Maiba

Aug 20, 2012 22:46


Maiba


Dire que j’ai toujours été une fille plutôt réservée est un doux euphémisme. Je suis, pour ainsi dire, d’une timidité maladive, à la limite du pathologique. Véritable handicapée sociale, la gêne, les mains moites et la voix tremblante sont une seconde nature chez moi. A ce titre, je suis une véritable exception au sein de ma famille. Mon père est l’homme le plus charismatique que je connaisse, être social par excellence, il s’est, au fil des années, construit une grande carrière de politicien. Ma mère se comporte en société comme un poisson dans l’eau, véritable érudite, c’est une universitaire reconnue. J’ai deux frères. Le plus jeune est un véritable trublion, à l’aise en toute circonstance et du haut de ses seize années, il est déjà quelqu’un de recherché de par sa si agréable compagnie. Mon grand frère, à la base, me ressemble un peu plus. Nous avons hérité tous les deux d’une certaine timidité. Timidité qu’il a su amplement dépasser quand il est entré dans la Johnny’s Entertainment pour devenir une idole japonaise adulée (à juste raison ou pas d'ailleurs...).
Et moi, au milieu de tout ça et bien je fais mon petit bonhomme de chemin. Enfin presque…
Je suis journaliste depuis ma sortie de l’université. Au travail, je me suis créée une sorte de carapace grâce à laquelle je surpasse ma nature de véritable coincée. Mais dès que je quitte le travail, je me referme tel un bernard-l’hermite dans sa coquille… J’ai une poignée d’amis proches avec lesquels j’arrive à être moi-même mais ils se comptent sur les doigts d’une seule main. J’ai eu quelques aventures avec des hommes mais ça n’a jamais été transcendant ! J’étais avec eux pour… pour passer le temps finalement. Je n’ai jamais eu de véritable coup de cœur pour l’un d’eux, il faut bien l’avouer.

Enfin tout ce que je raconte là se trouve peut-être un peu suranné. En effet, il y a quelques mois, j’ai fait la rencontre d’un homme qui m’a littéralement transformé. Cela pourrait paraître mièvre voir niais mais je n'ai pas peur de l'avouer, je l'assume ! On dit que les contraires s’attirent. Et bien depuis un certain 24 décembre 2010, je fais l’expérience de ce proverbe un peu plus chaque jour…

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« Aniki !!! Tu… Tu aurais pu me dire que tu venais avec quelqu’un ! »
J’avais ouvert la porte et m’attendais à voir mon frère, Sho, seul mais derrière lui se trouvait son meilleur ami. Il m’avait prévenu qu’il passerait dans la soirée pour mettre au point la fête d’anniversaire surprise de nos parents. Mais cet abruti avait omis de me prévenir qu’il ne serait pas tout seul. Résultat : je me retrouvais face à eux dans un espèce de pyjama que même ma grand-mère n’aurait jamais osé porter…

« C’est bon, ce n’est qu’Aiba. »
Mon très cher grand frère me passa devant en incitant son ami à rentrer dans MON appartement. Ce dernier me salua en faisant semblant de ne pas remarquer mon atroce ensemble XXXXXXXXXXL rose délavé. Instinctivement, je rougis et baissai les yeux pour apercevoir mes chaussettes (une verte et l’autre rouge trouée.)

« Et puis on passe en coup de vent, le temps de régler deux trois trucs et on s’en va.
-Ça tombe bien, il ne me semble pas t’avoir invité à passer la nuit ici. » Lui répondis-je avec un regard assassin en évitant de regarder son ami de peur de perdre le peu de moyens qu’il me restait dans cette tenue. Je les invitai tout de même à s’asseoir autour de la petite table avant de m’excuser pour aller me changer dans ma chambre.
J’enfilai en vitesse un pantalon de jogging et un débardeur blanc et relevai mes cheveux en bataille en une sorte de chignon qui se voulait plus ou moins digne. En ressortant je vis que Aiba me regardait en souriant.

« Qu… Qu’est-ce qu’il y a ?
-Non, rien, je crois que j’ai les mêmes chaussettes vertes. »
Piquant un autre fard, je baissais les yeux et voyant que j’avais oublié d’enlever les deux horreurs à mes pieds, je les enlevais à la vitesse de l’éclair avant de les jeter dans un coin de la pièce.

« Bon. Viens t’asseoir. On a dit qu’on se retrouvait à la maison Lundi à dix-huit heure c’est ça ? Shu sera rentré ou pas ? »
Toujours aussi agréable mon grand frère… Ah si seulement j’avais eu une carabine à l’instant où il me donnait des ordres sous mon propre toit… Ok, il restait mon grand frère mais cet air arrogant, ah ! Je ne le supportais plus…
« Oui, c’est ça. Je ne sais pas pour Shu, faudrait lui téléphoner. Vous… Vous voulez une tasse de thé ? Aniki ? Aiba-san ?
-Non merci.
-Ah oui ! Moi je veux bien !
-Aiba… On n’a pas le temps…
-Rooooh ça va, ils pourront attendre ! »
Le visage du meilleur ami de mon frère s’était soudain illuminé comme si je lui avais proposé la huitième merveille du monde en kit. N’osant pas demander pourquoi Sho était si pressé, j’allais dans la cuisine préparer deux tasses de thé.

Quelques minutes après je tendis d’une main tremblante la tasse à Aiba. Celui-ci, emmêla ses propres doigts avec l’anse de la tasse (si, si c’est possible) et renversa tout le thé brûlant sur le torse de mon frère.

