »

Le barman approche et les sert avec une efficacité discrète. Arthur regarde autour de lui et Dom en fait de même tandis que Zhou sirote son martini. Les projections sont calmes et l’atmosphère est chaleureuse. Même s’il a depuis longtemps appris à ne pas juger intégralement une personne par ce qu’il peut voir de son subconscient, il ne peut chasser une impression de malaise. L’ambiance qui se dégage ne colle pas avec celle qu’il avait imaginée pour un mafieux. Il trinque et échange quelques banalités avec leur cible, afin de le mettre à l’aise et de l’amener à visiter le bateau avec eux.

Cela n’a rien de bien difficile. Plus le temps passe, plus Dom se sent mal à l’aise. Zhou est trop sympathique, trop ouvert, avec une innocence étrange qui frôle presque la naïveté par moments. Pas vraiment le comportement d’un homme qui serait prêt à empoisonner une cargaison de drogue pour des raisons aussi basiques qu’une rivalité commerciale ou une histoire d’amour contrariée. Le silence dans lequel s’enferme Arthur, et dans lequel Dom lit, parce qu’il le connaît bien, le même trouble que celui qui l’habite, n’augure rien de bon non plus.

Une dizaine de minutes et deux martinis plus tard, ils se lèvent tous les quatre pour aller sur le pont.

« Est-ce que vous vendez ces beautés ? demande Zhou en caressant le bastingage d’un air admiratif.
- Uniquement aux États-Unis pour le moment, répond Dom après une seconde d’hésitation volontaire. Nous essayons de trouver des débouchés en Asie, mais la situation internationale n’est pas forcément favorable. Les troubles politiques n’aident pas à obtenir la confiance des banques, vous devez vous en douter.
- Mon grand-père avait l’habitude de dire : ‘fais confiance à ce que tu offres, et les autres en feront de même’. Pour ce que j’ai pu voir de votre bateau, je pense que vous avez des atouts. »

Dom sourit et hoche la tête en guise de remerciement.

« Voudriez-vous voir ce qu’il a dans le ventre ? »

Il ne cherche même pas à être discret ou subtil. Faire appel à l’intérêt de Zhou est bien la seule façon de parvenir à leurs fins. Le chinois lui lance un regard satisfait, signifiant qu’il est parfaitement au courant de leur petit jeu.

« J’en serais même ravi. »

Ils explorent donc les coursives du bateau, offrant à leur cible une vue de l’envers du décor. Les projections qu’ils croisent sont plutôt paisibles, malgré quelques regards plus curieux que méfiants vers Dom. Ce dernier doit se faire violence pour ne pas relâcher sa garde, car tout semble se faire beaucoup trop facilement.

Enfin, ils arrivent dans les quartiers des officiers. C’est là que Dom lui désigne un grand coffre-fort, intégré à la paroi. Zhou a un petit bruit de gorge intéressé et Arthur fait un pas en avant. Il se met à détailler d’un ton professionnel les caractéristiques du coffre, enchaînant tranquillement les termes techniques. Dom se surprend à retenir un sourire face à cette nonchalance parfaite. L’organisateur passe une main sur le clavier numérique, et Dom s’efforce de garder son attention sur la cible. Ce dernier suit les explications avec un intérêt certain, hochant régulièrement la tête.

« Nous avons prévu d’installer des modèles plus modestes de ces coffres dans les cabines de première classe. Nous avons fini d’évaluer l’impact que cela aura sur les performances du bateau et l’installation commencera bientôt, conclut Arthur.
- Tout cela est particulièrement intéressant. La sécurité des passagers est primordiale, mais celle des biens l’est tout autant. Très bien, très bien… »

La visite continue tranquillement. La salle des machines fascine particulièrement Zhou, qui reste quelques minutes à écouter le ronronnement des moteurs, un sourire presque enfantin sur le visage.

« Ça ne colle pas, murmure Dom à Arthur profitant que Zhou ne les regarde pas. Son profil ne colle pas.
- C’est un homme d’affaires, Cobb, il ne s’embarrasse peut-être pas de scrupules lorsqu’il s’agit de faire du profit, essaie de le raisonner son partenaire, mais il y a une hésitation dans sa voix.
- Très bien. Dis-moi que tu n’as pas de doutes, et j’oublierai les miens. »

Arthur reste silencieux quelques trop longues secondes, avant de relever les yeux vers lui.

« Alors ? insiste Dom avec un coup d’œil vers Zhou.
- D’accord, peut-être que quelque chose ne colle pas. Mais la seule chose qu’on peut faire, c’est terminer le boulot. Il n’y a que comme ça qu’on sera fixés.
- Et si la piste est fausse ? Qu’est-ce qu’on dira à Lao ? demande-t-il en baissant encore plus la voix.
- Qu’il s’est trompé. »

Dom se passe une main sur le visage puis la laisse retomber au moment où Zhou se retourne vers eux. Arthur a raison, et s’il n’y avait pas ce nœud au fond de son estomac, il serait le premier à partager le calme de l’organisateur.

