[DBSK] Grey - Interlude {et quelque part dans le noir...}
Grey:Interlude - Et quelque part dans le noir...
Les premiers chapitres du point de vue de Yoochun
~2000mots
INTERLUDE -
Et quelque part dans le noir…
Il savait qu’il n’y résisterait pas. Le stress, la folie de leurs emplois du temps, l’impression de se noyer, noyer, de ne plus respirer ; cette douleur sourde et continue qui lui vrillait les entrailles et que rien ne semblait pouvoir faire disparaître.
Oh, bien sûr, il n’était pas le seul. Ils pouvaient voir les autres se débattre aussi de leur côté, chacun faisant face aux difficultés à sa manière. Yunho, plus que jamais nerveux et irritable ; Jaejoong, fumant cigarette sur cigarette en cachette, entre deux pauses, deux voyages, quand il pouvait sortir sans être vu ni entendu ; Changmin, qui grignotait sans faim la nuit, le jour, n’importe quand ; et enfin Junsu, Junsu qui n’était plus que l’ombre de lui-même, poussé jusqu’aux plus extrêmes limites de ses capacités. S’il y avait quelque chose que Yoochun ne voulait pas, c’était bien se retrouver à sa place.
Il avait vu que Junsu n’était pas bien. Les autres aussi, évidemment. Mais Yunho était trop profondément engoncé dans son rôle de leader de Dong Bang Shin Ki pour laisser parler le Jung Yunho qui était en lui, celui enthousiasme et protecteur, qui aimait Junsu comme son propre petit frère et qui n’hésiterait pas à se sacrifier pour lui s’il le fallait. A présent, Yunho avait aussi trois autres membres sous sa responsabilité, et voilà le credo : pas de favoritisme. Juste un impartial traitement pour tous, pour Junsu et pour eux. Le leader devait prendre le dessus. Si Junsu mettait en danger Dong Bang Shin Ki, alors U-know Yunho devait intervenir. Même si ça lui brisait le cœur.
Jaejoong faisait de son mieux pour soulager tout le monde. Il s’était pris au jeu, lui que les fans appelaient la ‘maman’, celui qui chouchoutait les autres et qui veillait à qu’ils restent heureux et en bonne santé. Parfois, Yoochun avait un aperçu de Kim Jaejoong, juste Kim Jaejoong, le type qui ne rêvait que de vivre pour lui et qui n’avait pas besoin de penser aux autres.
« - Fais chier, fais chier… J’en ai marre, je lâche tout, » craquait parfois Jaejoong.
Jaejoong disparaissait alors, et Yoochun l’accompagnait. Ils allaient en boîtes, en soirées privées, dans ces lieux où personne n’avait rien à foutre de qui ils étaient, de qui ils se tapaient. Ces nuits, ils n’avaient pas à faire semblant, pas à se préoccuper de qui ils étaient, pas à se préoccuper des conséquences. Ils savaient qu’un jour, ça leur exploserait à la tête. Mais ça valait le coup. Ils essayaient de s’en persuader.
Quand ils furent forcés de retourner à Tokyo, laissant Junsu derrière eux, un sentiment de désorientation les frappa. Ils avaient toujours été cinq, comme les doigts de la main. Même si ce n’était pour que quelques jours, l’impression de vide était clairement palpable. Son rire, sa façon de se faufiler entre eux pour être le premier à atteindre la télécommande de la télé, sa présence, tout - quand il n’était pas là, Yoochun s’imaginait voir un fantôme de Junsu, lascif, muet et immatériel. Le fantôme s’asseyait là où s’asseyait Junsu, dormait là où il dormait, mangeait là où il mangeait. Changmin sortait cinq assiettes quand il mettait les couverts, avant de se raviser et d’en ôter une. Jaejoong passait derrière lui et la reposait sur la table.
« - Au cas où, » disait-il, répondant à la question muette que personne n’avait osé poser.
Quand Sakimoto-san leur annonça que l’arrivée de Junsu serait retardée, Yunho avait explosé.
