Talking to the moon
1651mots
angst - romance
I know you're somewhere out there
Somewhere far away
Lentement je m'extirpe de la chaleur enivrante de mon lit. Une nouvelle journée qui commence et je suis déjà las. Las de tout. J'ai encore mal dormi. Le miroir me renvoie l'image d'un moi que je ne reconnais désormais plus, les poches sombres sous mes yeux si elles le pouvaient, s'étireraient jusqu'à mes joues j'en suis certain. Je ne supporte pas mon reflet et m'habille des premières choses passant sous mes mains sans plus m'en préoccuper. Je rejoins la cuisine à pas traînants sous le regard compatissant de ma mère. Je m'empare un peu trop violemment du paquet de céréales qui manque de peu d'éparpiller son contenu au sol, je le rattrape cependant de justesse. Je mastique la nourriture laissant le temps filer à son aise, je remarque bien les regards réprobateurs de ma mère qui circule rapidement dans toute la maison bien que mon visage soit niché dans ma nourriture mais je ne m'en soucie guère.
« Tu vas être en retard. » lâche-t-elle finalement inquiète. Je ne veux pas la contrarier plus qu'elle ne l'est déjà et me lève, laissant tout tel quel, traînant sur la table. Je n'ai pas la force de ranger quoi que ce soit et je sais pertinemment que ma mère ne me dira rien et rangera même. Je m'en veux d'ailleurs de profiter d'elle ainsi mais je ne m'en formalise pas plus et enfile mes chaussures, ma veste et m'en vais. Le soleil m'éblouit à peine sorti dehors. Cela devrait rendre ma journée meilleure mais non…cela ne me donne qu'envie de pleurer comme si même le soleil se moquait de moi et continuait sa vie rayonnait, ignorant le désastre de mon cœur. Je marche vite, aussi vite que ma condition physique le permet, les yeux baissés comme si j'étais poursuivi, peut-être même que je le suis finalement, par mes propres remords. Je suis arrivé au lycée sans m'en rendre compte, encore une fois je me suis perdu dans mes pensées. Tel un automate je suis le flux de tous ces lycées se rendant en cours puisque apparemment la sonnerie vient de retentir. Je me fonds dans la masse le plus possible comme si cela pouvait me réconforter de me sentir insignifiant.
I want you back
I want you back
Je m'empresse de gagner ma place dans la salle de cours insensible à tout ce qui m'entoure comme si une bulle m'avait enveloppé. Cela n'empêche pas tous ces regards tristes, inquiets et je ne sais quoi encore que tous posent sur moi. J'ai envie de me lever, de crier, de les frapper, de leur dire que la vie est injuste et qu'elle peut vous anéantir à tout moment comme elle l'a fait avec moi. Mais je ne fais rien. Je reste simplement assis, contenant toutes mes émotions et ne laissant presque rien paraître. Un de mes amis me rejoint se plantant devant moi d'une mine dépité.
« Tu sais la fille dont je n'arrêtes pas de te parler hein ? - j'acquiesce doucement comme sorti de ma prison - Ben elle est en couple... avec un crétin en plus. C'est mort pour moi.»
Je relève la tête plongeant mes yeux dans les siens et laisse apparaître un petit rictus que l'on peut apparenter à un sourire.
« En plus tu te moques de moi ? C'est vraiment pas drôle … loin de là. Mais bon s'il te faut ce genre d'histoire pour laisser apparaître un pseudo-sourire je veux bien me faire encore plein de désillusions. - Mon expression redevient instantanément froide.- Allez, relance-t-il tout en me pinçant les joues, tu viens demain soir dormir chez moi ? »
Je sais pourquoi il me propose cela et pourquoi il agit ainsi, il veut simplement me changer les idées et il sait pertinemment qu'il est l'un des seuls à pouvoir le faire puisqu'il me soutient depuis le début et tient son rôle d'ami parfaitement. Je l'y suis reconnaissant à un point que lui-même ne peut pas imaginer mais je n'arrive pas à lui rendre la pareille et je n'y arriverais sans doute jamais. Je finis par lui répondre sur un ton beaucoup plus sec que prévu :
« Je préfère rester chez moi. Merci quand même. »
Il repart, certainement un peu vexé. J'ai envie de m'excuser, de me lever et de lui répondre que c'est avec plaisir que je viendrais chez lui afin de parler de nous, de moi toute la nuit comme on l'a toujours fait, je lui dirais alors que je m'en sortirais avec son aide, même si ça prend du temps. Encore une fois je ne fais rien et reste pitoyablement prostré à ma place. J'ai déduit depuis un moment déjà qu'on me prenait pour un fou partout où les gens croisent mon regard rempli à ras bord de désespoir. Plus personne, ou presque, n'ose m'approcher puisque tout ceux l'ayant osé auparavant se sont heurtés à une réplique cynique accompagnée d'un regard plus que dissuasif de répliquer quoi que ce soit, les plus chanceux ont seulement eu droit à un silence glacial.
