Jun 14, 2008 17:58
Allez !!! Plus qu'un petit épilogue pour conclure cette fic ! ^_^
CHAPITRE IV
« Allons calmez-vous les filles ! Maintenant qu’on sait que ce sont juste des illusions, contentez-vous de les ignorer. »
Mai inspira longuement puis expira lentement. Masako se mit à fixer intensément son futon. Et Ayako, elle, serra les poings à s’en blanchir les phalanges.
« Hi hi hi hi hi… »
Brusquement la miko n’y tint plus et ses ongles s’enfoncèrent d’un coup dans la paume de sa main. Elle tourna vers Bô-san, un visage déformé par une colère trop longtemps contenue et hurla :
« Comment veux-tu ignorer ça ! »
En effet, à l’intérieur de la chambre réservée à la gent féminine de la SPR, une rokuro-kubi avait décidé d’élire domicile. Suivant les consignes données par Naru, les trois chasseuses de fantômes avaient ignoré la femme au long cou lorsque celle-ci avait pointé le bout de son nez. Et alors la créature, visiblement aux anges de pouvoir loger dans cette chambre puisque personne ne semblait s‘y opposer, avait donc décidé de remercier ses hôtes en les ligotant avec son long cou extensible en guise de câlin. Et en les léchant de temps à autre.
Évidemment que c’était facile de dire qu’il s’agissait d’illusions ! Mais comment ignorer alors que les sensations étaient affreusement réelles ! Ce n’était pas ce pauvre moine défroqué qui regardait la scène en pouffant à moitié de rire qui subissait ces assauts !
La rokuro-kubi, sentant qu’une de ses nouvelles « amies » semblait mal à l’aise, se dépêcha se faire une grosse léchouille à Ayako pour la consoler (mais qui la tendit plus qu’autre chose) et décida d’aller chasser du moine.
Le rire de Takigawa cessa subitement lorsque les grands yeux noirs auparavant rieurs de la femme au long cou devinrent deux prunelles jaunes de fauve enragé.
John qui passait par là entendit le hurlement strident de Bô-san et vit le moine voler à travers le couloir. Un « Bien fait pour lui ! » ,grommelé sans une once de pitié par Ayako, sortit le prêtre catholique de sa contemplation et l’attira dans la chambre des filles.
Mai, Ayako et Masako étaient assises en tailleur sur le sol, raides comme des piquets, sans bouger. Mai tressaillit soudain.
« Eek ! Arrête de me lécher, toi ! »
Les deux autres lui lancèrent un regard noir.
« Chuuut ! »
« Il ne faut surtout pas la vexer, Mai ! »
John soupira. Il avait vraiment l’impression d’être entourés des fous. Il lança un regard en arrière. Bô-san défiait toujours les lois de la gravité, plaqué contre le plafond comme une mouche englué dans une toile d’araignée. Le moine, très pâle, se mit soudain à s’agiter frénétiquement en brassant de l’air avec ses bras.
« John ! Fais quelques choses au lieu de me regarder avec ce regard bovin ! »
Bon sang ! S’ils savaient à quel point ils avaient tous l’air stupide ! N’ayant pas apprécié pas le commentaire péjoratif sur son regard (qui n’avait rien de bovin d’ailleurs !), John se contenta de rire tout seul et de s‘éloigner. Après tout, le moine ne risquait rien à part une bonne chute tant qu’il ne s’agissait pas du kitsune, n’est-ce pas ?
« Traître ! »
xXx
Murasaki resta silencieuse un moment, l’air totalement incrédule, puis se mit soudainement à rire. Assis à face d’elle, Naru se demanda vaguement en quoi le fait d’apprendre qu’un kitsune hante son auberge était si hilarant. Le fou rire de Murasaki disparût aussi subitement qu’il était apparu.
« Vous plaisantez, j’espère ? » cracha-t-elle avec un regard venimeux auquel se mélangeait…de la peur ?
