Une scène que j'avais écrite il y a a plusieurs mois, et que je n'avais pas réussie à caser dans les précédents chapitres... J'essaierai peut-être de le faire dans la version en anglais... Cela se passe après que les Noldor de Fingolfin aient commencé à construire Osth-Mithrim à la place du premier campement.
« Peut-être allons-nous pouvoir nous bâtir une vie, ici », jugea Korma, qui portait à présent la tenue des interprètes : bleu ciel pavé de carreaux argent, sous ses longs cheveux noirs flottant dans la brise d'automne.
« Il vaudrait mieux... », soupira Fanalossë, « car il n'y a pas de retour en arrière possible. »
Elle se tourna vers l'adolescente aux cheveux gris qui marchait à leur côté.
« Tu parles bien le Telerin, toi aussi, Maica. Tu pourrais devenir interprète. »
« Je préférerais devenir soldat... »
« Tu pourrais être les deux. »
Ils déambulaient tous trois dans le nouveau quartier qui venait d'être terminé, tout en pierres de taille, comme à Tirion, sur les rives du lac Mithrim.
« Rien ne vaut de la roche bien solide », déclara Fanalossë. « Les tentes et les cabanes... ça n'a jamais été ma tasse de thé. »
Korma rit. Son rire était toujours froid, mais l'elfe était étrangement beau quand il riait (ou plutôt : plus beau encore), car son visage était alors traversé de lumière.
« On dit que c'est le deuxième fils du roi qui a conçu ce quartier. Regarde, la forme de la route. Et ces idoles protectrices, à l'entrée des maisons... »
« Je ne pense pas qu'une quelconque divinité veuille nous protéger, à présent. »
Maica eut l'air triste en entendant ces mots. Le groupe s'arrêta devant une auberge, dont l'enseigne était une coupe de fruits.
« A la bonne myrtille », lut Korma. « Ils aiment vraiment les myrtilles, par ici. »
« J'aime beaucoup la couleur de ces fruits », déclara Fanalossë. « Si j'ai des enfants un jour, j'aimerais que l'un d'entre eux aient les cheveux de cette même couleur. »
Les sourcils de Korma se haussèrent élégamment.
« Tu veux dire, si nous avons des enfants. »
« Oui. »
Le ménestrel baissa ses longs cils charbonneux. Il donna à la femme-elfe un baiser sur le front.
« Nous le pourrions maintenant, je pense. De belles perspectives s'offrent à nous. »
« Non, pas tout de suite, Korma... Je ne veux pas d'enfants dans cette ruine ! »
L'homme-elfe rit à nouveau. Puis il se tourna vers sa jeune sœur.
« Et toi, Maica ? Tu voudrais que tes enfants aient quelle couleur de cheveux ? Mûre ? Cassis ? Châtaigne ? Potiron ? »
« Aucune de ces choses », répondit la jeune fille.
« Pourquoi ? » s'étonna Fanalossë.
« Nous devrions entrer dans l'auberge, au lieu de bavarder », dit Korma.
Mais ils en furent empêchés par un enfant en larmes, venu de la ferme attenant l'auberge.
Les sourcils de la guerrière se froncèrent sous son court front bombé.
« Pourquoi pleures-tu ? »
« C'est mon père... Il veut que je tue le coq rouge... Je dois le lui ramener en cuisine. »
« N'es-tu pas un peu jeune pour cela ? » s'indigna calmement l'interprète.
« J'ai vu trente printemps... »
Maica posa une main sur son épaule.
« N'aie crainte. Je vais t'épargner cette souffrance. »
Sur ces mots, elle s'éloigna en direction de la basse cour. Elle en revint quelques instants plus tard, un coq mort dans la main, qu'elle donna à l'enfant.
« Tiens. Va le porter à ton père. »
Le jeune elfe la regardait, puis regardait le coq, l'air incrédule. Fanalossë aussi avait l'air incrédule.
« Maica, va te laver les mains », ordonna son frère aîné.
L'adolescente entra dans l'auberge.
« Cette enfant est douée », déclara alors Fanalossë. « Vois comme elle a le coeur dur. Je n'avais pas ce coeur dur à son âge. »
« Il y a un temps pour tout », répondit son mari. « Et par ailleurs, je ne crois pas que tu l'aies jamais eu. »
« Quoi ? »
« Le cœur dur. »