Je sais que je ne suis pas seul. Certains amis fidèles me soutiennent encore du mieux qu'ils peuvent, de même pour ma famille. Mais mon sentiment ne bouge pas, je suis désespérément seul dans mon monde au fond d'un gouffre profond où aucune lumière ne transparait. La journée continue avec une longueur hallucinante et je reste cloitré dans ma solitude à l'intérieur de mes remparts que je me suis moi-même forgé. Le temps poursuit son cours sans incident notoire et je rentre aussi vite que je suis venu soulagé d'avoir encore survécu. Chaque journée est un combat contre moi-même et mes sentiments contradictoires qui m'assaillent à chaque instant.
Mes voisins doivent me prendre un fou. La musique est à fond, la fenêtre est ouverte malgré l'air frais d'un début de printemps, seule une petite lumière subsiste au fond de ma chambre. Je sais que chaque soir ils voient cette scène et ne l'approuvent absolument pas. Je m'en contre-fiche, comme tout le reste.
My neighbors think I'm crazy
But they don't understand
J'attends patiemment la tombée de la nuit comme une délivrance, le soleil enfin ne me nargue plus, dans le noir plus personne ne me voit et ne me peut me lancer de leurs regards qu'ils veulent remplis de compassion, je me seul, plus que jamais seul. Je peux enfin penser dans ce silence infernal je n'entends plus rien. J'en viens toujours aux mêmes conclusions comme si j'y étais collées et que jamais je ne pourrais m'en détacher.
You're all I have
You're all I have
C'est alors que je m'assois, face à la fenêtre toujours ouverte, sur une chaise enveloppé dans ma couverture. Le seul moment où je me sens bien : mon paradis en enfer, mon petit moment qui n'appartient rien qu'à moi. Aujourd'hui il a fait beau et ce sera de même pour demain. Le ciel est dégagé et la lune brille au milieu des étoiles, d'une lueur bienveillante où je me laisse bercer comme si je mourrais à petit feu. Je me perds alors dans ma nostalgie et dans mon océan de souvenirs, me repassant sans cesse les même image de ton sourire, de ta joie de vivre qui me transporte ailleurs, de nos lèvres se cherchant timidement, de tes doigts fins que tu mêle avec hésitation dans les miens, de ton regard qui me fait perdre pied. Tes cheveux bruns flottant légèrement dans les airs, se soulevant à chaque brise et lorsque tu te tournes remarquant que tu m'as devancé en marchant. Ton regard alors en dit long et je me sens presque comme pétrifié. Tu me rejoins alors, prenant ma main et me traînant me prononçant toutes sortes de paroles de ta voix tout aussi claire que douce.
C'est ainsi que face au ciel, aux étoiles, à la lune : je parle. Je me confie plus qu'à quiconque. Je parle sans arrêt sur toutes les choses que je n'ai jamais osées dire à haute voix, de tout ce que je ressens. Alors je pleure mais je ne m'arrête toujours pas, un flux de paroles compréhensibles ou non sort en continu de ma bouche. Je continue jusqu'à tomber de fatigue et de désespoir. Et alors le lendemain matin on me retrouve au sol, emmitouflé dans mes couvertures, les larmes ayant séchés sur mes joues mais dormant paisiblement. C'est devenu mon rituel. Et toutes les nuits je parle à la lune.
At night when the stars
light up my room
I sit by myself
Talking to the Moon
Je parle à la lune car elle est présente pour tout le monde et ne m'éblouit pas. J'espère secrètement que tu l'aperçois aussi. Que tu lui parles, que tu me réponds à travers elle, que tu comprends ce que je ressens, que tu me pardonneras d'être encore là alors que toi tu ne l'es plus, que tu pourras veiller sur moi. Je me sens faible et tu es ce qui me fait avancer chaque jour un peu plus, pas à pas afin que je sois capable de reprendre en main ma vie. Je suis persuadée que cela viendra un jour, mais je ne suis pas encore prêt à dépasser cette étape. Tu es encore beaucoup trop présente dans ma tête et je n'arrive pas à me débarrasser de ces souvenirs et ton image qui me font mal comme je n'aurais jamais cru possible.
Tryin' to get to You
In hopes your on
the other side
Talking to me too
Alors laissez moi encore un peu dans ma solitude, ma peine, mon désespoir même si je fais mal à tout ce que j'aime autour de moi. Une fois que j'aurais dépassé cela je serais fort, j'aurais changé et je pourrais revivre. Attendez-moi encore un peu s'il vous plaît.
I know you're somewhere out there
Somewhere far away