Fic de l'Avent ? -4

Dec 17, 2010 09:44

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Chapitre 11 : Darmoise
Juin 2030

-- C’est ennuyeux de ne pas pouvoir tester la méthode.

Vautré sur sa chaise bancale, Al contemplait d’un œil morose Severus en train de faire tourner sa potion.

-- Nous en avons déjà parlé, répliqua ce dernier dont la patience commençait à s’user. Il est hors de question d’ « utiliser » l’un des fantômes du château comme vous l’avez proposé.

-- Nous aurions au moins pu leur poser la question.

Le jeune homme renifla et se tut sous le regard noir de son aîné.

Tout était prêt pour la semaine suivante. Ils avaient choisi le lieu - une clairière isolée au milieu de la Forêt Interdite autour de laquelle ils avaient déjà posé les protections nécessaires - et l’heure où se déroulerait la cérémonie. Leur matériel était rassemblé et leurs paroles apprises par cœur. Severus commençait à appréhender la réalité de ce qui allait peut-être se passer et sa tête lui semblait remplie de coton.

Ils n’avaient pas parlé des explications qu’ils allaient ensuite devoir fournir. Cependant, les chances d’échouer restaient élevées et la question ne se poserait peut-être même pas.

-- De quelle façon voulez-vous fêter votre enterrement de vie de fantôme ? continua Potter avec un sourire content de son jeu de mots. Je suis sûr que Sir Nicholas aurait aimé vous organiser une fête, s’il avait su. Si vous préférez, on pourrait tout simplement se -

Al, à la diction si élégante et aux paroles si maîtrisées, avait le chic pour lui sortir des vulgarités au moment où il s’y attendait le moins.

-- Potter ! protesta-t-il, mais il sentit son indignation ramollir devant l’expression tout sauf repentante du jeune homme.

-- Vous réalisez que quand vous serez de retour, vous serez bien plus jeune que mon père ? continua à bavarder ce dernier. Ca va lui faire un choc. Il ne le dit pas, mais il a du mal avec sa cinquantaine qui approche. Ooh, j’imagine déjà sa tête…

Severus soupira et continua à mélanger délicatement son philtre de vie.

#

Severus ne ressuscita pas cette année là. La cérémonie n’échoua pas, simplement, il n’en eut pas l’occasion.

Le soir prévu, la nuit était tombée et ils se préparaient à se rendre sur le lieu décidé quand, comme l’année précédente, la tête d’Harry Potter apparut soudainement dans l’âtre.
C’était vrai qu’il avait gagné en cheveux blancs, constata Severus. Son visage n’était pas sombre comme la dernière fois, il était d’une neutralité effrayante. Il songea un court instant qu’il était au courant de leur petite entreprise, mais la vérité se révéla bien pire.

-- Il y a eu un nouvel accident à Beauxbâtons. Irène Ganimard est décédée.

Al et Severus échangèrent un regard horrifié.

-- Comment ? demanda le jeune homme en se laissant tomber à genoux devant le foyer. Une autre explosion ?

-- Son cœur s’est arrêté. (Severus ouvrit la bouche mais Potter enchaîna immédiatement.) En même temps que ceux du professeur de Sortilèges et du Préfet de Blanclys. Un peu trop gros pour une coïncidence, conclut-il. Les Aurors sont à nouveau sur les lieux mais ils n’ont pas davantage le droit d’utiliser le Véritasérum sur les élèves, même avec leur accord.

-- Et le Prior Incanto ? demanda sèchement Severus.

-- Aucun résultat jusqu’ici. Al, InterSor a demandé si tu pouvais te rendre sur les lieux. Tu restes le meilleur spécialiste connu de leurs services en Magie Noire.

-- Très bien, répondit laconiquement son fils cadet.

-- A tout de suite.

Le directeur du service des Aurors disparut avec un dernier sourire crispé. Al resta un moment à fixer le feu, le visage figé, puis se tourna lentement vers Severus.

-- Allez-y, dit ce dernier.

-- Je…

-- Potter. Mon cas n’est pas exactement pressé. Allez trouver ce qui est arrivé à Irène, bien que vous ayez sans doute votre petite idée. Et revenez m’expliquer tout en détails, cette fois.

Le jeune homme hocha la tête. Son expression était douloureuse et coupable et il semblait pour une fois aussi jeune qu’il l’était.