« Retournons au casino, propose-t-il. Nous avons à faire avant le dîner, mais j’espère que vous pourrez vous joindre à nous au restaurant.
- Avec grand plaisir. Merci pour la visite, messieurs. »

Ils retournent sans encombre jusqu’au casino et y laissent leur cible, au milieu des projections. La femme qui tenait compagnie à Zhou quand ils l’ont retrouvé est encore là, et elle vient rapidement le rejoindre, lui prenant le bras. Dom les regarde s’éloigner.

« Tu sais qui c’est ? demande-t-il.
- Non. Tu sais que le pourcentage de visages réellement connus parmi les projections est faible. »

Dom acquiesce avec un dernier regard en arrière. Zhou s’est assis à une table, et une autre femme est installée à côté de lui. Il se fige, le cœur au bord des lèvres. Il reconnaîtrait la douce courbure de cette nuque entre mille, pour l’avoir si souvent caressée. Il pourrait même la dessiner du bout des lèvres. Derrière lui, il entend vaguement une inspiration brusque.

« Qu’est-ce qu’elle fait là ? siffle Arthur, et Dom déteste détecter dans sa voix quelque chose qui ressemble à de la panique.
- Je ne sais pas… »

Il ne ment pas. Il avait espéré revoir Mal, il ne peut pas le nier, mais elle n’avait pas réapparu depuis longtemps. Elle penche doucement la tête vers Zhou, ses boucles brunes caressant son épaule dénudée. Il déglutit.

« Il faut qu’on bouge, Cobb. »

Dom secoue la tête. Qu’est-ce qu’elle peut bien être en train de dire au chinois ? Elle ne peut pas être en train de les trahir, n’est-ce pas ? Il fait un pas en arrière, entraîné par la main d’Arthur sur son épaule. La tension monte soudainement dans la pièce.

« Cobb ! » insiste Arthur.

Ils quittent le casino aussi tranquillement que possible. Une fois dans le couloir, Dom se plaque les mains sur les yeux une seconde. Il ne peut même pas se réfugier dans l’espoir que tout cela ne soit qu’un rêve, parce que c’en est un.

« Il faut qu’on atteigne le coffre. Tan, faites le tour. Essayez d’attirer l’attention des projections si elles deviennent agressives. On va prendre le raccourci par la piscine. Avec un peu de chance… »

Il ne termine pas sa phrase. Il s’attend presque à ce qu’Arthur s’énerve, lui réplique quelque chose, mais il n’en est rien. L’organisateur attend en silence à côté de lui, tendu comme un arc, le regard fixé sur le chemin qu’ils doivent prendre. Pour le moment, il est libre, mais Dom se demande combien de temps il le restera. Tan s’éloigne à pas rapides, le dos délibérément orienté vers le mur. Le chinois n’a pas l’air d’avoir bien compris où était le problème, mais au moins, il obéit sans poser de questions. Ce n’est pas quelque chose de commun dans le métier.

Leurs pas sont étouffés par la moquette des coursives. Dom n’a pas besoin de réfléchir au chemin, il le connaît. Ils passent devant le restaurant, puis descendent quelques escaliers qui mènent vers la section où se trouve la piscine. Ils croisent quelques projections en route, mais elles se contentent de les regarder d’un air accusateur.

« Dépêchons-nous, souffle Dom. La piscine est juste là. »

Au moment où ils changent de couloir, tout semble exploser. La porte à côté de Dom s’ouvre brutalement et il n’a le temps que de reconnaître un uniforme de l’équipage avant de se prendre un coup de poing. Il repousse son assaillant le temps de sortir son arme. Il tire sans réfléchir. Il est trop tard pour la discrétion.

Arthur est parti devant, tirant sur une femme en peignoir qui accourait dans leur direction. Il ouvre à toute volée la porte qui mène aux vestiaires et Dom le suit précipitamment. Ils traversent à toute vitesse les vestiaires heureusement vides et déboulent dans la piscine. Deux nageurs sont en train de sortir de l’eau. Dom jure entre ses dents et entraîne Arthur vers l’avant. Le bruit de leur course lui paraît résonner comme autant de coups de feu dans la piscine calme. Le souffle court d’Arthur accompagne le sien tandis qu’ils s’approchent de la porte. Les deux hommes courent derrière eux mais ils sont presque arrivés au bout...

