Ici sont rassemblés les courts textes autour de l'univers de
De albis angelis (et tout l'univers du "SGC" ; cf.
skpm77).
Écrit le 15 février 2007 : /!\SPOILERS/!\
Contient des spoilers sur la fic d'origine. Infimes corrections le 23 mai 2010 pour la mise en ligne.
Révélation (Epiphany)
On avait frappé à sa porte (de façon plutôt énergique, si bien qu’il se demandait si le terme « tambouriné » ne convenait pas mieux) et, intrigué car n’attendant personne, il était allé ouvrir. Il ne fut pas réellement surpris de voir Gwenaël sur le pallier (c’était tellement son genre de ne pas se servir de la sonnette…) mais, piquée au vif, sa curiosité redoubla.
Gwenaël allait et venait à sa guise, sans toujours juger bon de vous avertir à l’avance, mais tout de même, il n’y avait eu là aucun signe annonciateur, signes qu’il parvenait d’ordinaire à déceler mieux que personne. Nino avait bien été élevé, néanmoins (sans vouloir jeter une quelconque pierre aux Fowler, des gens pour qui Nino avait le plus grand respect), et il n’oublia pas les règles les plus élémentaires de la politesse : après avoir salué son ami, il s’effacer pour l’inviter à entrer.
Gwenaël était littéralement venu les mains dans les poches mais Nino le connaissait trop bien pour ne pas lui trouver un drôle d’air, qui n’était pas dû à la coiffure du brun. Mais il avait tant pris l’habitude de le voir avec les cheveux très courts et rejetés en arrière, fixés par du gel, que cela continuait de lui donner une impression de bizarrerie, à présent que Gwenaël avait de nouveau les cheveux un peu plus longs et qu’il les laissait prendre leur forme naturelle sur son front ; c’était pourtant ainsi qu’il l’avait connu, il y avait de cela des années. Et cela lui procurait un amusement sans fin, et non feint, car, bien que Gwenaël n’aurait jamais voulu l’admettre, ses amis étaient loin d’être dupes à ce sujet : tous savaient qu’ils devaient à sa vie de couple ce Gwenaël quelque peu assagi (ou simplement apaisé ; quoiqu’il en fut, Nino en était heureux pour lui).
Gwenaël n’avait semblait-il pas l’intention de s’attarder car il conserva sa veste sur son dos et ne fit pas mine d’ôter ses chaussures.
« Je reste pas, déclara-t-il d’ailleurs sans préambule, j’ai juste eu une sorte de révélation l’autre jour et il fallait que je te dise un truc.
- Ok… Tu veux pas te mettre à l’aise et t’asseoir trente secondes ?
- Non, non, j’ai besoin de toi debout. »
Gwenaël savait toujours comment susciter votre intérêt…
« Avant toute chose, je t’avertis que j’ai parfaitement conscience que ça va être embarrassant, mais je te promets que tu y survivras, ok ? »
… et votre inquiétude, aussi.
« Euh… d’accord… Pourquoi, qu’est-ce qui se passe ? »
Et là, Gwenaël le prit dans ses bras. Il le serra avec force et lui dit : « Je t’aime. »
Quelque chose en Nino court-circuita.
« Quoi ?»
Gwenaël relâcha son étreinte. Il s’écarta mais conserva une poigne ferme sur ses épaules et le regarda droit dans les yeux.
« J’ai de la chance de t’avoir, Nine. Je suppose qu’au fond je le savais déjà mais je suis pas sûr d’avoir réalisé avant à quel point. T’es le meilleur ami qu’on puisse souhaiter, non, espérer avoir, et beaucoup n’ont pas cette… chance-là, ils auront des amis mais pas des amis comme toi tu l’es, et moi je l’ai, cette chance, moi je vous ai, toi, Gwelle, Say et Cédric et… enfin voilà, je vous aime, je t’aime, je te l’avais jamais clairement dit parce que j’avais jamais réalisé à quel point c’était vrai, et je te remercie d’être là.
- Il s’est passé quelque chose ? » demanda Nino d’une voix peu assurée.