« - Cet idiot ne sait pas dire non, maugréait-il, faisant les cent pas dans leur salon. Il ne sait pas dire non, et vous pouvez être sûr que ce bâtard de Soo Lee en profite. Il n’attendait que ça, qu’on ne soit plus là… Ce bâtard… »
Changmin hochait de la tête dans son coin, les bras croisés, comme s’il comprenait tout ce qui se passait. Yoochun n’avait pas cette chance, mais ‘ignorance is bliss’, comme on disait. Yoochun ne cherchait pas à comprendre et allait s’enfermer dans sa salle de travail.
Il trouvait son repos dans la musique. Il aimait faire courir ses doigts sur les touches blanches et noires de son synthé, imaginant les mélodies qu’il pouvait en tirer. Cela suffirait pour soulager son esprit et son âme, se disait-il. Les virées nocturnes qu’il faisait en cachette avec Jaejoong soulageaient sa frustration physique, et la musique apportait le baume qui lui manquait au cœur. Tout était parfait.
C’aurait été trop beau pour être vrai. C’était comme une descente en enfer. Jour après jour, la même routine, les mêmes chansons, mêmes pas de danse. Physiquement, il était épuisé. Et mentalement…
Le soir, la fatigue accumulée toute la journée lui tombait dessus, abrupte et tellement lourde qu’il n’avait plus la force de la soulever. Il pleurait sans s’en rendre compte, caché dans le noir de la chambre qu’il partageait avec Jaejoong. Jaejoong savait mais ne disait rien. C’était un autre de leurs secrets.
Quand Sakimoto-san leur confirma l’arrivée de Junsu pour le lendemain, Yoochun sentit une indescriptible joie l’envahir. Sunshine revenait. C’était cool. La maisonnée sembla revivre, comme réveillée par une bouffée d’air frais.
« - On fête le retour de ‘Susu, ‘kay ? »
Mais la soirée ne se passa pas comme il l’avait espéré. Junsu ressemblait à un petit garçon prit la main dans le sac quand Yunho dévoila son secret devant tout le monde. Junsu allait partir solo, et toutes les conséquences qui allaient avec. Yoochun ne comprenait pas pourquoi Yunho réagissait ainsi.
« - Il a peur, lui avait murmuré Jaejoong. Il a peur que Junsu s’en aille et… et… enfin. Ça n’arrivera jamais, » avait-il dit.
Junsu était revenu épuisé. Il était pâle, silencieux, les yeux las et ne souriait pas, pas comme il le faisait habituellement, même lorsqu’il était fatigué. Ce n’était plus que l’ombre de Junsu. Et ça faisait flipper Yoochun.
Il ne savait pas quoi faire. Junsu avait besoin de lui, besoin d’eux tous… Yunho faisait sa tête de mule et refusait de lui adresser la parole. Jaejoong faisait une crise d’infériorité, pétri de doute et de peur qu’on remette en cause sa position de lead-vocal. Changmin s’était fâché contre Jaejoong, et être dans la même pièce que ces deux là se révélait explosif. Cela perturbait Yoochun, le perturbait tellement qu’il se mélangeait dans ses pas, dans ses paroles - tellement qu’il commençait à éprouver ce besoin fugace de réconfort, et ce n’était pas le paquet de cigarettes qu’il fuma qui l’aida à se sentir mieux.
Ce besoin se matérialisa plus fort que jamais quand il se retrouva seul avec Junsu pendant une pause, entourés par les décors entreposés derrière la scène principale. Il avait juste envie de prendre le plus jeune dans ses bras et le serrer, le serrer jusqu’à l’en étouffer. Il avait juste envie de sa chaleur, de sentir son corps contre le sien, ses lèvres…
Il savait qu’il avait fait une bêtise quand il initia le baiser. Junsu le regardait avec des yeux ronds - mais il s’était laissé faire, se dit Yoochun, il l’avait embrassé mais il s’était laissé faire, il ne l’avait pas repoussé, oh bon sang, ce n’était pas ce qu’il voulait, ou bien si, il ne savait plus. Yoochun avait joué le type qui ne doutait de rien.
« - Nan sérieux, avait-il commenté. Si seulement t’avais une paire de seins, ‘Su… »
Il se serait frappé s’il était à la place de Junsu. Mais ce dernier n’avait rien dit. Juste haussé les épaules, comme s’il n’en avait rien à foutre. Comme si c’était quelque chose de tout à fait banal, se faire embrasser par un des membres de son groupe. Yoochun avait un goût amer dans la bouche.