-- Nous - Irène et moi - nous ne pensions pas que les choses iraient aussi vite, dit-il d’une voix presque suppliante.

-- Plus tard. Allez à Beauxbâtons.

Al hocha la tête et disparut.

#

L’excitation de Severus, qui avait augmenté progressivement au cours des dernières semaines, retomba rapidement. Il refusa cependant de ruminer le fait que ce n’était pas cette nuit-là qu’il retrouverait la vie. Après tout, comme il l’avait dit, il avait l’éternité devant lui.

Il rangea soigneusement leur matériel, jeta un sort de conservation sur ce qui restait des ingrédients et se débarrassa de la potion qui, malheureusement, ne pouvait pas être gardée plus de quelques heures. Il essaya de ne pas penser à ce que lui avait tu Potter, la fameuse première raison de sa venue à Poudlard. Il resta calme tandis que le reste de l’Ecole apprenait la nouvelle et, en même temps que l’ensemble du monde sorcier, commençait à s’interroger sur les évènements récurrents de l’école française.

Al revint deux jours plus tard et Severus lui laissa le temps de reprendre ses esprits avant de s’installer en face de lui, dans un fauteuil confortable de leur salon.

-- Anségisel Darmoise, prononça finalement le jeune professeur. C’est un élève de septième année. (Il fit un geste fatigué en direction d’une pile de papier posée sur un des meubles.) Vous avez reçu son dossier de candidature pour la classe préparatoire de l’an prochain. C’est un élève brillant. Ce n’est pas un génie à proprement parler, mais c’est un diplomate inné. Il est capable de manipuler à peu près n’importe qui. Je pense qu’il a convaincu l’un des parents d’élèves de lui prêter sa baguette pour… (Al agita la main.) Vous connaissez le lien qui unit sorcier et baguette, vous pouvez imaginer ce que cela représente.

-- Pourquoi ?

Le jeune homme eut un pauvre sourire.

-- Un cas un peu différent de Voldemort. La lignée des Darmoise remonte à très longtemps. Ils se sont presque uniquement mariés avec des Moldus mais il n’y a jamais eu un seul Cracmol parmi eux. Les Darmoise ont toujours été partisans des relations sorciers-moldus, souvent même à l’extrême. Ils ne se contentent pas de s’opposer aux préjugés des Sangs-Purs, ils cherchent à les réduire à néant.

-- Ils veulent que les sorciers et les Moldus cohabitent ? interrogea Severus avec incrédulité.

-- Non, sur ce point ils sont d’accord avec le reste du monde sorcier : nous aurions du mal à coexister en harmonie. Leur approche est plus, mmh, scientifique, comme quoi il faut du sang neuf pour produire des individus plus puissants, que les Sangs-Purs ne sont que des idiots congénitaux et les Moldus des banques génétiques à sélectionner. Ils ont un solide groupe de partisans, quelques autres familles qui ont pris le train en route ces derniers siècles et des enfants de couples mixtes qui supportent mal d’être traités de Sangs-de-Bourbe.

-- Quel est leur objectif ?

-- Jusqu’ici, il s’agissait surtout d’une résistance face aux Sangs-Purs. Mais la mère du Ministre actuel, Jean Corneille, est une Darmoise. Il y a six ans qu’il occupe le poste et maintenant qu’il y est bien accroché il commence à subtilement influencer les choses. Irène a commencé à se méfier quand il a voulu dissoudre les maisons de Beauxbâtons sous prétexte de favoriser la mixité. Blanclys est un peu l’équivalent de Serpentard, avec beaucoup de Sangs-Purs et beaucoup de traditions.

-- Et votre ancien élève, Darmoise ?

-- Le cousin de Corneille. Il est plus discret, pas du genre à monter au créneau pour défendre les idées familiales. Mais il sait exactement ce qu’il veut. (Et comme Severus haussait un sourcil :) Tirer les ficelles. Profiter de la situation pour prendre le pouvoir dans l’ombre. Je sais, je sais, ajouta-t-il en levant les yeux au ciel, j’étais aussi dubitatif quand Irène m’en a parlé pour la première fois. Surtout que le gamin n’a vraiment pas l’air dangereux. Mais Irène m’a décrit toutes les petites choses étranges qui s’étaient déroulées depuis son entrée en première année et en effet, il y avait de quoi se poser des questions. J’ai donc accepté le poste de DCFM et je l’ai observé pendant sa Cinquième Année.