Gwenaël, malgré les années, ne l’avait pas habitué à ça et il ignorait s’il pouvait pleinement profiter de l’émotion qui l’envahissait ou s’il devait s’inquiéter.
« Non, rien de particulier, juste une envie de botter les fesses de quelqu’un mais rien dont tu doives te soucier. C’est juste que les problèmes des autres vous font parfois réaliser certaines choses. Entre autres, là, ma chance de vous avoir.
- Tu nous as choisi, aussi, commenta Nino, la gorge serrée mais toujours pragmatique.
- C’est vrai. Et il est agréable de constater combien j’ai du flair, rétorqua Gwenaël avec un de ces petits sourires dont il avait le secret. Je suppose que Gwelle n’est pas là, sinon elle aurait déjà pointé le bout de sa chevelure rousse…
- Non, elle doit être chez elle. Pourquoi, tu comptes faire ta tournée ? »
Gwenaël lui posa une main solennelle sur l’épaule.
« Je t’aime, Nine, mais il est temps pour toi d’apprendre à me partager, tu ne peux pas me garder rien que pour toi toute ta vie, tu sais ? se moqua-t-il.
- Casse-toi ! » se défendit Nino dans un rire.
Gwenaël lui donna une dernière tape amicale puis ouvrit la porte d’entrée et s’avança sur le seuil.
« Oh, Gwen… » le rappela Nino. Il se dandina un instant comme l’embarras reprenait le dessus. « Merci… pour ta visite, et… Je t’aime aussi. »
Un sourire retors se dessina sur les lèvres de Gwenaël.
« Évidemment. Qui ne m’aimerait pas ? »
-
Sayara baissa le feu sous la casserole (pas question de laisser l’inopportun lui faire attacher sa sauce !) et se dirigea vers l’entrée, dont il ouvrit la porte en grand.
« Hé, salut Gwen. »
Gwenaël remarqua la spatule de bois que son ami tenait encore à la main et renifla brièvement mais d’un nez expert l’agréable fumet. Sayara attendit.
« Je compte pas m’incruster jusqu’au dîner, rassure ton frigo, je suis juste venu te dire un truc.
- Oui ? »
Gwenaël ouvrit la bouche mais, au contraire d’avec Nino et Gwenaëlle, les mots refusèrent de lui venir. Il regarda Sayara, éternel sourire aux lèvres, pile à réacteur nucléaire et sautilleur sur place permanent, mais rien ne voulut sortir. Les sentiments n’étaient pas moins sincères mais c’était différent entre eux, comme une double lecture tout en non-dits.
Gwenaël haussa les épaules et pénétra dans l’appartement comme s’il était chez lui.
« T’as du linge à me faire repasser ? »
¤
Écrits le 2 janvier 2008 pour
marathon_prompt : /!\SPOILERS/!\
Prompt lancé par
tipitina : « T’as payé mes culottes, je peux bien payer les courgettes. »
Contient des spoilers sur la fic d'origine
Grand Seigneur
« C’est pour moi.
- Non, laisse. »
Gwenaël arracha la carte bancaire des mains de Cédric et d’un mouvement du poignet, tendit la sienne à la caissière.
« T’as payé nos calbuts, je peux bien payer trois courgettes.
- Grand prince, commenta Cédric avec un sourire.
- Montre-moi ta reconnaissance et tout le plaisir sera pour moi. »
+
Prompt lancé par
ashkaa : « Le ventre plein, il dormirait sur un champ de bataille. »
Contient des spoilers sur la fic d'origine
Comme un vieux soldat
Accaparé par sa vie de couple, Sayara n’avait pas cuisiné pour le SGC seul depuis près de deux mois aussi, profitant d’une sortie entre amis de son amoureux, avait-il décidé de se surpasser (sans trop expérimenter). Comme de coutume, Cédric et Gwenaël avaient fait honneur au repas et, tandis que Sayara achevait de mettre au frigo les restes de dessert - qu’ils finiraient sans doute plus tard dans la nuit - Cédric et Gwenaël tiraient au sort à qui reviendrait le privilège de choisir le film.
Dix heures n’étaient pas passées que Gwenaël s’était assoupi comme une masse, le menton dans le cou. Lorsqu’il s’en aperçut, Cédric poussa doucement Sayara du coude. Ce dernier secoua la tête.
