Fic de l'Avent ? -6

Dec 15, 2010 10:17



Chapitre 9 : Rentrée, tripotages, aveux
Août 2029

Severus avait toujours laissé une grande latitude à ses enseignants, mais il insistait sur leur présence quotidienne à Poudlard à partir du 20 août. Ils n’étaient pas obligés de résider sur place à cette époque mais il y avait beaucoup à voir et à organiser : non seulement les programmes et les emplois du temps mais aussi la gestion du château, la mise à jour des protections magiques, les échanges avec les autres écoles et l’organisation des examens. Il se chargeait lui-même de tout ce qui était politique et relationnel, mais attendait en échange une parfaite autonomie de leur part concernant leurs matières et leurs projets particuliers.

Les deux nouveaux professeurs furent accueillis avec un plaisir manifeste par leurs aînés. Albus Potter était une figure familière, Samuel Jane assez connu dans sa branche, et tous les deux étaient jeunes, brillants, sympathiques et séduisants en diable. Al était capable d’être charmant quand il le voulait et retint ses habituelles remarques acérées. Jane se contenta de sourire et quelques vieux sorciers endurcis par des années d’enseignement se mirent à bégayer.

La première réunion se déroula paisiblement, quoiqu’un peu tristement, le souvenir des récents évènements encore frais dans les esprits. Accident ou explosion criminelle, le fait était qu’une école avait été touchée, une école comme Poudlard. Severus ne parla pas de doubler la surveillance et la protection du Château : il vit les expressions songeuses de son équipe et décida qu’il n’en avait pas besoin.

Chacun présenta ensuite son programme et ses objectifs annuels à ses collègues plus ou moins attentifs.

En-dehors de la présence des élèves, Severus était en faveur d’une certaine informalité et chacun s’était installé où il le souhaitait autour de la grande table ovale. Jane se trouvait immédiatement sur sa gauche et lui posait discrètement quelques questions de temps en temps. Mais ce fut Al, installé en face d’eux, qui au bout d’un moment attira son attention.

Le jeune homme - seulement 23 ans, songea Severus - avait le regard fixé sur son collègue de Potions et affichait l’expression qu’il réservait habituellement à un problème particulièrement difficile à résoudre. Severus aimait beaucoup cette expression : l’intensité, la concentration d’Al, son indifférence envers tout ce qui pouvait l’entourer en cet instant étaient captivantes. Il n’aimait pas du tout qu’elle soit centrée sur Samuel Jane.

Il faudrait qu’il ait un mot avec les deux jeunes gens sur les romances inter-professeurs. Et il faudrait qu’il évite de penser à Al en compagnie de Jane, Al touchant Jane, Al embrassant frénétiquement Jane.

-- Vous me laissez vraiment la responsabilité des modules de Magie Noire ? demanda plus tard l’ancien Serpentard tandis qu’ils déjeunaient tous dans la bonne humeur.

-- Sauf si vous ne vous estimez pas à la hauteur, répliqua froidement Severus.

-- Oh, bien sûr que si ! répondit Al avec une désinvolture à la fois attirante et exaspérante. Je ne m’attendais pas à ce que vous me fassiez confiance de cette façon, c’est tout.

Severus allait lui sortir une réplique cinglante quand il avisa ses lèvres légèrement incurvées. Le gamin se moquait de lui.

-- Taisez-vous, Potter, soupira-t-il avec un accablement mal simulé.

Al cacha son amusement derrière un verre de vin.

-- Je suis content d’être revenu, dit-il assez doucement pour que seul Severus puisse l’entendre.

Celui-ci songea que le désir douloureux qui le prenait à la gorge commençait à devenir familier.

Les jours suivants se déroulèrent de la même façon : Al divisa son attention entre son observation silencieuse de Jane et ses conversations animées avec Severus. Au bout d’une semaine, ce dernier ne savait plus que penser. Peut-être était-ce simplement hormonal. Peut-être Potter avait-il réellement de l’affection pour lui, mais était-il attiré sexuellement par l’Américain.

Son hypothèse sembla se confirmer deux jours avant la rentrée quand il tomba, tard en soirée, sur les deux hommes en train de chuchoter dans un couloir. Plus exactement, Potter chuchotait à l’oreille de Jane, le coinçant entre le mur et lui, une main appuyée contre la pierre froide juste au-dessus de son épaule. Il y avait à peine quelques centimètres entre leurs deux poitrines. Jane avait les yeux écarquillés et le souffle court. Severus savait que, dans certains cas, la peur et l’excitation font bon ménage et se demanda avec une curiosité malsaine ce que, exactement, Potter pouvait bien être en train de lui raconter.

Puis il se racla la gorge et les observa avec satisfaction sursauter comme des écoliers pris en faute. Al se reprit presque immédiatement mais Jane piqua un fard appréciable.

-- Une petite réunion de dernière minute ? demanda imperturbablement Severus.

