Juste quelques notes…
Quelques accords un peu rugueux, et d'un seul coup d'un seul…
Tout s'emballe….
Il est là, inconnu, me sourit, me tend la main, et m'emmène, loin.
C'est son histoire qu'il me montre, qu'il me murmure à l'oreille, c'est tout son monde qui s'ouvre à moi, juste à moi…
Qui je suis, d'où je viens, ce que je fais importe peu : il vient juste nous chercher, mes mains et moi…
Et au même rythme que ces notes qui raisonnent à mes oreilles, au même instant qu'il me raconte sa vie et son histoire, mes doigts composent une autre partition, sur mon clavier, pour décrire et montrer cet ailleurs qu'il m'offre, et garder une trace, infime, de ce passage dans un autre "ici et maintenant"…
Je l'accompagne quelques heures, puis je repars, triste, et solitaire….
Mais il n'est jamais loin ce moment précieux où il revient, me tend la main et m'appelle…
"Viens !"….
Et toujours je reviens, toujours, car il sait choisir ses mots pour me reprendre dans ses filets.
Et j'ai beau repartir, je sais que toujours je finirai par revenir….
Les heures, les jours, parfois les mois passent.
Et le manque se fait sentir…
Alors je cherche, frénétique, anxieuse, ce qui l'avait fait venir, la première fois…
Et reviennent enfin ces quelques notes…
Comme une prière à sa gloire, une transe pour le retrouver au plus vite, ces notes l'attirent et une fois de plus, il revient et me tend la main...
Je tends la mienne et nous partons lui et moi, ailleurs…
Dans les salons feutrés de la Toute Puissante Cité Dis ? Dans les rues de marbre blanc et d'Eden la Resplendissante ? Ou bien peut-être dans un des tripots des bas quartiers d'Attika ?
Quelle importance…
Je ne suis plus vraiment là, plus vraiment moi…
Il est là, ils sont là, tous, tous ceux qui habitent ces cités merveilleuses, tous ceux qui hantent ce Paris qui existe mais n'existe pas vraiment, tous ceux qui font la vie d'une autre terre, qui n'est que chimère, ou peut-être pas….
Parce qu'ils me montrent et me racontent je les laisse m'emporter et prendre les rênes, à leur merci, bienheureuse prisonnière….
Pourquoi résister ? Pourquoi protester ? Pourquoi même chercher à les contrôler ?
Ils feront bien ce qu'ils veulent de toute façon, et jamais je ne m'opposerai à leur bon vouloir : j'aurais trop peur qu'ils me chassent, qu'ils me désertent, qu'ils ne reviennent plus jamais, malgré toutes les musiques qui pourraient raisonner à mes oreilles…
Mais quand c'est moi qui les laisse, quand c'est moi qui les abandonne, quand, égoïste, je ne peux les visiter car cette vie morne et sans saveur s'impose à moi avec plus de force et de poids que jamais, quand c'est moi qui m'en vais, si longtemps, trop longtemps….
Encore, il me suffit de quelques notes, un mot puis un second, et me voilà submergée, perdue au carrefour de ces mondes qui ne m'appartiennent pas vraiment et pourtant ne s'ouvrent qu'à moi, ou presque…
Pour quelques heures je suis là, heureuse, ailleurs, seule, et si bien entourée…
Kei, l'ange rebelle et belliqueux, sauf son pour édredon rose…
Lyam, le privé flegmatique dans son costume trois pièces, malgré Albert, le troll de tiroir mangeur de crayon, son fantôme réceptionniste et ce brave Axel, toujours prêt à faire des propositions douteuses…
Eurynome, son bébé babillant, son Prince démon de la Luxure, son jumeau, sa Faux de Grande Faucheuse et sa fidèle capuche….
Ethan et Namir son tigre démon, Alrick, petit nouveau dans la grande secte des Compagnons, Faraj et Tanyn, les baroudeurs, la timide Amelia et son effrayant Skepsel…
Yeratel l'archange de la Justice, Aseth la grande prêtresse d'Anubis, et leur romance, sagement surveillée par Leskeyhmiel l'assassin et Shael, le maître d'arme aveugle…
Ou un autre encore, que je ne connais pas, et qui se découvrira peu à peu, un voile après l'autre, une page après l'autre…
Je ne sais jamais trop qui viendra me chercher mais je sais d'avance que le voyage en vaudra les pages noircies et les doigts gourds, ensuite…
Et même si les semaines et les mois s'écoulent, ils ne sont jamais très loin…
Mais ils s'impatientent, piaffent et me hantent, si je ne reviens pas assez vite à leur goût…
Et peu importe ce que je peux invoquer, peu importe la bonne raison qui me garde loin d'eux…
Elle est injuste.
Cette musique parmi tant d'autres qui me sert à les appeler, ils pourraient en reprendre quelques mots et me les lancer à la figure, les retourner contre moi…
Comme si je les abandonnais, eux qui sont un peu mes enfants mais pas vraiment, comme si je les délaissais, les remisais quelque part où je ne pourrais pas les voir, pour tenter de ne plus y penser…
Et pourtant, même si je les laisse longtemps sans nouvelles, quand je reviens toujours ils m'accueillent, à bras ouverts…
Parce qu'ils savent que je ne suis rien sans eux, que j'ai trop peur de les perdre, trop peur de ne plus être capable de les rejoindre, de raconter leurs histoires, même si ce n'est qu'à moi-même…
Ils savent que s'ils mourraient une partie de mon cœur partirait avec eux et que je ne pourrais affronter une telle perte et me relever comme si de rien n'était…
Ils se vengent parfois et se refusent à moi, me tournent le dos, mais jamais bien longtemps.
Jamais trop longtemps…
Alors je les garde, précieux, même quand ils me font mal…
Parce que leur peine est la mienne, que leurs bonheurs sont les miens et qu'ils ne sont finalement jamais bien loin…
Je leur les souffle un peu, ils me les dictent beaucoup, mais nous vivons toujours leurs vies côte à côte et nous nous retrouvons, toujours, même si je leur ai été infidèle…
Parce qu'ils savent qu'à la fin, c'est toujours à eux que je reviens, comme croyant revient à son dieu, comme un phalène revient à la flamme…
Ils n'ont qu'à patienter, sagement…
Quant à savoir s'ils font partir de moi ou si c'est moi qui existe à travers eux, j'y penserai un autre jour : ce soir aux premières notes, c'est Ethan qui est venu me chercher.
Et puis Yeratel, avec Shael, ont aussi bien des choses à me raconter…
Donc non, la fièvre n'est pas la seule coupable : je suis (re)tombée sur All the same des Sick Puppies sur mon ipod dans le car.
Et ça a fait "plop" : j'ai vu certains de mes persos les plus emblématiques faute de meilleur mot, me balancer à la figure le dernier refrain, un rien hautains et narquois.
Parce que finalement, ça serait particulièrement à propos et terriblement vrai… Et pas que cette partie là finalement… Bref, voilà ! ^^
Ha oui et sinon :
http://www.youtube.com/watch?v=vr3x_RRJdd4 c'est là que j'ai découvert cette chanson.
J'ai aussi vu le clip officiel pour la première fois ce soir, et il est plus que très sympa...
Dans les 2 cas, mettez pas le son trop fort, c'est du rock qui tâche un peu...
Et cette fois dodo !