Titre : Une issue inattendue
Auteur :
solhakenType : fanfic
Fandom : Original - Illusion
Personnage/Couple : Lynarkha et Ruyvën
Défi : Ennemi juré
Rating : PG
Disclaimer : à moi
Note : Ce texte s'inscrit dans le même projet que
celui-ci.
Ils entrèrent dans le vaste hall comme l’avaient fait deux décades plus tôt les officiers du roi. Mais là s’arrêtait toute ressemblance. Elle les avait observés depuis leur entrée dans la place forte, ils étaient différents. Disciplinés, froidement efficaces, ils n’avaient en vérité rien en commun avec les hommes du roi. En comparaison les meilleurs hommes de son père, ceux qu’elle avait toujours considéré comme la crème des guerriers, lui semblaient être des enfants jouant avec des épées de bois. Ces homme étaient aussi éloignés d’eux qu’un tigre l’était d’un chaton. Ces hommes se mouvaient ensemble, c’était du moins de cette manière qu’elle le percevait. Il lui semblait que chacun d’entre eux ait conscience des autres.
En tête du groupe venaient deux hommes qu’elle reconnaissait sans mal. Il y avait là l’officier qui deux décades plus tôt lui avait, chose qu’elle avait encore du mal à croire, sauvé la vie. Il avait croisé son regard en entrant dans le hall et salué courtoisement d’une inclinaison de tête. Mais tout juste si elle l’avait remarqué, marchant un pas derrière son Seigneur. C’était à ce dernier qu’allait toute l’attention de la jeune femme. Cet homme, Lynarkha ne l’avait jamais vu, et bien que nul ne l’ait annoncé, elle savait parfaitement qui il était.
Le masque qu’il arborait valait n’importe quel héraut, l’identifiant plus surement qu’un blason. C’était elle qu’il fixait en remontant le grand hall, du moins sur elle que semblait s’être fixé le masque. Derrière lui ses hommes avançaient en silence, observant les lieux, mais gardant des expressions neutres. Ils étaient plus disciplinés que les hommes du roi, mais surtout, elle remarquait que, contrairement à ces derniers, ils ne semblaient pas les prendre de haut. Ils étaient les maitres de la place, mais ils ne semblaient pas souhaiter les écraser de cette évidence.
Le Seigneur-Conquérant s’arrêta devant elle, lui laissant tout loisir d’examiner son masque alors qu’il semblait lui-même l’observer en silence. Le masque tenait de l’œuvre d’art, ciselé dans ce qui semblait être de l’obsidienne et paré de niellures d’argent il ne faisait pourtant que suggérer le visage. On ne discernait dedans aucune faille, aucun espace, et cette face aveugle fit naitre en elle un frisson de peur.
- Ma Dame, dit-il en s’inclinant légèrement dans un geste éminemment courtois.
Le masque déformait la voix, lui donnant un timbre métallique, mais sans pour autant en atténuer les inflexions ni les nuances. Si son attitude était celle d’un parfait gentilhomme, la manière dont il prononça ces deux mots n’avait en revanche rien de courtoise. Il était subtil, et sans doute l’accent mis sur le pronom possessif aurait-il échappé à quiconque lors d’un diner mondain, mais Lynarkha, elle, ne le perçu que trop bien. Cuisant rappel à la réalité puisque d’ici peu, elle appartiendrait bel et bien à l’homme qui lui faisait face. La gorge serrée elle se découvrit incapable de prononcer le moindre mot.
- Nous pourrions sans doute trouver un lieu plus privé pour discuter ? suggéra-t-il d’un ton qui ne laissait gère de place au choix.
La jeune femme hocha la tête en silence, toujours incapable de prononcer le moindre mot. Sa seule satisfaction fut de garder la tête haute et une attitude assurée alors qu’elle les guidait jusqu’à la loggia où son père recevait jadis ses hôtes quand il souhaitait discuter avec eux à l’écart de toute oreille indiscrète.