-- Huuu…

-- J’allais juste m’en aller, répondit Potter d’un air satisfait. (Il se pencha vers Jane et lui tapota la joue.) Ravi d’avoir eu cette petite discussion. Bon week-end, professeur Snape. A lundi.

Jane bredouilla encore quelques mots et détala à son tour.

#

La dernière réunion ne fit pas resurgir d’importants problèmes de dernière minute et, après un dernier tour de table, chacun partit régler ses derniers petits détails. Severus se retrouva à marcher en direction des cuisines avec les Pernell-Londubat.

-- Vous avez l’air préoccupé, Severus, avança timidement Neville.

-- J’espère que Potter et Jane seront discrets une fois qu’ils commenceront à s’envoyer en l’air, grogna-t-il avec mauvaise humeur.

Le couple échangea un regard et Pernell émit un bruit à mi-chemin entre le toussotement et le rire amusé.

-- Je ne pense pas qu’ils soient vraiment intéressés l’un par l’autre, déclara Londubat avec ce qui ressemblait fort, étrangement, à de l’hilarité réprimée.

-- Vous avez une autre raison pour expliquer leur attitude de jeunes coqs en chaleur ?

-- Euh, oui. Mais je ne vous en parlerai pas. Vous me faites toujours trop peur. Viens ma chérie, lança-t-il avant de s’enfuir lâchement.

Severus tourna et retourna la conversation dans son esprit, mais fut incapable de comprendre où Londubat voulait en venir. Puis les élèves arrivèrent et, pendant quelques heures, il eut d’autres sujets de préoccupation.

Dîner, Choixpeau, répartition, SerdaiglePoufsouffleGryffondorSerpentard, discours, repas, troupeaux surexcités parcourant les couloirs, derniers préparatifs dans son bureau paisible.
Un cognement à la porte, Al entra et Severus se sentit comme six années plus tôt.

-- Je ne vous dérange pas ?

Le jeune homme attendit sa réponse avant de déposer son mug de thé fumant et de ramener le fauteuil à son ancienne place, face à Severus. Il s’y installa et contrairement à son habitude ne commença pas à parler immédiatement. Severus continua à parcourir ses papiers.

-- A propos des deux autres raisons… commença finalement Albus Severus Potter, nouvel enseignant de DCFM à Poudlard.

-- Vous n’êtes pas obligé de m’en parler si vous ne le souhaitez pas et s’il n’y a pas de conséquences sur la sécurité de l’école.

Al agita la main.

-- L’une n’a pas beaucoup d’importance, de toute façon. L’autre si. (Il dévisagea longuement Severus, une expression neutre sur le visage.) Posez-moi à nouveau la question.

- Quelle question ? demanda machinalement Severus, très occupé à faire semblant de ne pas être curieux.

- Sur la raison de ma venue. Allez-y, ce sera plus facile à comprendre.

Severus ne lutta pas. Il savait de quoi Al était capable quand il avait une idée en tête.

- Très bien. Que faites-vous ici ?

- Non. Ce n’était pas la question.

Severus retint un soupir et se creusa la tête.

- Pourquoi voulez-vous venir à Poudlard ?

- Sauf que c’est « pourquoi êtes-vous revenu », à présent, corrigea l’insupportable raison de sa deuxième existence.

- Pourquoi êtes-vous revenu ?

Severus oublia tout son énervement en voyant Al s’éclairer comme s’il venait de lui faire cadeau de la Terre. (Connaissant Al et ses prédilections pour les expériences étranges, la Terre avait de la chance que ce ne fût qu’une métaphore.)

- Pour vous.

Dans le bureau se firent un grand silence et une grande immobilité.

Severus se répéta soigneusement les deux mots pour vérifier qu’il les avait bien compris - oh Merlin, oh Merlin - et regarda Potter, qui le regardait. Il y avait une explication logique à ses paroles, se défendit son esprit, autre que ce qu’il voulait croire et que les deux termes semblaient clairement signifier…

- Pour vous, répéta calmement, clairement Al, et il n’y avait plus vraiment de doute à avoir.

Severus laissa lentement échapper la respiration qu’il retenait et qui était plus une habitude qu’un réel besoin.

- Potter…

- Oui ?

Dans tout autre situation, Severus aurait maudit le jeune homme pour ne pas s’être lancé, comme n’importe quelle personne normalement constituée, dans un déluge verbal embarrassé d’autojustifications ; puis il lui aurait fait remarquer qu’il était un fantôme, ce à quoi Al lui aurait répondu - en se moquant de lui - que ça n’allait pas l’arrêter, et puis il y aurait eu d’autres arguments - l’âge, les relations directeur/élève, directeur/professeur, sa parenté avec Harry Potter - et d’autres fastidieux et douloureux et finalement agressifs échanges.

Mais honnêtement, qui avait-il à tromper à part lui-même ? Ses yeux caressèrent le visage pâle et froid, les boucles brunes, les yeux verts qui se voulaient nonchalants mais au fond desquels se lisait une angoisse qui frisait la panique. Oh, oui, il avait la possibilité de se faire aimer par Albus Potter, par une créature qui n’avait absolument rien de comparable aux amours idéaux qu’il s’était successivement inventés tout au long de sa vie, mais qu’il ne pouvait imaginer, à présent, plus parfait.

