Dick, littéralement affalé sur le canapé du salon, contemple sa main depuis déjà cinq bonnes minutes, et finit par prendre la parole, pensif :
« Franchement, qui aurait pu croire ça ?
-Pas moi, marmonne Damian d’un air renfrogné. C’est juste ridicule. »
Dick ne sert même pas les dents, il se contente de tirer la langue au cadet de la famille avec toute la maturité qu’un tel geste implique. Damian marmonne quelque chose d’incompréhensible en réponse alors que Tim se mord la lèvre pour ne pas rire.
« Dit celui qui a passé la journée en smoking coincé, ricane Jason.
-Moi, au moins, je n’étais pas habillé comme un clown. »
Le regard noir de Damian ne fait qu’agrandir le sourire mauvais de son aîné. Aussitôt, Dick se tend. Il ne s’est pas redressé mais est prêt à bondir pour intervenir au moindre dérapage. Avec ces deux là il sait qu’il peut s’attendre au pire. Mais très vite Tim intervient, l’air de rien, d’une voix neutre qui désamorce le conflit avec un naturel qui laisserait bien Dick pantois.
« N’empêche, j’ai bien cru que ça n’allait pas se faire, au final. »
Dick a un sourire-grimace à ce souvenir pas si lointain…
La salle est immense et sobrement décoré, et Dick a presque envie de dire magique. Parce qu’il est euphorique, parce qu’il a un irrépressible sourire sur les lèvres et qu’il a envie de rire. Il a eu envie de fuir, en arrivant, en voyant tout ce monde, notamment tous ceux qu’il ne connaît pas, en voyant tous les regards braqués sur eux. Mais il a vu le regard bienveillant d’Alfred, le sourire tranquille de Tim, la mine renfrognée de Damian, l’ombre de Jason, le « fonce » dans les yeux de Barbara. Et il a vu Bruce, costard blanc, visage impénétrable mais un regard juste pour lui.
Et Dick a juste décidé de vivre le moment présent, de ne pas se poser de questions, parce que de toute façon, l’avenir pour le moment, ne peut être autre que radieux. Oui, Dick flotte sur un petit nuage, et oui, il assume totalement son sourire niais, n’en déplaise à Roy et Wally qu’il peut presque entendre chuchoter d’où il est. Alors oui, il est heureux, malgré le gratin de Gotham qui regarde en coin les illustres inconnus -s’ils savaient- entre deux commentaires désobligeant sur cette cérémonie… déplacée, qui entache le nom des Wayne, et bla, bla, bla… Non, vraiment, rien ne peut gâcher une telle journée, même pas ça.
…
Par contre, c’est possible que la porte d’entrée de la salle des fêtes que l’on tente de fracasser soit dans les choses qui, finalement, pourrait gâcher cette journée. Dick se tend, et il n’a même pas besoin de se tourner vers Bruce pour savoir que sa réaction est semblable. Dans la salle, le brouhaha qui s’était nettement calmé au début de la cérémonie reprend de plus belle, alors qu’à l’extérieur le vacarme s’intensifie. Dick voit le moment où Bruce va s’éclipser pour aller voir cela de plus près. Mais il n’en a pas le temps, dans le fond de la salle Conner et Bart se sont déjà levés, se contrôlant visiblement pour ne pas aller trop vite, et partent en courant avec un « On va voir ce qu’il se passe ! ». Ils sont rapidement suivit de Roy, Wally et Ollie, Lian étant momentanément confiée aux bons soins de Diana. Jason a depuis longtemps disparu dans les ombres.
Les secondes passent et aucun d’entre eux ne revient. Au contraire, le vacarme au dehors s’intensifie, entrecoupé de cris qui n’annoncent rien de bon. Plus que jamais, Bruce semble prêt à intervenir mais il est devancé par son témoin : Clark se penche à son oreille, chuchote quelques mots avant de s’éloigner à son tour. Dick trépigne presque alors que la pression ne fait que monter en lui. Il ne doit pas intervenir, surtout pas, sinon il ne garantit certainement pas de ses actes… La main de Tim venant se poser sur son bras amène un sourire tendu sur ses lèvres, accompagné d’un petit hochement de tête. Les autres s’occupent de tout, il faut juste leur faire confiance.
