- Hugo ? Tu peux descendre, s’il te plait ?
Hugo soupira tristement en entendant sa mère l’appeler. A tous les coups, elle s’était rendu compte qu’il avait mis de la peinture sur la table de grand-mère Helen et il allait passer un très mauvais quart d’heure. Il avait bien essayé de la nettoyer, pourtant. Mais rien n’y avait fait, et une grosse trace jaune s’étalait encore sur le bois.
Ce fut donc la main triste que Hugo reposa ses jouets et le pas lourd qu’il descendit les escaliers, comme un condamné se rendant à l’échafaud. Arrivé en bas des marches, il trouva sa mère qui se tenait devant la porte d’entrée ouverte. Et étonnamment, elle souriait - non pas que Hugo allait s’en plaindre !
- Quelqu’un est venu te voir, Hugo, dit-elle en faisant un signe de la tête vers l’extérieur.
Intrigué, Hugo jeta un œil par la porte, et quand il vit qui était dehors, il s’exclama avec joie :
- Deborah !
- Coucou Hugo, répondit son amie qui habitait dans la maison d’en face.
- Tu es déjà rentrée de vacances ?
- Oui, on est arrivés cet après-midi ! Tu viens jouer dehors avec moi ?
Hugo se retourna pour savoir ce qu’en pensait sa mère, mais elle avait déjà à nouveau quitté l’entrée de la maison.
- Viens, rentre, on va demander à ma mère.
Hugo fit un pas sur le côté pour laisser entrer son amie dans la maison. Tous les deux, ils se dirigèrent dans le salon, où sa mère regardait un reportage à la télévision tout en buvant un thé. Au grand désespoir du père de Hugo qui ne pouvait alors pas utiliser la magie comme il l’aurait voulu, la famille Weasley habitait en effet dans un quartier moldu et ils étaient les seuls sorciers du coin ; Hugo, lui, en était plutôt content. Déjà, ils avaient à la maison plein de machines moldues que Hugo adorait, comme la télé et les jeux vidéo. Ensuite, Deborah avait beau être une Moldue, c’était vraiment sa meilleure amie et elle pouvait venir chez eux plus souvent que si les Weasley avaient habité dans un quartier sorcier. Et puis, ainsi, Hugo ne rencontrait pas fréquemment des enfants de cinq ans qui faisaient déjà de la magie, et c’était pour le mieux, parce que lui, du haut de ses huit ans, n’avait toujours pas réussi à lancer le moindre sort, même involontaire.
- Maman, je peux aller jouer dehors avec Deborah ?
Sa mère reposa le thé qu’elle avait à la main sur la petite table basse.
- Hum, ça dépend, répondit-elle en se tournant vers Hugo.
- De quoi ?
- Déjà, hors de question que vous vous éloignez trop, d’accord ? Ensuite, pas trop longtemps, Rose et papa ne vont pas tarder à rentrer, et quand ils seront là, on passera à table.
- D’accord maman ! s’exclama Hugo, déjà prêt à aller mettre ses petites baskets pour suivre Deborah à l’extérieur.
- Pas si vite, garnement, répliqua sa mère. Je n’en ai pas fini avec toi.
Elle se leva et prit la main de Hugo dans la sienne. Sans un mot, elle le mena dans la cuisine et lui dit :
- Avant toute chose, tu vas me nettoyer la peinture sur cette table. Je la préfère en brun, pas en jaune.
Hugo soupira à nouveau : finalement, elle l’avait vue, cette tache. Il considéra un instant dire que c’était la faute de Rose, mais cela n’aurait pas été crédible puisque sa sœur avait passé la semaine chez son parrain et sa marraine et qu’elle ne reviendrait que le soir même. Il attrapa donc une éponge sans rien dire et commença à nettoyer la peinture. Il n’avait pas commencé depuis cinq secondes qu’il vit déjà une deuxième éponge se mettre à frotter la tache. Il leva les yeux pour voir que Deborah, le visage souriant, avait décidé de l’aider. Et comme les choses sont toujours plus simples et plus amusantes quand un ami est avec vous pour les faire, la table fut nettoyée rapidement et Hugo se retrouva vite à courir derrière Deborah sur les trottoirs de leur quartier.
Au bout d’une dizaine de minutes, Deborah demanda une pause dans leur jeu de chat et elle ramena ses longs cheveux bruns qui lui tombaient devant les yeux dans une jolie queue de cheval.
- On peut faire un autre jeu ? demanda-t-elle. J’en ai marre de courir.
Hugo acquiesça, mais le problème, c’était qu’il n’y avait pas grand-chose à faire dans le coin. Il y avait bien un toboggan et une balançoire où il allait souvent avec Rose, mais c’était un peu loin, et il n’avait pas le droit de s’y rendre sans sa grande sœur. Et comme Deborah venait juste de rentrer de un mois de camping, Hugo n’avait pas envie qu’ils aillent déranger ses parents.
- On fait quoi ? demanda-t-il.
Deborah haussa les épaules.
- Comme tu veux, répondit-elle.
- Je sais pas… on a qu’à marcher par-là, on verra bien ensuite.
Deborah hocha la tête à son tour, et ils se mirent à marcher sans vraie destination. Hugo demanda à son amie ce qu’elle avait fait pendant ses vacances, et Deborah entreprit de lui raconter son mois de camping sur la côte méditerranéenne. Hugo n’y était jamais allé, même si ses cousins Victoire, Dominique et Louis y allaient souvent, et il se sentit un peu jaloux de tout ce que son amie y avait fait.