Un coup de feu retentit. Arthur a un cri étranglé et il s’effondre en avant. Son arme lui glisse des doigts, inutile, et il heurte violemment le sol. Une gerbe de sang éclate sous sa tête. Dom s’arrête quelques pas plus loin, pris dans son élan. Les deux nageurs saisissent l’organisateur qui peine à se relever. Il a le visage en sang et une jambe visiblement inerte. Un bruit de talons attire son attention vers la droite. Mal baisse lentement l’arme qu’elle pointait toujours vers Arthur, mais sans vraiment baisser sa garde.

« Mal, qu’est-ce que tu fais ?
- Ce n’est pas évident, Dom ? Tu sais qu’il va te trahir !
- Non, non, non… Mal, non, tu te trompes ! »

À cet instant, Mal est l’incarnation parfaite de ses doutes et de ses craintes. De sa colère, également. Les vitres qui bordent la piscine explosent tandis que des projections se précipitent à l’intérieur. Il tire sur l’homme le plus proche. Arthur gémit, sa tête dodelinant vers l’avant, luttant visiblement pour rester conscient.

Dom tire de nouveau mais des bras se saisissent de lui. Il lutte avec un désespoir mâtiné de panique. Les deux hommes qui tiennent Arthur le traînent vers le bord de la piscine, Mal sur leurs talons. Il vise un de ses assaillants, mais l’autre dévie son bras et un premier coup part vers le plafond de la piscine, puis un deuxième qui fait éclater la verrière au plafond. Des morceaux de verre pleuvent sur eux.

« Tu as mis Zhou au courant ! crie-t-il, pour essayer de gagner du temps.
- Tu sais que Zhou n’a rien fait. C’est lui qui t’a embarqué là-dedans, réplique-t-elle en désignant Arthur du canon de son arme.
- Mal, s’il te plaît, arrête ! C’est Arthur. C’est ton ami, aussi ! Mal, merde ! »

Il essaie de se dégager tout en plaidant, mais un coup de poing dans l’estomac lui coupe le souffle. Une vieille dame très élégante se penche pour ramasser l’arme lâchée par Arthur. Quelques coups de coude bien placés et il arrive à se défaire de ses agresseurs. La femme tombe au sol et Dom pointe son arme vers Mal, sans parvenir à se résoudre à tirer. Il ne les a perdus de vue que quelques secondes, et pourtant la scène sous ses yeux lui coupe le souffle plus sûrement qu’un coup.

« Ça va aller, Dom. Ce n’est qu’une projection d’Arthur, tu sais… Il n’est pas réel. »

Arthur est dans l’eau, luttant pour s’accrocher au rebord. L’eau autour de lui se teinte d’un rose pâle qui donne à Dom la nausée. Mal, accroupie, lui caresse les cheveux, puis raffermit sa prise et commence à lui maintenir la tête sous l’eau. Un officier se jette sur Dom au moment où il allait se mettre à crier. L’extracteur lui assène plusieurs coups de poing en se répétant que rien de tout ça n’est réel. Il faut qu’il finisse le travail. Arthur va se réveiller, voilà tout… Rien n’est réel, et cette fois encore, un mélange écœurant de soulagement et de tristesse l’envahit.

Il repousse le matelot et se précipite vers la porte si proche, trébuchant plusieurs fois. Il ne regarde surtout pas en arrière. Une voix en lui hurle qu’il n’est qu’un lâche, lui crie de se retourner, d’aller aider Arthur… Un coup de feu fait éclater la paroi juste à côté de lui au moment où il ouvre la porte et il se jette dehors en se raccrochant à leur objectif.

La cabine où se trouve le coffre n’est qu’à quelques mètres, mais Dom sait qu’il n’y arrivera pas. Le couloir grouille de projections qui se jettent sur lui. Il n’a fait que quelques pas quand une porte s’ouvre au moment où il tire. Des mains s’emparent de lui et le tirent à l’intérieur. Il pivote sur ses talons, le poing levé pour frapper, mais Tan l’immobilise d’un geste expert.

« Où est Arthur ? »

Dom secoue la tête et verrouille précipitamment la serrure. Des coups puissants viennent ébranler la porte.

« On n’arrivera jamais à atteindre le coffre ! »

De toute sa carrière d’extracteur, Dom n’a jamais ressenti à ce point un sentiment d’échec. Mal les a trahis. Mal les a trahis… ll les a inconsciemment trahis, car si elle connaissait le passage par la piscine, c’est parce qu’il le connaissait…

« Merde ! crache-t-il alors que les coups s’intensifient.
- Tenez. »

Dom regarde le bout de papier que lui tend Tan. Des caractères chinois sont inscrits dessus.

« C’est ce qu’il y avait dans le coffre. C’est une adresse. Vous pouvez la mémoriser ? »

Sans comprendre, il prend le papier et le regarde sans le voir.