Al resta ensuite une bonne minute silencieux, le regard dans le vide, tandis que Severus en profitait pour réfléchir à ce qu’il venait d’entendre. Il y avait quarante ans qu’il fréquentait quotidiennement des apprentis sorciers. Certains avaient été dangereux par leur maladresse, d’autres avaient été capables de se défendre avec efficacité, mais aucun n’aurait eu le potentiel ou la volonté d’asservir le reste du monde sorcier sous sa coupe. (Sauf peut-être Al. Parfois, Severus se demandait avec émerveillement s’il avait eu une influence positive sur l’adolescent.)

Albus avait dû éprouver la même incrédulité face à Tom Riddle, songea-t-il en contemplant le visage sombre d’Al. L’histoire avait un sens de l’humour exécrable.

-- Vous avez vu comment ça s’est terminé, reprit le jeune homme. Darmoise arrivait à charmer à peu près n’importe qui, sauf quelques élèves de Blanclys qui lui reprochaient ses origines.

-- Il serait à l’origine de l’explosion ?

-- Ca et d’autres incidents plus discrets. Je n’arrivais pas à y croire, alors je lui ai un peu jeté un Imperium, annonça-t-il avec un grand sourire satisfait. Le petit enfoiré. Il m’a avoué toutes les « expériences » qu’il a réalisées durant sa scolarité et croyez-moi, ce n’était pas joli. Il manque peut-être d’imagination mais il n’a aucune hésitation. Un parfait petit sociopathe.

-- Et ensuite ? demanda Severus qui commençait à se passionner pour le sujet.

-- Je ne pouvais pas présenter une preuve obtenue de cette façon aux Aurors français. Je l’ai Oublietté et j’ai été voir Irène. Pour le moment, nous ne pouvions rien contre lui, mais nous avons décidé de le garder à l’œil.

-- Vous saviez qu’il voulait passer par la classe préparatoire de Poudlard pour apprendre la Magie Noire et vous avez profité de la place qui se libérait pour y entrer avant lui, devina Severus.

-- Non, que dalle, le détrompa Al avec amusement. Inami-san m’avait prévenu quelques mois auparavant et j’avais déjà pris ma décision avant, à cause d’une certaine personne. (Les fantômes ne pouvaient pas rougir mais Severus prit une teinte nettement plus argentée.) Mais ça tombait bien. (Son visage s’assombrit à nouveau.) Seulement, il a dû constater qu’Irène se méfiait, et maintenant…

Et maintenant Irène Ganimard, directrice de Beauxbâtons, une des rares personnes à qui Severus aurait envisagé de confier sa vie - s’il en avait eu une - était morte. Si Al avait raison, si Anségisel Darmoise, dix-sept ans, était bien derrière tout ça, il y avait de quoi s’inquiéter.

-- Quand je suis arrivé avant-hier, continua Al, il se tenait là, l’image de l’élève parfait et concerné, au milieu de ses prétendus amis que j’appellerais plutôt ses adeptes. Je ne l’ai pas approché, cette fois. J’ai joué mon rôle de grand expert en Magie Noire qui ne suspecterait jamais un sorcier de son âge et conclut pas grand-chose. Le père de l’un des enfants, un des administrateurs présents lors des évènements, était pâle comme un linge. Il avait accepté de répondre sous Véritasérum. Vous savez que les interrogateurs sont obligés par la loi de s’en tenir à une liste précise de question pour ne pas empiéter sur la vie privée des interrogés ? Darmoise avait soigneusement tout pris en compte. L’homme a répondu « non » à la question « avez-vous de quelques façon que ce soit attenté à la sécurité des trois victimes ? » mais personne ne lui a demandé où était sa baguette à ce moment-là.

-- Entre les mains de Darmoise, conclut Severus.

-- C’est ce qu’il a reconnut quand je l’ai placé, lui, sous Imperium. Je ne pense pas que Darmoise se méfie de moi, continua-t-il pensivement. Et je pense qu’il veut profiter de son séjour dans notre Grande-Bretagne bien aimée pour préparer quelque chose d’un peu plus gros, pendant que son cousin continue son travail de sape.

-- Que prévoyez-vous pour la suite ?

Al planta son regard pâle dans le sien, puis ferma les yeux avec un claquement de langue irrité. Severus reconnut l’expression. Il allait solliciter quelque chose et ça ne lui plaisait pas.