« Aaaaaaaaah C’est chaud !!!! Bakaaa ! » Sho se leva d’un coup et en grimaçant enleva sa chemise blanche. Il avait effectivement une méchante trace de brûlure là où le liquide avait touché sa peau.
« Oh ! Gomen ! Goment Sho-chan ! J’ai pas fait exprès ! Désolé vraiment, je suis trop bête ! Pardooooon Sho-chaaaaaaan ! »
Voyant les deux idiots s’agiter dans tous les sens, je n’eus d’autres choix que de prendre les choses en main.
« Aniki, arrête de bouger, assieds-toi, je vais te chercher de la pommade… »
J’allais chercher la Biafine en courant dans la salle de bain. En revenant, je vis mon grand frère affalé sur le canapé, les yeux fermés de douleur et Aiba qui essayait tant bien que mal de lui faire de l’air avec un journal qui trainait par là. Je m’approchai du canapé, mis un peu de pommade dans ma main droite et l’appliquai sur la brûlure de Sho.

« Ite !!! Ca fait mal !
-Te plains pas, dans quelques minutes ça ira mieux.
-Oh… Gomen Sho-chan je t’ai blessé…
-Ne… Ne vous inquiétez pas. Ce n’est qu’une blessure légère… Dans un peu de temps il… Il sera assez en assez forme pour vous ébouillanter à son tour… » Tentai-je de rassurer l’idole au bord de la crise de nerfs. Incapable de le regarder dans les yeux sans rougir, je concentrai mon attention sur le massage que je donnais à mon frère.
« On va arriver en retard à cause de moi… »
Le regard d’Aiba exprimait une profonde détresse, il était presque au bord des larmes ! Je le savais de réputation sensible mais pas à ce point-là… Sho quant à lui, gardait le visage crispé de douleur, les yeux remplis de larmes, il fixait un point du plafond. J’avais oublié à quel point il pouvait se révéler être une chochotte en puissance…

« En… En retard ? Vous êtes attendus ? Demandai-je en remettant un peu de pommade dans ma main, toujours en évitant consciencieusement de tourner mon regard vers Aiba qui était tout prêt, me regardant soigner son meilleur ami.
-C’est l’anniversaire de cet imbécile aujourd’hui. On a rendez-vous avec Jun, Ohno et Nino dans une demi-heure au resto. Répondit mon frère sans bouger d’un poil.
-Oh ! C’est vrai ?! Tanjobi Omedeto !
-Merci ! »
Je tournai enfin mon visage vers lui et découvris un immense sourire sur ses lèvres m’offrant ainsi une splendide vue sur la quasi-totalité de sa dentition.
« Je ne savais pas que c’était votre anniversaire. Je vous aurais préparé quelque chose sinon !
-Tu ne savais même pas que je venais de toute façon.
-Oui, c’est vrai. » Répondis-je en lançant un regard assassin sur Sho.
« Alors je suis désolée de vous retenir. » M’excusai-je en m’inclinant un peu face à Aiba.
« Ce n’est pas ta faute ! C’est moi qui ai renversé le thé sur Sho-chan.
-Oui, ça c’est pas faux… Grogna celui-ci dans une grimace.
-Encore bon anniversaire à vous Aiba-san.
-Oh ! Mais tu peux me tutoyer et ne sois pas si formelle ! Je suis l’ami de ton frère alors je suis un peu ton ami aussi ! Et ce n’est pas la première fois qu’on se voit ! »
A ces mots, mes mains se firent plus insistantes sur le torse de Sho et je baissais les yeux. Mais il avait raison, on s’était déjà vu plusieurs fois chez mes parents ou chez Sho mais à chaque fois j’avais réussi à m’éclipser prétextant une affaire urgente…
« Ah oui c’est vrai…
-Ben oui ! Tu ne te souviens pas ? La première fois qu’on s’est rencontré, j’avais marché sans faire exprès sur ta main…
-Ah oui ! Oui, oui. Ma main s’en souvient encore !
-Oh ! C’était pas fort… Et puis tu laisses trainer tes mains un peu partout aussi !
-C’est pas vrai, je…
-Hey oh ! Vous deux, je ne veux pas vous déranger mais il y a un grand brûlé sur le canapé qui a besoin de soins… »
Mon frère avait soudain retrouvé tout son esprit et nous regardait d’un œil noir alors que je reprenais de plus belle le massage.
« Pffff… Chochotte… » Marmonnai-je en entendant Aiba retenir un éclat de rire.

Une fois la douleur calmée, Sho se leva et râla après Aiba et moi-même (pourquoi moi ? Je ne sais pas…) pour la bonne raison que sa chemise était foutue et qu’ils n’avaient pas le temps de repasser chez lui avant le rendez-vous.
« Je te donne ma chemise et je prends la tienne même si elle est sale ! » S’exclama Aiba en commençant à s’agiter sur ses boutons. Affolée par cette vision, je l’arrêtais vivement.
« Mais non ! C’est pas la peine ! Aniki, j’ai un vieux tee-shirt à toi qui me sert de pyjama… »
Je me précipitais alors dans ma chambre et en sortais un immonde haut qui datait déjà de plus d’une dizaine d’années.
« Tu sais qu’en général les filles utilisent les affaires de leur petit ami, pas de leur frère… » Dit Sho en attrapant le dit tee-shirt.
Piquant un fard en sentant les yeux amusés d’Aiba se poser sur moi, je lui répondis ;
« La ferme et enfile-le, c’est un service que je te rends j’te signale. »

Après l’avoir ajusté, Sho leva les yeux vers Aiba et moi. Mon grand frère, l’idole Jpop par excellence était tout bonnement… Ridicule. Son meilleur ami me regarda dans les yeux et je sentis que le fou rire n’était pas loin de poindre le bout de son nez, pour lui comme pour moi…
« C’est… C’est bien… Tentai-je de dire avec sérieux.
-Ou…Oui, c’est très joli. » Rajouta Aiba.
Sho nous regarda d’un air subitement très suspicieux, ne pouvant plus nous retenir nous partîmes dans un éclat de rire incontrôlable.