« Je crains que non. » répondit Naru, ignorant royalement ce changement de ton.
Lin, assis aux côtés de Naru, observa un moment les mains de Murasaki, soudain agitées de tics et ajouta un peu sèchement :
« Que vous vouliez nous croire ou non, il est bel et bien ici. Vous n’avez pas le choix. »
« Ce ne sont que des âneries ! »
« Allons, allons…si vous écoutiez au moins ce que nous avons à vous dire ? Nous répondrons à toutes vos questions. »
Murasaki Kaede sembla hésitante. Madoka lui avait promis que la SPR était l’équipe la plus à même de s’occuper de son affaire. Elle avait une confiance aveugle en Madoka. Seulement…un kitsune ? C’était trop ridicule pour être vrai. Trop grotesque. Trop folklorique.
En cet instant précis, elle était tiraillée entre l’irrésistible envie de flanquer tous ces abrutis à la porte et l’irrésistible envie que tous ces problèmes s’arrêtent pour de bon.
Mais un kitsune…un kitsune ! Elle leur avait fait confiance et ils lui annonçaient qu’un yôkai renard se baladait dans son ryokan !
« Je…je veux bien vous écouter. Mais à la moindre incohérence… » menaça-t-elle.
« Comme vous voudrez. Posez nous toutes vos questions et nous vous répondrons. » fit Naru.
Murasaki fronça ses fins sourcils. Il avait l’air très sûr de lui.
Très bien, l’interrogatoire allait pouvoir commencer.
« Allons-y. » Elle inspira profondément. « Les monstres…d’où viennent-ils ? Quel est le rapport avec le kitsune ? »
« En réalité, il n’y en a aucun. »
« Vraiment ? » fit-elle avec une voix dangereusement glaciale.
« Ce ne sont que des illusions. »
Les yeux violets de Murasaki s’écarquillèrent légèrement et son teint devint très pâle.
« Les kitsune ont la particularité de pouvoir créer des illusions à volonté lorsqu’ils atteignent un certain âge. Les yôkai « créés » par celui-là étaient sans doute destinés à faire fuir et éloigner toute présence humaine. »
« Comment l’avez-vous découvert ? »
« S’ils peuvent berner bon nombre d’humains, les illusions des kitsune sont incapables d’affecter un religieux. »
« Pourtant votre moine et votre miko me semble un peu douteux. » fit Kaede d’une bouche pincée.
« C’est à John que nous devons cette découverte. Depuis que nous sommes ici, c’est le seul qui n’a vu aucun yôkai. Et lorsque nous nous sommes fait attaqué par un nue, il n’a pas été atteint par les coups. Pour le moment, c’est la seule personne qui puisse distinguer le vrai du faux. »
Murasaki resta songeuse un moment puis eut un petit cri en frappant la paume de sa main avec son poing.
« Mais alors l’incendie dans le jardin, c’était un kitsune-bi, n’est-ce pas ? »
Lin sentit un léger sourire lui ourler les lèvres. La propriétaire semblait enfin adhérer à leur thèse.
Et les explications de Naru durèrent encore deux bonnes heures. Parce qu’à présent, Murasaki voulait TOUT comprendre.
L’histoire du kitsune-bi, par exemple. Pourquoi est-ce que ce feu a réussi à blesser des gens mais n’a pas été capable d’endommager les bâtiments. Naru dut lui faire comprendre -difficilement- que ça aussi, c’était une illusion et qu’un feu illusoire ne brûle pas de bois puisqu’il n’existe pas.
Après un vif hochement de tête, Murasaki, très emballée, voulut savoir comment les gens ont pu disparaître ? Là aussi, on dut lui expliquer que le kitsune est capable de créer des « poches » où évolue une autre réalité selon les désirs du yôkai. Il peut altérer le cours du temps et bien d’autres choses. D’ailleurs Lin précisa que Mai, la seconde assistante de Naru, avait été victime de ce piège.