Le seigneur s’arrêta un instant sur le seuil, sans doute pour examiner les lieux, et cela l’amena elle-même à y porter un regard neuf. Les fines colonnes de pierre où grimpaient les rosiers d’hiver lui étaient si familiers qu’il y avait des années qu’elle ne les voyait plus vraiment. Aujourd’hui elle réalisait que le temps avait fané les souvenirs de son enfance, que les rosiers se mourraient et que le vent érodait les colonnes, gommant lentement, mais surement la finesse de leur sculpture.
- Trouves-nous de quoi manger Rën, lança le seigneur d’une voix calme. Et du vin. Puis assures-toi qu’on ne nous dérange pas.
L’officier s’inclina légèrement et les laissa, refermant la porte derrière lui. Comme si le départ de l’officier lui avait ôté un poids, elle se trouva de nouveau capable de parler et de réfléchir. Mais la jeune femme n’était pas dupe, c’était bien la peur qui la libérait, la peur et le besoin impérieux de se défendre, d’une manière ou d’une autre. Ou au moins, à défaut, de ne pas se sentir totalement impuissante.
- Quel sujet revêt à vos yeux une telle importance que vous soyez ainsi venu jusqu’ici ? demanda-t-elle d’une voix qui se révéla plus assurée qu’elle n’avait osé l’espérer.
- A dire la vérité, plusieurs, et tous vous concernes.
Dédaignant les bancs de pierre il s’installa directement sur le rebord de la balustrade de pierre, s’adossant aux colonnes de pierres, indifférents aux épines des rosiers qui griffaient son manteau. Lynarkha resta debout, e dos contre la pierre froide, aussi loin de lui qu’elle le pouvait. Bien trop tôt viendrait le moment où elle ne pourrait plus maintenir entre eux cette simple distance.
- On raconte que ce masque ne vous quitte jamais, s’entendit-elle prononcer avant même d’en avoir conscience. Est-ce seulement une rumeur ?
Il leva son visage vers elle et porta la main à son masque. Il l’effleura du bout des doigts et elle se figea alors que l’obsidienne se dissipait comme brume au soleil. Pétrifiée elle se trouvait pour la première fois confrontée à la réalité de la magie.
- Le nombre de personnes qui connaissent à la fois mon identité et mon visage se portent désormais à quatre, dit-il calmement en la regardant droit dans les yeux.
Sans le masque il possédait une voix basse et grave, un peu rauque, qui avait quelque chose de riche et étrangement velouté, une voix plus agréable qu’elle ne l’aurait imaginé. A dire vrai, elle aurait préféré une voix dure et cruelle, un timbre désagréable qui ne lui aurait pas donnée envie d’en entendre davantage. Mais ce détail, Lynarkha ne s’en souviendrait que plus tard, la réalité tout entière avait été altérée par le choc causé par le regard du guerrier qui lui faisait face.
Ses iris étaient d’un bleu très sombre, si sombre en vérité que les paillettes d’argent y faisaient comme un semis d’étoiles et qu’on y distinguait à peine les pupilles verticales. Des yeux qui la clouaient sur place et lui donnaient l’impression de fouiller au plus profond de son âme, des yeux tout droit sorti des légendes que leur comptait jadis sa nourrice sur les Anciens Temps et les mages de cette époque révolue depuis longtemps.
- Etes-vous vierge Lynarkha ?
La question la frappa, choquante par sa nature même, mais également parle ton calme et détaché employé pour la poser. Elle senti le rouge lui monter aux joues en même temps que la rage.
- De quel droit ?! s’exclama-t-elle outrée.
Il la fixait calmement, presque amusé.
- Dois-je vous rappeler ma dame que ce droit, je l’ai bel et bien ? demanda-t-il avec nonchalance.
De nouveau il avait légèrement accentué le pronom possessif, juste assez pour lui rappeler qu’il était pour l’heure son seul avenir, et en cet instant, elle n’éprouva pour lui que haine et fureur. Il soutenait son regard avec calme, mais là où elle s’attendait à trouver raillerie et arrogance elle ne rencontra qu’une étrange tristesse qui fissura un instant sa rage. Un instant dont il s’empara sans état d’âme pour la prendre en défaut.
- On m’a dit que vous saviez lire, vous a-t-on transmit le décret par lequel le roi a scellé votre sort et celui de votre maison ?
