Note : Je ne présenterai pas mes excuses. Non. Je suis impardonnable. En revanche, je voulais vous annoncer une bonne nouvelle : J'ai trouvé une bêta-lectrice! Merci à la fabuleuse Acanthe, sans qui cette histoire tournerait bien moins rond :D Puisse notre collaboration se révéler fructueuse...
Précédemment dans Not Another Hero :
J'étais dingue, et c'était sa faute. Ma lettre devait sonner comme un appel à l'aide d'adolescent suicidaire, ce que je n'étais pas. Ce que je ne pensais pas être en tout cas. Je le réalisais et j'avais envie de pleurer: j'étais complètement dingue, et c'était absolument de sa faute.
Le jour se leva. Sans moi.
Chapitre sixième : Où l'on s'endort, se réveille, et triomphe dans l'adversité ; où l'on se sépare d'un personnage principal.
J'avais fini par m'endormir au milieu de mes sombres pensées. Lorsqu'enfin j'émergeai, il n'était pas loin de midi, et le brouillard qui régnait au dehors faisait baigner mon dortoir d'une lumière presque céleste. Je m'éveillai, bercé de cette atmosphère étrange, dans la pièce silencieuse, tout engourdi dans ma robe inconfortable. Je repoussai vers l'arrière les rideaux vert-forêt qui entouraient mon lit et me décidai à en sortir. J'étais comme dans un nuage, mes pleurs se rappelaient à moi sous la forme d'un mal de tête lancinant et de sécrétions collantes au bord de mes yeux. J'avançai, hagard, vers la salle de bain afin de me réveiller sous la douche.
Je m'aperçus en retournant dans la chambre, que Tibiti n'avait pas apporté de petit déjeuner pour moi, ni de déjeuner d'ailleurs, alors que l'heure était déjà passée. Je l'appelai pour lui demander de quoi me sustenter, mais Méchant Tibiti, Méchant s'était vu ordonner par le directeur de ne pas accéder à ma demande.
Je haussai les épaules.
J'avais à peine quinze ans et cinq mois, et j'étais prêt à me laisser mourir de faim si cela signifiait ne pas revoir Scorpius. Heureusement je découvris, en dévoilant mes cadeaux, un peu de nourriture, quelques friandises que je pourrais bien économiser jusqu'à la fin des vacances. Granny m'avait envoyé un pull et une boîte de ses pâtés que j'adorais secrètement. Elle avait beau ne plus y voir très clair, tricoter trois ou quatre douzaines de pull-over pour chaque Noël relevait chez elle d'un automatisme, ce qui lui évitait de manquer la moindre maille, et ses qualités de cuisinière entreraient sans doute dans la légende.
Oncle Ron avait surmonté sa gourmandise assez longtemps pour m'offrir une boite de chocogrenouilles, Tante Hermione m'avait envoyé une boîte de bonbons sans sucre - une blague entre nous depuis que j'avais appris que ses parents étaient dentistes. Rose avait complété le colis de sa mère avec un livre qui me procura un pincement au cœur. Quelques mois plus tôt j'aurais jubilé devant Façons diverses et variées pour se protéger d'un Sésame ouvre-toi et autres sortilèges intrusifs, ou comment protéger son intimité, quelle qu'elle soit. J'eus un sourire amer.
Mes parents furent sans doute les moins originaux cette année-là, en m'offrant une anthologie des plus grands matchs de Quidditch de sa création à nos jours. Ils avaient sans doute prévu de l'offrir à James, c'était le seul de leurs enfants à éprouver un intérêt pour ce sport : Lily était plutôt intéressée par les joueurs, et moi par ma tranquillité auditive et visuelle - les banderoles des fans étaient d'un bout à l'autre une insulte au bon goût. Je souris en réalisant qu'à eux deux ils n'avaient réussi qu'à me trouver un seul cadeau. Ils auraient dû essayer les Suçacide, ça m'aurait au moins rempli un peu le ventre, et ce n'était pas comme si je passais mon temps à me régaler de ces petites choses vertes et piquantes.