Murasaki s’en voyait désolée.
Il lui expliqua même la disparition de l’azuki-meshi ! Les kitsune adoraient cette nourriture et ils fouinaient souvent dans les placards pour en dérober.
« Mais j’ai une dernière petite question… »
« Laquelle ? »
« Comment se fait-il que nous l’ayons jamais vu ? Je veux dire…un kitsune…c’est plutôt gros, non ? »
« Vous savez, les yôkai font tout pour se cacher des hommes. Vous croyez vraiment qu’un yôkai de ce niveau se dévoile si facilement ? C’est l’un des plus puissants. Il peut se métamorphoser en n’importe quel objet ou être vivant. »
Murasaki se mordit la lèvre, inquiète.
« Si ça se trouve il nous écoute en ce moment. » fit fatalement Naru.
« Comment peut-on s’en débarrasser ? »
Silence.
Lin lança un regard en biais à Naru. Qu’il se débrouille tout seul pour annoncer son plan à Murasaki. L’onmyôji se leva et sortit du bureau.
« Veuillez m’excuser. »
Naru et la femme aux cheveux acajou se retrouvèrent seuls. Finalement Naru prit la parole :
« Un kitsune a deux points faibles. Tout d’abord son nom. Et ensuite, s’il possède une personne, le résidus de possession contenant une partie de sa puissance. »
Elle hocha lentement la tête, sans vraiment comprendre.
« Je veux essayer d’exploiter ces deux points faibles. Mais je ne vous promets rien. Surtout que mes assistants sont plus réticents à l’idée de déloger un yôkai pareil… »
Murasaki acquiesça silencieusement. Et tout à coup, des petits coups légers se firent entendre sur la porte.
« Murasaki-sama ? »
« Oui ? »
« J’apporte le thé que vous m’aviez demandé. »
« Vous pouvez entrer. »
La servante en kimono turquoise fit coulisser la porte et déposa le service à thé sur la table. Murasaki lui permit de se retirer et s’occupa de remplir les tasses.
« Shibuya-san. Vous ne m’avez pas encore expliqué la présence du koto dans mon auberge. » fit-elle soudain tandis qu’elle lui offrait sa tasse rempli de thé.
« Du temps où cette auberge était encore une okiya, une geisha du nom de Kurenaï vivait ici. » répondit nonchalamment Naru. « Elle avait une passion folle, presque pathologique pour son instrument de musique, un koto. Et curieusement, une famille de renard avait décidé d’élire domicile dans son jardin. Les kitsune sont souvent rattachés à un élément qui est la source de leur pouvoir. Ce peut-être le feu, la terre, l’eau ou, dans le cas présent, la musique. J’imagine qu’il y a un lien entre les deux. Malheureusement je n’ai pas assez d’explications pour étendre cette théorie. »
« C’est tout à fait plausible. » annonça d’un coup Murasaki. « Ma grand-mère m’a raconté que Kurenaï s’est suicidé après que son koto ait disparu. Et on m’a aussi dit qu’elle avait les renards en horreur… »
Naru leva les yeux de sa tasse, surpris.
« Vraiment ? »
« Oui. D’après ce que j’ai compris, elle a fait une chose qu’une geisha décente n’aurait pas du faire. »
xXx
Finalement, la rokuro-kubi, lassée d’entendre les jérémiades du moine et désirant ne pas réveiller Mai, Masako et Ayako, profondément endormies en position assise, décida de faire un petit tour. Mais bon, il n’y avait presque plus d’humains ici. Ce n’était pas amusant.
En chemin, elle croisa l’étranger blond. Elle ne l’aimait pas. Quelque chose en lui, lui déplaisait fortement. Cette désagréable odeur d’encens peut-être ? Ses grands noirs virèrent au jaune et elle s’élança vers l’humain pour l’attaquer.
Sans succès. Elle était passé au travers. Il ne l’a même pas remarqué.