« Regarde-le… Nourri, il s’endormirait sur un champ de bataille. »
Sourire attendri aux lèvres mais le regard attentif au sommeil de Gwenaël, Cédric le coucha, sa tête sur les genoux.
« Tu crois ? Je pense qu’il voudrait le nettoyer un peu avant. »
+
Prompt lancé par
hitto_sama : « Pénis, pénis, pénis. »
Contient des spoilers sur la fic d'origine
À quoi pensent les garçons
La soirée avait pourtant bien commencé : elle n’avait pas enfumé l’appartement, Gwenaël - de remarquablement bonne humeur - n’avait pas (trop) descendu son absence de maîtrise de l’art culinaire et la discussion avait naturellement migré au salon après le repas devant un café parfumé. Mais Gwenaël étant Gwenaël, immanquablement la conversation avait dérivé, et Nino n’étant qu’un homme, il lui avait emboîté le pas. Que les deux amis comparassent ce qui leur chantait mais ne pouvaient-ils l’épargner un minimum ?
Lorsque l’aiguille de l’horloge du salon lui indiqua que son supplice durait depuis deux heures, elle craqua.
« Pénis, pénis, pénis ! On ne pourrait pas parler un peu d’autre chose ? À croire que vous n’avez que ce mot à la bouche ! »
Les jeunes hommes s’entreregardèrent et alors que Nino s’apprêtait sans doute à s’excuser, Gwenaël déclara : « Pour Nine, je ne veux pas savoir, mais en ce qui me concerne, ce n’est pas le mot que j’ai en bouche. »
Vaincue, elle leva les bras au ciel et, avec un profond soupir résigné, prit sur la table basse son livre et s’efforça de les ignorer.
C’était encore là la meilleure manière de capter leur attention.
¤
Écrits les 26-27 janvier 2008 pour
marathon_prompt : /!\SPOILERS/!\
Prompt lancé par
tipitina : « Il se laissa tomber à genoux »
Contient des spoilers sur la fic d'origine
Un jour d’automne, 1993
L’appel l’avait anéanti. Il n’avait pas fermé l’œil de la nuit, avait effrayé ses enfants, fondu en larmes, prit le premier avion le lendemain. Ç’avait été si soudain, c’était si injuste, ils ne s’étaient pas vus depuis si longtemps… il n’arrivait pas à y croire. Leurs enfants ne se connaissaient même pas, il lui paraissait invraisemblable, impossible que leur rencontre se fasse dans ces circonstances-là.
C’était une belle journée d’automne, ensoleillée et trop chaude pour un début de novembre, une matinée pour laquelle vous regrettiez que ne vous ait pas suivi la grisaille de la capitale, le soleil réchauffait les pierres tombales. Il ne connaissait aucun ami, très peu la famille, de vue, à peine, ne cherchait qu’une seule personne des yeux, une petite ombre taciturne à laquelle nul ne semblait prêter réellement attention alors qu’elle se tenait au centre de la tragédie. Le cœur lourd, il s’avança jusqu’à elle, s’agenouilla devant l’enfant.
« Bonjour, Gwenaël… Je m’appelle Shawn, tu te souviens qui je suis ? Je suis profondément navré pour tes parents… »
¤
Écrits les 25-26 février 2012 pour
marathon_prompt :
Prompt lancé par
tipitina : « C'est dans l'ombre qu'on a le meilleur point de vue »
Préquelle à la fic d'origine
NdA : 1) mes excuses à toutes les secrétaires du monde pour cette caricature… 2) j’ignore totalement comment se passe l’admission à l’institut français de géopolitique. On va faire comme si.
Première impression
Gwenaël tapait nonchalamment du pied sur le sol. S’il avait pu, il se serait balancé sur sa chaise. Il était nerveux, il en avait conscience, et savait ne donner qu’une impression de vague ennui. C’était une posture dangereuse, il le savait aussi, mais peut-être contribuait-elle à déstabiliser les autres postulants, ses concurrents. Il se trouvait également du bon côté du couloir, opposé au sens d’ouverture de la porte menant au lieu des entretiens, aussi avait-il toujours le temps d’adopter un comportement plus adéquat à sa situation avant d’être vu. Il avait choisi ce siège à dessein dès qu’il s’était libéré. Lorsqu’on viendrait le chercher, il mettrait à profit le court chemin bordé de candidats pour se composer une attitude - il pouvait se montrer charmant, quand il le voulait.