Ted remonta bien heureusement le niveau en m'envoyant, justement, une gigantesque boîte de ces friandises, parfum citron-vert, mon préféré. Vu la taille du paquet, il avait dû passer une commande spéciale. Justus s'était associé à lui pour signer la carte, sans que je puisse déterminer s'il s'agissait d'une manœuvre d'intimidation de sa part, ou si Ted avait décidé de reprendre un peu la main dans son couple. Je compris cependant la raison en découvrant derrière leurs vœux de Noël une invitation à leur mariage prévu en septembre pour prolonger leurs vacances, au dos de laquelle Ted me demandait de bien vouloir être sa demoiselle d'honneur.
J'inscrivis mentalement une note me rappelant de lui envoyer une beuglante à l'occasion, pour lui rappeler que pour qu'il accepte que je sois son témoin - bordel je n'étais pas une fille - il devrait encore me supplier à genoux une fois ou deux.
Je n'approuvais pas le mariage, ça me semblait trop prise de tête, mais si ça les rendait heureux, je ne voyais aucune objection à témoigner de leur bonheur, même si ça m'obligeait à porter une tenue qui me gratterait et à porter un toast en publique. La loi sorcière n'était pas gênée par l'alcoolisme juvénile, et ma signature avait valeur légale depuis mon anniversaire. Si ça pouvait faire plaisir à au moins une personne...
Le dernier cadeau que j'ouvris était enveloppé dans un papier vert brillant, enrubanné de noir. Il était mince et plat, et je devinai avant de l'ouvrir qu'il s'agissait sans doute d'un cadre photo. Je ne m'étais pas trompé.
Après avoir défait le papier cadeau et l'avoir rangé en prévision du Noël prochain - j'étais un as de l'économie et du recyclage, autant le dire - je dévoilai un cadre en argent lourdement ouvragé, vieux et vraisemblablement précieux, qui contenait une photo animée qui avait été prise dans le parc de Poudlard, un jour de neige.
Sur la photo, trois personnes. Moi. Scorpius. Lily Luna Potter.
L'infâme salope avait trouvé le moyen le plus parfait d'être mesquine en paraissant généreuse, et je l'aurais presque admirée si je n'en n'avait pas été la cible. Le Scorpius du cadre entourait certes mes épaules d'un bras lâche, mais il passait son temps à se tourner sur le côté pour déposer des petits baisers dans la chevelure rousse de ma sœur, ne perdant aucune occasion de taquiner son bonnet à pompons. Le Albus de l'image regardait devant lui d'un air indifférent, et je réalisai à quel point je n'étais pas crédible. Toute l'école devait savoir que j'étais jaloux de leur couple si j'avais cette tête là en permanence. À un moment, le Scorpius de papier glacé enleva le bonnet blanc de Lily, le mis devant eux pour cacher leurs visages et lui donner un baiser en toute tranquillité. Mon alter ego se détourna et s'éloigna dans la neige.
La photo était sans doute truquée, ce jour-là Scorpius était toujours plus proche de moi que de Lily, mais cela n'empêchait en rien des larmes que je croyais taries de remonter une fois de plus à mes yeux. Je jetai le cadre contre le mur, il retomba, intact, dans un bruit mat sur le sol tapissé.
Je n'avais désormais plus la moindre envie, si j'en avais possédé une once, de quitter mon lit ni mon dortoir.
J'étais fatigué.
Je me recouchai.
Lorsque je m'éveillai à nouveau, l'atmosphère était différente de celle dans laquelle je m'étais endormi. La lumière brouillée s'était faite beaucoup plus claire et agressait mes yeux. Je mis un certain temps à me remettre de cet éclat aveuglant, puis je scrutai mon entourage.
J'étais dans un lit à baldaquin de Poudlard, jusque-là rien de nouveau. Seulement, les couleurs étaient étranges. Je me frottai les yeux avant de les ouvrir à nouveau et de réaliser. Si les lumières étaient aussi éclatantes, c'était pour une bonne raison : le blanc. Le blanc des tapisseries, des draps, les murs blanchis à la chaux, les grandes fenêtres masquées de voilages immaculés qui laissaient passer une lumière vive sans doute reflétée par la couche de neige qui recouvrait les rebords extérieurs... C'était l'infirmerie. À nouveau.
