Titre: Fall
Genre: UA Ev Verse, série [EV.EIL]
Perso: Maseri, Jiro
Rating: PG-13
Résumé: Maseri est une star, et Jiro est son stalker. Série [EV.EIL].
[Kagami] Il se sentait comme une marionnette, qu’on faisait danser, danser et tourbillonner sur scène. Un pantin mue par les doigts experts de ces managers, coiffeurs, stylistes, et dont les fils s’enchevêtraient pour former des nœuds de plus en plus gros chaque jour. Quand on ne pourrait plus les démêler, Maseri savait que ces fils seraient tout simplement coupés. Il ne se faisait pas d’illusion sur ce monde.
Il était une star montante. Dans toutes les capitales d’Asie on pouvoir voir son visage, entendre ses chansons. On se battait pour le recevoir sur les plateaux télé, on lui versait des fortunes pour obtenir ses faveurs. Il était le rêve de toutes les gamines pré-pubères et le fantasme de leurs soeurs plus âgées. Il avait dix-neuf ans et avait l’impression de porter le poids du monde sur ses épaules.
« - Ta chute va être douloureuse, » lui disait sa mère, les fois où il pensait à l’appeler pour afficher un semblant de pitié familiale. Elle n’aimait pas sa carrière.
Sourire à la caméra, flirter avec les fans. Courir dans toute l’Asie, dormir deux heures par nuit. Brûler, brûler, comme une supernova, jusqu’au jour où on se fera avaler par un trou noir. Il n’avait pas peur. Ou c’était ce qu’il voulait croire.
Le nombre de ses fans augmentait après chaque apparition télé, chaque concert. Le nombre de ses anti-fans aussi. Tu n’es rien, tu ferais mieux de mourir. Il recevait des lettres, des peluches, et des bouteilles de clous et d’acide sulfurique. C’était la célébrité.
Il y avait ce type, un garçon. C’était étrange, parce que d’habitude ses fans étaient des filles, hystériques, à la voix stridente et haut perchée qu’il avait appris depuis longtemps à supporter. Ce garçon, Maseri ne le connaissait pas. Mais quand il se retournait, il le voyait toujours, ses yeux noirs ancrés dans les siens. Effrayant.
C’était après un show-case pour son nouvel album. Dans le calme suivant la frénésie du concert, Maseri avait réussi à échapper à la horde de managers pour prendre un bol d’air frais. Il y avait une sortie de secours à l’abri du regard, derrière l’ascenseur menant au parking. Et il était là, adossé contre le mur. Maseri avait haussé un sourcil.
« - Je ne suis pas un fan, » avait-il dit, sans expression apparente.
Il n’était ni très grand, ni très large. Il avait les mains dans les poches de son jean délavé et un t-shirt qui disait FOCK THE WURLD. Génial. Ils devaient avoir le même âge.
« - Mais je m’appelle Jiro, » avait-il continué.
Maseri avait juste continué à le dévisager. Au bout d’un moment, Jiro avait haussé les épaules et s’en était allé. Maseri n’avait même pas eu le temps de lui dire quelque chose, comme « Arrête de me suivre » ou « Où as-tu acheté ce t-shirt ? ».
Quelques jours plus tard, il vit le garçon dans le hall de son immeuble.
« - Je me suis fait embauché comme aide concierge », lui dit-il.
Il avait un sourire torve. Maseri flippa. Il rangea l’information dans un coin de son cerveau et se jeta corps et âme dans son travail. Si bien qu’il finit par oublier.
Une nuit, quelqu’un sonna à sa porte et il alla répondre, les yeux bouffis de sommeil. Jiro se tenait sur le palier et son regard était triste.
« - J’ai envie de te parler, » murmura t-il.
Maseri lui avait claqué la porte au nez et était retourné se coucher. C’est un cauchemar, réussit-il à se convaincre avant de s’endormir. Pourtant, la nuit d’après, on sonna à nouveau à son appartement.
« - Je vais appeler la police, prévint-il de son côté de la porte. Ce n’est pas une façon de demander des autographes.
- Je ne suis pas un fan, protesta la voix de Jiro.
- Menteur. Et il est deux heures du matin, connard. »
Quand il dut se rendre au tournage d’une émission quelques heures après, Maseri n’avait pas dormi et Jiro avait disparu de son palier. Il fallait qu’il envisage de le faire virer de cet immeuble, se dit-il, les yeux cernés.
Jiro ne vint plus sonner à sa porte après cette nuit. En vérité, il ne le croisait même plus. Il savait qu’il travaillait toujours ici parce que les voisines du deuxième étage parlaient de ce charmant garçon qui les aidait à porter leurs courses quand il les croisait dans le hall. Maseri leur avait signé leurs autographes et avait fini par répondre : « Oui, c’est quelqu’un de bien. » Il n’en croyait pas un mot.
Il s’épuisait au travail. Il perdait du poids, son teint était maladif et il lui fallait une bonne couche de maquillage pour le rendre présentable. Le vent était en train de tourner. Les fils formaient des nœuds de la taille du poing à présent et la marionnette était en train de se disloquer. On commençait à en avoir marre de voir son visage à tous les coins de rue.
« - Tu vas prendre des vacances, Maseri, lui dit son manager. Tu as l’air fatigué. »
Maseri haussa des épaules et continua à travailler. Il ne mangeait plus. Il allait tomber malade. Un jour qu’il rentrait chez lui après une journée chargée, Jiro lui tomba dans les bras.
« - Arrête, sanglota t-il. Je ne veux plus te voir comme ça. Pourquoi est-ce que tu ne te souviens pas ? Maseri, s’il te plaît, c’est moi, Jiro, souviens toi de moi…
- Je sais qui tu es, » dit Maseri distraitement.