Junsu s’en était allé, et il était resté assis comme un con derrière la scène, le cul dans la poussière. Il s’était encore allumé quelques cigarettes, même s’il commençait à en ressentir les effets dans ses poumons, noirs et encrassés. Combien de paquets avait-il fumés ces deux derniers jours ? Désespérément pathétique.
Le reste de la répétition avait été horrible. Ils étaient rentrés à l’appartement sur les rotules, trop fatigués pour même manger. A peine le pas de la porte franchie, Yoochun s’était directement écroulé dans son lit. Mais il ne pouvait pas dormir. Quelque chose le brûlait, presque imperceptible d’abord puis de plus en plus fort, jusqu’à qu’il n’en puisse plus et ne se lèvre, fébrile, pour faire les cent pas dans sa chambre. Jaejoong le regardait de son lit, haussant un sourcil parfaitement épilé.
« - C’est quoi ton problème ? » lui avait demandé l’aîné.
Yoochun avait fait un geste nerveux de la main.
« - Rien. Hey, ça te dit de sortir ce soir ? » avait-il proposé, l’idée germant tout d’un coup dans sa tête. Flirter avec des anonymes cette nuit lui semblait être une merveilleuse idée.
Jaejoong l’avait regardé comme s’il avait totalement perdu l’esprit. « Plutôt crever. »
Il s’était alors enfermé dans sa salle de travail, une habitude qu’il avait prise quand quelque chose le perturbait et qu’il ne voulait pas en parler. Ce n’était pas comme si quelqu’un allait lui extraire ses secrets de sa bouche, de toute façon ; les autres s’étaient tous couchés, sauf Changmin, quelque part dans le salon. Ou peut-être qu’il s’y était endormi, lui aussi.
Il faisait courir ses doigts sur le clavier en essayant de penser à autre chose. Mais à défaut d’inspiration, le souvenir du baiser revint le hanter ; comme si ça ne suffisait pas, comme s’il avait besoin de plus… Les notes qu’il joua étaient incohérentes et confuses. Comme ses pensées. Ses envies. Ah. Il lui fallait une clope - ou non. Non, plus de cigarettes pour ce soir. Il allait finir par se tuer.
Il avait prit sa décision quand il quitta son bureau. Non, en réalité, il n’avait rien décidé du tout ; juste accepté de suivre son instinct. Il savait qu’il allait amèrement le regretter demain matin, mais… la tentation était trop forte. C’était comme croquer dans le fruit interdit. Une fois la première bouchée prise, il n’y avait pas de retour en arrière. Le goût qui vous envahissait la bouche était si addictif…
Il réveilla Junsu cette nuit là et lui fit l’amour comme jamais il ne l’avait fait. Juste le prendre dans le noir, en secret, le pénétrer doucement, lentement - étouffer ses gémissements, ses râles, le maintenir contre lui pour ne pas lui faire mal. Il se demandait si Junsu était puceau et s’il l’avait déjà fait avec un autre homme. Il était à la fois souple et doux comme une femme pouvait l’être, plein de courbes là où on ne les attendait pas, mais aussi dur, musclé et anguleux comme l’homme qu’il était. Sa voix pantelante était distinctement trop grave et trop basse pour être confondue avec celle d’une fille, de toute façon. C’était parfait. C’était tout ce dont avait besoin Yoochun, tout ce dont il avait rêvé.
Le lendemain, quand il se réveilla avec Junsu lové dans ses bras, il eut l’impression de vivre un cauchemar.
« - Oh mon dieu, mon dieu, mon dieu… »
Il était paniqué. Son premier réflexe avait été de s’enfermer dans la salle de bain pour ne voir personne, plein de doute, de peur sur les implications que ce qu’ils avaient fait pouvait créer, et - il avait couché avec Junsu, avec
Junsu, avec un membre de son groupe, et c’était Junsu - Yunho vint taper à la porte, clairement agacé qu’elle soit verrouillée.
« - Qui est dedans ? Hey… La salle de bain est réservée à moi le premier le matin, j’te rappelle ! »
Yoochun était sorti, l’air encore hagard mais Yunho n’avait rien remarqué. Yunho ne voyait jamais rien sous son nez, de toute façon. Au contraire de Jaejoong. Quand il pénétra dans la chambre qu’il partageait avec lui, Jaejoong était déjà réveillé, toujours allongé dans son lit.