Je ne tentai même pas de me redresser, je me sentais trop faible pour cela et je n'étais surement pas ici par hasard. Je me contentai de fixer le plafond sans le voir, et surtout d'essayer de comprendre ce que je pouvais bien faire ici. Peut-être une tentative d'empoisonnement ? Mon estomac me faisait certainement souffrir, mais je ne reconnaissais aucun des effets d'un éventuel filtre mortel. Peut-être un poison inconnu.
J'avais la bouche pâteuse et sèche, le sacrum engourdi, je présentais plus les symptômes non spécifiques d'un alitement prolongé que ceux d'un quelconque breuvage destiné à me faire du mal. Je tentai tant bien que mal de faire part de mon éveil, et seul un gémissement étrange et faible se fit entendre dans la pièce aseptisée.
Ce fut suffisant. Sans doute grâce à un moniteur magique, Poppy Pomfresh entendit mon appel et se précipita vers moi. Je n'avais jamais vu un tel air de soulagement sur son visage dont la bonté adoucissait l'âge. Visiblement, je lui avais donné un peu de souci. Étrangement, elle ne commença pas à m'enguirlander immédiatement comme elle l'aurait fait en temps usuel. Elle sembla s'arrêter le temps de reprendre ses esprits, et m'adressa un sourire bienveillant et un regard brillant.
Elle me dit que je leur avais fait peur. Devant mon expression incrédule, elle m'expliqua que j'avais dormi pendant une semaine ; j'en restai abasourdi. Nous étions déjà le deux janvier, les vacances étaient sur le point de s'achever. Elle avait quelques explications à mon état : rien de grave ne m'était arrivé, heureusement. Je dormais simplement d'un sommeil paisible depuis trop longtemps. Elle s'était résolue à appeler mes parents au bout de quelques jours, mais ils n'avaient pas daigné montrer leur visage dans l'infirmerie un trente et un décembre. Peut-être avaient-ils peur de voir leur seul fils restant se retrouver lui aussi dans un état catatonique, ou alors peut-être qu'ils avaient cru Poppy sur parole à propos de la bénignité de mon sommeil. Je ne me faisais cependant pas d'illusions : ils devaient tout simplement s'en moquer, trop occupés par leur petite fête, le passage d'une nouvelle année qu'ils célébraient en famille.
De toute façon, je m'étais réveillé, alors peu importait, au fond.
Poppy pensait que mon sommeil était dû à une sorte de réaction magique à une agression physique ou mentale. Elle ne chercha pas à me faire parler, ce qui aurait gentil de sa part si cela n'avait pas été motivé par sa longue expérience de mon caractère et de mes réticences à exprimer mes sentiments à d'autres personnes qu'aux concernées ou à Ted Lupin. Et encore.
J'en déduisis que j'avais tellement souhaité ne plus voir Scorpius, cacher ma honte, et rester dans mon dortoir malgré les menaces de la directrice, que ma magie m'avait en quelque sorte aidé à passer le temps assez vite et assez longtemps pour éviter mes problèmes, pour faire le point. Heureusement tout de même que la vieille McGonagall était têtue, où je serais probablement mort de faim derrière les rideaux de mon lit : c'était elle qui m'avait découvert dans mon dortoir. Elle avait échoué à me tirer du sommeil par la force ou par la magie, et avait appelé l'infirmière à son secours, ce qui m'avait surement sauvé d'un décès par dénutrition et déshydratation. J'avais tout de même tranquillement dépassé la fête du nouvel an et gagné du temps.
J'aurais pu m'en retrouver satisfait si toute cette histoire ne m'avait pas directement étiqueté « malade mental » auprès de l'infirmière et de la directrice, ainsi que des professeurs. Une étiquette de plus, cela ne changeait plus forcément grand-chose à mon niveau, mais celle de psychopathe était particulièrement difficile à porter.
Après m'avoir expliqué les tenants et les aboutissants de mon petit accident magique, à savoir une surveillance hebdomadaire obligatoire au moins les premiers temps, quelques heures de plus dans un lit blanc dans cette pièce à l'odeur de propre, et une obligation absolue de venir la voir au moindre problème, Poppy me nota également sur un morceau de parchemin l'adresse d'un Mage psychiatre par pur acquis de conscience, sachant très bien qu'il finirait dans une cheminée dès mon départ de l'infirmerie. Elle envoya ensuite un hibou à mes parents pour les rassurer sur mon état, des fois que ça les intéresserait.