Il le repoussa et secoua la tête. « Arrête de me harceler, » dit-il. Il rentra chez lui et ferma la porte à clé. Cette nuit, il rêva d’un monde étrange. Il était un magicien et pouvait faire des choses qu’il n’aurait jamais imaginé possible. Il y avait une ville fantastique et une lune merveilleuse, il y avait toutes ces tours de verre qui montaient haut dans le ciel, jusqu’à toucher les étoiles. Quand son réveil sonna le lendemain, il grogna et regretta de ne pas pouvoir rêver encore un peu plus. Son téléphone bipa.
« - Désolé, Maseri, dit son manager. Nous avons perdu le contrat avec K-EX. Prends donc la journée pour te reposer. »
Il raccrocha. Maseri resta figé, le combiné pressé contre son oreille. C’était cela que ça faisait d’être jeté et mis de côté ? Il haussa les épaules. Ca ne se passera pas comme ça.
Il vivait de café et de clopes. Jamais il n’aurait imaginé fumer mais le stress, le même stress qu’il avait trouvé si stimulant quelques mois plus tôt commençait à le ronger. « Je ne veux pas qu’on parle de moi au passé, » avoua-t-il à une interview. Il était pâle, ses fans s’inquiétaient. On parlait dans son dos, on se taisait quand il arrivait dans une pièce. Il avait vingt ans et l’impression d’en avoir soixante-dix.
Il luttait dans un combat perdu d’avance.
« - Les gens veulent voir du sang neuf ! dit son manager. Ils veulent de la variété, de la surprise. Tu ne les surprends plus, avoua-t-il. Tu es tellement… prévisible.
- Je… »
Maseri ne savait même pas quoi dire.
« - Je vais prendre des vacances, dit-il finalement. Pour que les gens m’oublient. Et je reviendrai, asséna-t-il. Je reviendrai. »
Il rentra chez lui ce jour-là et dormit, comme il n’avait jamais dormit. C’était peut-être la chose qui lui avait le plus manqué dans la tourmente de ses activités. Il était le soir quand il se réveilla, et quand on sonna, il alla ouvrir. C’était Jiro. Cela n’étonna pas Maseri.
« - Tu veux boire quelque chose ? » demanda-t-il.
Il tint la porte grande ouverte pour le laisser entrer. Jiro avait l’air choqué. Maseri attendit patiemment qu’il se remette de sa surprise. Ils s’assirent dans le salon bordélique et Maseri alla chercher dans la cuisine deux verres propres et une bouteille de vin. Au dernier moment il se ravisa et attrapa une brique de jus d’orange. Il venait de se réveiller, après tout.
« - Pourquoi ? demanda finalement Jiro, brisant le silence confortable qui s’était installé.
- Pourquoi quoi ?
- Pourquoi m’avoir fait entré ? Tu me détestes, » murmura Jiro.
Maseri reposa son verre et laissa tomber sa tête en arrière. Le sol était jonché de sachets vides et de magazines déchirés, il aurait besoin de nettoyer.
« - Je prends soin de mes fans, répondit-il distraitement. Même quand ce sont des stalkers enragés.
- Je ne suis pas un stalker, protesta Jiro. Et encore moins un fan. »
Il avait à nouveau les yeux tristes et osait à peine regarder Maseri, plongé dans la contemplation de son verre. Il avait l’air malade, lui aussi. Comme s’il ne dormait pas et ne se nourrissait pas, alors que… alors qu’il n’y avait pas de raison. Pas du point de vue de Maseri, en tout cas.
« - Tu ne te souviens vraiment pas de moi ? » demanda Jiro.
Si, je me souviens de toi. Tu es cette ennuyante personne qui me harcèle depuis des mois, avait envie de répondre Maseri. Mais il comprit que ce n’était pas ce que Jiro voulait dire. C’était curieux.
« - Non, dit-il doucement. Je devrais ? »
Maseri vit dans son regard qu’il lui avait brisé le cœur. « Je suis désolé. »
« - Non, dit Jiro. Ce n’est pas de ta faute… C’est… »
Et il se mit à parler, à raconter des histoires étranges, sur une cité appelée Evanesca. Maseri avait l’impression qu’on lui narrait ses propres rêves, ses propres illusions. Jiro était fou, décida-t-il, mais il n’arrivait pas à se résoudre à l’arrêter. Il l’écoutait parler, et quelque part, quelque part… il ne savait pas pourquoi mais il le croyait, ce qu’il disait avait du sens, et peut-être qu’au fond Maseri était fou lui aussi. Ils étaient tous fous, il était brisé, il était un pantin démantelé et jeté dans un coin.
« - Crois moi s’il te plaît, dit Jiro et il était désespéré et s’accrochait à Maseri et ses ongles s’enfonçaient dans sa chair et son regard le suppliait et Maseri ferma les yeux.
- Je te crois, » répondit-il.
Jiro se mit à pleurer, sans que Maseri ne sache si c’était parce qu’il était heureux ou bien parce qu’il avait mal. Il se sentait confus, il avait l’impression d’entendre des voix dans sa tête, de voir des choses qui n’existaient pas, et -- Jiro l’embrassa, et il arrêta de penser.
« - Je ne te laisserai pas m’oublier une seconde fois, » chuchota Jiro. Maseri se sentit bêtement acquiescer. « Je… Je t’aime bien... »
Maseri ne put s’empêcher de rire.
« - Je le savais, dit-il. Tu es un fan. » Mon précieux fan.