[EV] Mithridatum 1

May 15, 2008 17:44



*

« Il ne s’est pas pointé. C’est une femme qui est venue chercher le colis, d’après le type de l’entrepôt. Il ne l’a pas arrêté parce qu’elle ne correspondait pas à la description qu’on lui avait donné, ce qui est complètement stupide, si tu veux mon avis… »

Rangsey marqua une pause et observa un instant son interlocuteur. Qui ne bougea pas un cil malgré la mauvaise nouvelle, figé comme une statue de marbre. Ils étaient dans un grand hangar, bondé de caisses et de marchandises et seulement éclairé par une petite lanterne posée à même le sol. Les autres membres du groupe étaient dehors, surveillant les alentours, tandis que quelques uns d’entre eux parcouraient les rues pour retrouver la visiteuse. Le grand brun soupira et passa une main sur son visage basané. D’accord. Il présumait qu’il n’avait pas le choix…

« Puisque tu insistes… Je vais donc passer pour un incompétent dans la joie et la bonne humeur ! Que suis-je censé faire, ô grand chef aimé et vénéré ? Une réponse concrète si ce n’est pas trop te demander...

- Attendre.

- Ah… »

Attendre. Bien sûr, attendre. Franchement… A quoi cela servait de croiser les bras en espérant que les bonnes choses allaient arriver ? Rangsey n’était pas fan de l’attentisme, contrairement à l’homme qui lui faisait face, Kisho Shimizu. Le chef de Ketsueki II était beaucoup trop placide, une force tranquille qui, a force de rester au repos, risquait simplement de se rouiller. Une fois encore, ils n’étaient pas d’accord sur la marche à suivre… Et une fois encore, Rangsey allait devoir se plier à une volonté qui n’était pas la sienne. Enfin, les lieutenants étaient censés montrer l’exemple après tout.

« Très bien. Attendons. Personnellement, je serai plutôt partisan de frapper vite et fort, mais si tu y tiens…

- Rangsey. »

Kisho était définitivement quelqu’un de froid. Rangsey n’était jamais parvenu à lire dans ses yeux noirs, comme des puits profonds. Impossible de savoir ce qu’il avait derrière la tête. Cruel ou compatissant, Kisho suivait une logique que lui seul comprenait et que Rangsey avait depuis longtemps cessé de chercher à comprendre. Il haussa un sourcil, attendant que l’autre homme parle.

« Tu le connais bien, n’est ce pas ?

- Kahei Endô ? Dire que je le connais bien est un brin exagéré…

- Quoiqu’il en soit. »

Kisho lui sourit, ce qui eut pour effet de faire courir des frissons dans son dos. Le chef de Ketsueki II était terrifiant, surtout quand la cicatrice qui lui barrait la joue se déformait ainsi quand il prenait cette expression doucereuse. Rangsey sentit une goutte de sueur dévaler dans son cou. Il n’était son lieutenant en second depuis peu, et tout le monde savait que c’était la position la plus risquée de tout Aéra 3. Par chance, il était jeune et inconscient.

« Ne te précipite pas la tête en avant, Rangsey, dit Kisho, sortant son étui à cigarettes. Il ne nous échappera pas… »

Rangsey ne daigna pas répondre. Il espérait juste que Kisho savait ce qu’il faisait… Endô était dangereux, et il était bien placé pour en parler. Ils avaient été amis, après tout.

*

L’immeuble était vieux mais l’électricité fonctionnait encore à tous les étages, comme il pouvait en juger par la façade extérieure. La prof habitait au troisième étage.

« Entre, Sasaki-kun… » Ouvrir la porte avec un sac de commissions qu’elle avait refusé de lâcher en équilibre sur un bras n’était pas une tâche facile. « Tu… Kahei ? »

Toshi s’attendait à tout, sauf à ce petit développent inattendu. Makino était restée pétrifiée sur le seuil de son appartement, et Toshi avait jeta un coup d’œil par-dessus son épaule pour voir ce qui la gênait. Il le connaissait de vue. Qui n’avait jamais entendu parler de Kahei Endô ? L’autre là, anarchiste, violent, immoral et toutes sortes de qualificatifs élogieux et variés… Une vraie légende, urbaine espérait-il, parce que si sa réputation était vraie, respirer le même air que lui ne pouvait qu’apporter son lot de malheurs. Maintenant qu’il était là, Toshi n’avait plus qu’une seule envie, s’était de se barrer en courant.