« - Vous n’étiez pas très discrets hier soir, » commenta-t-il, sans le regarder.
Yoochun se figea. « De quoi tu parles ? »
Jaejoong avait l’air agacé quand il se leva pour passer un pull.
« - Oh arrête, fais pas celui qui ne comprend pas… J’espère que c’était bien, au moins, » lâcha-t-il avant de franchir la porte.
Yoochun haussa les épaules et décida de l’ignorer. Ce n’était pas difficile, de faire comme rien ne s’était passé. Jaejoong n’avait pas réabordé le sujet et personne ne l’avait confronté là-dessus, ni même Junsu. Yoochun supposait que c’était mieux ainsi. C’était un accident, un stupide accident, une erreur qui ne se reproduirait pas et que tout le monde ferait mieux d’oublier. Yoochun faisait tout ce qui était en son pouvoir pour s’en persuader.
Ce n’était pas difficile, au fond ; Junsu ne lui demandait pas de compte, et Yoochun était libre d’interagir avec lui comme il avait toujours fait, à grand renfort de conneries, de blagues pas drôles et de remarques pernicieuses. Ce n’était pas de sa faute si Junsu était aigri en ce moment et prenait mal la moitié de ce qu’il disait.
« - J’ai l’impression de voir un gosse de six ans emmerder son amoureuse et lui tirer les cheveux pour attirer son attention, marmonna Jaejoong, un jour qu’ils étaient en train de fumer une clope sur le balcon. Ce serait mignon, si ce n’était pas aussi pathétique. »
Yoochun lui lança un regard noir et s’abstint de tout commentaire. Jaejoong lui en voulait visiblement de refuser de lui parler de l’autre nuit, mais Yoochun était fidèle à sa politique de : ‘on fait comme si on était au courant de rien’. Ce n’était qu’une question de temps, se dit Yoochun. Avant que tout ne redevienne comme avant.
Il ne s’attendait évidemment pas à ce que les évènements se précipitent ainsi.
Les premiers chapitres du point de vue de Yoochun
~2000mots
INTERLUDE -
Et quelque part dans le noir…
Il savait qu’il n’y résisterait pas. Le stress, la folie de leurs emplois du temps, l’impression de se noyer, noyer, de ne plus respirer ; cette douleur sourde et continue qui lui vrillait les entrailles et que rien ne semblait pouvoir faire disparaître.
Oh, bien sûr, il n’était pas le seul. Ils pouvaient voir les autres se débattre aussi de leur côté, chacun faisant face aux difficultés à sa manière. Yunho, plus que jamais nerveux et irritable ; Jaejoong, fumant cigarette sur cigarette en cachette, entre deux pauses, deux voyages, quand il pouvait sortir sans être vu ni entendu ; Changmin, qui grignotait sans faim la nuit, le jour, n’importe quand ; et enfin Junsu, Junsu qui n’était plus que l’ombre de lui-même, poussé jusqu’aux plus extrêmes limites de ses capacités. S’il y avait quelque chose que Yoochun ne voulait pas, c’était bien se retrouver à sa place.
Il avait vu que Junsu n’était pas bien. Les autres aussi, évidemment. Mais Yunho était trop profondément engoncé dans son rôle de leader de Dong Bang Shin Ki pour laisser parler le Jung Yunho qui était en lui, celui enthousiasme et protecteur, qui aimait Junsu comme son propre petit frère et qui n’hésiterait pas à se sacrifier pour lui s’il le fallait. A présent, Yunho avait aussi trois autres membres sous sa responsabilité, et voilà le credo : pas de favoritisme. Juste un impartial traitement pour tous, pour Junsu et pour eux. Le leader devait prendre le dessus. Si Junsu mettait en danger Dong Bang Shin Ki, alors U-know Yunho devait intervenir. Même si ça lui brisait le cœur.
