Dec 28, 2006 19:35
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Quand il rouvrit les yeux, sa tête lui faisait aussi mal que s’il venait de se faire marcher dessus par un troupeau de Trolls enragés. Qu’est ce qu’il faisait là ? Pourquoi n’était-il pas dans son lit ? Pendant un bref moment, c’était comme s’il était un garçon normal, dans un endroit normal, durant une nuit normale.
La mémoire lui revint brutalement. Les images le submergèrent comme si on venait de faire une brèche dans le barrage de ses souvenirs. Et surtout, la douleur, la peur, le froid, glacé, insidieux, qui prend aux tripes. Cédric avait envie de vomir.
Une voix résonnait dans sa tête, et il savait qu’il ne pouvait pas y résister. C’était plus fort que lui, toujours. Rentre au château, dit la voix, ressemblant étrangement à celle de Snape. Oublies Potter. Rentre au château. Ne dis rien à personne.
C’était si simple d’obéir à cette voix. Tout semblait tellement plus facile. Avec détachement, il se vit lui-même se relever, récupérer sa baguette tombée par terre et faire demi-tour vers l’école. Rentre au château. Ne dis rien à personne.
Il venait de pénétrer à l’intérieur par une petite porte dérobée, quand un bruit le fit sursauter. C’était Hannah Abott. Il avait toujours considéré la Poufsouffle de cinquième année comme sa petite sœur, depuis la fois où il l’avait consolé après qu’elle ait raté un devoir en Métamorphose pendant sa première année. Elle se tenait au milieu du couloir, sa cape frileusement enroulée autour d’elle, une bougie à la main. Son insigne de préfet étincelait doucement à la lueur de sa flamme, et Cédric nota distraitement l’absence de la sienne. Il avait dû la faire tomber dans la Forêt Interdite.
Hannah le regardait curieusement, et il se rendit compte qu’il devait avoir l’air pâle et échevelé.
« Cédric ? Tu… Ca ne va pas ? » demanda Hannah, visiblement inquiète.
« Tout va bien, » répondit Cédric.
Ne dis rien à personne. Son pantalon était couvert de terre et ses mains tremblaient, mais il espérait que dans la pénombre, Hannah ne remarquerait rien. Il se recula volontairement dans l’ombre d’une statue et lui dédia un faible sourire.
« Pas couchée ? »
« Je vérifie que tout le monde respecte bien couvre-feu, » répondit Hannah.
Elle avait l’air préoccupé. « J’ai l’impression qu’il y a quelque chose de bizarre. J’ai vu passer des professeurs en courant tout à l’heure. Et je crois que j’ai croisé Malefoy dans le couloir du 3e étage, mais je n’en suis pas sûre. Il est parti quand je suis arrivée. »
« Qu’est ce que vous faites debout à cette heure ? » demanda soudain une voix éraillée. « Qu’est ce que tu fous là, Diggory ? »
Une main pesante se posa sur son épaule, et Cédric eut l’impression que son cœur plongeait dans ses chaussettes. Il se retourna pour faire face à Maugrey, dont l’œil tournoyait à toute vitesse dans son orbite. Le faux Maugrey. Cédric lui lança un regard terrifié.
« Nous sommes préfets, » répondit Hannah, inconsciente du danger qu’elle encourait. « Nous faisions notre ronde. »
« Diggory faisait sa ronde, hein. »
Il avait l’air fou. L’exaltation transparaissait dans sa voix, et Hannah lui lança un regard surpris. Elle regarda sans comprendre Maugrey lever sa baguette vers elle, légèrement étincelante.
« Attendez, » dit Cédric.
Il se força à garder une façade calme, alors que tout ce qu’il avait envie était d’hurler et de dire à Hannah de s’en aller, avant qu’il ne soit trop tard. Les doigts du Mangemort lui pénétraient douloureusement dans sa chair, lui broyant l’épaule. Maugrey/Croupton eut soudain l’air de se reprendre et fit signe à Hannah de s’en aller.
« Retournez-vous coucher, Abott, et ne quittez votre dortoir sous aucun prétexte. Suivez moi Diggory, » lâcha-t-il.
Il tourna des talons et se dirigea vers son bureau, sa jambe en bois martelant le sol dans un bruit sec. Hannah les regardait curieusement, mais Cédric lui dédia un sourire qu’il espérait rassurant et emboîta le pas au professeur de DCFM, pétri d’anxiété. Il n’avait pas tort.
Aussitôt dans le bureau, Croupton lui attrapa le cou. Ne dis rien à personne.
« Alors, dis moi, dis moi ! Est-il… est-il revenu !? »
Ce sorcier était complètement fou, complètement malade ! Ne dis rien à personne.
« Je.. je ne sais pas, » parvint-il à dire, les doigts de Maugrey pressés contre sa gorge.
« Parle, » dit Croupton, et sa voix résonna comme un écho dans sa tête.
Parle… Dis moi ce qu’il s’est passé…
Ne dis rien à personne.
Parle…
« Parle ! » hurla Croupton, et cette fois, la lueur au bout de sa baguette était bien réelle. « Parle ou… »
Le sourire mauvais qui étira ses lèvres couturées envoya des frissons dans le dos de Cédric. Ne dis rien à personne.
« Chang, c’est ça ? Mignonne petite, hein ? Qu’est ce que tu dirais d’aller faire un tour dans le dortoir des Serdaigles, Diggory ? »
Ne dis rien à personne.