« Gwenaëlle… », l’appela-t-on.
Il tourna par réflexe la tête vers la porte qu’il n’avait pas vu s’ouvrir du coin de l’œil et la constata close.
« … deux L-E », poursuivit la voix, trop jeune pour appartenir à la femme qui les conduisait auprès du jury, à présent qu’il y prêtait attention. « … Non, Roux. R-O-U-X, comme la couleur. Vous l’avez écrit sur les papiers que je vous ai donnés. »
Gwenaël se tordit le cou sur sa droite. Dernier de sa rangée, il avait une vue partielle sur le secrétariat auquel ils devaient se présenter à leur arrivée.
La silhouette de la jeune fille qui se découpa dans son angle de vision lui rappela immédiatement Virginia. De dos, elle possédait la même stature que la fille de son parrain, rendue gracile par le tailleur gris sombre qu’elle portait pour l’occasion. Celui-ci contrastait avec sa peau pâle ; des bas couleur chair donnaient un aspect scintillant à ses jambes nues jusqu’aux genoux. La jeune fille se tenait en équilibre sur un pied chaussé d’un escarpin au talon peu prononcé. Le second mollet était replié presque à l’équerre tandis qu’elle s’appuyait lourdement sur le rebord en bois du guichet.
Sa chevelure était teinte avec flamboyance.
« Je vous ai déjà donné ma convocation. Elle se trouve avec les autres documents. »
Gwenaël se demanda comment il ne l’avait pas sentie passer près de lui.
Il se pencha davantage pour soulager sa nuque. Il ne voyait pas le visage de la jeune fille de là où il se trouvait mais il imagina sans peine des lèvres pincées pour contenir un énervement qui filtrait malgré elle. À la façon dont le pied levé s’agitait convulsivement, Gwenaël devina une envie de tir au but tout juste réprimée. Encore que le crâne ovoïde de la secrétaire lui évoquait plutôt un ballon de rugby…
« Je suis certaine de l’avoir apportée. Peut-être l’avez-vous oublié dans la photocopieuse tout à l’heure ? »
Les roues d’une chaise de bureau grincèrent alors que la secrétaire se levait péniblement. La rouquine accompagna du regard son expédition vers la machine mais l’amplitude insuffisante du mouvement ne dévoila pas sa figure. Le relâchement de ses épaules exprima un soupir, son pied gauche claqua sur le sol quand elle le reposa. Un marmonnement parvint tout juste aux oreilles de Gwenaël.
« Faudra qu’on m’explique pourquoi ils ont besoin d’une copie de leurs propres courriers… »
Gwenaël ne put retenir un sourire. La secrétaire regagna son siège d’une démarche lourde, une feuille de papier à la main. Un ricanement s’échappa presque de la gorge du jeune homme.
« Personne suivante ! … Gwenaël Perrac ? »
Il reporta son attention sur la femme qui venait de l’appeler et se porta à sa rencontre, reboutonnant machinalement la veste de son costume. La fille au visage inconnu disparut aussitôt de ses pensées. Il serait toujours temps de s’y intéresser plus tard, si elle réussissait son entretien à l’IFG. Après tout, avec un nom pareil, il ne risquait pas de l’oublier.
+
Prompt lancé par
hlo1 : « Rien n’est plus dangereux qu’une idée quand on n’en a qu’une »
Contient des spoilers sur la fic d'origine
NdA : 1) en hommage à ce moment d'horreur lorsque j'ai appris qu'une auteur créatrice de vampires qui brillent au soleil avait appelé son héroïne comme l'un de mes personnages... 2) je n'ai lu que des extraits de Twilight. J'extrapole sur le reste.