Elle m'apporta ensuite à manger : la nutrition parentérale magique n'avait jamais comblé autre chose que des besoins purement physiologiques et mon estomac vide n'avait rien d'une illusion. J'eus droit à des restes du réveillon du nouvel an, parmi lesquels une splendide part de buche apportée par un Tibiti triste et coupable, qui se sentait responsable de mon état puisqu'il était le dernier être vivant à m'avoir croisé en bonne santé et que je n'avais pas vraiment apprécié ses paroles. Je lui dis, indifférent, qu'il n'avait fait qu'obéir aux ordres et qu'on ne saurait le tenir responsable. La buche était une belle pièce glacée aux fruits rouges, ce qui aurait suffi à me faire pardonner n'importe quoi à n'importe qui. Je remerciai le pauvre elfe avant de m'étendre à nouveau dans les draps, bien sûr incapable de retrouver le sommeil.
La rentrée aurait lieu dès ma sortie, vraisemblablement, et je devais me préparer à faire face cette fois, ou à déployer des trésors d'ingéniosité encore jamais égalés. Je penchais plus pour la deuxième solution.
La rentrée arriva malheureusement bien plus vite que je l'aurais souhaité, aussi vite qu'étaient passés les jours bénis où mon pseudo coma me protégeait du reste du monde.
Avec la rentrée, le banquet de retour des élèves qui étaient rentrés chez leur parent prit place, et je m'installai auprès de Perseus à la table des Serpentards, comme à mon habitude. J'évitai soigneusement de poser les yeux sur Scorpius, j'ignorai ma sœur, et je picorai mon assiette d'un air morne.
Malheureusement, il était écrit que tout ce qui pouvait aller mal irait mal, c'était sans doute une loi inscrite dans mes gènes, et ce qui devait arriver arriva, sous la forme d'une enveloppe rouge et fumante, transportée par un pauvre hibou affolé qui se dépêcha de quitter les lieux lorsqu'il eut déposé devant moi l'objet de sa crainte.
L'humiliation.
Épaisse, rouge, fumante à souhait... L'enveloppe atterrit dans l'assiette de gigot et de haricots verts que j'avais fini par réussir à entamer, et sur laquelle je tentais désespérément de me concentrer - mâcher, avaler, mordre, écraser, déglutir - afin de ne pas inquiéter mes très chers professeurs et de ne pas attirer sur moi l'attention de ma bien-aimée et bien intrusive infirmière. Bah, il était désormais inutile de chercher ma nourriture en-dessous de la lettre, elle serait carbonisée de toute façon.
J'étais tellement apathique que je n'eus pas la présence d'esprit de m'éloigner pour écouter le contenu sans doute humiliant de la beuglante, et je me contentai de la fixer d'un air blasé et vaguement curieux, j'étais à peine intéressé par ce qu'elle pourrait contenir, je me doutais, un peu indifférent, que ce serait humiliant, bruyant, et surement méchant, mais qu'y pouvais-je ? Je n'avais pas vraiment de doute sur l'expéditeur - mon père ou ma mère ? Là était la question ! La seule inconnue à l'équation était le contenu de la missive, et je n'allais de toute façon pas tarder à en prendre connaissance.
Quoi de nouveau sous le ciel enchanté de la Grande Salle ?
Oh. Oh ! C'était bien joué ! Dès les premiers mots de la voix de ma chère, tendre, et bien-aimée mère, je sus qui était l'instigatrice de cette lettre tueuse : Lily, encore. C'était bien joué, une fois de plus, j'avais presque de quoi être fier de ma chère et trop tendre sœur. Je ne me demandais même pas pourquoi elle s'acharnait à ce point sur moi alors que j'étais déjà à terre. C'était digne d'un Serpentard, ça, pas d'une Serdaigle. Un vague soupçon de réprobation me vint à l'esprit, tut tut tut, je la corrompais la petite, elle avait le potentiel d'aller loin si elle continuait comme ça dans la vie. Elle était simplement trop obnubilée par ses histoires de cul, d'amour et de conquête pour diriger ses aptitudes à l'intrigue ailleurs que sur ma personne. Ça aurait pourtant dû lui servir pour progresser en cours ou en politique, mais bon, je resterais probablement le meilleur de la famille sur ces deux domaines, tous méprisés qu'ils soient par mes parents.