« Arrêtez ! Je ne peux pas sortir comme ça !
-Si si, tu peux ! Attends, je vais chercher mon appareil… » Dis-je entre deux hoquets d’amusement. Aiba, quant à lui, était tout bonnement effondré par terre, ne retenant plus son rire enfantin.
« Mou~~ Arrêtez de vous moquer… »
Sho commença à enlever le tee-shirt mais son meilleur ami l’en empêcha.
« Sho-chan ! On va être en retard, on a plus le temps, on doit y aller !
-Aiba-kun, je ne peux décemment pas sortir comme ça !
-Mmmmh… C’est vrai que c’est particulièrement ridicule… Rajoutai-je, moqueuse.
-Mais non ! Oh et puis tu es un johnny’s, on est habitué non ? Allez, viens ! »

Les deux me saluèrent en vitesse. Sho avait maintenant le visage fermé comme une huitre et Aiba m’offrait encore son sourire délicieusement enfantin et me remercia au moins une centaine de fois.

Après avoir refermé la porte sur eux, je m’avançai vers la tasse d’Aiba pour la laver. En passant, je me regardais dans le miroir ; J’avais le teint vraiment très rouge. Pffff Sakurai Mai ou l’art de se ridiculiser en moins de dix minutes…
En faisant la rapide vaisselle, le visage du jeune homme me revint à l’esprit… Aiba était vraiment la joie de vivre à l’état pure. Sa compagnie était particulièrement agréable et je me surprise à souhaiter le revoir dans un futur désiré proche…



Comme prévu, mon frère et moi nous nous retrouvâmes le Lundi suivant, chez lui pour partir ensemble chez nos parents afin de les surprendre avec la fête surprise que nous avions méticuleusement préparé. Quelques oncles et tantes avaient été conviés ainsi que nos grands-parents. La soirée fût particulièrement agréable, nos parents, touchés par cette attention furent d’une merveilleuse humeur tout au long de la soirée. Tout le monde s’amusait, discutait vivement et dansait. Shu, notre petit frère, en profita pour nous annoncer sa rupture avec son énième petite amie en seulement dix jours et mon oncle Syûri sembla penser qu’il était temps de m’initier à un art noble mais en perdition ; le saké.
Grand épicurien devant l’éternel et passionné du breuvage, ma discrétion et ma timidité semblèrent l’encourager à me faire découvrir sa passion. Après avoir passé vingt minutes à m’expliquer la différence entre un bon Ginjo-shu et un mauvais Junmai-daiginjo, l’heure de la dégustation arriva. Après quelques verres, je peux dire que je n’en savais pas plus sur le saké mais une chose était sûre : je l’appréciais de plus en plus. Il se faisait tard et voyant que je ne rechignais plus à danser au milieu du salon avec mon oncle alcoolisé, Sho décida qu’il était temps pour nous de nous retirer. Après avoir salué la famille, il me traina jusqu’à sa voiture et m’annonça qu’il serait plus prudent que je passe la nuit chez lui, je n’étais certainement pas en mesure de dire quoique ce soit de construit et j’acceptai de mauvaise grâce.

« Ah. Par contre, Faut que je te prévienne, Aiba est chez moi. Je l’héberge pour deux ou trois jours, y’a eu un dégât des eaux dans son appart’ »
Constatant le peu de réactions dont je faisais part, il continua.
« Mais ça ne fait rien. Tu prendras le canapé et nous on dormira tous les deux dans ma chambre. »
Toujours aucune réaction. Je restais placide, comme si mon frère m’avait annoncé qu’il préférait le bœuf au thon. Étonnamment la perspective de revoir son ami ne me tétanisait pas plus que ça, au contraire, celle-ci me remplit d’allégresse, une soudaine bonne humeur que je tentais de dissimuler à mon frère malgré le saké qui coulait dans mes veines au lieu du sang habituel.
Arrivé devant son immeuble, Sho sortit de la voiture rapidement (un peu trop rapidement pour que mes jambes me permettent de le suivre de près). Nous arrivâmes au dixième étage et il passa la porte de son appartement, moi je me contentais de le suivre, six bon mètres derrière.

« Tadaima…
-Okaeri Sho-chan. » Salua Aiba qui se tenait remarquablement effondré sur le canapé devant la télé, une main devant la bouche pour retenir un bâillement.
« T’es pas encore couché ?
-Non, j’ai du mal m’endormir seul quand je ne suis pas chez moi.
-Bon ben tant mieux. Tu ne vas pas dormir sur le canap’ mais avec moi dans la chambre.
-Tu me flattes Sho-chan…
-Baka ! C’est parce que je dois aussi héberger ma sœur ce soir. D’ailleurs, elle est où ? »
Il se retourna vers moi au moment où j’étais affairée à chercher la sonnette de la porte d’entrée, qui, soit dit en passant, était grande ouverte. Je surpris son regard et m’approchai à grands pas d’Aiba.