- On m’a en effet transmit ce torchon, cracha-t-elle avec rage. Ou plus exactement, on l’a fait transmettre à l’intendant de mon père puisque n’étant qu’une simple femme on ne me juge pas digne de savoir lire !
Il hocha calmement la tête.
- Et au vu de votre rage, je peux légitimement supposer que vous êtes en effet tout à fait capable de le lire, dit-il sans se départir de son calme.
La rage de la jeune femme ne semblait pas le déranger et il n’y offrait pas plus de résistance que le sable n’en n’offrait aux vagues de l’océan.
- Est-ce pour vous glorifier de votre pouvoir sur nous que vous avez fait la route jusqu’à nous ?
- Non.
Le ton net et tranchant coupa net son emportement. D’un geste péremptoire il lui désigna l’un des bancs de pierre, mais quand elle refusa d’un mouvement de tête il n’insista pas. Le guerrier tira de son manteau un document cacheté de cire noire et le jeta négligemment sur la table en le lui désignant d’un geste du menton.
- J’envisageais de vous le faire porter par Rënko. Mais il s’est avéré qu’on m’a finalement donné le congé que je réclamais, me laissant en mesure de venir en personne.
Parce que cela lui permettais de se donner une certaine contenance elle attrapa le document. Son regard s’arrêta sur le cachet de cire noire qui figurait un fauve lové autour d’un masque. Il se brisa avec un petit bruit sec.
- De quoi s’agit-il ? demanda-t-elle calmement en dépliant le document.
L’écriture était fine et assurée, un tracé qui n’était pas sans lui rappeler les élégants déliés de son père. Elle chassa cette importune pensée avec une rage. Le seigneur-conquérant n’eut pas le temps de lui répondre, un coup frappé à la porte lui fit porter sa main au visage, le masque réapparu avant que le lourd panneau de bois ne s’ouvre, mais il ne s’agissait que de son officier, amenant comme demandé vin et nourriture.
- Assures-toi qu’on ne nous dérange pas et que les hommes se tiennent correctement.
- Ruyvën ! Nous prendrais-tu pour des sauvages ? grommela l’officier avec une familiarité qui poussa Lynarkha à lever vers lui un regard surpris.
- Moi non, répliqua calmement le guerrier, mais nul doute que certain ici le pense bel et bien.
L’homme s’inclina légèrement, salua Lynarkha avant de sortir, refermant la porte derrière lui. Le premier geste du guerrier fut de retirer son masque avant des les servir tout deux en vin.
- Vous ne m’avez pas répondu, fit-il remarquer en posant la coupe de son côté.
- Et je n’ai nullement l’intention de le faire ! s’exclama-t-elle en le foudroyant du regard.
Il la fixait avec une sorte d’amusement, devinant certainement les efforts qu’elle devait déployer pour ne pas l’agonir d’injures. Peut-être se demandait-il même, comme elle le faisait, pourquoi elle consentait à cet effort.
- Ma dame, je vous laisse libre de refuser de me répondre, dit-il gravement en redevenant sérieux. La question est grossière tant elle est déplacée, mais d’autre la poseront, et les examens auxquels ils vous soumettront leur donneront cette réponse, quelque puissent être par ailleurs mon avis sur la question, je ne suis pas libre de vous l’épargner.
La jeun femme leva les yeux du document pour le fixer avec ce qui se voulait être une expression furieuse. Mais les mots l’avaient une fois de plus heurtée et décontenancée.
- Pourquoi le feriez-vous ? répliqua-t-elle hargneusement.
Pour le ton employé elle écopa d’un regard agacé.
- Parce qu’aussi étrange que cela puisse vous paraitre, je n’ai ni l’intention, ni le goût de vous humilier, et encore moins d’intérêt à cela, répliqua-t-il d’une voix ironique.
Cette fois elle prit le temps de l’observer. Jusque là aucun de ses actes, aucune de ses paroles n’avait correspondu à ce que Lynarkha avait envisagé. Elle s’était préparée à un combat qui n’arrivait pas, au lieu de se confronter à un adversaire décidé à la soumettre elle découvrait une personne qui lui rappelait trop son père pour qu’elle parvienne à conserver intacte sa colère.