Kahei arborait un petit sourire et s’était installé dans un fauteuil au centre de la pièce. Il faisait franchement tâche dans ce joli salon aux tons pastels et blancs, et n’avait franchement rien du bibelot précieux qui décorait les appartements... Il ne se leva pas quand la jeune femme se dirigea vers lui, Toshi sur ses talons.

« Endô-kun !

- Sensei… Je ne pensais pas que vous auriez des visiteurs… »

Ses mots étaient glacials et sa voix sonnait fausse, se dit Toshi. L’ambiance de la pièce était tendue et un silence inconfortable s’était installé. Makino-sensei avait encore pâli, ce que Toshi n’aurait pas cru possible. Pendant tout le trajet du district 112 au petit quartier résidentiel où habitait la jeune femme, Makino avait semblé inexplicablement agitée et effrayée, mais elle s’était calmée à mesure qu’ils avançaient. Et là, face à Endô, elle se décomposait littéralement, blanche comme un linge. Surprenant. Kahei se leva soudain et s’approcha d’elle, passant près de Toshi qu’il ignora complètement.

« Sensei accueille beaucoup d’élèves la nuit… murmura t-il, inconfortablement proche du jeune professeur. Non ?

- Endô-kun, ça suffit !! »

Les joues rouges, Makino-sensei se retourna pour aller poser son sac à provisions sur la table. Kahei la suivit et tira le sac vers lui, l’ouvrant pour y jeter un coup d’œil. Un sourire satisfait étira ses lèvres.

« Vous avez réussi à trouver à ce que je vois. On ne manquera de rien pendant un moment.

- Endô-kun… » murmura Makino.

Elle passa sa langue sur ses lèvres craquelées.

« Tu… ne devais pas être là ce soir…

- Ouais, je sais… Un imprévu… Et je voulais tellement vous voir…»

Il lança un coup d’œil vers Toshi qui le regardait, comme pour évaluer les conséquences de sa présence. Il avait une lueur calculatrice dans ses yeux sombres, tout ce qu’il y avait de plus désagréable. Toshi retint de grimacer.

« Sensei, je vais rentrer à la maison, » annonça-t-il, amorçant un demi-tour.

Il ouvrit la porte d’entrée pour mettre en application ses paroles, mais une main se posa sur son épaule et le tira doucement en arrière, l’empêchant d’aller plus loin. Kahei lui dédia un sourire narquois.

« Une minute, Sasaki, tu ne vas pas nous quitter comme ça ? »

Face à l’air surpris de Toshi, Kahei rigola.

« Le quartier n’est pas très sûr la nuit… Et t’es, comment dire… »

Une proie facile ? Toshi eut un rictus amusé. Il ne prétendait pas pouvoir se défendre envers et contre tout, mais suffisamment en tout cas pour ne pas avoir besoin d’un chaperon. Kahei dut lire dans ses pensées.

« Ok, je te raccompagne, décida l’autre, visiblement content de lui - il était franchement à frapper, pensa Toshi. Qu’en dis-tu, Sasaki ?

- Non merci. »

Toshi repoussa sèchement la main posée sur son épaule et s’engouffra dans le couloir, entreprenant de dévaler l’escalier. Derrière lui, il entendit un rire s’élever et quelques commentaires déplacés sur ses fesses, qu’il s’empressa d’oublier. Plus de distance il mettrait entre eux, plus il serait heureux. Pas plus compliqué.

Une fois sorti de l’immeuble, il ralentit l’allure. Il faisait un noir d’encre. Le ciel s’était totalement couvert, cachant totalement la face ronde de la lune derrière une épaisse masse nuageuse. Un vent humide soufflait, glacé et désagréable, faisant frissonner le blond. Il n’allait pas tarder à pleuvoir, se dit-il, reprenant sa marche. Il avait intérêt à trouver rapidement un abri. L’obscurité semblait rendre les ombres plus compactes et mouvantes, et Toshi se surprit à regretter la pâle lumière laiteuse qui baignait les rues un peu plus tôt. Au moins, il aurait vu la silhouette qui lui tomba dessus, se dit-il, bizarrement détaché quand une main le fit percuter le mur.

« Je crois que c’est une incitation ouverte au viol de te promener tout seul comme ça… Hm, chérie ?

- Lâche moi, Endô, soupira Toshi. T’es vraiment con.