« Kombawa Aiba-san !! Ne te dérange pas pour moi, je vais me faire toute petite ! »
Je crois avoir imité, à ce moment-là, une souri, mais je ne m’en souviens plus très bien…
« Konbawa Mai-chan ! » Me répondit-il dans un de ses innombrables et ô combien charmeurs sourires. Il allait se lever pour me saluer quand, après avoir bousculé mon frère, j’appuyai lourdement sur ses épaules pour le forcer a rester assis sur le canapé.
«Te lève pas, te lève pas ! Pas de sigramées entre nous !
-Mai… On dit « simagrées ». Soupira Sho en levant les yeux au ciel.
-Tu as l’air en forme ce soir ! Sourit Aiba en s’installant plus confortablement et en me regardant dans les yeux.
-Ah mais oui. Je suis très en forme ! Mieux que ça même ! Je suis…
-T’es surtout totalement bourrée… Resoupira mon grand frère en m’enlevant le manteau de mes épaules.
-Ah oui, je me disais aussi…
-Tu aimes le saké Aiba-kun ?
-Euh… Oui pourquoi ?
-Si tu veux je pourrai t’en faire gouter la prochaine fois ! Il faudra s’organiser une soirée et comme ça on pourra…
-Bon ça suffit. Mai, vas te doucher, tu sens l’alcool à dix kilomètres à la ronde et ensuite vas te coucher, tu vas être crevée demain.
-Mais je ne suis pas fatiguée ! Oh et puis on dirait maman, là !
-Mai, je ne plaisante pas.
-Sho-chan… Elle est grande non ? Si elle ne veut pas se coucher c’est son problème tu crois pas ? » Aiba regardait maintenant mon frère, avec un air de franche amusement. Constatant que j’avais un allié, je me retournai avec vigueur vers Sho et jetai mes yeux suppliant dans son regard dur. Ce dernier sembla lâcher prise pour mon plus grand bonheur.
« Ouais, bon, fais ce que tu veux. Je vais me doucher. »

Sho s’engouffra dans la salle de bain, me laissant seule avec Aiba qui semblait s’être concentré sur le captivant programme que lui offrait le poste de télé. Ne sachant trop quoi faire mais totalement débarrassée de mes complexes sous l’effet de l’alcool, j’allai, sans hésiter m’asseoir à ses côtés. Bien que le canapé eut été conçu pour accueillir quatre personnes, nous étions tous les deux, quasiment collés l’un à l’autre sur le bord gauche. Quiconque aurait pu être gêné de par cette position assez inhabituelle, mais lui était apparemment plus qu’habitué aux contacts physiques en tout genre, et moi, dans mon état, je n’étais plus gênée de rien.

« Aiba-kun ?
-Oui ?
-C’est vrai que je sens l’alcool ?
-Mmoui un peu… Me répondit-il sans lever les yeux de la télé.
-Ah bon. »
La conversation sembla s’arrêter là mais ma langue montrait des signes d’indépendance et refusait d’arrêter de s’agiter.
« Toi, tu sens la cannelle. »
A mes mots, Aiba se tourna vers moi et me regarda d’un œil incrédule.
« La cannelle ?
-Oui.
-Vraiment ?
-Oui, vraiment. Tu sens très bon tu sais.
-Mer… Merci.
-Ça me donne faim !
-Ben moi aussi maintenant que tu m’en parles…
-J’ai envie d’un truc qui sent la cannelle. »
Décidément, l’alcool me changeait du tout au tout. Je me rendais très bien compte des énormités que je pouvais dire, sans pour autant les contrôler. Et d’ailleurs, je prenais un plaisir profond à me lâcher de cette manière en sa compagnie…
Il avait à présent éteint la télé, le son nous dérangeait plus qu’autre chose dans notre dialogue intellectuellement poussé.
« Tu sais quoi ? » Me demanda-t-il avec un regard presque pétillant, ou en tout cas très rieur.
« Euh… Non.
-Tu es très drôle quand tu bois !
-Oh ben ça c’est parce que je ne suis plus timide. J’arrive aussi à être comme ça quand je bois pas !
-Je ne t’ai jamais vu comme ça en tout cas…
-C’est parce que on ne se connait pas bien.
-Je pourrais remédier à ça ?
-Mmmmh… Oui, je crois.
-Parfait !
-Mais à une condition !
-Laquelle ?
-Que tu me prépares quelque chose à manger, là, tout de suite, maintenant. J’ai vraaaaiment la dalle !
-Ok, suivez-moi Sakurai-san… »

Arrivés dans la cuisine, Aiba concocta des petits gâteaux tout en se targuant d’avoir inventé lui-même la recette. Il mit le tout au four et nous nous installâmes tous les deux à la petite table, autour de deux verres de jus de fruit. Tout à coup, je sentis une drôle d’odeur m’envahir les narines…

« Aiba-kun ?! Qu’est-ce que tu mets dans tes gâteaux ?
-Tu m’as dit que tu aimes bien la cannelle, non ?
-Ouais.
-Ben d’habitude je mets de l’anis mais là j’ai mis de la cannelle. C’est ça que ça sent.
-Tu as changé la recette que pour moi ? C’est gentil ça ! Je veux les goûter ! »
Je me levais précipitamment et allais ouvrir le four. Sur mes talons, Aiba tenta de m'en dissuader disant qu’ils étaient encore trop chauds. Nous ne fûmes pas vraiment très discrets et c’est sans surprise que nous vîmes Sho passer la tête dans l’entrebâillement de la porte.
« Mais qu’est-ce que vous fichez ??
-Je fais mes gâteaux pour Mai-chan qui a faim.
-Tes… Tes gâteaux ? Ceux à l’anis ? Je ne t’ai jamais demandé d’empoisonner ma sœur !
-Baka ! Tu vas voir, elle, elle va les aimer !
-Ite !! C’est chaud !! »
Je venais de plonger ma main sur l’un des gâteau encore mous. Aiba prit ma main et lui souffla dessus bruyamment.
« Bein oui, tu t’es brûlée !
-Mais ils sont très bons… » Dis-je en le regardant, avec un sourire plein de gâteau. Certes, ma réaction était un peu forcée, en réalité ses gâteaux étaient tout bonnement immangeables mais mon sourire était, lui, authentique. Ce garçon me plaisait décidément de plus en plus !