« Monsieur Cobb ! insiste le chinois.
- Vous avez atteint le coffre ?
- Pas sans difficultés, mais oui. L’adresse, Monsieur Cobb ! »

Il dévisage le jeune homme et s’aperçoit qu’il n’a pas l’air très frais, lui non plus. Son visage tuméfié exprime une impatience palpable. La porte commence à craquer. Dom baisse les yeux et se concentre sur les idéogrammes. Pourquoi Tan ne se contente pas juste de donner lui-même l’adresse à Lao ?

« Vous ne voulez pas dire à Monsieur Lao que vous avez échoué, croyez-moi, affirme le chinois en reculant d’un pas. Ça y est ? »

Dom sait qu’il devrait être reconnaissant mais il n’y arrive pas. Le malaise qui l’habitait depuis le début du rêve s’est transformé en nausée. Il ferme les yeux et retrace les symboles dans sa tête.

« C’est bon. »

La porte cède. Dom entend le déclic métallique d’un revolver qu’on arme. Il ne rouvre pas les yeux.

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La toupie est dans sa poche. Dom a la main gauche dessus. Il s’assoit et la regarde une seconde. La pièce est étrangement silencieuse.

« Cobb ? »

La voix d’Arthur lui fait relever la tête avec un sursaut. Il dévisage son partenaire mais ne lit rien sur son visage. Absolument rien. Le masque d’indifférence glaciale derrière lequel s’abrite son organisateur est celui que Dom déteste le plus. Il sait pourtant qu’il ne peut pas le lui reprocher.

« Il me faut de quoi écrire ! » lance-t-il à la ronde.

Un des hommes de Lao lui tend un bloc-notes et un stylo et il y recopie rapidement les symboles avant de les oublier. Il le tend ensuite à leur client.

« Ça vous dit quelque chose ? »

Le visage de Lao semble se décomposer en un masque de fureur contenue.

« Vous êtes sûr de vous, Monsieur Cobb ? » demande-t-il d’une voix tellement calme qu’elle en fait froid dans le dos.

Dom jette un rapide coup d’œil vers Tan, puis vers Arthur. Le chinois ne le regarde pas, concentré sur son patron. Quand à Arthur, il ne le quitte pas des yeux, comme s’il savait. Dom n’en doute même pas une seconde.

« Certain, Monsieur Lao. » répond-il, parce qu’il ne peut pas dire grand-chose d’autre.

Avouer son échec n’est pas vraiment une option. Les yeux d’Arthur se plissent suite à cette affirmation.

« Vous venez de me donner l’adresse d’un des appartements de mon fils, Monsieur Cobb, explique lentement le chinois. Ce qui, aussi détestable que ce soit, explique bien des choses… »

Lao repose doucement le bloc-notes sur la table, à côté du PASIV. Il rajuste les manches de son costume, puis leur fait un signe de tête un peu sec.

« Merci pour votre travail, messieurs. Je vais vous faire raccompagner à l’hôtel. Vous serez payés dès demain et vous êtes libres de rester à Hong Kong aussi longtemps que vous le désirez. »

Tan se lève souplement et Lao le regarde, clignant des yeux comme s’il s’apercevait de sa présence. Il hoche lentement la tête, semblant parvenir à une décision puis il lui lance quelques mots en chinois avant de quitter la pièce. Son départ est un peu brusque, mais Dom ne peut pas lui en vouloir. Il s’en réjouit même plutôt. C’est une personne de moins à qui mentir.

Arthur se redresse et se met à ranger le PASIV. Ses gestes sont précis à l’extrême, une précision toute militaire derrière laquelle il se retranche lorsqu’il a désespérément besoin de contrôle. Dom essaie en vain de saisir son regard, puis il finit par abandonner et se redresse en se tournant vers Tan. Ce dernier les attend à la porte.

Les mains de Dom tremblent tandis qu’il rajuste sa veste en se dirigeant vers lui. Elles tremblent de la peur ressentie dans le rêve et de l’envie de venir prendre sa toupie pour la faire tourner… peut-être aussi de ne pas savoir s’il veut la voir s’arrêter ou pas.

Ce n’est qu’une fois dans la voiture qu’Arthur ouvre enfin la bouche. Il regarde résolument vers Tan, qui est assis à côté du chauffeur, en ignorant Dom à côté de lui.

« Le fils de Lao ?
- Feng, précise Tan en hochant la tête. Un des plus fermes opposants à l’accord avec les Zhou. »

Arthur soutient une seconde le regard du chinois dans le rétroviseur, puis il se tourne vers la fenêtre. Ses deux mains sont posées à plat sur la mallette qu’il tient sur ses genoux.