Jaejoong faisait de son mieux pour soulager tout le monde. Il s’était pris au jeu, lui que les fans appelaient la ‘maman’, celui qui chouchoutait les autres et qui veillait à qu’ils restent heureux et en bonne santé. Parfois, Yoochun avait un aperçu de Kim Jaejoong, juste Kim Jaejoong, le type qui ne rêvait que de vivre pour lui et qui n’avait pas besoin de penser aux autres.
« - Fais chier, fais chier… J’en ai marre, je lâche tout, » craquait parfois Jaejoong.
Jaejoong disparaissait alors, et Yoochun l’accompagnait. Ils allaient en boîtes, en soirées privées, dans ces lieux où personne n’avait rien à foutre de qui ils étaient, de qui ils se tapaient. Ces nuits, ils n’avaient pas à faire semblant, pas à se préoccuper de qui ils étaient, pas à se préoccuper des conséquences. Ils savaient qu’un jour, ça leur exploserait à la tête. Mais ça valait le coup. Ils essayaient de s’en persuader.
Quand ils furent forcés de retourner à Tokyo, laissant Junsu derrière eux, un sentiment de désorientation les frappa. Ils avaient toujours été cinq, comme les doigts de la main. Même si ce n’était pour que quelques jours, l’impression de vide était clairement palpable. Son rire, sa façon de se faufiler entre eux pour être le premier à atteindre la télécommande de la télé, sa présence, tout - quand il n’était pas là, Yoochun s’imaginait voir un fantôme de Junsu, lascif, muet et immatériel. Le fantôme s’asseyait là où s’asseyait Junsu, dormait là où il dormait, mangeait là où il mangeait. Changmin sortait cinq assiettes quand il mettait les couverts, avant de se raviser et d’en ôter une. Jaejoong passait derrière lui et la reposait sur la table.
« - Au cas où, » disait-il, répondant à la question muette que personne n’avait osé poser.
Quand Sakimoto-san leur annonça que l’arrivée de Junsu serait retardée, Yunho avait explosé.
« - Cet idiot ne sait pas dire non, maugréait-il, faisant les cent pas dans leur salon. Il ne sait pas dire non, et vous pouvez être sûr que ce bâtard de Soo Lee en profite. Il n’attendait que ça, qu’on ne soit plus là… Ce bâtard… »
Changmin hochait de la tête dans son coin, les bras croisés, comme s’il comprenait tout ce qui se passait. Yoochun n’avait pas cette chance, mais ‘ignorance is bliss’, comme on disait. Yoochun ne cherchait pas à comprendre et allait s’enfermer dans sa salle de travail.
Il trouvait son repos dans la musique. Il aimait faire courir ses doigts sur les touches blanches et noires de son synthé, imaginant les mélodies qu’il pouvait en tirer. Cela suffirait pour soulager son esprit et son âme, se disait-il. Les virées nocturnes qu’il faisait en cachette avec Jaejoong soulageaient sa frustration physique, et la musique apportait le baume qui lui manquait au cœur. Tout était parfait.
C’aurait été trop beau pour être vrai. C’était comme une descente en enfer. Jour après jour, la même routine, les mêmes chansons, mêmes pas de danse. Physiquement, il était épuisé. Et mentalement…
Le soir, la fatigue accumulée toute la journée lui tombait dessus, abrupte et tellement lourde qu’il n’avait plus la force de la soulever. Il pleurait sans s’en rendre compte, caché dans le noir de la chambre qu’il partageait avec Jaejoong. Jaejoong savait mais ne disait rien. C’était un autre de leurs secrets.
Quand Sakimoto-san leur confirma l’arrivée de Junsu pour le lendemain, Yoochun sentit une indescriptible joie l’envahir. Sunshine revenait. C’était cool. La maisonnée sembla revivre, comme réveillée par une bouffée d’air frais.
« - On fête le retour de ‘Susu, ‘kay ? »
Mais la soirée ne se passa pas comme il l’avait espéré. Junsu ressemblait à un petit garçon prit la main dans le sac quand Yunho dévoila son secret devant tout le monde. Junsu allait partir solo, et toutes les conséquences qui allaient avec. Yoochun ne comprenait pas pourquoi Yunho réagissait ainsi.
« - Il a peur, lui avait murmuré Jaejoong. Il a peur que Junsu s’en aille et… et… enfin. Ça n’arrivera jamais, » avait-il dit.