La silhouette de la rokuro-kubi disparut progressivement.
Les illusions ne marchaient pas sur lui.
Elle n’avait plus le choix.
Elle devait attaquer de front avant que cet étranger blond ne deviennent trop dangereux.
xXx
« Maiko ! »
Mai ouvrit soudainement les yeux. Elle n’était plus dans la chambre.
Il y avait un grand renard blanc. Avec de nombreuses queues. Il était presque invisible dans la neige du jardin. Jardin que se trouvait être celui de Kurenaï la geisha.
« Je suis là, Maiko… »
Le grand renard blanc semblait réconforté un renard roux, un peu plus petit.
« Mère… »
Devant la terrasse en bois, il y avait une énorme flaque de sang encore luisante. Et dans cette flaque, trois petits cadavres à poil roux. Les bébés renardeaux. Et jetée au loin, la grande fourche, dont les piques étaient écarlates.
« Elle les a tué…cette sale humaine ! »
« Shhhh…calme-toi. »
Le renard roux grogna sourdement.
« Pourquoi les a-t-elle tué ?! Ils ne leur avaient rien fait ! »
Une lueur maléfique envahit le regard mordoré du renard roux.
« Moi aussi…je vais lui dérober ce à quoi elle tient le plus au monde ! »
« Maiko ! Ne fais pas ça ! »
Mais le renard s’avança vers la terrasse. Et progressivement la silhouette du canidé disparût au profit d’un corps de femme aux longs cheveux roux, complètement nue.
« Dis adieu à ton koto, sale humaine… »
xXx
D’après Shibuya-san, s’il était capable d’entendre ou de voir quelque chose, cela voulait que ce quelque chose était bien réel et non une nouvelle illusion.
Lorsque le chef de la SPR lui avait annoncé ça, Takigawa avait bien ri et lui avait dit qu’il était devenu le détecteur de vrai ou faux de l’équipe. Puis le bassiste avait beaucoup moins ri lorsque Naru lui a expliqué pourquoi lui ne pouvait distinguer le réel de l’irréel. Parce que seul les vrais religieux n’étaient pas victimes des illusions du renard. Mais le faux-moine (puisqu’il semblerait qu’il n’en était pas un vrai )s’était consolé en mettant Ayako dans le même panier.
Il n’avait pas vu le kappa, ni le nue, ni la rokuro-kubi. Par contre, il avait réellement vu un renard dans le jardinet. Et la bestiole semblait sacrément remontée contre lui.
John s’arrêta au milieu du couloir et soupira. Le voilà condamné à errer dans toutes l’auberge à la recherche d’un renard. Ça ne lui plaisait guère.
Surtout que lorsqu’il avait croisé Lin dans le couloir, le chinois était soudain devenu tout pâle et avait failli déchaîner tous ses shiki. D’après ce qu’il avait compris, il était entouré de yôkai de toutes sortes. Genre un nekomata, une yuki-onna, un tanuki et un énorme dragon à huit tête.
John ne savait pas ce qu’était un nekomata, une yuki-onna ou un tanuki. mais il avait bien compris que le kitsune lui en voulait méchamment pour le « harceler » de la sorte même s’il ne voyait rien…
Alors qu’il s’apprêtait à s’en aller pou rejoindre les autres à la base, un petit bruit attira son attention. Il se tint debout, écoutant attentivement.
Et soudain une cascade notes jaillirent d’un coup au beau milieu du couloir. John se raidit : cette fois c’était bien réel !
Il se précipita en direction de la source de la musique. Il traversa plusieurs couloirs en courant comme une fou, s’attirant ainsi quelques regards curieux de la part des servantes qu’il croisa.
Elles n’entendaient pas la musique.
Mais pour lui, la musique se fit de plus en plus forte.
« Ici. »
Il fit coulisser la porte et entra prudemment, tout en parcourant la pièce, un petit salon, du regard. La porte se claqua d’un coup sec. Le prêtre sursauta et se précipita vers l’entrée : la porte était bloquée !
