Le banc public

May 22, 2009 14:34


Voilà un conte moderne qui traînait sur mon bureau depuis un certain temps déjà. Il était temps que je le publie.

C'est un concentré de fluff, ne vous attendez donc pas à quelque chose de spectaculaire.

oOo oOo



LE BANC PUBLIQUE par Mag, 2006

La pluie tombait sans discontinuer ce soir-là. Elle était assise sur un banc d'un petit parc derrière chez elle. Vêtue d'un simple jeans et d'un chemiser blanc, l'eau avait eu vite fait de la tremper jusqu'aux os. Cependant, elle avait l'air de s'en ficher comme d'une guigne. Son esprit était comme absent et aucune lueur ne scintillait dans ses yeux verts. Elle offrait une vue déplorable pour les rares passants de cette heure tardive.

Elle était prostrée sur ce banc, les bras ballants et ses cheveux châtains lui tombaient sur les yeux. En la regardant plus attentivement pour percer l'obscurité naissante de cette fin de journée, on pouvait voir sa peau blanche en dessous de son chemisier trempé. Le vêtement ne cachait plus rien et épousait ses formes.

Ce dévoilement imposé par la pluie n'arrêtait toutefois pas les pères de famille accompagnés de leurs enfants sortant de l'école ou les businesswomen qui se pressaient pour retrouver la chaleur de leur intérieur cosy.

Elle resta ainsi longtemps, plongée dans ses pensées sans que personne ne lui accorde plus qu'un regard. L'heure de pointe était depuis longtemps passée et on approchait d'une heure où il ne faisait pas bon se promener seule pour une femme quand quelqu'un s'assit sur le même banc qu'elle.

L'inconnu alluma d'abord une cigarette et tira dessus quelque fois avant de souffrir d'une quinte de toux époustouflante. Cependant, cela ne la tira pas de ses réflexions. L'homme jeta sa cigarette au loin et s'emmitoufla un peu mieux dans son parka. Après quelques instants à se frotter les mains afin de les réchauffer, il se pencha pour attraper un sac impressionnant par sa taille qui se trouvait à ses côtés.

Il en tira une bouteille de soda et en but à grande goulée. Après s'être essuyé la bouche et avoir bruyamment roté, il regarda l'inconnue prostrée à l'autre bout du banc et qui n'avait toujours pas bronché.

L'homme ne prit même pas la peine d'ouvrir la bouche afin de commencer un interrogatoire en règle. Il se contenta de lui tendre la bouteille. Ce geste la sortit de sa torpeur et lui fit remarquer l'homme. Elle se secoua légèrement d'un mouvement bref d'épaule, mais elle gardait toujours les yeux baissés. Elle agrippa de manière hésitante la bouteille et en but une petite gorgée avant de la rendre à son propriétaire.

L'homme s'en empara silencieusement et la rangea à sa place. Le silence reprit ses droits et l'homme tendit l'oreille pour entendre le moindre frémissement des arbres alentours. Après un temps infiniment long, la femme lui lança un regard. L'homme s'en aperçut et ancra son regard dans le sien.

Ses yeux étaient bleus. De longues marques striaient sa peau encore jeune. Des ecchymoses lui couvraient le visage et se perdaient dans son décolleté. L'homme devina qu'il ne parviendrait pas à la traîner dans un commissariat pour porter plainte contre son tourmenteur.

Il avait deviné qu'elle voulait juste oublier, témoin cette lueur présente dans ses yeux si bleus. Ce message s'accompagnait d'une supplique muette, mais pourtant universelle: « Emmène-moi loin d'ici ». Et si on prêtait attention un peu plus longtemps: « Aime-moi ».

L'homme comprit et lui tendit la main. Elle ne se posa pas de questions supplémentaires, après tout elle avait passé la journée à réfléchir, et nicha sa propre main dans sa paume. D'un geste tendre, il la fit se lever avant de faire de même. Il agrippa son sac et lui proposa d'un regard de s'en aller au loin.

Elle lui sourit rêveusement même si cela lui faisait mal à cause des coups. L'orage éclata au dessus d'eux et ils commencèrent à courir comme deux enfants pour trouver un refuge. De l'inconnue prostrée quelques instants auparavant, il ne restait plus rien.

FIN

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