Titre : Les caprices ouverts
Auteur :
anadyomedeThème : Joker - Perdu
Fandom : Original - Il nous reste le coeur
Personnages : Baptiste, Macha et la narratrice.
Rating : PG
Disclaimer : Pour cette fois, tout m'appartient.
Note : Je poste ici un extrait de ma nouvelle Il nous reste le coeur. Nouvelle qui est encore totalement en construction (et je viens de m'épuiser à écrire ce bout en me disant que je ne saurai jamais comment faire pour l'intégrer mais tant pis). Et puis aussi... Mon bingo est fini, tralalalala ! Reste les extras maintenant :D
Très vite, je m’aperçus que la seule façon de garder une certaine stabilité dans mes amitiés était de ne pas trop en demander. Jusqu’à mes dix-neuf ans, je n’avais pas supporté que soudain on s’écarte de moi comme Estelle l’avait fait. Puis je me rendis compte que je n’étais pas tellement différente. Qu’il fallait que les grandes amitiés passent - qu’il fallait m’arrêter de les croire invincibles face au danger que je pouvais représenter - et qu’au final, lorsque je me retournais pour regarder, c’était toujours les mêmes qui me restaient. Je dis « me » car au final, la seule à qui je restais moi dévouée fut Macha. Peut-être parce que ce fut l’unique personne que, sans me l’avouer, j’admirai.
A seize ans, j’avais irrémédiablement été attirée par elle. Par ses ivresses et son désespoir. Par sa façon de se donner comme une enfant et de se perdre tout le temps. Mais là où toutes mes autres amitiés s’étaient engluées, Macha résista. Son caractère fort peut-être la sauva car le mien, face à elle, ne ressemblait plus à rien. Elle pinçait les lèvres lorsqu’on ordonnait, raccrochait et partait lorsqu’on la contredisait et pleurait parfois en s’apercevant qu’elle s’était mise en danger.
« Je ne voulais pas, disait-elle sans cesse. Je ne voulais pas et je suis désolée. »
J’étais capable de tout lui pardonner et je n’en compris jamais tout à fait les raisons. Elle couchait avec les premiers venus, se cherchait avec une rage d’entêtée et moi je l’observais. Je me tenais derrière, j’appelais des taxis quand il le fallait, des taxis qui allaient la chercher à l’autre bout de la ville et me la ramenait. Son monde n’était pas le mien mais parfois, elle laissait tomber sur moi une parcelle de tout ce qui s’était ouvert à elle. De toute cette bourgeoisie qui finit par ne plus m’intéresser une fois que je parvins à m’y habituer.
A vingt ans-trois ans, Macha rencontra Laurent. Deux ans plus tard, elle était fiancée et deux semaines après, elle déclarait être tombée folle amoureuse de Baptiste.
« J’ai couché avec le meilleur ami de Laurent, m’informa-t-elle alors que nous marchions en direction du lac. Je ne sais pas comment ça s’est fait mais je vais le quitter. Laurent. Tu comprends ? Je vais lui rendre sa bague et je vais tout arrêter. Je veux Baptiste. »
Ce fut son caprice et il dura quatre semaines.
Macha voulait. Elle ne demandait pas, elle exigeait et sans réfléchir, elle décidait aimer. Lorsqu’elle revit Laurent et s’aperçut que rien n’allait, ce fut Baptiste qui me ramena chez moi. Avant que je ne descende, il me dit :
« Je sais ce que je veux. Elle ne l’a jamais su mais cela n’a aucune importance. On se revoit bientôt. »
Je le rêvai. Je rêvai son regard clair ne lâchant pas mon corps, son indifférence jetée à la foule. Je rêvai une trahison que je ne commis jamais, je rêvai le malaise et l’envie profonde de pleurer. Macha me regardait. Je levais les yeux et observais le ciel. Puis je m’allongeais à même l’herbe et Baptiste me rejoignait. Je me tenais ainsi entre eux et me déchirais. Un homme s’approchait et me disait « Tu n’es qu’une garce. Te souviens-tu comme tu me trompas lorsque nous avions seize ans et que moi je t’aimais, j’avais confiance en toi ? ». Je ne le reconnus pas. Mais je cherchai la main de Baptiste et la serrai jusqu’à croiser les yeux violents de Macha.
Lorsque je me réveillai, je tremblais.