« Bon… Faites ce que vous voulez, si vous avez envie de vous intoxiquer en laissant Aiba cuisiner à deux heures du mat’, c’est vous qui voyez. Moi je vais me coucher ! »
Dans la cuisine, nous souhaitâmes une bonne nuit à mon frère. Aiba alla le rejoindre une grosse heure après alors que moi, j’allais m’effondrer sur le canapé du salon.

Le lendemain, je me réveillais difficilement. J’avais la bouche pâteuse et l’impression qu’un club entier de batoucada faisait la fête à l’intérieur de ma boite crânienne. Le temps de me rappeler où je me trouvais, je me levais et me dirigeais vers la cuisine où régnait une très forte odeur de cannelle. Je n’aimais pas la cannelle et ce parfum me retourna encore plus le cœur. Après m’être préparé un thé fort et une double dose d’aspirine, j’allais prendre une douche réparatrice. Heureusement, ce jour-là je ne commençais le travail qu’à dix heures, j’avais encore une bonne demi-heure devant moi. Je revins dans le salon pour rassembler mes affaires quand je vis un petit papier plié sur la table. Je l’ouvrais et reconnus instantanément l’écriture soignée de Sho.

Salut la dévergondée !
Aiba et moi sommes partis à huit heures ce matin.
Tu trouveras tout ce que tu veux dans le frigo. Les médocs dont tu vas avoir besoin pour ta tête sont posés à côté du grille-pain.
Je t’appellerai dans la matinée pour savoir si tu es réveillée et que tu es bien consciente que tu bosses ce matin.
Bisous ma chère sœur qui ne tient pas l’alcool !
Aniki

A peine avais-je fini de lire son charmant petit mot que j’entendis la sonnerie de mon portable surgir du fond de mon sac. C’était Sho, qui, comme prévu m’appelait pour me servir de réveil. Après qu'il se soit moqué de ma voix fatiguée, nous nous souhaitâmes une bonne journée. Je crus entendre la voix d’Aiba derrière lui mais il raccrocha avant que je ne saisisse si ce son était bien réel ou était le pur fruit de mon imagination.
Assise sur le canapé, je fis un effort pour me rappeler de quoi avait été composée ma soirée. Rougissant au rappel de mon attitude envers Aiba, je me surpris pourtant à ne pas m’en mordre les doigts. Certes, je m’étais montrée plutôt… familière mais le meilleur ami de mon frère n’avait pas montré de gêne ou de désapprobation vis-à-vis de cela. Au contraire, il avait joué le jeu et avait même semblé passer un bon moment en ma compagnie… Enfin, je préférais occulter mes moments de franche ‘ridiculisation’ et mettais l’accent sur ce qui m’avait plu dans cette soirée. J’allais me lever quand j’aperçus que j’avais un sms non lu sur mon portable.

Recu à 7h56
De : 03-5330-5250
Bonjour Mai-chan ! C’est Aiba.
J’ai piqué ton numéro dans le portable de Sho, j’espère que ça ne te dérange pas.
Mais comme tu m’as promis hier soir que je pourrai te connaitre mieux, j’espère que tu tiendras ta promesse.
Je t’invite au restau quand tu veux.
Rappelle-moi !

Réprimant un cri de joie, je me pinçais les lèvres. Ainsi, il avait vraiment apprécié passer la soirée avec moi ? Pourquoi ? Etait-il vraiment sérieux ? Il voulait me revoir ? Moi ? L’handicapée sociale ?
Tentant de me calmer, je relus cinq ou six fois ce simple sms et décidai de lui répondre dans la journée (le faire patienter ne pouvait pas lui faire trop de mal non ?) en lui proposant de se retrouver jeudi soir au restaurant de son choix…



Plus d’un mois s’était écoulé depuis ma soirée arrosée terminée en compagnie d’Aiba. Dès lors, nous avions pris l’habitude de nous voir régulièrement, une fois dans un restau de son choix, une autre fois dans un de mes cafés préférés. La mécanique était bien rodée, nous nous retrouvions trois fois par semaine et nous nous efforcions sans trop nous l’avouer de trouver une place pour l’autre dans nos emplois du temps de fous. Aiba n’avait pas parlé de nos rendez-vous hebdomadaires à Sho. D’ailleurs, il n’y avait rien à dire, nous étions simplement deux amis qui appréciaient particulièrement discuter de tout et de rien ensembles. Bon je dois avouer que, pour moi, il n’était pas qu'un simple ami, contrairement à ce que je disais... D’ailleurs j’avais réussi à mettre de côté toute trace de timidité en sa présence, et ce sans trop d’effort. Mais qu’en était-t-il de son côté ? Je commençais vraiment à me poser des questions sur ses intentions. Jamais durant ce mois, il ne fit un seul pas pour « approfondir » notre relation, jamais il eut de geste dit « déplacé », jamais aucune allusion, jamais aucun double-sens… De nature méfiante et même pessimiste, je commençais tout doucement à me persuader qu’Aiba n’était absolument pas intéressé par ma personne, il avait juste trouvé en moi une écoute amicale loin de tout le star système.