Twilight zone
Gwenaël se rassit à la table et prit une goulée de bière fraîche à même la bouteille. Il faisait incroyablement chaud et si le parasol le protégeait des rayons du soleil italien, il ne faisait pas grand chose pour rendre la température tolérable. Les parents Brunelli s’étaient retirés à l’intérieur tandis que Nino avait entraîné Gwenaëlle à l’écart afin de lui faire visiter les alentours. Sachant qu’à cette heure-ci, tout le village faisait la sieste, Gwenaël avait une idée assez précise de ce qu’ils allaient visiter. (Tant qu’ils ne faisaient pas de bruit…)
Seule Isabella n’avait pas encore déserté les lieux. La jeune fille était allongée en maillot de bain sur une chaise longue. Sa peau bronzée luisait de sueur mêlée à la crème solaire indice 5 (histoire de prétendre se protéger des UV). Elle portait des lunettes de soleil aux verres larges et un ample chapeau de paille, évoquant à Gwenaël une jeune Sofia Loren. Alanguie de la sorte, il était difficile d’y voir encore la petite fille qu’il connaissait depuis des années.
« Hé, Bella ? dit-il doucement où cas où elle dormirait.
- Hum… ?
- Ça fait un moment que j’y pense… Tu ne voudrais pas changer de surnom ? »
Interloquée, la jeune fille se tourna sur le côté, un bras replié sous la tête pour la soutenir.
« Pourquoi ça ?
- À cause de ces bouquins de Twilight. À ta place, j'aurais la haine…
- Oh, ça ! Non, j’adore ces romans !
- Tu plaisantes… n’est-ce pas ?
- Non, pourquoi ?
- On parle bien de la même histoire où les vampires scintillent au soleil ? »
À la moue sur ses lèvres, il devina qu’elle avait levé les yeux au ciel derrière ses verres teintés.
« Y’a pas de mal à revisiter un mythe éculé ni à y apporter un peu d’originalité, je te signale.
- Certaines idées sont dangereuses, et vu l’idée en question, Stephenie Meyer aurait mieux fait de s’abstenir.
- Est-ce que t’as seulement lu les livres ? Ah ! j’oubliais ! s’exclama-t-elle en réponse à son sourcil haussé. Gwenaël le pourfendeur de littérature, justicier cinématographique. Tu ne parles jamais sans croire savoir, pas vrai ?
- Je n’ai pas poussé le masochisme jusqu’aux films, je ne me suis pas encore remis des bandes-annonces du premier opus…
- Non mais je t’accorde que les films sont complètement ratés, mais les romans sont vraiment géniaux !
- "Géniaux", dit-elle. Mais comment ton frère t’a élevée ?
- Nino n’a heureusement rien à voir avec mon éducation. Mais je ne suis pas surprise que tu n’aies pas aimé Twilight. Tu es trop snob pour apprécier un best-seller…
- J’apprécie les bons best-sellers.
- … et une histoire d’amour de surcroît…
- On parle bien de la même histoire où le vampire pailleté se lamente pendant quatre tomes à l’idée de ne pouvoir s’empêcher de tuer celle qu’il est censé aimer ?
- … et tu es un mec, acheva Isabella. Par définition, tu ne comprends rien au romantisme.
- Définition de romantisme ? Parce que si pour toi c’est un bouquet de roses et des bougies sur une table avec des violons en musique d’ambiance, j’arrête tout de suite cette conversation. Si c’est vouloir trucider sa bien-aimée aussi, d’ailleurs. »
La jeune fille se redressa.
« T’as vraiment rien compris aux livres ! se passionna-t-elle. C’est comme un obstacle insurmontable dont les héros parviennent à triompher malgré tout ! Rends-toi compte du tragique de la situation : le Destin les a réunis à travers les siècles, ils s’aiment, et la seule façon qu’ils ont d’être ensemble, c’est qu’elle meurt et devienne un vampire à son tour ! C’est terrible ! Et pourtant, l’amour l’emporte sur tout : la vie, la mort, le temps, et ça pour toujours ! C’est beau, non ? C’est le genre d’histoire qui fait rêver ! Et puis c’est bien écrit.
- Pitié, me dis pas ça… J’ai tenté de lire la traduction française tant la version originale était insupportable. »
Isabella croisa les bras.