- Merde, tu me plaisais bien… »

Kahei se mit à rire et recula, lui assénant une claque sur les fesses au passage. Toshi serra les dents, refusant d’entrer dans son jeu. Ce type était tout simplement détestable. Il reprit sa marche, accélérant le pas. Il voulait avoir confiance en la nature humaine. Abruti ou non, l’autre s’apercevrait qu’il perdait son temps.

Apparemment, non. Le grand brun lui attrapa le bras et le força à s’arrêter… une fois de trop. Serein, Toshi dégaina son couteau et lui porta un petit coup dans le bras, assez vif pour se mettre hors de sa portée et prendre la fuite, s’engouffrant dans une ruelle. Il entendit un juron derrière lui et des bruits de course précipitée à ses trousses.

D’accord. Il devait avouer que c’était de l’inconscience pure et simple, faire ce genre de chose à un type taré comme Kahei qui connaissait son nom, son école et les endroits où il pourrait le trouver… Une chance qu’il n’ait qu’une notion très limitée du mot danger.

Un brin affolé quand même, il enjamba un muret à moitié détruit et fit le tour d’un hangar, cherchant à rejoindre un réseau de rues un peu moins glauques. Ses yeux scannaient les ténèbres, attentifs au moindre mouvement. Il aurait aimé se dire qu’Endô avait lâché l’affaire et était retourné sagement chez Makino-sensei, mais son sens de la réalité refusait de valider cette hypothèse pourtant charmante. Au point où il en était, il ferait mieux de se trouver un abri, de se terrer dans un coin et d’y passer la nuit, avant que l’orage n’éclate. L’air était devenu lourd et électrique, et il commençait à faire frais. La nuit parfaite. Parfaite pour mourir, rit son inconscient, que Toshi avait toujours trouvé stupide et à côté de la plaque. Il lui enjoignit de se taire - il n’avait pas l’air stupide à se parler à lui-même - et détala vers un complexe d’immeubles désinfectés, à priori inoccupés. Quand soudain…

« Merde ! »

Il s’affala de tout son long sur le macadam crevassé, s’écorchant les genoux en passage. Génial… Le corps dans lequel il s’était pris les pieds remua faiblement, et le type marmonna quelque chose, trop défoncé pour parler. Toshi l’ignora et se releva en clopinant. Et bien entendu, comme les ennuis n’arrivaient jamais seuls… Il se sentit attrapé par le col et fit une nouvelle fois connaissance avec le mur, plus violemment cette fois-ci.

Etourdi, il eut à peine le temps de réagir quand une main se referma sur sa gorge, puis une autre sur son poignet droit, l’immobilisant presque complètement. Le visage de Kahei à quelques centimètres du sien était terrifiant, pensa-t-il, hypnotisé. Un lent sourire étira les lèvres du brun, aux yeux si sombres qu’il était impossible d’y lire quoi que ce soit. Toshi cessa un instant de se débattre et se figea, incapable de se libérer.

« Tu n’as pas été très gentil… »

Kahei eut un petit rire et pencha encore sa tête sur lui, juste assez pour que ses lèvres effleurent sa joue. Toshi tiqua et remua un peu, mais se calma tout de suite quand Kahei resserra sa prise sur sa gorge.

« Ne sois pas aussi farouche. Je ne vais pas te buter.

- Ouais… Tu m’étrangles, t’es pas sur la bonne voie…

- Oh ? »

Les doigts quittèrent sa gorge pour remonter vers son visage, attrapant sans douceur sa mâchoire. C’était censé être mieux ? faillit demander Toshi, sarcastique.

« T’es mignon, murmura Kahei dans son oreille. Ca me ferait de la peine de devoir abîmer un joli minois comme le tien.

- Alors… Ne le fais pas…

- Pourquoi ? T’as peur ? »

Il se croyait drôle ? Le sentiment d’être totalement acculé était désagréable, pour ne pas dire détestable. Il passait une des pires soirées de sa vie… Que devait-il faire, prendre son mal en patience ? Il réprima un soupir, sentant les grandes mains du brun toujours sur lui. Kahei le contempla un instant, comme pour imprimer l’image de son visage sur sa rétine. C’était encore plus… désagréable.