« Il aurait voulu discréditer les Zhou ? hasarde Dom, plus pour briser le silence que pour vraiment comprendre.
- C’est faire prendre beaucoup de risques financiers à son père, observe Arthur à mi-voix.
- Certains membres importants voient l’association avec les Zhou comme une trahison de l’esprit du Clan Lao.
- C’est votre cas ? »

Dom fronce les sourcils, mais le regard d’Arthur erre toujours du côté de la fenêtre. Tan se tourne vers eux et les observe longuement, avant de répondre.

« Vous avez permis d’éviter une guerre des gangs, ça ne vous suffit pas ?
- Il faudra bien. Nous étions là pour ça. Et vous ? Où est votre place, maintenant que le fils de Lao est hors de l’équation ? »

Tan a un sourire qui n’atteint pas ses yeux. Arthur semble se renfermer un peu plus. Quant à Dom, il ne rêve que d’une chose : partir et laisser Hong Kong derrière lui. Le trajet en voiture lui paraît infiniment long et il ouvre la porte avec une précipitation à peine contenue lorsque le véhicule s’arrête devant leur hôtel. Arthur sort à sa suite, et reste un pas derrière lorsque Dom se penche pour parler à Tan par la fenêtre.

« L’adresse que vous m’avez donnée, elle ne vient pas du coffre, n’est-ce pas ?
- Est-ce que ça fait la moindre différence, Monsieur Cobb ? Ce n’est pas comme si vous pouviez vous raviser et dire à Lao que vous vous êtes trompé.
- Vous m’avez manipulé. »

Le regard de Tan se voile une seconde, puis il se durcit.

« La manipulation, ce n’est pas un peu votre méthode de travail ? »

Il remonte la vitre et fait signe au chauffeur de démarrer, contraignant Dom à reculer d’un pas. Des mots sont coincés dans sa gorge, protestations, injures, questions… Rien qui n’obtiendra de réponse dans tous les cas. Tan a raison : il est coincé.

Quand il se retourne, Arthur est déjà presque arrivé dans le hall. L’extracteur le rejoint près de l’ascenseur. Ils regardent les chiffres défiler en silence, et comme quelques jours plus tôt, le trajet jusqu’à leur étage lui paraît infiniment long. La main de Dom est serrée en un poing pour ne pas se glisser dans sa poche. Il ferme les yeux et derrière ses paupières baissées, il peut imaginer le corps sans vie d’Arthur flottant dans la piscine, auréolé de volutes rouge pâle. Il a l’impression d’étouffer.

La sonnerie du téléphone résonne violemment dans la cabine. Arthur regarde l’écran et il ferme les yeux une seconde, comme épuisé. Puis, avec un bref regard vers Dom, il décroche et lui offre la plus belle conversation monosyllabique à laquelle il ait jamais eu droit. Tout un art : une moitié de dialogue composée uniquement de réponses brèves et sans timbre, jusqu’à ce que l’ascenseur s’immobilise.

Ils franchissent côte à côte les derniers pas jusqu’à leurs chambres, et alors que Dom ouvre la bouche, ayant trouvé le courage de tenter une conversation, Arthur ouvre sa porte, sans décoller le téléphone de son oreille, puis la lui referme au nez.

Sa propre chambre est silencieuse, et ce n’est qu’une fois assis dans le canapé qu’il se rend compte qu’Arthur a gardé la mallette. Il sort sa toupie et la fait tourner. Il la regarde longuement, comme hypnotisé par son bruit métallique. Il repense aux mots de Mal, ‘Ce n’est qu’une projection d’Arthur, il n’est pas réel’. Il repense aux mensonges de Tan. Il repense au visage de Zhou, lorsqu’ils l’ont laissé endormi aux mains des Lao. Il en était venu à trouver leur cible plus sympathique que leur employeur. Il préfère ne pas se demander ce qu’il va lui arriver. Même si le fils Lao est désigné comme coupable, difficile de justifier qu’ils aient enlevé un membre de la famille Zhou, surtout s’il s’avère innocent.

La toupie retombe. Pour une fois, il est soulagé d’être dans la réalité. Les paroles accusatrices de Mal l’ont secoué, presque autant que ses actes. Il craint maintenant qu’Arthur prenne ses soupçons à la lettre, et qu’il décide qu’il a mieux à faire que risquer sa vie et sa réputation avec lui. Parce que même si une partie de lui doute, il ne veut pas se retrouver tout seul. Et de façon totalement égoïste et brutale, il sait que personne d’autre ne pourra le supporter comme le fait Arthur.