Il me fallut attendre un an avant de me retrouver à nouveau face à lui. Un an et une soirée remplie d’alcool où je me rendis avec Macha et Laurent par simple lâcheté : j’étais incapable d’aller seule quelque part. Sans un rempart, je sentais tomber sur moi tous les dangers, comme si le monde entier allait soudainement se retourner et me dévorer. Officiellement, je prétextai qu’une voiture pour trois en valait mieux que deux, officieusement, je me sentis rassurée.
*
Je fus la première à apercevoir Baptiste dans le jardin lorsque je sortis fumer. Il me vit arriver de loin et lorsque je m’approchai pour le saluer, son bras vint se poser autours de ma taille et la serra.
Plus tard, il se tourna vers moi et déclara :
« Reste avec moi. Je te ramènerai. »
Je voulus le croire. Il releva ses mèches d’un mouvement léger et sourit mais ce sourire fut si superficiel que je ne pus m’empêcher de reculer. Je me souvins les mots de Macha : « Ses yeux, c’est impossible de les lâcher. » Leur couleur courant entre le bleu et le gris ne me sembla jamais si éclatante sur sa peau bronzée. Je songeai alors que la beauté de Baptiste était tout ce qui chez un homme me déplaisant tant elle semblait frôler la perfection. Son assurance me dégoûta.
Je m’aperçus à quel point j’avais envié Macha de s’être précipitée devant un tel drame. Je m’aperçus que j’aurai offert n’importe quoi pour prendre sa place il y a des mois de cela mais qu’en échange, je m’étais faite bonne enfant. J’étais restée à ses côtés et j’avais rencontré Baptiste. Durant les trois semaines que dura leur semblant d’histoire, je fus la seule à lui parler et ma bêtise me frappa de plein fouet ; tellement que j’en restai figée.
J’avais agis telle une désespérée. Ma traitresse angoisse s’était retrouvée projeter sur Baptiste du jour au lendemain - elle avait poussé et m’avait aveuglé, c’était si évident à présent ! Qu’avais-je eu comme raisons pour l’intégrer, pour le défendre et apprécier cet homme qui couchait avec la fiancée de son meilleur ami et qui semblait si bien s’en accommoder ? Cet homme qui s’en était finalement si bien défait, lui qui prétendait ne rien laisser au hasard ? - et le voilà qui se tenait face à moi. Je ne l’aimais pas et je faillis le lui crier ainsi : « Ne reste pas là, enfin. Qu’attendras-tu de moi, puisque je cherche des fantômes, des hommes qui n’existent pas ? Qu’es-tu si ce n’est un rassurement, un pansement pour mon ego ? Qu’as-tu si ce n’est de la beauté à revendre ? » Mais je me tus. Mes lèvres se serrèrent et je voulus me détourner.
Il répéta :
« Tu dois rester avec moi. S’il te plait. »
Il plut énormément, cette nuit-là. Je montai dans sa voiture et je le laissai traverser les routes avec mon corps posé à la place du mort. Il conduisit sans cesser de sourire. J’allumai une cigarette et il me sembla que jamais plus je ne pourrais me rappeler ce qu’il me raconta. Peut-être parce que cela n’eut aucune importance ou peut-être fus-je trop occupée à m’empêcher de vomir tandis que, fenêtre ouverte, je laissais la pluie frapper mon visage et que lui parlait, parlait et riait presque sans respirer.
Lorsque nous arrivâmes chez Baptiste, je reçus un verre de rouge entre les mains mais ses lèvres déjà envahirent les miennes lorsque je voulus en prendre une gorgée. Je me sentis sèche et froide. Je me sentis lasse. Il me souffla la fumée à la bouche que j’entrouvris pour la recevoir. Il devint une forme grisâtre et je cherchai la flamme. Je me laissai guider, fumant à travers ses lèvres.
Il me déshabilla. Je lui rendis le verre.
« M’aimeras-tu ? dit Baptiste. Tout idiot sur terre te le demandera, Amour. Tout idiot se retournera sur toi, te regarderas dans les yeux et répétera : M’aimeras-tu ? Et si c’est oui alors il te poursuivra jusqu’à se vider de tout ce qu’il ressentait mais comme avec toi ce sera toujours non, il s’en ira. Je ne te le demanderai donc pas. »
Il finit le vin et écrasa sa cigarette à l’intérieur. Je sentis le froid de son souffle parcourir ma peau mais je refusai de me détourner et restai à l’observer. La fumée s’était dissipée de nos visages, à nouveau je nous distinguai sur le miroir. Nous étions beau, songeai-je. Je l’embrassai.
« Sais-tu pourquoi ? »
Je secouai la tête.
« Car je n’y gagnerai rien, Amour. Je te possède déjà. »