« Ou Abott ? Doit encore être dans les parages, on pourrait l’inviter à notre petite fête, non ? Ou on peut aussi envoyer un hibou à ce brave Macnair, il doit surveiller cette jolie maison à Ste Chaspoule… Ta mère laisse toujours la porte de la cuisine ouverte ? »
« Je… »
Ne dis rien à personne !
« Snape… »
« Snape ? »
La voix de Croupton ne disait rien qui vaille, et Cédric sentait ses doigts caresser sa gorge et ses joues, froids, vicieux, faussement doux mais qui pouvaient se montrer meurtriers la seconde d’après.
« Snape était là, » murmura Croupton, la voix rauque. « Ce traître… Il n’a fait que me mettre des bâtons dans les roues, et maintenant… il veut s’attribuer tout le mérite auprès du Maître ! »
Cédric ne pouvait plus respirer. La poigne sur sa trachée était dure et cruelle, et le manque d’air commençait à lui faire voir des lueurs blanches. Avec un certain détachement, il se sentit perdre conscience - cette nuit était peut-être sa dernière, après tout.
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Ce soir, le village de Pré-au-lard fut dévasté par une attaque de Mangemorts, sous le commandement de Sirius Black, dirent les journaux. Rita Skeeter écrivit un formidable article incriminant la responsabilité du Ministère, incapable de protéger d’honnêtes citoyens du danger que représentaient les derniers partisans de Vous-Savez-Qui. Le corps de Barry Croupton Jr fut retrouvé, inanimé. Le baiser du Détraqueur fut aussitôt donné.
A la dernière page de la Gazette du Sorcier, on mentionna dans un petit encart le vandalisme subi par le cimetière de Pré-au-lard, où la moitié des tombes avaient été dévastées. Personne ne parle de cet étrange chaudron qu’on retrouva parmi les stèles, ni de cet étrange cercueil qu’on retrouva vide, comme si son contenu s’était évaporé.
Personne ne prêta d’attention non plus à ce pauvre garçon nommé Harry Potter, vous savez, celui qui cherchait toujours à attirer les feux des projecteurs sur lui - Rita Skeeter aimait beaucoup parler de ce cher enfant dans ses multiples articles publiés dans la Gazette. Il fallait vraiment avoir des problèmes dans la tête pour parler du retour de Vous-Savez-Qui, franchement !
Vous-Savez-qui n’était pas revenu. Mais le Ministère eut tout de même la bonté d’assigner à une dizaine Aurors l’ordre de traquer Sirius Black. Aucun doute que Potter les remercierait à jamais, pour ça.
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« Diggory était l’appât, » dit sombrement Severus. « Croupton lui a dit de se rendre à Pré-au-lard ce soir. Il savait que Potter le soupçonnerait et le suivrait. Dès qu’il a mit un pied en dehors de l’enceinte du château, Pettigrow l’a capturé et l’a amené à son Maître. Pettigrow a ensuite allumé ce feu magique qui a faillit incendier le village. Et le reste… Vous l’avez vu dans mes souvenirs, Professeur. »
Dumbledore hocha la tête. Il avait l’air las, et les rides autour de ses yeux semblaient ressortir plus que jamais. Severus détourna les yeux. Il détestait voir Dumbledore dans cet état, comme si l’âge le rattrapait et lui murmurait insidieusement que son corps déclinait, ses pouvoirs avec.
« Mais nous avons pu arrêter Bartemius Croupton Jr, » dit Dumbledore. « Qui aurait cru que son père le sauverait d’Azkaban… Il en a payé le prix. »
Son regard se fit plus dur derrière ses lunettes en demi-lune. Plus aucune malice ne pétillait dans ses yeux, juste une profonde lassitude. Et de la colère. Severus pouvait comprendre. Tous avait cru que la délégation de Durmstang était coupable de la disparition de Bartemius Croupton Sr. Krum avait été injustement accusé, les relations internationales coupées.
« Nous savons qui est le traître, maintenant, » dit Snape, faisait référence au faux Moody.
« Mais Alastor Maugrey a été retrouvé mort, » murmura le vieux sorcier.
Le monde magique sombrait dans le chaos, et ce soir, le Seigneur des Ténèbres était revenu. Potter ne devait la vie qu’à une incroyable chance, le fait qu’il connaisse le passage secret de la Cabane Hurlante menant à Poudlard. Pour couronner le tout, ils avaient découvert qu’un élève avait été pris dans les filets du Lord Noir, sans que personne ne s’en soit rendu compte. Combien de temps Diggory avait-il gardé son secret ?
Dumbledore se leva et quitta son bureau. Les portraits sur les murs étaient restés silencieux tout ce temps mais commencèrent à chuchoter entre eux quand le directeur de Poudlard s’avança vers la sortie.
« Je vais voir Harry à l’infirmerie, » dit-il à l’intention de Snape, retrouvant son apparence sereine.
Il marqua une pause sur le pas de la porte.
« Severus… » Ses yeux étaient graves. « Vous êtes le seul à pouvoir l’aider, à présent. »
Il n’avait pas besoin de dire de qui il parlait. Dumbledore partit, et Severus ferma un instant les yeux, épuisé. Si l’espoir brillait quelque part, il doutait qu’elle soit présente dans ses prunelles…
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