[Fic] Général Boche

Oct 22, 2017 19:11

Fandom : L’Assommoir de la saga La fortune des Rougon
Personnages : Mme Boche & Gervaise
Rating : G
Prompt : les tâches ménagères

Mme Boche était entrée dans la boutique sans crier gare, comme une feuille morte que le vent aurait emporté là. La boutique était quasiment vide, les derniers employées étaient déjà parties. Ne restait que Gervaise qui, chiffon en main, continuait de frotter les derniers recoins. Mme Boche la regarda sans mot dire, ses yeux fixés sur les bras dodus de Gervaise, la peau rougie par l'effort, les manches de la chemise roulés au-dessus des coudes. Elle n'était pas belle la Gervaise, elle n'était pas une de ces beautés qu'on pouvait voir sur les affiches des Folies Bergères, ou dans ces dessins que les hommes s'échangeaient sous le manteau, en émettant des commentaires déplacés. Elle avait le profil de la paysanne, de la femme travailleuse aux membres lourds, à la carrure élargie, aux épaules fermes.

Gervaise finit par le sentir, ce regard, et eut un sursaut. Elle se releva en prenant appui sur sa jambe forte, ignorant la boiteuse. Cette jambe folle qui lui avait valu le surnom de « Banban » - un surnom qui n'avait jamais plu à Mme Boche. Gervaise semblait complètement perdue. Elle respirait comme un soufflet de forge, le visage moite de sueur.

- Mme Boche ?
- Les tâches ménagères c'est une corvée.

Mme Boche avisa le balai abandonné là, à portée de main. Elle s'en saisit.

- Vos employées auraient pu vous aider. À deux nous irons bien plus vite.

Sans laisser le temps à Gervaise de pouvoir protester, Mme Boche se mit en devoir de balayer la boutique. Avec une implacabilité et un grand sens de l'ordre, la concierge chassa le moindre grain de poussière et guida les opérations du ménage journalier. L'on sentait la femme d'expérience habituée à tenir au propre sa maisonnée et l'ensemble du quartier dont elle était l'illustre concierge. Gervaise ne pouvait que plier sous le joug de cette voix forte, de cette assurance de femme d'expérience. Des fichus furent noués dans les cheveux, les manches remontées, de même que les jupes nouées sur le côté pour ne pas gêner.

Ce ne fut qu'après avoir écopé les grandes eaux, seau vide à la main, que Mme Boche s'autorisa au repos du soldat bien mérité. Elle s'assit sur un tabouret, fouilla dans sa poche et en tira une cigarette. Gervaise refusa tout d'abord, un peu gênée, avant d'abdiquer face au regard implacable de la concierge. On ne refuse pas la cigarette après le travail.

Têtes renversées, elles firent des ronds de fumée, les jambes étendues devant elle, la porte de la boutique grande ouverte.

- Merci, finit par glisser Gervaise.

Mme Boche eut un haussement d'épaules.

- Faut se serrer les coudes entre femmes.

Comme si ça servait d'excuse, d'argument à ne pas dénaturer par une quelconque explication.

- Vous savez, Gervaise, je vous aime bien. Ce qui est bien chez vous, c'est votre propreté.

Venant d'une concierge qui venait pratiquement, à elle seule, de briquer de fond en comble une boutique en quelques heures c'était un compliment. Gervaise remercia d'un sourire.

Depuis ce jour, elle la surnomma affectueusement, en son fort intérieur, Général Boche.

la fortune des rougon

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