Une sorte de panique l’envahit à l’idée de se retrouver seul. Il se lève, sans rempocher sa toupie, et se dirige vers la porte. Il faut qu’ils parlent. Dom doit essayer d’expliquer à Arthur pourquoi son subconscient lui en veut, pourquoi l’image d’une amie chère l’a si violemment attaqué… l’a tué. Il pose la main sur la poignée, mais une seconde d’hésitation lui fait retenir son geste. A travers la porte fermée, il entend Arthur ouvrir sa porte, puis la refermer. Curieux, il regarde par le judas, juste à temps pour voir une tête brune sortir de son champ de vision. Il laisse passer quelques secondes, puis se décide à le suivre.

Dom ouvre discrètement sa porte. L’ascenseur vient de se refermer, et il n’a qu’à suivre les chiffres pour apprendre où Arthur s’arrête. De plus en plus curieux, car même être témoin des actes abjects de son subconscient sur son ami n’a pas su apaiser sa méfiance, il rejoint l’ascenseur à son tour. Cent vingtième étage.

Ce n’est qu’une fois qu’il appuie lui aussi sur le bouton menant à cet étage qu’il comprend, aidé d’une petite plaque. La piscine intérieure se trouve à cet étage. Dom sent naître un sourire douloureux mais tendre sur ses lèvres. Arthur est comme ça : il ne laisse rien l’abattre ou retarder sa route. Ni les doutes, ni les souvenirs, ni la peur née d’un cauchemar trop réel.

Dom laisse ses chaussures au vestiaire, retrousse son pantalon et se glisse discrètement dans la grande salle où se trouve la piscine. Ils sont seuls, et le soleil d’après-midi perce enfin les nuages pour venir ensoleiller les lieux. Il cherche Arthur du regard et le trouve en train de nager sous l’eau, sa silhouette trouble progressant sans trop de remous. Quelque chose se dénoue en lui lorsque son organisateur refait surface et il se rapproche du bord. Il se sent presque calme, pour une fois fermement ancré dans le présent.
Arthur est là. Arthur va bien.

Une serviette est posée sur le rebord de la piscine, et il vient s’asseoir à côté. Sur la serviette, une clé magnétique et un étui à lunettes. De nouveau, Dom se surprend à sourire. Le clapotis de l’eau l’alerte de l’arrivée d’Arthur. Il se demande s’il aurait dû lui laisser plus de temps pour se remettre de ce qu’il s’est passé dans le rêve. Mais Arthur se hisse hors de l’eau et son visage n’a rien d’hostile. Sans se soucier des éclaboussures, Dom lui tend sa serviette. Il le regarde s’essuyer en silence, puis venir s’asseoir à côté de lui.

Ils se regardent en chiens de faïence puis Arthur baisse les yeux et prend son étui à lunettes. Une fois ses petites lunettes ovales posées sur son nez, Dom doit lutter contre l’envie de venir lui ébouriffer les cheveux, de profiter qu’ils ne sont pas soigneusement coiffés pour retrouver un peu plus le jeune homme qu’il a rencontré, il y a maintenant quelques années. À l’époque, tout était beaucoup plus facile. Et l’image d’Arthur lui rappelle ces années presque insouciantes de recherche et de découvertes. À l’époque, il aurait confié sa vie à Arthur sans sourciller. Maintenant, son propre subconscient le rejette.

Il se souvient comme si c’était hier du jour où il a rencontré Arthur. La coupe qui avait dû être militaire, mais qui n’était plus réglementaire, le lourd poids de l’affaire qui le menait à recruter un organisateur, le brouhaha discret des clients du cybercafé… La certitude rassurante que Mal l’attendait, à la maison, qu’il pourrait sentir leur enfant à naître sous ses mains… autant de souvenirs qui lui semblent de plus en plus glisser entre ses doigts, mais qui, grâce au visage familier d’Arthur, perdurent un moment.

« Est-ce qu’on peut parler ? » demande-t-il enfin après s’être éclairci la gorge.

Arthur se penche en avant, les pieds dans l’eau et les coudes sur les genoux. Dom, habitué au langage corporel de son partenaire, lit dans ce mouvement une envie de se protéger. Cette constatation l’inquiète autant qu’elle le blesse mais il choisit de poursuivre. Ils en sont arrivés là par manque de communication, et même s’il y a des choses qu’il n’arrivera pas à dire, Arthur mérite mieux que la colère cruelle de Mal.

« Je suis désolé, souffle Dom.
- Je sais. »

C’est comme si c’était au tour d’Arthur de fuir le dialogue. Par une absolution en deux mots, il lui laisse l’opportunité d’en rester là. Mais Dom sait que si rien d’autre n’est dit, la prochaine fois, Mal recommencera.

« Ça n’aurait pas dû arriver. Je… »

Il ne peut pas dire ‘je ne sais pas ce qu’il s’est passé’, ce serait faux. Répéter qu’il est désolé serait inutile. Il a passé tellement de temps seul avec ses souvenirs et sa culpabilité qu’il n’arrive plus à s’exprimer.

