Adam et Tim! Longue vie à vous!

Mar 11, 2009 23:20

 
Tim ne savait pas. Il ne voyait pas. Il le regardait, mais il ne savait pas et il ne voyait pas qu’il faisait plus que le regarder. Carl se moquait de lui. Carl disait « Ouvre les yeux, Tim. Ouvre les yeux! » Mais Tim, les gardait fermés. Il les fermait tellement fort, qu’il avait l’impression qu’ils saignaient. Pourquoi, il avait fait ça? Pourquoi s’était-il évertué à fermer les yeux, alors qu’il était devant lui. Adam était devant lui. Tout ce temps, Adam était devant lui. Et Adam ne savait pas. Adam ne voyait pas. Il le regardait, mais il ne savait pas et il ne voyait pas.

Il a fallu une goutte de trop. Un verre de gin ou de whiskey en trop et ils ont ouvert les yeux. Grand ouvert.

Ça c’est passé en une seconde. Tim n’a pas pu se préparer. Il a juste vu Adam. Ça a commencé avec des petites moqueries, sans queue ni tête. Tim aime bien chambrer les gens qu’il aime. Il aime aussi chambrer les gens qu’il n’aime pas, mais c’est pas pareil. Toujours est il qu’il chambrait Adam. Et, ça lui a échappé. Il s’en souvient. Il lui a dit qu’il l’aimait. Mais, c’était un « Je t’aime » qu’il aurait dit à Lou ou à Peter. Pas un « Je t’aime, faisons l’amour dans ton side-car ». Mais, d’un coté, Tim était content de l’avoir enfin dit. Il a été encore plus content, lorsque Adam s’est levé, en poussant un cri de victoire. Et encore plus content, lorsqu’il s’est posé sur ses genoux. Et encore plus, lorsque Adam a niché son nez dans son cou. Il sentait sa respiration s’éteindre sur sa peau et il n’était plus vraiment assis dans le salon de Carl et Peter. Il était à mille lieux de là. Il était à quelque millimètres de Adam. Il avait l’impression de ne plus rien ressentir, à part la peau d’Adam contre la sienne ou son corps contre le sien. Personne n’avait l’air de s’apercevoir de ça. Ils le savaient tous depuis, si longtemps, alors ça ne devait pas les prendre de court. Mais Tim, lui, il ne savait pas que faire. Il avait envie de partir en courant, mais la seule chose qu’il arrivait à faire, c’était caresser Adam, doucement.

Et puis, tout le monde a commencé à partir, alors Tim n’allait pas rester. Mais Adam n’était pas en état de rentrer et encore moins de rentrer en moto. Alors, c’est Tim qui a pris le volant. Et Adam lui a dit qu’il pouvait rester dormir chez lui, si il en avait envie. Tim aime à se cacher derrière l’humour, pour éviter de montrer ses sentiments, alors, c’est-ce qu’il a fait, il a rit. Puis, par miracle, il a réussi à piloter le side-car de Adam et l’a ramené jusqu’à chez lui. Et si, il avait pas été aussi cuit, il n’aurait sûrement pas dit à Adam, qu’il l’aimait aussi. Parce qu’il est comme ça, Tim, il aime pas montrer ses sentiments. Mais, il l’a fait. Et ça a plu à Adam, puisqu’il lui a répondu avec un baiser. Il a semblé à Tim, qu’il avait enfin atteint la fin du voyage. Il avait l’impression que c’était la, qu’il devait être, depuis le début, mais que le train n’avait cessé d’éviter tout les raccourcis.

Tim a mis longtemps à s’endormir cette nuit-la. C’était pas le souffle régulier d’Adam sur sa peau., qui l’en empêchait. C’était pas non plus le courant d’air glacial qui passait par-dessous la fenêtre. C’était toutes ces choses, qu’il aurait du faire ou dire, des années auparavant. Tout les souvenirs, qu’il avait d’Adam. Tout ce qu’il se souvenait de lui, ce qu’il avait appris sur lui.