-- Vous voulez bien m’aider ? demanda-t-il d’un ton humble.

Ouh, non, ça ne lui plaisait pas, mais il était assez intelligent pour reconnaître son manque d’expérience en gestion de Seigneurs des Ténèbres.

-- Bien entendu, répondit calmement Severus. (Il gagna en retour un sourire éblouissant. Merlin, il aimait tellement se faire manipuler par Al.) Je suis tout de même curieux : vous en avez parlé à votre père ?

-- Non. Pas parce que j’estime qu’il a eu sa part de Lords Noirs ou une bêtise pareille, sinon je ne serais pas en train d’en discuter avec vous. Quoique, murmura-t-il dans son absence de barbe, je ne pense pas que j’aurais pu vous cacher tout ça contrairement à lui. Mmh. Non, il n’y a rien que son service puisse faire pour le moment. Par contre, j’en ai parlé à mon oncle Percy. Il s’occupe de la section européenne des relations internationale et il a promis de garder un œil sur Corneille.

Il était temps qu’il cesse de se concentrer sur Poudlard et qu’il s’intéresse davantage à ce qui se passait à l’extérieur, décida Severus. Surtout s’il devait - tout de même - ressusciter et garder une potentielle menace à l’œil.

-- J’ai déjà renvoyé un avis favorable pour l’inscription de Darmoise l’an prochain. Il ne se méfiera pas d’être accepté à Poudlard après son forfait. Venez vous coucher, Potter, conclut-il d’une voix plus douce.

Le jeune homme ne protesta pas et le suivit dans la chambre.

-- L’enterrement d’Irène est prévu pour après-demain, annonça-t-il en se déshabillant. (Puis il le fixa pensivement.) C’est peut-être une bonne chose que vous soyiez toujours mort.

-- Pourquoi ?

-- Il ne pourra pas vous faire de mal, bailla Al avant de se coucher.

Il pourrait vous en faire, à vous, pensa Severus en s’installant près de lui.

#

Darmoise resta tranquille pendant les vacances. Severus profita des deux mois pour rafraîchir ses données sur les derniers évènements politiques français et renouer contact avec des connaissances précieusement placées. En effet, constata-t-il, la famille Darmoise avait gagné en influence ces dernières années. Parmi une dizaine de membres prometteurs et occupants des postes-clefs, Corneille se distinguait comme le fer de lance et Anségisel comme un futur leader brillant. Le jeune homme était peut-être resté discret à Beauxbâtons, mais il occupait des fonctions importantes dans la gestion de la fortune familiale et se tenait aux côtés de son cousin lors des discours de ce dernier.

-- Corneille défend une politique d’ouverture aux Moldus déjà au courant de l’existence du monde sorcier, résuma Al. C’est une idée progressiste à laquelle je suis moi-même ouvert, vous pouvez imaginer les progrès que l’on ferait en combinant leurs connaissances aux nôtres. Mais leur objectif réel va - secrètement, bien entendu - beaucoup plus loin. Pour présenter les choses simplement, leur but est justement d’utiliser les techniques combinées sorcières et moldues pour créer une caste dominante qui éradiquerait les sorciers traditionnels et règnerait sur le reste du troupeau. Un Voldemort aux idées progressistes, quoi.

C’était fou mais, comme l’avait un jour dit Al, on ne pouvait pas faire grand-chose à l’apparition cyclique des Seigneurs des Ténèbres. Juste les combattre. Un peu comme des épidémies, musa Severus. Il y avait peu de guerres et de famines dans le monde sorcier, mais ils n’y gagnaient pas vraiment au change.

La rentrée arriva et Anségisel Darmoise fit sa première apparition. Des boucles blondes, un visage avenant, des yeux compréhensifs, une bouche ferme : Severus dut admettre qu’il avait tout de l’homme raisonnable à qui on voulait faire confiance. Darmoise parlait peu mais parlait bien, ne forçait pas et laissait ses interlocuteurs se ferrer eux-mêmes. Laissez venir à moi les petits enfants… chantonna une voix dans l’esprit de Severus et il se remémora la compréhension qu’il avait ressentie en parlant avec Tom Riddle, le sentiment d’appartenance quand son ancien maître souriait et posait sa main sur son bras.

-- Professeur Potter, j’ai appris que c’est vous qui allez nous enseigner une partie des modules ? lança joyeusement la voix de Darmoise.