Un soir, alors que je me trouvais entre le rayon frais et celui des conserves dans le combini de mon quartier, je reçu un sms.

Reçu le : 02.11.11 à 18h38
De : Aiba-kun
Yo Mai-chan !
Je dois annuler le rendez-vous de demain, truc à faire pour le boulot.
Et comme tu m’as dit que tu seras très occupée en fin de semaine
et la semaine prochaine j’ai pensé que tu pourrai venir passer la
soirée à la maison !
Je te referai mes gâteaux à la cannelle, si tu veux !

Surprise, je restai un instant interdite, les yeux rivés sur mon portable. Il m’invitait chez lui le soir même ? Ça, c’était pour le moins inhabituel. Jusque-là nous avions l’habitude de nous voir en terrain « neutre » ni chez l’un ni chez l’autre. J’étais déjà venu chez lui une fois mais c’était juste pour le déposer après une balade à Asakusa . Lui, avait fait un saut rapide chez moi la semaine d’avant pour me rendre une veste que j’avais oublié dans sa voiture. Bref, cette invitation était plus que surprenante. Un sourire tendu aux lèvres, je regardais l’heure puis lui répondais par un court message :

Envoyé le : 02.11.11 à 18h42
A : Aiba-kun
Konbanwa Aiba-kun ! Merci de ton invitation.
Je me prépare vite fait et j’arrive !
A tout à l’heure !
PS : Pas la peine de t’embêter avec les gâteaux,
tu m’en feras une prochaine fois !

Abandonnant le peu de courses que j’étais en train d’effectuer, je rentrais aussitôt chez moi. Je tentais de contrôler mon allure mais mes jambes semblaient refuser de m’obéir. Une part de ma conscience m’encourageait à me précipiter chez Aiba pour passer une nouvelle soirée en sa compagnie, mais je m'efforçais de ne pas me faire de fausses idées et de garder mon calme. Une fois dans mon dressing, je trouvais une tenue parfaite pour la circonstance. Habituellement, lors de nos rendez-vous nous nous habillions très simplement, sans faire trop d’efforts mais sans pour autant paraitre négligés. Ce soir, je décidais de hausser légèrement le niveau. J’enfilais une robe simple taupe descendant jusqu’aux genoux avec des collants en laine gris et des bottes montantes assorties à la robe. Le tout n’était pas d’un glamour à toute épreuve (je n’aurai jamais osé) mais me donnait une allure plutôt urbaine et féminine qui tranchait avec mon habituel jean-sweat. Je me maquillais légèrement, attachais mes cheveux en un haut chignon d’où je laissais dégringoler quelques mèches et optais pour une paire de boucles d’oreilles en argent. Reculant d’un pas, je me regardais dans le grand miroir de mon couloir. J’y allais peut-être un peu fort… Aiba ne m’avait jamais vu comme cela. Que penserait-il en me voyant débouler habillée de la sorte ? Et si il m’avait invité sans aucunes arrière-pensées ? Et si pour lui, je n’étais qu’une simple… Mes sempiternelles questions me revenaient en tête. Décidant d’y couper court, je me forçais à penser à autre chose.
Jugeant l’heure assez avancée, je sortais de mon appartement pour rejoindre celui d’Aiba situé à une vingtaine de minutes en voiture du mien.

Arrivée sur son palier, devant sa porte, j’hésitais un instant. La main à mi-chemin entre moi et la sonnette, je tentais vainement de calmer mon rythme cardiaque. Chose qui me sembla étrange sur le coup car depuis quelques jours la présence d’Aiba à mes côtés ne me gênait plus du tout, il était devenu comme ma meilleure amie ou mon frère : Quelqu’un avec qui je pouvais être moi-même sans craindre sa réaction… Emprisonnant une grosse bouffée d’air dans mes poumons, je me décidai enfin à appuyer sur le bouton.
De l’autre côté de la cloison, j’entendis des pas précipités et trois ou quatre secondes à peine après que la sonnette ait retentit, Aiba ouvrait grand sa porte.
Moi qui m’attendait à le voir dans une tenue décontractée, confortable, bref une tenue que l’on met pour se sentir à l’aise chez soi, je fût plutôt… Surprise.

« Konbanwa Mai-chan ! »
Ce garçon était plus beau que jamais ! Je m’étais habituée à ses éternels tee-shirts criards et ses bermudas tout aussi fantaisistes mais, ce soir-là, il se tenait devant moi avec une élégance que je ne lui connaissais pas. Il portait un jean plutôt serré, savamment plissé. En haut, une chemise noire venait recouvrir son torse, laissant toute fois apparaitre quelque centimètre de peau à l’aide de trois boutons pertinemment défaits. Le tout venait souligner à merveille la beauté de son corps longiligne.
Je déglutis avec difficulté et trouvais enfin la force de lui répondre.

« Euh… Yo !
-Ne reste pas là, entres ! »
Pénétrant dans son appartement, les yeux rivés sur mes bottes, je remarquais une agréable odeur de cuisine, une délicieuse odeur même. Avait-il spécialement cuisiné pour moi ? Alors que je me perdais dans mes suppositions non fondées, je sentis les mains d’Aiba se poser délicatement sur mes épaules. Je sursautais et me tournais vers lui.

