"The Untold Story", par Genevieve Cogman
Roman, environ 400 pages, le dernier d'une série de 8 ! Les derniers mystères qui restent du tome précédent sont explorés, alors qu'Irene accepte enfin que des ennemis peuvent se cacher au coeur de la Bibliothèque elle-même.
Même si ce tome est toujours optimiste, je l'ai trouvé moins drôle que les autres, et Irene avait moins l'occasion d'être brillante, pour des raisons de worldbuilding, et doit plus se reposer sur ses amis, qui sont devenus de plus en plus nombreux au fil des tomes.
Mais le tome était plus complexe pour ce qui est du scénario, et avec plus d'enjeux, et au total je ne pense pas l'avoir apprécié plus ou moins que les autres. Ca reste une très chouette conclusion pour une très chouette série. Mais vraiment, je ne peux pas en parler plus sans spoiler :D
8/10
"Minerai noir : Anthologie personnelle et autres recueils", par René Depestre
Poésie, environ 250 pages. Plusieurs anthologies : "Minerai noir", publié quand il avait trente ans, où il parle de rébellion politique, de sa relation à la négriture, de son enfance dans la pauvreté et de l'amour de sa mère, de ses amours à lui aussi. Ensuite "Au matin de la négritude", avec des odes à Aimé Césaire, Leopold Sedar Senghor, Léon Damas, et aussi une à sa mère avec sa vieille machine à coutre. Puis "Anthologie personnelle", où, après avoir été horriblement déçu par le communisme cubain (et soviétique aussi mais c'est plus loin), il choisit ses poèmes du passé dans lesquels il peut encore se reconnaître. Puis "Un été indien de la parole", une courte anthologie de poèmes choisis par un artiste qui voulait les illustrer.
Certains poèmes sont dans plusieurs de ces anthologies, et parfois ils sont reproduits deux fois, parfois non, selon à quel point ça détruit la structure, mais je comprends qu'ils ne voulaient pas faire imprimer trois fois le même poème dans le même livre non plus.
J'apprécie globalement le sentiment et le rythme de ses poèmes, mais ils sont aussi souvent trop directs pour moi, construits comme des réquisitoires où l'écriture poétique joue un rôle secondaire. Ensuite, comme souvent en poésie, c'est une question de goût !
Je n'ai pas été donnée à l'homme comme
Un attribut profond de son moi fabuleux
La fleur la plus intime de son essence humaine ;
Je suis le fruit douloureux de ses conquêtes,
Le chant qu'il a gagné à la sueur de son coeur,
Chaque étape de ma vie a eu ses martyrs,
Héros tombée avec le soleil sur leurs lèvres.
(extrait de La liberté raconte sa vie)
7/10
"Poèmes 1959-1960-1961", par Suzanne Paradis
Poésie, environ 250 pages. Les réimpressions (avec corrections) de ses trois premiers recueils, "Les enfants continuels", "A temps le bonheur" et "La chasse aux autres" : les deux premiers à compte d'auteur, le troisième chez un tout petit éditeur.
Ce sont ses premiers recueils, j'aurais pu les aimer moins que les autres ? He bien pas du tout, je suis toujours fan de ses images fascinantes, de ses émotions intenses même si elles ne sont pas vraiment dites. Contrairement à ce qu'elle a écrit plus tard, ce sont des poèmes bien séparés les uns des autres, avec des titres, même si chaque recueil a toujours une unité de ton.
Le premier recueil est très centré sur un "je" qui devient parfois "nous", il parle de fuite de sa condition, de voyage, de rêverie, de révolte et de conquête. Le second, de façon qui m'a surprise, fait beaucoup de références à des mythes et des légendes (je ne la lis même pas pour cela et cela fait toujours plaisir). Le troisième parle des "autres" et de la façon de se reconnaître en eux : les vivants, les pauvres, les morts et les blessés, les pauvres, les inutiles, forment les cinq parties du recueil.
Le mauvais sort buté que jettent les bossues
de ses mille doigts d'ombre espace les noyers,
le brouillard tisse un mirage d'issues.
Au bout de la rivière un rameur s'est noyé.
Le sable coulera jusqu'à la fin des grèves,
pleure-le, pleure-le, ton pêcheur de remous.
De la rive durçie et jusqu'aux derniers rêves
le ciel-de-nuit veille sur nous.
(extrait de Le noyé la barque et celle qui survit)
8/10
"Nettle and Bone", par T. Kingfisher
Roman, environ 350 pages. L'héroïne, Marra, est la troisième princesse d'un tout petit royaume. Sa soeur se marie avec un prince du nord, mais meurt peu après. La cadette épouse ensuite le prince pour perpétuer l'alliance. Quand Marra découvre qu'il la bat, et qu'il a sans doute tué la soeur aînée, elle ne peut plus rester tranquille au couvent ; elle doit tuer ce prince, pour venger une de ses soeurs et sauver l'autre. Mais en plus du fait que Marra ne se sent ni forte, ni charismatique, ni intelligente (elle est douée pour la broderie et ne rechigne pas au travail, mais ça n'aide pas dans le cas précis) la vie du prince, et sa lignée, sont protégées par la magie d'une fée marraine.