Severus s’arrêta et resta dissimulé derrière l’angle du mur. Puis il se rappela ce qu’il était et devint transparent. C’était mieux, songea-t-il en observant le visage sincère de l’élève et l’expression amusée d’Al.

-- En effet. Et je connais vos capacités, M. Darmoise, ne vous attendez pas à vous la couler douce, gronda l’enseignant.

Darmoise lui sourit puis son expression d’assombrit.

-- Je voulais… enfin, je voulais vous dire que je suis désolé. Je sais que vous étiez ami avec Mme Ganimard.

Le visage d’Al se ferma. Severus se demanda quel pourcentage de comédie et quel pourcentage de vraie peine entraient en jeu.

-- Merci, dit-il sèchement. Comment les autres élèves l’ont-ils vécu ?

-- Difficilement, admit Darmoise en lui emboîtant le pas vers la Grande Salle. Je suis resté en contact avec le professeur Dumas et beaucoup d’entre eux ne sont pas revenus cette année. Professeur ?

-- Oui ?

Le visage de l’étudiant était une œuvre d’art.

-- Vous n’avez vraiment aucune idée ?

-- Aucune, répondit Al d’un ton neutre. Et ce n’est pas un sujet dont je suis autorisé à parler avec vous, M. Darmoise, ajouta-t-il sans méchanceté. J’ai entendu dire que vous étiez entré au club de débat ?

-- J’éprouve un certain plaisir à rabattre le caquet de vos Serpentard, admit Darmoise avec bonne humeur. Ce n’est pas votre ancienne maison, d’ailleurs ? continua-t-il avec un sourire provoquant.

Ils s’éloignèrent en devisant paisiblement, laissant un Severus pensif.

-- Il a vraiment l’air inoffensif, reconnut-il dans la soirée.

-- Je vous l’avais dit, répondit Al en raturant copieusement une copie. (Un devoir dès la première semaine. Severus ne se demandait plus ce qui l’avait séduit chez le jeune homme.) Mais vous allez voir la suite.

Et en effet Severus vit la suite.

Il vit Darmoise prendre progressivement de l’influence sur le reste des étudiants des deux classes préparatoires, pourtant la crème de la crème. Il vit Darmoise envoûter Samuel Jane, le roi des envoûteurs, par des moyens très persuasifs. (« Ils sont majeurs tous les deux, vous ne pouvez rien faire, arrêter de vous intéresser à leurs histoires de fesses » lui intima sèchement Al et il avait l’air jaloux, ce qui était toujours intéressant.) Il vit ses élèves l’admirer et le respecter, à l’exception des Serpentards. (Il savait que c’était par opposition aux idées de Darmoise, mais il en fut tout de même fier.) Il vit les enseignants parler en termes flatteurs du jeune homme, de son intelligence, de ses idées. Il le vit bavarder avec des parents d’élèves, animer des réunions avec les Sixièmes et Septièmes Années, commenter la Gazette devant un auditoire enthousiaste, fouiller la bibliothèque de fond en comble, se lier d’amitié avec Al.

Son incrédulité céda petit à petit la place à une horreur glacée.

-- Il faut l’arrêter, dit-il à Al aux alentours de Noël.

-- Pour quelle raison ? rétorqua celui-ci avec dérision. Il ne fait rien de plus que ce que ferait un garçon ambitieux.

-- Il ne noue pas de connections, il endoctrine, protesta Severus.

-- Je sais. Mais comment voulez-vous le prouver ?

Severus rongea donc son frein et songea à l’autre Albus, celui qui avait lui aussi succombé au charme d’un Seigneur des Ténèbres et essayé d’en enrayer un autre. Avait-il ressenti la même irritation, le même sentiment d’impuissance ? Il se demanda, en contemplant ses élèves qui suivaient Darmoise comme des petits chiens, si l’un d’entre eux allait bientôt tuer quelqu’un, réaliser son erreur, batailler se toutes ses forces pour se rattraper. Il voulait désespérément les épargner et il n’était pas certain d’en être capable.

-- Ne soyez pas stupide, lui dit un soir Al qui semblait toujours tout deviner. Pour l’instant, nous avons de l’avance sur lui. Vous êtes plus intelligent. Moi aussi.