Mes parents qui n'en finissaient pas de m'engueuler par hibou interposé. Ça faisait quand même déjà dix minutes, n'avaient-ils pas la voix cassée à force ? Ils ne se relayaient même pas, parlaient tous les deux en même temps, et rendaient certains passages incompréhensibles. Ma chère mère avait même réussi là où la sienne avait échoué : elle hurlait tant et si bien que le son était saturé, et sa voix prenait des échos assez amusants.
Un quart d'heure était passé, et ils n'avaient toujours pas fait le tour de la question, ce qui commençait même à lasser les plus tenaces des commères de ma maison et d'ailleurs. Ils avaient fait le tour de ce qu'il me restait à accomplir pour rester définitivement dans l'axe du mal : avoir un tatouage (ça, c'était fait), tuer quelqu'un (ça allait arriver à ce rythme), me prostituer, violer, torturer ou pire encore, plonger dans la magie noire ! En quoi pratiquer des sorts obscurs était pire que tuer ou violer, je ne le saisissais que peu, mais ça n'aurait jamais dû me surprendre de la part de mes parents bien-pensants à défaut d'être bienveillants.
Oh. Oh ! Ça c'était encore mieux joué. Cette Lily alors ! Après presque vingt minutes d'une engueulade que j'analysais plus que je l'écoutais, je finis par comprendre que ce qui gênait mes parents, bien plus que le fait que je sois homosexuel, était celui que j'ai tenté de piquer son petit ami à ma sœur. OK, c'était un Malefoy, mais au moins il était à Gryffondor, lui. Et j'aurais pu attendre qu'elle s'en lasse plutôt que de lâchement essayer de le lui voler. Je n'étais digne que de ramasser ses miettes, si on les écoutait. Je pris vaguement conscience du fait qu'au passage, Lily la jolie se tirait un peu dans les pattes puisque les paroles de ses parents ne feraient sans doute pas plaisir à son petit Scorpius. Peut-être qu'il éprouverait de la compassion à mon égard, qui aurait pu le savoir ?
Lorsque le son se tut enfin, quand le flot de paroles insultantes et le fiel rempli de déception se furent taris, l'enveloppe explosa plaisamment, ruinant les restes de mon repas ainsi que ceux de mes voisins, ce qui n'allait certainement pas améliorer la popularité des Potter chez les Serpentards, et peut-être me gagner un peu de compassion. Quoi que j'en fasse par la suite, un peu de pitié était toujours exploitable.
Je jetai un coup d'œil contrit vers la table des rouge et or, puis blasé vers celle des Serdaigle - peut mieux faire, c'était en substance le message que j'adressai à la peste rousse qui était née du même ventre que le mien. Je croisai le regard outré de Rose, scandalisée du scandale, si la formule était correcte, qu'avaient causé mes parents - son oncle et sa tante chéris - et sa cousine. Elle m'adressa un sourire qui véhiculait sa sympathie, avant se tourner vers ma sœur afin de la réprimander vertement.
Elle n'en eut même pas le temps.
Je pris vivement mon air le plus malheureux en voyant la directrice, flamboyante Minerva McGonagall, se lever et s'avancer, portée par la furie, trainant dans son sillon son adjointe, Septima Vector, la directrice de Gryffondor, qui paraissait profondément offensée. Ces deux femmes terribles et terrifiantes quittèrent la table des professeurs dans une superbe envolée de capes, pour se diriger vers la table des Serpentards, qu'elles dépassèrent sans rien d'autre qu'un regard attristé à mon encontre, puis vers celle des élèves de Serdaigle.
Oh oh. Je ne savais pas trop pourquoi, mais ça allait barder pour ma chipie de sœur. McGonagall lui intima de se lever d'un ton qui prouvait qu'elle avait dépassé ses capacités de maîtrise d'elle-même, et son bras droit ne montrait qu'à peine plus de retenue. Elles s'étaient déplacées si vite que Filius Flitwick, le minuscule professeur de sortilèges, directeur de la maison Serdaigle, ne venait qu'à peine de les rejoindre quand ma sœur blêmissante se leva finalement de sa chaise. Le professeur le plus gentil et le plus sensible de l'histoire de Poudlard - si l'on omettait Rubeus Hagrid, le professeur de soins aux créatures magiques dont la passion pour les créatures diverses et variées n'avait rien de gentille - semblait au bord de l'évanouissement, et cria, le visage recouvert de sueur et le ton tremblant, à la jeune demoiselle Potter d'aller séance tenante dans le bureau de la directrice pour qu'ils discutent ensemble de son comportement, c'était inadmissible acquiesçait Vector, et McGonagall approuvait sans ouvrir la bouche de peur d'exploser.