« On a visiblement un problème si tu te méfies de moi à ce point. Est-ce qu’il va falloir que j’évite de te tourner le dos, maintenant ?
- Ce n’est pas ça, Arthur ! Ce n’est pas… »

Il se tourne vers son partenaire, vers son ami, et lui fait face en un geste empli de violence contenue. Ses cheveux humides lui tombent dans le visage, lui donnant un air un peu sauvage qui ne correspond pas à l’image que Dom a de lui.

« Alors qu’est-ce que c’est? Qu’est-ce qu’il faut que je fasse pour ne pas me faire tirer dans le dos, la prochaine fois ?
- Arrête de me mentir. Arrête de me manipuler. »

Arthur fronce les sourcils, l’air sincèrement vexé.

« Je ne te manipule pas, Cobb. Pourquoi est-ce que je ferais ça, au juste ? »

La question est pertinente. Presque suffisamment pour que Dom retienne sa réponse. Presque.

« Et les coups de téléphone dont tu prends bien soin de me tenir à l’écart ? »

Arthur grimace et se frotte l’arête du nez, sous ses lunettes. Il soupire, avant de parvenir à une décision.

« Je ne voulais pas t’en parler avant d’avoir une réponse définitive. Inutile de te donner de faux espoirs.
- De quoi est-ce que tu parles ?
- Depuis que tu es arrivé en Égypte, je négocie avec Miles et Ada pour qu’ils te laissent parler aux enfants, au moins par téléphone. Et tu sais mieux que moi à quel point ta belle-mère peut être têtue… »

Dom a l’impression qu’il va tomber en avant, se noyer à son tour. La tête lui tourne et il se sent tellement idiot, même sans raison, qu’il serait prêt à se laisser glisser de lui-même dans l’eau. Tout ce temps, tous ces doutes, et Arthur faisait ça pour lui… À cet instant, il ne doute pas de la vérité toute simple qu’il lit dans ses paroles. Il se plaque les mains sur les yeux avec une inspiration tremblante.

« Je suis en bonne voie, en tout cas. Tout à l’heure, c’était Ada. Je lui ai donné ton nouveau numéro. Si j’étais toi, je garderais mon téléphone sur moi, si ce n’est pas déjà le cas. »

Instinctivement, Dom porte la main à sa poche. Pas celle où il met généralement la toupie, mais l’autre. Le poids familier du téléphone le rassure. Savoir qu’il va peut-être enfin entendre les voix de James et Philippa de nouveau après plus de six mois le remplit d’une terreur que seule la certitude qu’il sera au rendez-vous parvient à calmer.

« Arthur… Merci.
- Ne me remercie pas, réplique ce dernier avec un mouvement de la tête et une esquisse de sourire. Contente-toi de répondre si le téléphone sonne. Ada me tuerait si tu leur faisais faux bond. »

Dom hoche la tête avec empressement, mais il détecte tout de même la tension qui habite encore Arthur. Ce dernier inspire profondément.

« C’est tout ? C’était juste les coups de téléphone ?
- Ça paraît ridicule, comme ça, n’est-ce pas ? Se méfier de si peu… C’est plus compliqué que ça. C’est un tout : le téléphone, toute cette affaire avec Lao, énumère Dom, hésitant avant de poursuivre. Tes projections, aussi… Et puis, je ne sais même pas pourquoi tu fais tout ça pour moi, Arthur !
- Pourquoi ? »

Arthur cligne des yeux une fois avant de le dévisager longuement. Pendant une seconde, Dom a l’impression que les masques tombent. Il effleure du regard une myriade de secrets qu’Arthur cache derrière son apparence nonchalante, puis ce dernier baisse les yeux.

« Pourquoi ? répète-t-il avec un rire triste au fond de la voix. Mal était mon amie. Tu es mon ami. Vous êtes comme ma famille. Est-ce que j’aurais besoin d’une autre raison ? »

Dom baisse les yeux à son tour, sur sa main gauche et il ressent comme un manque tangible le poids de son alliance disparue. Cette alliance qui n’est plus là que dans ses rêves, le seul totem auquel il fait vraiment confiance. À quoi Arthur se raccroche-t-il, lorsque brûle le manque de Mal, de ces sourires qu’elle réservait à son petit frère d’adoption, comme elle l’appelait parfois ? La réponse lui parvient, évidente soudain : à lui. C’est pour ça qu’Arthur est là, à fuir la justice et son pays. Parce que tout ce qu’il lui reste, c’est Dom. Cette révélation lui brûle la gorge et il croise les doigts et les serre fort. À côté de lui, Arthur ne dit plus rien. Ses pieds bougent lentement dans l’eau, et Dom se surprend à sourire.