Ce n’est qu’au bout de longues minutes que le calme revient enfin, du moins à l’extérieur. Les invités finissent par reprendre leurs places le plus discrètement possible, si tant est que la discrétions soit encore de mise, et Clark revient rapidement près de Bruce. De nouveaux, quelques messes basses, puis Clark, en bon journaliste, prend la parole en ramenant le silence :
« Ne vous inquiétez pas, il s’agissait simplement d’une bande de jeunes gens un peu éméchés, mais les forces de l’ordre s’en occupe maintenant ».
Le tout avec ce sourire de gendre idéal qui mettrait n’importe qui en confiance. Et le silence étant revenu, c’est la voix du prêtre que l’on entend enfin de nouveau :
« Reprenons. »
« Ouais… Enfin, heureusement, ça n’a été qu’une courte interruption.
-J’ose même pas imaginer ce que tu aurais pu faire si ça avait été plus que ça. »
Toujours Tim, à voix basse cette fois, et qui se prend un petit coup de coude de son aîné en représailles. Il se contente de lui sourire en réponse, parfaitement calme. Dick lui ébouriffe les cheveux alors que le plus jeune tente de se défendre, en vain, bien entendu.
« En même temps, une attaque de supers méchants à Gotham juste aujourd’hui… Ils avaient planifié leur coup exprès ou quoi ? Reprend Dick, boudeur.
-Même si c’était le cas, ils ont dû largement le regretter. Ils ne devaient certainement pas s’attendre à voir débarquer une demi-douzaine de super héros.
-C’est dommage qu’ils aient été si nombreux d’ailleurs, j’aurai bien voulu voir ce que Dick aurait pu faire, intervient Jason, sourire en coin. Ca m’aurait permit de ne plus être le seul de la famille à avoir une réputation de psychopathe.
_T’inquiète, Jason, bientôt Damian t’auras largement rattrapé dans ce domaine. »
Protestations indignées du dit Damian que Dick tente de calmer sans éclater de rire. Jason, lui, ne s’en prive pas. Tim se contente de sourire légèrement, très fier visiblement de sa petite vengeance. Et se fait de nouveau ébouriffer les cheveux par son aîné et change de sujet, en toute diplomatie :
« J’ai quand même entendu Diana se plaindre auprès de Dinah qu’elle serait volontiers intervenue si elle n’avait pas porté une telle robe.
-Ca m’étonne même pas. Et tiens, en parlant de ça, fais moi penser à remercier Clark, parce que son excuse était quand même en béton. Je crois qu’il a réussit à convaincre la bande de rapace que Bruce a été obligé d’invité.
-Tu sais que tu pourrais le faire maintenant ? Suffirait de descendre à la réception.
-Et affronter les dits rapaces ? Jamais »
Dick grimace, un rien dégoûté. Il sait qu’il va bien finir par falloir qu’il finisse par se montrer aussi, mais autant profiter de l’excuse donnée par l’incident pour retarder au maximum ce moment en profitant du calme. Après un silence qui s’éternise, Dick finit fatalement par retomber dans la contemplation de sa main où trône, à son annulaire, un fin anneau d’argent. Sous les sarcasmes de Jason.
« Dire que t’avais réussit à échapper au nom de Wayne jusque là. »
On peut vaguement entendre un « et il ne le mérite pas » du côté de Damian, dit plus par habitude que par réelle conviction. Refaire toute une échelle de valeur d’un gamin de dix ans n’est pas forcément chose aisée, mais ce n’est certainement pas aujourd’hui que Dick va s’en offusquer. Surtout qu’il a dans sa manche quelques phrases tout à fait capable de lui clouer le bec :
« On ne parle pas comme ça à son beau père. »
Le ton strict contraste complètement avec son attitude toujours aussi avachie. Tout comme la voix soudain particulièrement aigüe de Damian contraste avec son air si sérieux alors que toute l’horreur de la situation semble lui sauter au visage (sous les rires si peu moqueurs de Tim et Jason, qui, pour une fois, s’accordent parfaitement) :
« Grayson, si tu tente de m’adopter, je te descend !! »