Lentement elle posa le parchemin sans l’avoir encore lu et tenta de soutenir son regard. Quand elle prit la parole ce fut d’une voix plus mesurée, trahissant malgré elle son désarroi.
- Quelles sont les raisons de votre venue Seigneur ?
- Ruyvën, corrigea-t-il avec douceur.
Elle eut les plus grandes difficultés à hocher la tête, avant de se sentir ridiculement soulagée quand il poursuivi, se gardant d’insister sur ce point.
- Votre avenir ma dame est désormais lié au mien, cela n’est ni de votre goût, ni du mien quoi que vous puissiez en croire. Encore que, si vous deviez forcément vous marier, les seigneurs Pérista et Déär ont également été suggérés pour votre mariage… En « récompense de leur loyauté à la couronne ».
Lynakrha cru s’étouffer de rage à cette idée.
- Je préfère avoir pour époux un ennemi que l’un de ces chiens de traitres ! s’exclama-t-elle avant de se figer, consciente des mots qu’elle venait de prononcer.
Il se contenta de la regarder avec un sourire vaguement amusé et de hocher la tête.
- Oui… Etrangement je n’attendais pas d’autre réaction de votre part… « Si le blason de ma famille doit être foulé aux pieds, qu’il ne tombe pas après celui d’un homme qui traine son honneur dans la boue ! »… Ce sont là vos propres mots n’est-ce pas ? demanda-t-il d’une voix douce.
Devant sa stupeur le guerrier sourit plus largement.
- Rënko, dit-il en guise d’explication.
Elle se souvint de la rage froide de l’officier intervenu en sa faveur ce jour là et hocha lentement la tête. Evidemment, elle aurait du savoir que l’homme en parlerait à son maitre, mais jusqu’à ce jour, elle n’avait tout simplement pas su qui il était.
- Pourquoi était-il présent ?
- Parce que je n’étais pas en mesure de venir moi-même.
Son expression se fit plus dure et plus sauvage.
- Ca aura épargné la vie de ce crétin, je suis… moins compréhensif que Rën, ajouta-t-il avec ironie.
- Dois-je le prendre comme un avertissement ? demanda-t-elle d’une voix très neutre.
Il paru sincèrement surprit puis secoua doucement la tête.
- Non, je ne pensais pas à vous en prononçant ces mots, dit-il en se radoucissant. J’aimerais que vous acceptiez de croire que je suis sincère quand j’affirme ne pas vous souhaiter le moindre mal.
- L’idée m’est difficile, répondit-elle avec franchise. Je tâcherais néanmoins de garder cela à l’esprit.
Le guerrier s’inclina avec une expression vaguement ironique quand elle prononça ces mots.
- Je ne saurais vous demander plus.
Sa coupe était vide et il se resservi tout en examinant le repas qui avait été apporté. De la pointe de son poignard il piqua une tranche de viande froide et planta ses dents dedans sans pour autant la lâcher des yeux. Il mangea en silence, alors que la jeune femme tenait vainement d’ordonner un peu le chaos de ses pensées.
- Vous n’avez que peu de choix, dit-il finalement. L’un d’eux, ou moi.
- Non, je n’en n’ai en vérité aucun, répliqua-t-elle avec plus de calme qu’elle n’en ressentait.
Il porta sa coupe à ses lèvres et but lentement.
- Si, dit-il lentement. Il vous en reste un.
Lynarkha l’observa avec un mélange de méfiance et de perplexité. Ce choix qu’il évoquait était pour elle un parfait mystère. Elle avait pourtant passé des heures, des jours et des nuits à chercher une issue qu’elle n’avait même pas su effleurer.
- Nous pouvons être ennemis, nous ne serions ni le premier ni le dernier couple à nous déchirer notre vie durant. Mais je n’ai pas cette intention, à vous alors de choisir si je serais ou non votre ennemi.
- Que seriez-vous sinon ? demanda-t-elle lentement, presque effrayée à l’idée de ce qu’elle le devinait prêt à offrir.
- Votre époux ma Dame, dit-il avec calme. Un soutient, une protection, un appui.