« Toi. »
John se figea. D’où venait cette voix grave de femme ? Il n’y avait personne quand il était rentré. Il se retourna doucement et tomba face à face avec une grande femme aux longs cheveux roux. Cette dernière lui saisit le menton de sa main griffue et planta ses yeux jaunes à la pupille verticale dans ceux bleu azuré de John.
Le prêtre se dégagea d’un coup et se saisit de sa fiole contenant de l’eau bénite. Avant même que la renarde ne réagisse, il lança la bouteille.
Sauf que celle-ci explosa avant qu’elle n’atteigne sa cible.
La renarde eut un ricanement et dévoila une grosse rangée de crocs tandis que ses oreilles pointues se rabattaient en arrière. D’une seule main, elle saisit la gorge de John avec vélocité.
« Pauvre humain…mais que croyais-tu donc ? » grogna-t-elle avec une voix sourde.
John tenta de desserrer la prise en agrippant ses deux mains sur le poignet de la renarde. Elle eût un rire amusé qui ressemblait plus à un aboiement qu’autre chose.
« Laisse-moi juste emprunter ton corps, humain. »
xXx
Mai fit coulisser la porte avec violence et déboula dans la base.
« Naru ! Le nom ! J‘ai le nom du kitsune. »
Malheureusement, Naru n’était pas là et seul le vide accueillit ses bonnes paroles. Mai fit la moue, s’affala dans un des fauteuils et tâcha de reprendre son souffle. Si elle avait su qu’il n’y avait personne, elle n’aurait pas autant couru…
Elle repensa à son rêve.
Maiko : l’enfant de la danse.
Elle avait le nom de la renarde. Maintenant, elle comprenait mieux pourquoi le yôkai l’avait autant menacé dans son précédent rêve. Elle avait sûrement dû prévoir qu’un moment ou un autre que son nom parviendrait à Mai par le biais de ses souvenirs. Et si Naru disait vrai à propos de l’efficacité du nom, le kitsune avait de quoi s’inquiéter…
Mai se mit à ricaner toute seule. Et si le kitsune se comportait comme un bon chien-chien docile et répondait au « Assis ! » et au « Coucher ! » ? Elle pourrait l’adopter ; au moins son appartement paraîtrait moins vide.
Des bruits de pas la sortirent de sa rêverie.
« Ah John ! Rien de spécial à signaler ? »
« Non. Tout est normal. »
Mai s’enfonça un peu plus dans son fauteuil et fit balancer ses jambes en l’air. Oui, ce serait marrant d’avoir un kitsune domestique ! Sous sa forme de canidé, il serait à câliner et sous sa forme humaine, elle serait presque la grande sœur ou la mère qu’elle n’avait jamais eu. Mai se mit à sourire bêtement. Ce serait vraiment bien.
xXx
Lorsque le teint de Masako vira au blanc, Naru ne s’inquiéta pas plus que ça. Après tout, c’était assez fréquent de la voir pâlir d’un coup sous l’effet d’un quelconque phénomène.
Lorsqu’il entendit Ayako ordonner à personne d’approcher, il décida tout de même de jeter un coup sur ce qui se passait.
Lorsqu’il vit Bô-san accroupi devant une petite sphère orange, irisée et brillante, il jubila intérieurement. Il avait enfin un résidus de possession…en sa possession.
Mais lorsqu’il vit Lin se précipiter dans le couloir, après que Masako lui ait murmuré quelque chose, en criant qu’il fallait absolument attraper John… Naru se dit que ce kitsune était franchement pénible de posséder la personne la plus à même de l’exorciser et saisit la petite sphère avant de suivre Lin en courant.
xXx
Trop occupée à imager des scénarios familiaux avec son peut-être futur renard domestique, Mai n’avait même pas remarqué le comportement étrange de John.