--------------

Ce n’est qu’une fois dans l’ascenseur que Dom ressent à nouveau le besoin de rompre le silence. Son instinct d’extracteur, ce talent à lire son prochain, sa curiosité, peut-être… tout cela le pousse à poser une question à Arthur. Cet Arthur qui ressemble à celui du passé plus joyeux.

« Il n’y a pas que ça, n’est-ce pas ? Il y a autre chose qui fait que tu m’aides. Ce n’est pas juste le souvenir de Mal. »

Arthur lui jette un regard en coin, puis appuie sur le bouton de leur étage. Il semble réfléchir à la question pendant tout le trajet, puis quand les portes s’ouvrent, il sourit, mais d’un sourire un peu triste.

« Pas maintenant.
- Mais…
- Le jour où elle ne hantera plus tes rêves, Dom… Ce jour là, si tu veux savoir, repose la question. Je te répondrai. »

La promesse et ses conditions résonnent entre eux. Le sourire de Mal juste avant de sauter s’imprime sur sa rétine.
Arthur a un petit sourire qui pourrait ressembler à un rire et il sort de l’ascenseur, s’arrêtant au bout de quelques pas pour tourner la tête vers lui.

« Mais attention : tu ferais mieux d’être sûr que tu veux savoir ce que tu veux savoir… »

Dom fronce les sourcils face à cet avertissement qui semble l’amuser.

« Qu’est-ce qu’il y a de drôle ?
- Rien. Juste… On m’a dit ça, une fois. Il y a longtemps. Je ne me serais jamais imaginé répéter ces mots à qui que ce soit. »

Dom brûle de questions sur ce passé dont il ne connaît que des bribes.

« Qui ?
- Une fille.
- La fille à la robe bleue ? »

Alors qu’il s’apprêtait à ouvrir sa porte, Arthur s’immobilise. Puis il secoue la tête.

« Non, pas elle. Tu l’as remarquée ?
- Ce n’est pas ta seule projection récurrente. Il y a l’Intello, aussi.
- L’Intello ?
- Il me regardait, le jour où on a testé Tan.
- Oh. C’est pour ça que tu t’es énervé. »

Ce n’est même pas une question, et Arthur n’a pas l’air irrité. Il semble même plutôt s’amuser. Dom lève un sourcil.

« Qu’est-ce qui t’amuse ?
- Tu as donné des surnoms à mes projections ?
- Pas toutes. Juste certaines. L’Intello, la Brute…
- La fille à la robe bleue, termine Arthur pour lui.
- Oui. Elle…
- Elle aurait pu me hanter. Elle l’a fait, un temps. Mais c’était il y a longtemps, Cobb. Ne t’inquiète pas pour ça. »

Dom hoche la tête. Il est très mal placé pour lui reprocher quoi que ce soit. Il ouvre la bouche, pour lui demander de lui parler d’eux, un jour, quand la sonnerie d’un téléphone l’interrompt. Une seconde plus tard, et un sourire soulagé de la part d’Arthur, et il réalise que c’est son propre téléphone qui sonne. Il le sort de sa poche et reconnaît le numéro de chez lui. Son cœur bat si fort qu’il lui semble qu’Arthur peut l’entendre. Il décroche après une trop longue seconde de panique.

« Allô, Papa ? »

Il ferme les yeux et la porte de sa chambre derrière lui, en murmurant d’une voix essoufflée le nom de sa fille. Il glisse le long de la porte et les écoute parler, chérissant chaque intonation, chaque silence et chaque défaut de langue. Ils sont là. Il peut presque les toucher. Il a l’impression de pouvoir tendre le bras et caresser leurs visages, sans qu’ils s’effacent comme des dessins dans le sable.

« Papa ?
- Pardon, ma chérie. Je suis juste tellement content de vous entendre ! Parlez-moi, d’accord ? Dites-moi ce que vous avez fait aujourd’hui ! »

Dans quelques minutes, il le sait, ils vont lui demander de rentrer et il mentira en répondant qu’il rentrera bientôt, mais pas tout de suite. Alors pendant une seconde, encore, il veut s’accrocher à l’illusion que c’est vrai, en profiter avant que tout ne s’effondre autour de lui.

« On est allés à la plage avec grand-mère !
- Ah oui ? Il faisait beau ? Vous vous êtes baignés ? »

Le soleil se couche derrière ses paupières baissées. Philippa lui raconte comment ils ont profité de la chaleur californienne pour passer une après-midi comme avant. Il se laisse porter par les voix enfantines et excitées qui résonnent à son oreille. Le sourire sur ses lèvres est sincère et il ne s’efface pas. Même lorsque James commence à parler de châteaux de sable sur la plage.

FIN

Première partie.

fandom: inception, type: fic, genre: het, statut: one-shot, commu: creerpouraider

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