- Très bien.

- Quoi ?

Al semblait à la fois ébahi et… frustré. Severus haussa un sourcil.

- Je peux peut-être parvenir à vous dénicher un bouquet de fleurs si votre cerveau nécessite une réponse plus classique pour accepter le fait que, oui, je suis d’accord pour que vous passiez le restant de votre vie à m’ennuyer et à me faire tourner en bourrique.

- Je pensais que vous alliez noblement protester et j’avais préparé tout un tas d’arguments imparables pour vous prouver votre stupidité, bouda le jeune homme en croisant les bras.

Severus nota avec un certain soulagement qu’il n’avait pas tiqué au « restant de votre vie ».

- Noble et stupide ? S’il vous plaît, Potter, répondit-il légèrement.

Al eut un sourire torve.

- J’ai encore tendance à vous sous-estimer. Profitez-en.

Leur batifolage cessa et ils se regardèrent plus sérieusement.

- Concernant votre état de revenant… commença Potter avec une expression tellement innocente que Severus en frémit.

Puis il comprit.

- Oh non. Ne me dites pas que vous avez passé les cinq dernières années à accumuler toutes les connaissances possibles sur les revenants, les morts-vivants, les exorcismes et les cérémonies de résurrection, supplia-t-il.

Al lui offrit un sourire éblouissant.

- J’ai une très bonne piste. Mais je propose d’en parler plus tard. Quelques petits détails à régler : j’ai dit aux Elfes de maison de déposer mes valises dans vos appartements, j’espère que vous n’y voyez pas d’inconvénients ?

A voir la tête du jeune enseignant, Severus décida qu’il n’avait pas intérêt à y voir des inconvénients.

- Pas de romance cachée et tumultueuse ?

- Ca fait sept ans que j’hésite à tatouer mon nom sur vos fesses, lui répondit sérieusement Al. Si je ne l’ai pas fait c’est simplement parce que je n’ai pas trouvé le moyen.

Oh dieux. Dans quoi s’était-il engagé.

- Potter. (Il essaya d’attirer l’attention du jeune homme qui avait retrouvé son rythme de parole coutumier et délirait sur des histoires de partage de gardes-robes et de placards à potions nucléaires.) Potter ! Il y a un autre point important. La raison pour laquelle je suis resté ici. (Al fixa sur lui son regard attentif et Severus chercha une façon digne de s’expliquer.) Il semblerait que quelques préoccupations dans ma vie de vivant ne m’aient pas laissé le temps de…

Chercher l’âme sœur ? Fonder une famille ? M’envoyer en l’air ?

- … développer des relations personnelles.

Bien entendu, Al rit à en pleurer. C’était probablement en partie nerveux, mais tout de même. Quand il se fût un peu calmé, Severus enchaîna.

- Il est donc possible qu’une fois notre arrangement confirmé et, disons, stabilisé, je ne ressente plus le besoin de rester.

Al resta quelques instants pensifs, son index posé sur ses lèvres.

- Ce n’est pas un problème, dit-il enfin. (Et comme Severus, terriblement et brusquement blessé, le regardait d’un air interrogateur :) J’ai bien prévu de vous faire revenir de ce côté, quel que soit le temps que ça prendra. En attendant, il suffit juste que je vous empêche de gagner cette sérénité pourrie qui vous permettrait de partir, non ? (Il eut un lent sourire.) Je sais être insupportable quand il le faut.

#

- Je pensais que vous étiez intéressé par Jane, interrompit Severus une dizaine de minutes plus tard tandis que Al lui expliquait en long et en large en quoi allait exactement consister leur vie sexuelle.

Il eut la surprise - et la satisfaction - de voir le jeune homme légèrement embarrassé.

- Je l’ai rencontré aux Etats-Unis et nous avons un peu traîné ensemble - non, pas dans ce sens-là. Bref, Samuel couche avec tout ce qui peut présenter un semblant d’intérêt. Et j’ai dû citer votre nom et votre condition et votre cervelle et votre voix un soir après une salade de champignons particulièrement délicieux. Et il a eu l’air intéressé.

Les yeux de Severus brillèrent.

- Or donc, apprenant son apparition en ces lieux, vous avez volé au secours de ma vertu ? demanda-t-il d’une voix indéchiffrable.

- Oh, la ferme.

#

- Mais vous étiez en train de flirter ce soir-là dans le couloir, insista-t-il quelques instants plus tard.

Difficilement, parce que ce que lui racontait Al devenait particulièrement intéressant.

- Non, pas du tout, répondit ce dernier. J’étais en train de lui expliquer ce qui arriverait s’il s’avisait de vous faire des avances.

- Oh.

- Oui. Donc, techniquement, je ne peux pas vraiment vous embrasser, mais je me suis dit…

A suivre

Previous post Next post
Up