« Il existe plus de deux auteurs au monde dont le style trouve grâce à tes yeux ?
- Oui.
- Bon, alors vas-y, dis-moi. C’est quoi pour toi, le romantisme ? »
Gwenaël ne répondit pas immédiatement.
« Une attention quotidienne envers l’autre.
- Mais concrètement ? demanda la jeune fille après un temps.
- Quoi, concrètement ? C’est une manière d’être en général mais ciblée sur une personne en particulier. Oui, ce sont des choses concrètes mais ça ne se limite pas à un exemple précis.
- M’en donner rien qu’un pris au hasard serait quand même pas mal comme début.
- Je n’ai jamais prétendu être romantique.
- Mais tu es amoureux de quelqu’un en ce moment, non ? Quelle est la chose la plus insensée que tu aies faite par amour ?
- Attends, on parle de romantisme ou d’amour fou ?
- On parle d’amour tout court !
- Eh bien, je n’ai jamais sérieusement envisagé de tuer aucun des mecs que j’ai aimés et je commence à me dire que rien que pour ça, je mériterais une médaille.
- On peut vraiment pas discuter avec toi.
- On peut, à condition de finir par reconnaître que j’ai raison. »
Isabella rit malgré elle.
« En fait, je suis sûre qu’au fond de toi, tu es un grand romantique qui refuse de le reconnaître car c’est un genre que tu te donnes.
- Qui est le plus à même de juger du romantisme de quelqu’un ? Le romantique ou la personne qui est l’objet de cet état d’esprit ?
- Tu veux qu’on skype ton mec pour lui poser la question ? proposa malicieusement Isabella.
- Pas la peine. Si mon mec était romantique, il serait ici avec moi en ce moment même plutôt que je ne sais où à faire je ne sais quoi.
- Vous n’étiez pas ensemble la semaine dernière ?
- Et ?
- D’aaaaccord ! En fait, tu boudes !
- Ça fait partie de ton argumentation ou c’est un moyen subtil de ne pas répondre à la question ?
- C’est une tentative désespérée de ta part de ne pas admettre que tu boudes comme un môme qui n’aime pas qu’on le laisse seul deux secondes ou le débat t’intéressait vraiment ?
- Plus que de discourir sur ma vie sentimentale ou sur celle d’un vampire larmoyant en tout cas.
- D’accord. Donc, selon toi, on est romantique qu’envers une personne, ça ne peut pas être un trait de caractère ?
- On ne peut pas être romantique tout seul dans son coin. Le romantisme ne peut s’exprimer que pour la personne qui provoque en toi ce comportement. C’est… Les sentiments que tu éprouves se transforment en inspiration et se concrétisent en un acte romantique. C’est pour ça que la St-Valentin, c’est du flan. On ne peut pas être romantique à date fixe une seule fois par an.
- Ouah… Tu es capable de sortir un truc pareil et ne pas te prétendre romantique ?
- Je n’ai jamais dit que je ne l’étais pas, répliqua Gwenaël avec un petit sourire.
- Et pourtant, pour toi, être capable de tout pour l’autre par amour, comme Edward et Bella le sont, ce n’est pas du romantisme ?
- Laisse les bouquins pour gamines pré-pubères en dehors de la discussion s’il te plaît. Être capable de tout pour l’autre, ce n’est pas du romantisme. C’est de la folie. Les deux ne sont pas incompatibles mais ils n’en rien à voir l’un avec l’autre.
- Hum… tu as peut-être raison.
- Tu vois qu’on peut discuter avec moi. »
Isabella lui accorda un sourire amusé. Elle enchaîna :
« Je maintiens que Twilight est une belle histoire d’amour. J’aimerais rencontrer quelqu’un qui m’aime comme ça. Quelqu’un qui m’aime à la fois tendrement et à la folie.
- Méfie-toi de la folie. Laisse-la aux livres pour midinettes. Et n’envie pas l’autre Bella, ce mauvais stéréotype de fille soumise et suicidaire. Tu es tellement mieux qu’elle. »
Un second sourire, involontaire et ému, s’empara des lèvres d’Isabella.
« C’est peut-être ton copain que je vais envier. Quel dommage que tu sois gay ! »