Une main sur mon épaule me fit retourner vers mon propre directeur de maison, ce cher Greengrass, qui m'indiqua d'un geste du menton que ma présence était requise, mais me signifia d'un regard attristé que je n'étais pas en faute cette fois-ci.
Je rejoignis donc cette étrange petite troupe dans le grand bureau directorial, sous le poids des regards réprobateurs des directeurs précédents de l'illustre école de magie et de sorcellerie qu'était Poudlard. J'en reconnus quelques-uns : Albus Dumbledore, évidement, mais aussi Severus Rogue et Phineas Nigellus Black qui avaient plus ou moins laissé leur empreinte dans l'histoire du monde sorcier ou dans celle de ma maison, et pas vraiment en bien. Ces trois personnages m'adressèrent des regards bizarrement amicaux. Si cela n'était pas vraiment inattendu de la part d'un Dumbledore débonnaire, Phineas Nigellus n'était pas réputé pour sa bonté, mais était peut-être fier d'accueillir en ces lieux un Serpentard. Quant à Rogue, je m'étonnais de son petit sourire avant de me rappeler que non seulement je portais son prénom, mais en plus j'étais le seul Potter de l'histoire de cette famille à avoir été réparti à Serpentard, et il n'aimait vraiment pas les autres membres de ma famille. Il se retourna promptement en croisant le regard presque affectueux que je lui lançai. De son vivant comme dans lsa mort, je ne suis pas sûr qu'il aurait apprécié que je le considère comme mon ancêtre spirituel. Je me demandais s’il était au courant de l'existence de Justus, avant d'être interrompu dans le fil de mes pensées par la voix perçante de la directrice.
Je m'étais apparemment assis machinalement là où elle m'avait indiqué de prendre place, à côté de ma sœur, et face à nos directeurs de maison et à nos directrices. J'avais l'impression de me trouver dans un tribunal, et pas forcément du bon côté de la barre. Je n'étais heureusement pas l'accusé ce soir-là. Si on me demanda des explications, on s'en prit plutôt à ma sœur.
Je dus résumer l'histoire aux membres du personnel : Oui, j'avais bel et bien reçu une beuglante de la part de mes parents et concernant ma vie privée, à savoir mon orientation sexuelle et mes histoires de cœur, et oui, je pensais pouvoir affirmer que la personne à l'origine de tant de bruit était ma chère et tendre sœur.
Il ne me restait plus qu'à regarder l'orage se déchaîner. Sur elle.
Petit un, une telle histoire n'avait en rien à être étalée à Poudlard, ma vie privée ne regardait que moi, et Vector contacterait mes parents, au nom de la direction, pour leur en faire part.
Petit deux, il était évident que puisque j'étais resté à Poudlard dans un coma magique, puis à l'infirmerie les jours précédents la rentrée, il n'y avait aucune chance que j'ai pu contacter mes parents et si on écoutait bien la teneur de la lettre, on pouvait deviner sans ma confirmation que Lily était à l'origine de la fuite. La délation, c'était mal, et Flitwick enleva une petite cinquantaine de points à sa maison mais pas plus, parce qu'après tout cela s'était principalement déroulé en dehors de Poudlard.
Petit trois, la délation de Lily était sans doute la cause de l'absence d'inquiétude que mon hospitalisation avait causée à mes parents, et puisqu'elle l'interrompait en disant sans honte avoir intercepté la lettre de l'infirmerie, Greengrass multiplia par deux ses retenues jusqu'à la fin de l'année avec le concierge.
Petit quatre, puisqu'elle ne montrait aucun remord, elle serait obligée de m'adresser publiquement des excuses, ainsi qu'aux professeurs pour le trouble qu'elle avait causé dans l'école, ajouta Vector d'un air pincé.