Junsu était revenu épuisé. Il était pâle, silencieux, les yeux las et ne souriait pas, pas comme il le faisait habituellement, même lorsqu’il était fatigué. Ce n’était plus que l’ombre de Junsu. Et ça faisait flipper Yoochun.
Il ne savait pas quoi faire. Junsu avait besoin de lui, besoin d’eux tous… Yunho faisait sa tête de mule et refusait de lui adresser la parole. Jaejoong faisait une crise d’infériorité, pétri de doute et de peur qu’on remette en cause sa position de lead-vocal. Changmin s’était fâché contre Jaejoong, et être dans la même pièce que ces deux là se révélait explosif. Cela perturbait Yoochun, le perturbait tellement qu’il se mélangeait dans ses pas, dans ses paroles - tellement qu’il commençait à éprouver ce besoin fugace de réconfort, et ce n’était pas le paquet de cigarettes qu’il fuma qui l’aida à se sentir mieux.
Ce besoin se matérialisa plus fort que jamais quand il se retrouva seul avec Junsu pendant une pause, entourés par les décors entreposés derrière la scène principale. Il avait juste envie de prendre le plus jeune dans ses bras et le serrer, le serrer jusqu’à l’en étouffer. Il avait juste envie de sa chaleur, de sentir son corps contre le sien, ses lèvres…
Il savait qu’il avait fait une bêtise quand il initia le baiser. Junsu le regardait avec des yeux ronds - mais il s’était laissé faire, se dit Yoochun, il l’avait embrassé mais il s’était laissé faire, il ne l’avait pas repoussé, oh bon sang, ce n’était pas ce qu’il voulait, ou bien si, il ne savait plus. Yoochun avait joué le type qui ne doutait de rien.
« - Nan sérieux, avait-il commenté. Si seulement t’avais une paire de seins, ‘Su… »
Il se serait frappé s’il était à la place de Junsu. Mais ce dernier n’avait rien dit. Juste haussé les épaules, comme s’il n’en avait rien à foutre. Comme si c’était quelque chose de tout à fait banal, se faire embrasser par un des membres de son groupe. Yoochun avait un goût amer dans la bouche.
Junsu s’en était allé, et il était resté assis comme un con derrière la scène, le cul dans la poussière. Il s’était encore allumé quelques cigarettes, même s’il commençait à en ressentir les effets dans ses poumons, noirs et encrassés. Combien de paquets avait-il fumés ces deux derniers jours ? Désespérément pathétique.
Le reste de la répétition avait été horrible. Ils étaient rentrés à l’appartement sur les rotules, trop fatigués pour même manger. A peine le pas de la porte franchie, Yoochun s’était directement écroulé dans son lit. Mais il ne pouvait pas dormir. Quelque chose le brûlait, presque imperceptible d’abord puis de plus en plus fort, jusqu’à qu’il n’en puisse plus et ne se lèvre, fébrile, pour faire les cent pas dans sa chambre. Jaejoong le regardait de son lit, haussant un sourcil parfaitement épilé.
« - C’est quoi ton problème ? » lui avait demandé l’aîné.
Yoochun avait fait un geste nerveux de la main.
« - Rien. Hey, ça te dit de sortir ce soir ? » avait-il proposé, l’idée germant tout d’un coup dans sa tête. Flirter avec des anonymes cette nuit lui semblait être une merveilleuse idée.
Jaejoong l’avait regardé comme s’il avait totalement perdu l’esprit. « Plutôt crever. »
Il s’était alors enfermé dans sa salle de travail, une habitude qu’il avait prise quand quelque chose le perturbait et qu’il ne voulait pas en parler. Ce n’était pas comme si quelqu’un allait lui extraire ses secrets de sa bouche, de toute façon ; les autres s’étaient tous couchés, sauf Changmin, quelque part dans le salon. Ou peut-être qu’il s’y était endormi, lui aussi.
Il faisait courir ses doigts sur le clavier en essayant de penser à autre chose. Mais à défaut d’inspiration, le souvenir du baiser revint le hanter ; comme si ça ne suffisait pas, comme s’il avait besoin de plus… Les notes qu’il joua étaient incohérentes et confuses. Comme ses pensées. Ses envies. Ah. Il lui fallait une clope - ou non. Non, plus de cigarettes pour ce soir. Il allait finir par se tuer.