C’était sans doute la vérité et Darmoise semblait en être conscient, du moins pour une partie. Il n’évitait pas Severus mais ne se retrouvait jamais seul en sa présence. Il était tellement discret lors de ses petites escapades nocturnes vers la Section Interdite que Severus, s’il n’avait eu une certaine expérience des Capes d’Invisibilité, ne l’aurait jamais repéré. Il veillait à ce que le directeur n’ait aucune raison de le convoquer dans son bureau. Il s’intéressait de près, en secret - mais rien n’avait de secret pour Severus dans Poudlard - aux revenants et aux esprits et ce n’était certainement pas pour en ressusciter un.

Quand il lui fit part de ses observations, il découvrit qu’un Al en colère, une colère froide, terrible, était une vision à la fois terrifiante et très séduisante. (Mais il était biaisé : son cerveau était toujours un peu tordu après ses années comme Mangemort et Al était furieux pour lui.)

-- Si cette petite raclure s’avise d’exorciser ne serait-ce que votre orteil, siffla le jeune homme quand il l’eut calmé, je le coupe en petits morceaux. Tranche par tranche. Vivant.

Severus savait qu’il le ferait et aimait assez l’idée. Ses bas instinct - ses mauvais instincts, ceux qu’il avait laissé prendre le dessus quand il avait eu besoin de tuer ou torturer - semblaient resurgir avec la montée de Darmoise. La situation était cependant différente de celle où il s’était trouvé cinquante années plus tôt : il n’était plus un jeune homme terrorisé. Il se sentait assez prêt à régler son compte à la jeune pourriture quand le temps viendrait.

-- Ne vous montez pas la tête tout de même, murmura Al.

Par chance, le jeune français ne semblait pas aussi méfiant vis-à-vis de son enseignant de DCFM, ou se montrait encore meilleur comédien que prévu. Severus penchait davantage pour la théorie selon laquelle Darmoise envisageait de mettre Albus Potter de son côté.

-- Il m’a posé des questions sur mes ancêtres. Il sait très bien jouer sur les sentiments des sorciers descendant, même en partie, de Moldus, reconnut ce dernier.

Vers Pâques, la plupart des Serdaigles et des Poufsouffles auraient suivi Anségisel Darmoise en enfer.

-- Les Serpentard ne sont pas dupes, confirma Helen Weasley de sa voix languissante alors que les quadruplés, Al et Severus tenaient un petit conciliabule dans le bureau du directeur. Mais comme le reste de l’école a déjà tendance à se liguer contre eux, ils se tiennent sages pour le moment.

-- Ansel - il se fait appeler Ansel, les informa Clytemnestre, de Poufsouffle, en roulant des yeux - a quand même doucement commencé à monter les autres maisons contre eux.

-- Sauf les Gryffondors, précisa Pollux d’un air satisfait.

-- J’avoue que même moi je n’en reviens pas, admit à contrecœur son frère Castor qui représentait Serdaigle.

-- C’est parce qu’on est déjà naturellement méfiant vis-à-vis de Serpentard. Alors on est encore plus méfiant vis-à-vis des gens qui tentent de nous influencer contre eux.

-- C’est parce que vous êtes butés et que vous n’aimez pas qu’on vous dicte votre conduite, rétorqua Helen.

-- Aussi, reconnut son frère. Et puis, il y aussi des Sangs-Purs chez nous, mais qui n’ont rien contre les Moldus à la base. Alors ses idées sonnent moins juste.

Non seulement les Weasley se multipliaient, mais ils évoluaient et devenaient intelligents, constata Severus. C’était rassurant. Darmoise semblait moins menaçant.

Potter et lui redoublèrent d’attention durant les mois qui suivirent. Severus déplaça habilement les quartiers de Serpentard dans une autre partie du château sans que personne ne le constate. L’entrée se trouvait toujours au même endroit, mais à moins d’être à l’intérieur des appartements personne ne serait capable d’y provoquer de catastrophe. La tension commençait par ailleurs à être palpable : le Baron Sanglant, sans faire de commentaire, se mit à faire des rondes plus régulières et Arnold Zabini, Préfet de la maison des serpents, vint lui demander la permission désinvolte d’utiliser la Salle sur Demande pour des travaux pratiques de DCFM.

La mi-juin arriva et avec elle deux perspectives latentes : celle d’une nouvelle tentative pour ressusciter Severus et celle d’une catastrophe encore inconnue.

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A suivre

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