Comme cette toute première fois, où il l’avait vu. C’est étrange qu’il s’en souvienne toujours. Carl et lui travaillaient déjà ensemble à l’imprimerie, mais Tim ne le connaissait pas beaucoup. C’était une connaissance et Adam était une connaissance d’une connaissance. Mais Tim s’en souvient. Tim se souvient du moment où Carl l’a reconnu et l’a présenté à son ami et il se souvient de comment cet ami a levé les yeux vers lui, ou plutôt comment il a levé son visage vers lui. (Parce que déjà à cette époque, personne ne pouvait dire si oui ou non Adam Burgess avait des yeux.) Et aussi bizarre que ça puisse paraître, Tim se souvient aussi des doigts qui volaient au dessus des cordes d’une guitare. Il se souvient qu’il s’était demandé si ces doigts voleraient avec la même légèreté sur son dos.

Et quand, ils s’étaient revus, quelques années plus tard, quand Carl avait offert à Tim une place dans son groupe d’ami. Mais Tim ne connaissait personne à l’époque. Il y avait Carl, bien sur, Fitz, qui travaillait alors, avec eux et Adam. Tim était, donc, resté avec Adam, Fitz n’étant plus très intéressant au bout du 3eme verre. Et Tim, ce jour-là, a tout appris sur Adam. Comment il avait rencontré Carl et quand. Sa rencontre avec Graham, qui était un peu plus jeune que lui, mais qui lui avait fait découvrir plein de choses intéressantes. Il lui avait même parlé d’un marin, Jack, qui avait une passion terrible pour le rhum et qui sans aucun doute devait être un peu fou.

Et allongé sous les draps d’Adam, sur le lit d’Adam, dans les bras d’Adam, il s’est demandé, aussi, comment il avait pu s’empêcher d’y arriver plus rapidement. Comment au nouvel an de pratiquement chaque année, mais surtout en 1933, il s’était forcé à ne pas l’embrasser sur la bouche. Parce que c’était étrange, il embrassait tout le monde sur la bouche, mais embrasser Adam, sur ses lèvres, c’était mission impossible. Ou à l’anniversaire de Peter, en 35! C’était ridicule! Ils essayaient, tout deux, d’éviter le regard de l’autre, mais sans arrêt, ils revenaient à l’autre, pour parler ou simplement s’observer.

Mais, à ce moment-là, celui où il s’endormait encerclant Adam, de ses bras, tout ça, toute cette stupidité d’amoureux transi, ne signifiait plus rien. Ça n’avait plus aucune importance.

Quand il s’est réveillé, alerté par le gémissement de douleur d’Adam, Tim a mis du temps, à se rendre compte, que les plus récents souvenirs qu’il avait de cet homme allongé a ses cotés, étaient réellement des souvenirs, et pas quelques rêves d’un réalisme étonnant. Il s’est souvenu qu’Adam l’avait embrassé et qu’il était enfin, après un très long périple, entier. Mais bizarrement, il ne se souvenait pas de ce qu’il serait approprié de faire, comme lui rendre son baiser, lui dire qu’il l’aime, même sans 21 litres d’alcool, dans le sang, ou peut-être s’excuser d’avoir dit des bêtises toute la soirée. Mais, de toute façon, Adam ne lui a pas laissé le choix. C’est lui, qui a remis tout ça sur le tapis. Et Tim n’aimait toujours pas parler de ses sentiments, alors, il a ri, encore. Le pire, c’est que Tim, ou depuis ce matin-là, Timothy, ne savait même plus que dire. Il s’était perdu dans le bonheur. Ce qu’il disait ne rimait à rien. Mais, il s’en fichait, parce qu’Adam l’aimait et qu’il y avait que ça qui comptait.

Ils ont passé près de cinq ans à s’aimer, comme des malades.