« Tu as de la chance, tu ne m’as pas fait mal. Mais tu vas venir avec moi, déclara soudain l’autre. Et pas d’autres coups foireux, t’as pigé ? »

Et pour appuyer ses propos, il lui caressa la joue, comme si cela avait le pouvoir d’effrayer Toshi. Franchement. Il le relâcha enfin. Le blond se demande brièvement si c’était une bonne idée de retenter de jouer la fille de l’air... Non, si on en croyait les yeux de Kahei. Il finit par soupirer, résigné.

« Qu’est ce que tu me veux, Endô ? fini-t-il par demander.

- Prends pas cet air blasé, blondie. J’veux juste que tu viennes avec moi. C’est pas compliqué, pourtant ?

- Pour quoi faire ? »

Il ne pouvait pas lui faire confiance. Kahei était un fou, dangereux et psychopathe, décida-t-il. Oh, il pouvait jouer le séducteur, séduire les idiots qui ne voyaient pas plus loin que le bout de leur nez. Mais Toshi n’est pas dupe. Et n’avait pas peur. Oh que non. Même si l’autre brute était capable de l’écraser contre un mur avant qu’il n’ait lui-même le temps de sortir son canif.

Kahei haussa un sourcil et le regarda calmement, sans répondre. La pression sur son poignet augmenta, finalement si douloureuse que Toshi vit de petites étoiles danser devant ses yeux. Le blond céda.

« Je te suis… mais uniquement parce que je n’ai rien d’autre à faire ce soir. »

Tant pis s’il n’était pas crédible.

*

Ils arrivèrent peu de temps après dans la Grande Avenue, dans la partie que Kahei avait l’habitude de fréquenter. La rue était bien éclairée, grâce aux lampadaires plantés régulièrement le long de la route, aux vitrines aguicheuses des bordels et aux spots lumineux des clubs.

Kahei sourit et se tourna vers son compagnon. Toshi était adorable avec cet air méfiant, comme s’il se disait qu’il s’engageait dans le pire des guets-apens. Il n’avait peut-être pas tort, mais Kahei avait besoin de lui - le blond avait déjà une place réservée dans ses plans de la soirée… Il se passa une main dans ses cheveux.

Makino avait bel et bien récupéré le colis, bien plus tôt qu’il ne l’avait prévu. Il ne s’attendait pas à ce qu’elle y aille de sa propre initiative, avant même qu’il puisse faire pression pour qu’elle lui obéisse. Elle n’aurait pas aimé qu’il aille balancer sur tous les toits qu’elle couchait avec un de ses élèves, après tout… Quelle idiote. Enfin, elle avait réussi et c’était le principal. Kahei avait à présent sa principale monnaie d’échange, cette belle poudre blanche méticuleusement scellée dans des poches de plastique opaque. Il n’avait plus qu’à aller chercher la chose qu’il convoitait depuis des mois…

« Suis moi, » dit-il à Toshi, l’entraînant vers l’entrée d’un club coincé entre deux bâtiments lugubres.

A peine entrés, une forte musique les assaillit, rendant toute communication impossible. Il y avait une représentation sur scène, une troupe de danseuses qui se déhanchaient lascivement au rythme des clients qui frappaient des mains. La tronche que tira Toshi à ce moment était mémorable, pensa Kahei. Il alla s’accouder au bar et fit signe au type derrière le comptoir, une vieille connaissance.

« Je vais prévenir Eden, » dit muettement le barman, posant le verre qu’il essuyait.

Parfait. Avec un peu de chance, tout serait fini dans quelques heures.

« Amuse toi un peu, » cria-t-il dans l’oreille de Toshi.

Qui n’en menait pas large, évidemment, mais c’était amusant à regarder. Kahei était un habitué des lieux, il passait inaperçu, mais le minois de Toshi allait faire des émules.

Une danseuse quitta soudain la scène et s’approcha du bar, ignorant les propositions des hommes qu’elle croisait sur le chemin. Eden était une femme proche de la trentaine, aux lèvres rouges et pulpeuses. Elle était clairement belle, malgré l’âge et la couche de maquillage aux couleurs criardes étalé sur son visage. Kahei se leva pour rejoindre un coin de la boîte un peu plus paisible. Eden le rejoignit et se posa sur une chaise, les jambes croisées.

« Ca faisait longtemps, chéri…

- Je t’ai manqué ?

- Tu sais que je suis fan des bruns ténébreux… »

Eden eut un petit rire de gorge.

« On dit qu’ils sont fougueux et bons aux pieux.