« Euh… Ano… Je voulais t’aider à enlever ton manteau, tu vas mourir de chaud si tu restes comme ça, non ?
-Ah ! Oui, oui. Bien sûr ! »
Rougissant, j’enlevais mon manteau à la hâte. Il voulait simplement m’aider à enlever mon manteau. C’est tout ! Il fallait me calmer au plus vite sinon il ne tarderait pas à remarquer mon manège. Je tentais de me persuader que l’attitude d'Aiba était simplement amicale quand je le surpris, mon manteau encore dans les bras, en train de me fixer sans gêne, ses deux yeux posés sur mon propre corps.

« Aiba-kun ?
-Ah ! Pardon ! Tu… Je me disais que cette robe te va très bien ! »
Je cru le voir rougir à son tour mais il disparut avant que je puisse m’en assurer. Ne sachant trop quoi faire, je marchais d’un pas lent et maladroit dans son appartement, regardant avec curiosité sa décoration. Alors que mon regard s’attardait sur une photo de lui quelque part en Afrique apparemment, je remarquais enfin que celui ci avait mis de la musique dans sa grosse chaine stéréo. Je ne pus réprimer un large sourire quand je reconnu une de mes chansons préférée : Fire Coming Out Of The Monkey's Head de Gorillaz. L’entendant revenir, je me tournais vers lui.

« Tu aimes Gorillaz ?
-Euh… Oui j’aime bien. Et toi ?
-J’adore ! Je suis totalement fan !
-Yesssss ! J’ai gagné !!
-A propos de quoi ?
-Je ne sais pas si tu te souviens mais il y a un temps, tu m’avais dit que ton frère et toi aviez exactement les mêmes gouts musicaux. Et comme en ce moment Sho nous rabâche les oreilles avec cette chanson, je me suis dit que tu l’aimerai peut être… »
Ainsi il avait prêté attention à ce petit détail sans importance que je lui avais confié ? Et… Il avait mis cette musique rien que pour me faire plaisir ?
« Oh euh… Oui, tu ne t’es pas trompé. Merci » Dis-je en rougissant.

Contrairement à d’habitude, ce début de soirée se déroula dans une atmosphère plutôt tendue. J’avais repris ma sale habitude de réfléchir trois heures avant de lâcher le moindre mot et de son côté, sa légendaire spontanéité avait laissé place à une maladresse plutôt touchante. Quoiqu’il en soit, je passais un délicieux moment chez lui. La soirée improvisée sur le pouce se transforma peu, à peu à mes yeux, en un rendez-vous des plus romantiques qui soit. Une fois à table, Aiba, que je ne connaissais pas si bon cuisinier, nous avait préparé du miso katsu accompagné de riz et de choux râpé. Le résultat était on ne peut plus délicieux, me régalant du plat, je me délectais encore plus de la vision du jeune homme qui mangeait avec appétit juste en face de moi.

« C’est super bon !
-Merci.
-Tu cuisines tous les jours comme ça ?
-Ah non ! Là c’est exceptionnel.
-Exceptionnel ?
-C’est la première soirée que tu passes chez moi, je voulais que tu t’en souviennes. »
Il avait dit ça sur un ton tout naturel, et moi je ne pu empêcher mes joues de s'empourprer encore une fois, de la manière la plus naturelle qui soit chez moi.
« Tu rougis. »
Alerte ! Alerte ! Il a remarqué !
« Non, pas du tout.
-Si, je le vois bien, tu es toute rouge.
-Ah bon. J’ai un peu trop chaud, c’est pour ça.
-Qu’est-ce qui te donnes si chaud ? »
A ses mots, je levais mes yeux vers les siens, il ne détourna pas son regard et arbora un de ses si charmants sourires.
« Tu rougis encore.
-Je… Euh… Je me demandais… Enfin…
-Oui ?
-Non, c’est rien, oublis ça.
-Tu te demande pourquoi je t’ai invité ici ce soir ? »
Allons bon, étais-je si transparente que ça ?!
« Bein… Oui. Sur ton sms, j’ai pensé que ça serait une petite soirée, enfin… Tu vois ce que je veux dire.
-Non.
-Bein… cette soirée n’était pas prévue. Et pourtant tu as cuisiné ça et… Et tu es un peu différent, en fait.
-Cette soirée était prévue depuis longtemps.
-Hein ?! Ah non ! Pas du tout ! Je n’ai reçu ton sms qu’il y…
-Ça fait deux-trois semaines que je crève d’envie de t’inviter chez moi et de cuisiner rien que pour toi.
-Ah… Ah bon ? »
J’étais littéralement sifflée. Qu’est-ce que tout cela voulait dire ? Est-ce qu’il parlait sérieusement ? Je ne pouvais plus réfléchir à quoique ce soit, je me contentais de le regarder en m’efforçant de garder le peu de sang-froid qu’il me restait.
« Mais avec toi, j’ai l’impression d’avoir seize piges ! Je ne sais pas comment me comporter, je tremble, j’hésite… Alors voilà, j’ai réfléchis et j’ai prétexté que je devais annuler notre rendez-vous de demain pour t’attirer ici.
-M’a… M’attirer ici ?
-Tu as finis ? J’apporte le dessert ! »
Je baissais alors mes yeux sur mon assiette et remarqua en effet qu’elle était vide. Aiba attrapa nos deux assiettes et disparu dans la cuisine. Une fois seule, je touchais mes joues pour saisir l’ampleur du problème. J’étais brûlante, gênée comme jamais, je mordis ma lèvre inférieure. Que fallait-il que je fasse maintenant ? Avais-je bien compris ce qu’il venait de me dire ? Rien n’était clair ! Il m’avait juste avoué qu’il aimait cuisiner pour moi, rien ne laissait supposer une quelconque attirance, si ?

