Titre : La compagne des mauvais jours
Auteur :
anadyomedeThème : Faim/Famine
Fandom : Autant en empore le vent
Personnages : Scarlett O'Hara
Rating : PG
Disclaimer : Tout appartient à Margaret Mitchell
Elle est revenue, la perfide. Joyeuse, joueuse, elle s’est glissée entre ses reins, elle a ri entre ses seins et elle s’est plantée là, bien dans son ventre, la faim.
La voilà, sa compagne des mauvais jours, après s’être fait attendre si longtemps, la voilà qui l’entoure et la rassure de ses vieilles petites chansons. Et la jolie peur retenue, c’est tout discrètement qu’elle ressort, qu’elle prend ses doigts en otage, ses petits doigts gourmands : t’es-tu bien nourrie de toutes ces bonnes choses sur ta table, Scarlett ? Les as-tu bien dégustées, parce qu’il n’y en aura plus à présent. Tout est fini, t’en souviens-tu, tout est fini, la guerre est là. Les hommes sont partis avec leurs beaux chapeaux, la fleur au fusil, ils sont partis en chantant pendant que tu tissais tes jolis rêves d’enfants. Mais on a saccagé ta maison, t’en rappelles-tu, on y a mis le feu et les hommes ne chantent plus à la guerre, ils y meurent à présent, et les femmes toujours en arrière retiennent la faim entre leurs dents. Les enfants pleurent dans les champs déserts, entends-tu tes sœurs geindre, et ton petit sangloter ? Sens-tu leurs regards qui attendent, qu’offriras-tu à leur table, précieuse petite Scarlett ? Que tireras-tu de Tara ce soir contre la faim qui brûle ses êtres ?
Il s’est levé le brouillard, comme se dressait avant le coton. De l’infini il a envahi le ciel, la terre, et ce qui longtemps fut rouge de sang s’est retrouvée peint en blanc. Au-dessus, au-dessous, Scarlett est tombée agenouillée et ses mains partout se sont cognées ; au vide parce qu’ici tout est mort, oui, elle s’en souvient à présent, qu’un jour ils sont venus de loin, les soldats, avec leurs torches allumées, qu’elle, elle n’était pas là alors ils ont tout brûlé. Et sa mère, sa chère Ellen, d’où toute la vie étincelait, ils l’ont tué de toute leur haine. Ils ont dévorés les poules, les cochons et les veaux ; ils ont détruits tout le fier coton ; et ils sont partis pareil, sans et sans dignité. Comme elle s’en rappelle, maintenant, qu’un jour elle est rentrée, qu’elle avait cette faim dans les côtes, cette faim qui la tenait éveillée. Il y avait une nuit noire pareille et puis tout au fond, un bout de longues heures, un drôle de soleil s’est levé.
Elle la voit encore là, cette lumière, cette dangereuse petite clarté, mais elle s’enfuit chaque fois que Scarlett avance, et il y a cette faim, toujours, qui danse de l’avoir retrouvée.
Alors Scarlett a hurlé à terre, elle a senti ses os se défaire, et cette lumière là-bas qu’elle n’atteint pas et cette faim, cette faim affreuse, cette faim trompeuse qui l’entoure et l’écrase aux pieds de Tara, elle a hurlé pour l’oublier mais elle s’est accrochée.
Et puis les mains. Et puis les lèvres.
Scarlett a ouvert les yeux pour s’apercevoir de Rhett qui la tenait serrée.