Elle doit donc recruter des alliés. Une femme qui parle aux morts, un chien d'os, un guerrier en disgrâce, et sa propre marraine fée, qui n'est pas très douée, mais connaît le métier.
Certains thèmes sont très sombres. Tout ce qui arrive à la soeur de Marra, bien sûr, mais aussi certaines façons dont la magie peut s'appliquer : en plus de la nécromancie et des malédictions de marraines, qui sont centrales à l'histoire, on a de brèves mentions de cannibalisme, d'esclavage magique, un pantin terrifiant, une dent arrachée par magie, et je ne parle même pas ce qui est mentionné brièvement comme ayant pu se passer mais ils y ont échappé. Ce qui arrive à la soeur de Marra reste toujours le plus terrible, pourtant, et vaut d'affronter tout le reste.
Et malgré ces thèmes sombres, l'histoire est résolument optimiste. C'est plein de personnages positifs, qui peuvent aider si on le leur demande poliment, et la partie la plus difficile est de trouver le courage de demander. Marra est consciente de ce dont elle est incapable, mais parvient quand même à accomplir son but grâce à ses propres compétences, cela peut être inspirant d'avoir une héroïne de fantasy si peu exceptionnelle (et on voit l'amour de l'auteure pour les travaux manuels, les tâches quotidiennes peu glamour, et les gens qui les pratiquent). Il y a un humour décalé, léger et constant, même dans les moments les plus noirs. Les personnages principaux sont tous très sympathiques, à la fois dans leurs interactions, et pour le lecteur.
Le worldbuilding est basé sur les contes de fées et les légendes populaires. Il n'essaie pas d'avoir de cohérence internet où tout a une même source, il n'y a pas de système de magie. Certaines choses sont expliquées dans le détail (parler aux morts, le marché Goblin, les bénédictions de marraines), d'autres pas du tout (les démons et les saints). Cela reste un univers crédible, en particulier parce que c'est basé sur de vraies croyances, mais pour les gens qui aiment les explications, ce sera un peu frustrant.
La romance est entre deux personnes timides mais bien intentionnée, elle est douce et hésitante et solide, le genre de romance qui fait des bonnes relations dans la vraie vie mais sans élément romanesque qui la rend palpitante, on ne lit pas pour ça, on est juste content pour eux.
Le scénario est un peu linéaire en mode conte de fées (accomplir des épreuves pour recruter des alliés, puis régler les problèmes au fur et à mesure qu'ils se présentent). Ce n'est prévisible pour autant, les personnages ont plein de bonnes idées pour accomplir leur but auxquelles je n'aurais pas pensé, et l'univers foisonnant surprend toujours. Mais il n'y a pas de gros retournement de situation non plus.
Dans l'ensemble, un livre qui n'est pas exceptionnel, mais qui m'a mise de très bonne humeur tout le long. J'ai apprécié autant les aspects positifs que les aspects sombres.
8/10
"Poèmes", par Nakahara Chûya
200 pages en tout, un peu plus de cent pages de poésie, et beaucoup de contexte historique, de préface, de postface, et de notes du traducteur. Chûya est un poète qui a commencé dadaïste, qui a traduit Rimbaud. Qui a, en général, lu beaucoup de poésie française et été beaucoup influencé par elle, ce qui fait qu'il est plus accessible qu'un grand nombre de poètes japonais (et aussi, c'est une partie que j'aime de la poésie française).
C'est beaucoup centré sur la solitude (son histoire d'amour principale était tragique), avec parfois un peu d'ironie. J'aime beaucoup, en fait !
Ce qu'il y a dans la mer
Ce ne sont pas les sirènes
Ce qu'il y a dans la mer
Des vagues seulement
Sous le ciel couvert de la mer du nord
Les vagues ça et là montrent leurs dents
et maudissent le ciel
Malédiction interminable
8/10
"Hexarchate Stories", par Yoon-Ha Lee
Environ 330 pages, des nouvelles qui se passent dans le même univers que "Ninefox Gambit" et ses suites. La plupart d'entre elles sont très courtes, centrées soit sur les personnages, soit sur le worldbuilding, ce sont presque des fanfics officielles. Il y en a beaucoup sur l'enfance de Jedao, quelques-unes sur Cheris, une sur Brezan, mais aussi quelques-unes centrées sur des personnages créés juste pour l'histoire.
Et puis il y a les histoires plus longues. Une histoire de cambriolage avec des persos originaux, une avec Jedao, une histoire de guerre et une histoire post-canon avec Jedao Two. Et surtout, la plus longue et la dernière, "Glass Cannon", qui se passe après la fin et qui me donne toute l'interaction entre Cheris et Jedao Two dont j'avais été frustrée dans le tome 3. Si ce n'était que celle-là j'aurais mis 8, mais la plupart des histoires courtes étaient sympa à lire, sans plus.
7/10
Progression : 100/52
"Risques de lecture" : Minerai noir - Anthologie personnelle, Nettle and Bone, Poèmes -> 51/26