Et puisque ça ne suffisait pas, qu'elle était encore fière de ses actes, et qu'elle n'avait pas la moindre honte à avouer qu'elle avait même incité mes parents à m'humilier le plus possible en attendant la rentrée et le festin associé pour m'envoyer leurs engueulades, elle serait renvoyée provisoirement de Poudlard ! De mémoire de directrice et même d'enseignante McGonagall n'avait jamais vu ça, jamais, Merlin tout puissant, et qu'elle essaye donc de se plaindre à ses parents ! Elle allait les convoquer elle-même et elle était sure que si eux ne l'approuvaient pas, rien ne lui ferait changer d'avis, et que si sa grand-mère en avait entendu parler, elle se serait chargée de tirer le grand Harry Potter et sa grande épouse par les oreilles et de leur frotter la bouche avec du savon !
Et il en fut ainsi.
Ma mère avait été obligée d'expliquer à la sienne pourquoi elle était convoquée à Poudlard, puisque la lettre de la directrice était sans équivoque, et les décibels de ma grand-mère avaient prouvé une fois de plus que l'âge ne changerait jamais rien à la puissance sonore de ses engueulades. Comme elle n'y voyait plus grand chose, elle prit une savonnette à la main et s'en servit pour laver maladroitement la bouche de sa fille des horreurs qu'elle avait prononcées en publique, jetant la honte sur sa pauvre mère, et jamais, même les jumeaux n'avaient jamais fait pire, et eux au moins étaient drôles et adolescents à l'époque, mais quelle mère de famille était-elle donc ? Granny avait adopté mon père dans son cœur depuis suffisamment longtemps pour qu'il n'échappe pas à ce traitement lui-aussi, et ce furent un Harry Potter penaud et son épouse blafarde qui pointèrent leur nez le lendemain soir à Poudlard.
Lily, s'apercevant qu'ils ne chercheraient pas à la défendre, palissait de minute en minute. Son humiliation fut complète lorsqu'au retour du bureau de la directrice, elle fut conduite avec mes parents dans la grande salle pour présenter des excuses publiques auxquelles il lui fut impossible d'échapper. Elle eut beau me lancer un regard désespéré, elle n'eut droit à aucune compassion de ma part. Je me contentai de la regarder silencieusement se dépatouiller dans ses mots et demander mon pardon, que je lui accordai sans hâte, sans sincérité ni fioriture. Elle se tourna un peu, et en suivant la direction de ses yeux, je tombai sur l'attrapeur de l'équipe de Gryffondor. Elle le suppliait du regard, mais cela était vain.
Elle était vraiment allée trop loin, et il ne lui pardonnerait pas d'être capable de tant de mesquinerie. Si elle s'était contentée de faire courir la rumeur, encore, mais non ! Aucun doute n'était possible si c'était le grand Harry Potter qui disait que son fils était homosexuel, et qu'il draguait le petit ami de sa fille, le mettant lui-même dans le même panier, sans compter les propos peu flatteurs qu'il avait eu à l'encontre de sa famille. Elle avait oublié que s'il avait eu quelques rapports avec moi, c'était sciemment et consentant, et qu'en insultant son pédé de frangin, elle insultait aussi son pédé de petit ami.
Elle l'avait perdu.
Je n'avais pas pour autant gagné les attentions de Scorpius Malefoy. Entre mon frère, ma sœur et mes parents, il était en droit de penser que toute ma famille était pourrie jusqu'à la moelle, et je n'avais jusque-là pas réussi à lui prouver le contraire.
Bah.
Lily, penaude, venait de quitter Poudlard pour réfléchir une semaine ou deux à l'ombre de Godric's Hollow, et c'était déjà ça. De mon côté, il me faudrait me dépatouiller de ma nouvelle célébrité avant de penser à retourner à Scorpius.
Non, je ne retournerais pas à Scorpius. J'avais abandonné, pas vrai ?
Pas vrai ?
