Titre : Lien de parenté
Auteur :
anadyomedeThème : Comment ça, on est de la même famille ?
Fandom : Everworld
Personnages : April et Senna.
Rating : PG
Disclaimer : Tout appartient à K. A. Applegate.
La première fois que je l’avais vue, j’avais pensé : « Elle ne me ressemble pas. Et si elle ne me ressemble pas, alors c’est qu’elle n’a rien à voir ni avec moi, ni avec mon papa, qu’elle n’a pas le droit de prendre ce sourire et d’affirmer le contraire. Elle ment, elle ment, il ne faut pas mentir. C’est ma famille à moi. » Et aussitôt après, j’avais eu tellement honte de moi que je m’étais empressée de lui donner ma peluche préférée. Je me disais que si Dieu entendait ces mauvaises pensées sur Senna, j’irai droit en enfer et je ne le voulais pas. Je voulais être une gentille petite fille. Je voulais qu’on soit fier de moi. Ça n’a jamais changé, je crois.
Le lendemain, pour le petit-déjeuner, ma mère avait les yeux gonflés de celle qui n’a pas dormi de la nuit et ses lèvres étaient si serrées que j’en avais mal pour elle. On était déjà tous attablé lorsque Senna était arrivé et, une fois installée face à moi, j’avais pu mieux l’observer. Durant tout le repas, elle m’avait fascinée.
Ses cheveux si blonds, les miens si roux ; ses yeux aussi gris que les miens verts ; sa peau pâle et lisse, la mienne parsemée de tâches. Rien, il n’y avait rien. L’espèce de sourire qui s’était glissé au bord de ses lèvres était terrible, il me donnait envie de trembler et ma cuillère s’était cognée au bol de céréale lorsque Senna avait soudain planté son regard sur moi.
Plus tard, ma mère était venue m’expliquer tout ce qu’on pouvait raconter à une enfant :
« C’est ta sœur, d’accord ? Ta demi-sœur. C’est-à-dire que je ne suis pas sa maman mais ton papa, c’est aussi son papa.
- Où elle est, sa maman ?
- Elle est partie, mon cœur. Senna est toute seule alors elle va vivre avec nous et on sera tous très gentils avec elle. C’est très triste de ne plus avoir de maman, alors je serai un peu la sienne mais il ne faudra pas être jalouse, d’accord ? Il faut prendre soin d’elle parce que ce n’est pas de sa faute si… »
Elle s’était arrêtée et ses joues s’étaient creusées.
« Ce n’est pas sa faute si elle est toute seule. »
Moi, j’avais trouvé ça terrible. Toute ma vie, je trouverai ça terrible parce que je comprends bien, à présent, que Senna a vécu avec la sensation d’abandon. Je vois toujours son expression figée, glacée, son rire très sec et puis je réalise, puisqu’elle est morte, puisque je l’ai tuée, qu’elle a fait partie de ma famille, de ma vie, de moi. Chaque fois que j’y pense, l’étonnement, l’incompréhension que je ressens sont les mêmes que la première fois, lorsqu’elle était arrivée chez moi avec son petit sac sur le dos.
Je me demande si on a eu quelque chose en commun, Senna et moi. J’ai longtemps cherché une ressemblance physique. Un grain de beauté, une bosse sur le nez, n’importe quoi ! Mais c’était comme si, pour mieux nous écarter, on nous avait faites deux extrémités. Alors j’ai cherché dans notre caractère, notre gestuelle, mais rien.
Et puis hier, j’ai trouvé : Senna et moi, on partageait l’une envers l’autre une haine jumelle, une lutte acharnée. Comme Caïn et Abel, on n’aurait pu mieux montrer notre lien de parenté qu’au moment où il a fallu nous entretuer.