Il avait prit sa décision quand il quitta son bureau. Non, en réalité, il n’avait rien décidé du tout ; juste accepté de suivre son instinct. Il savait qu’il allait amèrement le regretter demain matin, mais… la tentation était trop forte. C’était comme croquer dans le fruit interdit. Une fois la première bouchée prise, il n’y avait pas de retour en arrière. Le goût qui vous envahissait la bouche était si addictif…
Il réveilla Junsu cette nuit là et lui fit l’amour comme jamais il ne l’avait fait. Juste le prendre dans le noir, en secret, le pénétrer doucement, lentement - étouffer ses gémissements, ses râles, le maintenir contre lui pour ne pas lui faire mal. Il se demandait si Junsu était puceau et s’il l’avait déjà fait avec un autre homme. Il était à la fois souple et doux comme une femme pouvait l’être, plein de courbes là où on ne les attendait pas, mais aussi dur, musclé et anguleux comme l’homme qu’il était. Sa voix pantelante était distinctement trop grave et trop basse pour être confondue avec celle d’une fille, de toute façon. C’était parfait. C’était tout ce dont avait besoin Yoochun, tout ce dont il avait rêvé.
Le lendemain, quand il se réveilla avec Junsu lové dans ses bras, il eut l’impression de vivre un cauchemar.
« - Oh mon dieu, mon dieu, mon dieu… »
Il était paniqué. Son premier réflexe avait été de s’enfermer dans la salle de bain pour ne voir personne, plein de doute, de peur sur les implications que ce qu’ils avaient fait pouvait créer, et - il avait couché avec Junsu, avec
Junsu, avec un membre de son groupe, et c’était Junsu - Yunho vint taper à la porte, clairement agacé qu’elle soit verrouillée.
« - Qui est dedans ? Hey… La salle de bain est réservée à moi le premier le matin, j’te rappelle ! »
Yoochun était sorti, l’air encore hagard mais Yunho n’avait rien remarqué. Yunho ne voyait jamais rien sous son nez, de toute façon. Au contraire de Jaejoong. Quand il pénétra dans la chambre qu’il partageait avec lui, Jaejoong était déjà réveillé, toujours allongé dans son lit.
« - Vous n’étiez pas très discrets hier soir, » commenta-t-il, sans le regarder.
Yoochun se figea. « De quoi tu parles ? »
Jaejoong avait l’air agacé quand il se leva pour passer un pull.
« - Oh arrête, fais pas celui qui ne comprend pas… J’espère que c’était bien, au moins, » lâcha-t-il avant de franchir la porte.
Yoochun haussa les épaules et décida de l’ignorer. Ce n’était pas difficile, de faire comme rien ne s’était passé. Jaejoong n’avait pas réabordé le sujet et personne ne l’avait confronté là-dessus, ni même Junsu. Yoochun supposait que c’était mieux ainsi. C’était un accident, un stupide accident, une erreur qui ne se reproduirait pas et que tout le monde ferait mieux d’oublier. Yoochun faisait tout ce qui était en son pouvoir pour s’en persuader.
Ce n’était pas difficile, au fond ; Junsu ne lui demandait pas de compte, et Yoochun était libre d’interagir avec lui comme il avait toujours fait, à grand renfort de conneries, de blagues pas drôles et de remarques pernicieuses. Ce n’était pas de sa faute si Junsu était aigri en ce moment et prenait mal la moitié de ce qu’il disait.
« - J’ai l’impression de voir un gosse de six ans emmerder son amoureuse et lui tirer les cheveux pour attirer son attention, marmonna Jaejoong, un jour qu’ils étaient en train de fumer une clope sur le balcon. Ce serait mignon, si ce n’était pas aussi pathétique. »
Yoochun lui lança un regard noir et s’abstint de tout commentaire. Jaejoong lui en voulait visiblement de refuser de lui parler de l’autre nuit, mais Yoochun était fidèle à sa politique de : ‘on fait comme si on était au courant de rien’. Ce n’était qu’une question de temps, se dit Yoochun. Avant que tout ne redevienne comme avant.
Il ne s’attendait évidemment pas à ce que les évènements se précipitent ainsi.