Il ressortit de la cuisine et posa un énorme coupe de crème à la vanille aux perles de tapioca devant moi.
« Houla ! Mais c’est énorme, je ne pourrai jamais manger tout ça…
-C’est pas grave, je t’aiderai à finir. »
Remarquant que son regard s’était reposé sur moi, je me concentrais sur la crème glacée. J’en goutais une bouchée, c’était tout simplement délicieux à l’image de tout le reste. Aiba ne me lâchait toujours pas des yeux. Je continuais à manger, l’air de rien. Il continuait à me fixer sans aucune gêne. Sentant mes joues s'enflammer à une vitesse affolante, je continuais à dévorer le dessert. Mais au bout d’un moment, n’en pouvant plus de sentir Aiba me déshabiller de ses yeux caramel, je levais la tête vers lui et plongeais à mon tour mes yeux dans les siens.
« Bon ! Qu’est-ce que je dois comprendre ?!
-Pardon ?
-Soit clair, Masaki, je n’en peux plus, moi ! C’est à n’y rien comprendre, tu…
-Je n’agis pas ainsi avec de simples amis si c’est ce que tu veux savoir.
-Bien. Alors qu’est-ce que…
-Là, à l’instant même j’ai une furieuse envie de t’embrasser comme jamais personne ne t’a embrassé.
-Ah. »
Mon cœur sembla oublier que battre était une fonction vitale pour moi pendant un instant et ne repartit que plus déchainé. Ma tête, suivant le mouvement se mit soudainement à tourner plus vite que je ne l’aurai souhaité. Prenant mon courage à deux mains, je ne baissais pas les yeux et continuais sur le même ton qu’il venait d’employer.
« Alors qu’est-ce que tu attends ?
-Que tu finisses le dessert. Si je t’embrasse maintenant, nous ne serons pas en mesure de finir quoique ce soit et je n’ai pas envie d’avoir cuisiné pour rien. »
Soit. Il voulait se la jouer comme ça, je rentrais volontiers dans son jeu. Jouant de mon regard le plus provocateur, je ne le quittai pas des yeux mais enfourna une autre bouchée de crème entre mes lèvres. Je le vis frissonner discrètement mais je ne changeais pas d’attitude. Après quatre ou cinq autres cuillères, constatant que la coupe était vide, je la poussais vers lui et annonçait dans un murmure :
« J’ai finis. Je me suis régalée.
-Content que ça t’ai plu. »
Il se leva et rapporta la vaisselle en cuisine. Un peu déçue par cette attitude distante, je me levais, tremblotante et fis quelque pas dans le salon pour essayer de me détendre. Attendant du bruit derrière moi, je me retournais et vis Aiba, adossé à la porte de la cuisine, qui me regardait avec attention.

« J’attends. Lui dis-je d’un ton calme et plein d’assurance.
-Tu attends quoi ?
-Que tu viennes m’embrasser comme personne ne m’a jamais embrassé. »
Il parut enfin déstabilisé par ma propre attitude.
« Tu… Tu te rends compte que je ne m’arrêterai pas qu’à un simple baiser ?
-Je le sais et j’en suis très heureuse.
-Tu es sûre ?
-Je ne suis pas en porcelaine, arrête d’agir comme un grand frère et viens tenir ta promesse.
-Je…
-Aiba ! Je vais commencer à croire que… »
Je ne pu finir ma phrase. Il se précipita vers moi et posa violemment ses lèvres contre les miennes et attrapa mon visage entre ses deux mains. Reculant de quelques pas sous le coup énergique de son offensive, je m’agrippais à son cou. Sentant ses dents chatouiller mes lèvres, j’ouvris légèrement la bouche pour inviter sa langue à rencontrer la mienne. Nos restâmes entremêlés dans cette position de longs instant, puis, tout en décollant ses lèvres des miennes pour reprendre son souffle, il me décolla du sol avec une facilité déconcertante et me plaqua entre lui et le mur pendant que je passais mes jambes autour de sa taille.
« Je… Je voulais juste m’assurer que c’est bien ce que tu voulais… Me murmura-t-il à bout de souffle.
-C’est ce que je veux. Et je suis en position de sentir que tu en as tout autant envie que moi… »

La nuit fût courte pour l’un comme pour l’autre. Quand j’ouvrais les yeux le lendemain matin, je sentis entre deux courbatures, un petit papier roulé en boule sur l’oreiller.

« Mai Chan,
J’ai dû partir tôt ce matin, je dois tourner un CM avec Sho et Jun.
Tu es trop jolie quand tu dors, je n’ai pas voulu te réveiller.
Tu trouveras dans la cuisine tout ce que tu veux pour manger.
J’espère te retrouver très vite,
Masaki. »

Même avec un mot écrit à la hâte cet homme arrivait à déclencher chez moi une vague de sourires tous plus niais les uns que les autres ! Voici un réveil qui annonçait à coup sûr le début d'une excellente journée ! Cependant... Un CM avec Sho et Jun ? Il allait passer une partie de la journée avec mon frère alors qu'il venait de passer la nuit entière avec moi ? Allait-il lui parler ? Allait-il lui cacher ? Ni l'une ni l'autre de ces deux suppositions ne me réjouissait vraiment... Je laissais tomber ma réflexion en voyant l'heure qu'indiquait le réveil, j'allais être en retard au boulot !

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