Ce qui me perdit vraiment, cette fois-ci, fut un regard de trop, le regard de trop que je portai à Scorpius. J'avais perdu l'habitude de le regarder depuis le temps, à force de marcher tête baissée dans les couloirs au risque de me cogner, de fixer mon assiette des yeux sans oser la relever, à force de cacher ma honte j'avais oublié à quel point il était beau, Scorpius, à quel point ses cheveux blonds et ses yeux aigue marine étaient splendide dans leur simple existence. Sa stature me paraissait moins haute, mais peut-être avais-je grandi, finalement, peut-être que malgré ces épreuves mon corps s'était trouvé renforcé, peut-être que l'alimentation magique dont m'avait abreuvé Pomfresh était plus équilibrée que mes repas habituels, j'étais si difficile, et il était possible que cela ait comblé chez moi quelques carences. Ou alors peut-être que ma magie, trop occupée à me faire dormir, en avait oublié de brider volontairement ma croissance. Je n'en savais rien et cela m'aurait étonné, quand même, que mes pouvoirs aient une volonté si forte qu'elle puisse contrer la mienne.
La cravate de Gryffondor lui allait toujours si mal au teint qu'il préférait la garder en poche, histoire de ne pas trop déroger au règlement. L'encolure de sa robe noire était libre, du coup, et sa chemise entrouverte dégageait des clavicules crémeuses et appétissantes, mais jusque-là rien de vraiment nouveau.
Ce qui me perdit vraiment, cette fois, ce qui me fit craquer irrémédiablement, ce fut son cou, son cou mince et pâle, dont la base était ornée d'un collier. Une chaîne en platine, avec des mailles épaisses auxquelles était suspendu un joli pendentif fait du même métal, et qui avait la forme d'un livre.
Quand bien même il savait, sinon que c'était mon journal, du moins que le bijou m'appartenait, Scorpius avait choisi de le porter.
Mon cas était désespéré.
Cet adolescent serait ma perte à un rythme beaucoup plus soutenu que je ne l'aurais souhaité, pensai-je. Il était comme addictif, je me languissais de sa peau, de son odeur, de son sourire asymétrique, de son toucher, et j'aurais pu continuer à fantasmer encore et encore sans jamais m'en lasser. Peut-être n'avais-je pas simplement dormi pendant ces jours à l'infirmerie, peut-être étais-je perdu dans un monde onirique dans lequel tout était plus simple et où je pouvais enfin m'enfoncer dans Scorpius, encore et encore, et le laisser me pénétrer, un peu. À cet instant, je regrettai presque d'avoir repris conscience.
Dans cette réalité, j'aurais beaucoup de peine à retrouver une relation avec l'attrapeur de Gryffondor, mais au moins, ça avait l'air possible. Peut-être.
Le temps reprit doucement son court.
Lily quitta finalement la grande salle, encadrée de ses parents penauds, sous le regard courroucé de la directrice de Poudlard, et rentra chez elle pour attendre que le bon vouloir de McGonagall la ramène à l'école. La vieille chouette était maligne, elle avait veillé à ce qu'aucune autre école ne prenne ma sœur tant que durerait son exclusion. Elle n'aurait de toute façon pas pu aller à Durmstrang si on tenait compte de l'allergie constitutive de mon père à la magie noire, ni à Beauxbâtons puisque ma mère haïssait tous les français à défaut de se limiter à sa plus jolie belle-sœur. De toute façon, leur directrice Olympe Maxime était une grande amie de Rubeus Hagrid, le demi-géant au cœur d'or qui gardait les clefs et enseignait les soins aux créatures magiques de Poudlard, et il était acquis à ma cause, une histoire de soupçons infondés et de haine générale qui lui rappelait sa propre histoire, ou alors simplement ma bizarre affinité pour son vieux chien Crocdur, une bestiole affligeante de couardise, et que j'aimais étrangement bien, moi qui avait toujours préféré les chats. Les relations avaient toutes une utilité, visiblement.
Après le départ de ma sœur, mon regard croisa un éclat de glace dans celui de Scorpius qui détourna alors la tête, volontairement indifférent. Je savais qu'il faisait exprès de ne pas me regarder, et cela me fit plus plaisir qu'une attention trop marquée. Qu'il essaye de les détourner de ma personne voulait dire que j'existais à ses yeux.
Je n'en demandais pas tant, cela suffisait pour ce soir. Je me détournai à mon tour, pour rejoindre mon dortoir. Mon appétit était définitivement coupé par la sortie théâtrale de la plus jeune des Potter. Je descendis les escaliers un petit sourire aux lèvres, prêt à voir arriver la suite.