Juste s’aimer, s’envoyer en l’air, s’embrasser lorsqu’il n’y a personne autour, s’embrasser devant les amis, se tenir la main dans les rues peu fréquentées, et se tenir a distance acceptable dans celles bondées. Se donner des rendez-vous, dans des bars, chez l’un, chez l’autre. L’embrasser encore, jusqu’à ce que leurs lèvres soient dans un état déplorable. Passer des journées enlacés, dans des draps bien entretenus, souvent ceux d’Adam, ou dans des draps rapiécés à la va-vite, souvent ceux de Tim. S’aimer jusqu’à plus soif. Boire du rhum et parler de Jack, le marin fou. Parler de Graham aussi et de comment il a réussi à briser le cœur d’Adam, en le quittant. Parler du cul d’Adam, si parfait. Parler de celui de Carl, qui ne sera jamais aussi parfait. Rougir lorsque il l’appelle Timothy. Aimer quand il l’appelle Timothy. L’appeler M’dam, même si il s’en plaint sans arrêt. Rire aux blagues vaseuses. Se marrer après des blagues bizarres. Se vider toute une bouteille de gin, en une soirée, parce que c’est si bon. Parler de Louis, lorsque l’avis général est que Paul n’est qu’un « con » ou un « trou du cul ». Se demander si on l’appelle Louis ou Lou. Se disputer, aussi. Se retrouver dans un pub, pour en parler. Se faire raccompagner en side-car. Prendre le volant, encore une fois, malgré le risque. « Tu veux monter? ». Monter. Ne pas le laisser finir d’ouvrir la porte. L’embrasser dans le cou. L’embrasser sur les épaules. Le plaquer contre un mur et finir sur un lit. S’amuser avec de la crème fraîche. Attendre qu’il revienne de son service. Se plaindre des horaires de nuit. S’asseoir dans le couloir, devant sa porte. S’endormir, assis dans le couloir, devant la porte. Se réveiller au son de ses chaussures sur le sol. Se moquer de Peter et de Carl. Se promettre que pour rien au monde, ils ne seront comme eux. Espérer silencieusement, qu’ils seront comme eux. Se disputer à cause de l’hôpital. Se disputer à cause de l’encre sous les ongles. Se faire dévorer des yeux. Baisser les yeux. Rougir. Se faire engueuler, encore et toujours, pour s’être excuser pour rien. S’excuser pour rien. Aimer. Le dessiner. Jouer aux cartes. Ne pas finir la partie. L’empêcher de lire. Lui demander, si il préférait pas plutôt étudier son anatomie plutôt que celle de Gray. Vouloir passer la nuit avec lui. Ne pas pouvoir, parce que demain, il a un truc important de prévu. Avoir peur. Croire qu’il soupçonne Gary, le pote de l’imprimerie, avec qui trop de temps est passé. Savoir qu’il en parle avec Lou ou Carl. Se moquer de lui et lui dire qu’il ressemble au frère de Lou. L’entendre marmonner qu’il n’est pas jaloux, mais alors pas du tout. Lui assurer qu’il l’est. Lui promettre d’être à lui, jusqu’à la fin des temps. Ne pas en être si sur que ça. Y croire. L’écouter jouer de la guitare. Regarder ses doigts qui volent au dessus des cordes. Enfin ressentir ses doigts qui font la même chose, sur son dos. Aimer ça. En redemander. Lui proposer un massage des épaules, en échange. Lui faire un massage des épaules, peu importe sa réponse. L’embrasser. Le déshabiller de façon hésitante ou non. Lui faire l’amour, ou pas. Le caresser, partout. Finir nu et totalement épuisé dans ses bras. Se réveiller le lendemain matin et recommencer, parce qu’il y a que ça de vrai. Croire que rien ne changera.

Mais, ça a changé. Forcément. Ça ne pouvait pas durer. Ça ne pouvait pas être aussi facile. La vie n’est pas un long fleuve tranquille. C’est un fleuve tumultueux, dans lequel parfois les enfants jettent des pierres… ou dans ce cas-la, des bombes.

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