Sans qu’ils ne s’en rendent compte, Hugo et Deborah se retrouvèrent vite dans un quartier voisin. Hugo ne s’aperçut même pas qu’il désobéissait à sa mère et ils continuèrent à marcher encore, jusqu’à ce qu’au bout d’une dizaine de minutes, ils se retrouvent devant une très vieille maison, à l’aspect délabré. Les vitres étaient si sales qu’on ne voyait rien à travers, un des murs était envahi par le lierre, et un des murets qui entouraient la maison était carrément cassé, des gravats trainant dans les herbes folles.
- Woah, elle est bizarre cette maison ! fit Deborah. On dirait une maison de sorcière !
- N’importe quoi, répondit Hugo en pensant à toutes les maisons de sorciers qu’il connaissait et qui ne ressemblaient pas du tout à celle-là (à part peut-être pour les herbes hautes qui rivalisaient avec celles du Terrier). C’est juste une maison abandonnée.
- Non, moi je te parie que c’est une sorcière qui habite là-dedans. Ou alors un fantôme.
- Et moi, je te parie que c’est rien du tout, qui habite là.
Deborah s’approcha, et se pencha dans les hautes herbes. Quand elle se releva, elle avait une lourde pierre à la main et elle défia Hugo :
- Allez, balance donc ce caillou dans un carreau, si tu crois vraiment que personne ne vit ici.
Hugo s’apprêtait à lui dire qu’elle était ridicule, que si une sorcière vivait ici, elle n’aurait besoin que de quelques sorts pour réparer et nettoyer sa maison, mais il savait à quel point Deborah pouvait être bornée et surtout moqueuse, et qu’elle raconterait à tout le monde qu’il avait été une poule mouillée. Il prit donc la pierre, et de toutes ses forces, la lança dans une des fenêtres sales.
Il y eut un grand bruit de verre brisé, et rien d’autre.
- Tu vois ? dit-il. Personne.
Mais Deborah s’était déjà à nouveau penchée pour ramasser une autre pierre, et très vite, elle détruisit une nouvelle fenêtre.
- Qu’est-ce que…
- La sorcière n’est pas venue, parce qu’elle n’a pas entendu la première fenêtre.
Hugo prit un troisième caillou et répliqua.
- Elle n’entendra pas non plus celle-là parce que personne n’habite là.
Il cassa ainsi une troisième vitre. Mais il n’entendit jamais le bruit de la fenêtre se briser, parce qu’un cri suraigu résonna derrière eux. Hugo et Deborah se retournèrent et se retrouvèrent face à une petite vieille qui tenait un sac de courses dans sa main et regardait les vitres cassées en hurlant.
- Ma maison ! Ma maison !
Hugo se sentit soudain très mal. Que cette vieille femme soit une sorcière ou une Moldue, Deborah et lui venaient de vandaliser sa maison. Heureusement, elle ne les avait pas encore vus et ils pourraient peut-être s’éclipser et Hugo pourrait demander à un de ses cousins qui allaient à Poudlard de réparer les fenêtres sans en parler à ses parents. Mais rien ne se passa comme prévu car la petite vieille laissa soudainement tomber son sac et porta une main à son cœur, tombant à son tour à terre.
- Oh mon Dieu, dit alors Deborah. Elle fait comme papy Ernest quand il est mort.
Hugo sentit son propre cœur rater un battement. La grand-mère faisait une crise cardiaque à cause de lui. Aussitôt, il courut vers la maison la plus proche, et après avoir appuyé sur la sonnette, il attendit que quelqu’un sorte. Une femme ouvrit la porte et Hugo lui dit qu’une dame faisait une crise cardiaque. Elle demanda à son mari d’appeler une ambulance avant de courir vers la vieille dame et de lui prodiguer les premiers secours.
Quand l’ambulance arriva, les secouristes s’empressèrent de s’occuper de la vieille dame, remerciant Hugo et Deborah avant de les renvoyer chez eux. Hugo se sentait plus mal que jamais : il n’avait pas à être remercié alors que la dame était peut-être en train de mourir à cause de lui. Il voulut avouer, dire que c’était de sa faute, mais il n’osa rien faire et se contenta de suivre Deborah.
Ni l’un ni l’autre ne parla avant qu’ils ne soient arrivés devant chez eux.
- Elle ira bien, dit Deborah d’une petite voix avant de se précipiter dans sa maison sans rien ajouter.
Hugo voulut lui crier de revenir, qu’ils avaient été méchants, qu’il fallait qu’ils fassent quelque chose, mais il se retrouva une fois de plus incapable de dire quoi que ce soit. Ce ne fut qu’en rentrant qu’il parla, parce que son père, qui était lui aussi rentré, et sa mère s’inquiétèrent dès qu’ils virent son visage ruisselant de larmes. Hugo, qui ne s’était même pas rendu compte qu’il pleurait, avoua ce que Deborah et lui avaient fait. Aussitôt, son père se précipita hors de la maison tandis que sa mère le punit sévèrement en l’envoyant dans sa chambre sans rien manger et avec interdiction d’en sortir.
Heureusement, cette bêtise n’eut pas de répercussion plus grave pour Hugo que celle d’être privé de dessert et de sortie pendant deux semaines, parce que quand son père rentra, deux heures plus tard, il les informa que la dame survivrait et qu’il avait réparé les carreaux de sa maison. Hugo fut soulagé, et se jura de ne plus jamais faire de bêtise, parce qu’elles ne se termineraient pas toutes aussi bien. Mais comme le dit le proverbe, il ne faut jamais dire jamais…