- Et t’es bien placée pour en parler… »

Kahei sourit et s’alluma une cigarette, proposant une au passage à la belle brune. Il tira une bouffée et promena son regard autour de lui, plus sur ses gardes qu’il ne voulait bien le montrer. La présence d’un seul membre de Ketsueki II le mettrait dans le plus beau des bourbiers.

« J’ai ce que j’avais promis à ton homme, dit Kahei, passant une main dans ses cheveux. Et j’ai ramassé un petit chaton en passant…

- Joli… Je ne m’attendais pas à ce que tu t’encombres de ça Kahei… Surtout pas en ce moment.

- Que veux-tu… On ne peut pas contrôler certains événements, » lâcha-t-il, faisant semblant de lever les yeux au ciel.

En réalité, ça l’arrangeait franchement que Toshi soit là. Eden n’apprécierait certainement pas ses plans pour lui, mais elle n’avait pas besoin d’être mise au courant. Pauvre Toshi, se dit Kahei, affectant un air triste. Le garçon s’était trouvé au mauvais endroit au mauvais moment, tout simplement. Et Kahei n’était là que pour tourner les choses à son avantage. Ce serait bête de refuser l’aide de la providence.

Il se retourna pour voir où était le blond. Assis dans un coin, deux ou trois dragueurs invétérés autour de lui, l’air visiblement ravi. Filles ou garçons, il semblait les attirer comme du miel, c’était parfait. Plus il attirait l’attention, moins on s’intéresserait à Kahei.

« Enfin, le jour où t’en voudras plus, envoie-le moi, dit Eden. Je te connais, tu te lasses très vite… Trop vite.

- Et tu crois que tu réussiras à en tirer quelque chose ? demanda Kahei, amusé.

- Ne me sous-estime pas. »

Trêve de plaisanteries. Kahei glissa sa main dans sa veste et en tira un petit paquet brun, qu’il poussa vers la danceuse. Cette dernière le contempla un moment, mordillant une lèvre soigneusement peinte en rouge.

« Je ne m’attendais pas à ce que tu parvienne à mettre la main dessus, avoua-t-elle, un peu pâle. Qu’est ce que t’as fait, bon sang…

- C’est pas ton problème. »

Le brun écrasa sa cigarette dans le cendrier posé sur la table, le visage neutre de toute expression. Plus vite la transaction serait faite, plus vite il pourrait passer à autre chose. Et c’était le principal.

« Tu es en train de sombrer, pas vrai ? soupirer Eden. Pourquoi te mets-tu dans de telles situations, Kahei ? Tu tiens tant que ça à mourir ?

- Ferme la ! »

Qu’est ce que les femmes étaient chiantes… Agacé, Kahei alluma une autre clope et fuma en silence, conscient du regard d’Eden posé sur lui. Il en avait rien à foutre de ses considérations stupides… Qu’en savait-elle après tout ?

« N’entraîne personne d’autre avec toi dans ta chute, c’est tout, dit Eden après quelques minutes de silence. Tu es parfois tellement égoïste… »

Elle attrapa le sac du bout des doigts et le glissa dans la sacoche accrochée à sa taille, puis eut l’air d’hésiter. Finalement, elle passa les mains autour de son cou et décrocha la chaîne qui plongeait dans son décolleté, à laquelle pendait… une clé. Kahei haussa un sourcil. Il n’aurait jamais imaginé qu’Eden la conservait sur elle. S’il avait su plus tôt… Enfin, on ne pouvait pas revenir en arrière. La danseuse fit glisser la clé vers lui.

« Enfin, fais comme tu veux, Kahei.

- Merci… »

Kahei empocha la clé, satisfait. Il pouvait passer à la prochaine étape, à présent. Il se leva et eut un petit rire, un peu fataliste. Il se pencha pour embrasser Eden sur la joue.

« C’est dommage que tu aie refusé de sombrer avec moi, murmura-t-il doucement. Je t’aimais bien…

- Je sais, » rit Eden.

Ses yeux se firent plus froid et elle le repoussa, son regard charbonneux plongé dans le sien.

« Evite de faire tomber ta nouvelle princesse avec toi, d’accord ? »

Kahei ne répondit pas et s’éloigna. Il attrapa Toshi par le bras et l’entraîna avec lui vers la sortie, l’arrachant des griffes de ses nouveaux admirateurs. Il était temps de mettre les voiles… Il savait où était leur prochaine destination.

*

mithridatum, aera3, evanghell

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