A travers son corps, le renard jetait des regards furtifs dans toute la pièce, un peu effrayé par toutes ces machines grises mais en même temps un peu curieux.
C’était incroyable comment les hommes évoluaient en si peu de temps.
Par contre, il n’y a des choses qui ne changeaient pas. Avisant le couteau aiguisé posé à côté de la corbeille à fruits, le kitsune ricana : c’était toujours aussi facile de posséder un humain et d’en tuer un autre à l’arme blanche.
« Qu’est-ce qui te fait rire, John ? » demanda innocemment Mai, se redressant de son fauteuil.
« Oh ! Trois fois rien. » répondit le renard tout en attrapant le couteau et examinant le reflet que lui renvoyait la lame métallique.
« Vraiment ? C’avait pourtant l’air de sacrément t’amuser. » répondit la future victime, boudeuse.
John se retourna pour faire face à Mai et eut un rictus haineux, tout en jouant avec le couteau. Mai cligna des yeux deux ou trois fois et prit soudain une mine horrifiée.
Depuis quand John avait-il les yeux jaunes avec une pupille fendue ? Depuis quand un prêtre catholique s’amusait-il avec un couteau en ayant un air aussi sadique ?
Le kitsune avait possédé John ?!
Mai déglutit péniblement et tenta d’exécuter les neuf sceaux qui lui avait appris Ayako. Mais ça ou rien, on n’aurait pas vu pas la différence : le kitsune se contentait de sourire méchamment tandis que l’attaque de Mai ricochait lamentablement contre une sorte de mur invisible.
Lassé, John s’approcha de Mai, couteau en main.
« Je pensais pourtant t’avoir prévenu, Taniyama Mai…de ne pas toucher à mes souvenirs. »
Les images du renard blanc consolant le renard roux revinrent subitement en mémoire à Mai.
« Ce que vous a fait Kurenaï…était vraiment horrible. » murmura-t-elle, ne trouvant rien d’autre à dire.
Les pupilles déjà fendues, se rétrécirent en une minuscule ligne verticale.
« Vraiment ? » siffla le renard. « Et comment peux-tu imaginer une seule seconde ce que je ressens ? »
« Parce que moi aussi…on m’a retiré ce que j’avais de plus cher. » La gorge de Mai se serra. « Ma mère. Mon père. On me les a pris. »
Le visage de John, crispé par la haine, sembla s’adoucir un court instant.
« Kitsune-san.. » commença tout doucement Mai, sans utiliser le prénom. « Kitsune-san, si vous faîtes fuir tous ces gens…c’est pour vos enfants, n’est-ce pas ? Vous voulez qu’ils reposent en paix loin des humains qui les ont tués. »
Pour toute réponse, Mai entendit un curieux grognement. Elle prit ça pour un oui de la part du renard.
« Si vous voulez, kitsune-san, je peux leur expliquer pourquoi. J’essaierai de leur faire comprendre. Et on vous laissera en paix. »
Le renard fut tiraillé par un dilemme de taille : tuer cette fille et faire fuir les autres ou bien…essayer de lui faire confiance ?
John secoua sa tête. Non, non ! Les humains ont toujours été méchants et haineux envers ceux de son espèce. Mais cette fille…cette fille semblait ressentir et comprendre sa douleur. Un don d’empathie peut-être ? Quelque part, à l’intérieur d’elle-même, Maiko ressentait un peu de soulagement et joie.
Finalement, John baissa le couteau et Mai lui sourit gentiment. Un sourire qui illuminait le cœur noir et rongé par la haine de la renarde…
Mais il ne passa même pas quelques minutes avant le reste de la SPR ne déboule en trombe dans la base.
« MAI ! Éloigne-toi de lui ! Il est possédé par le renard ! »
John fléchit les jambes en grognant sourdement prêt à attaquer alors que Lin se précipitait pour l’immobiliser. Sentant venir le chinois, John voulut lancer le couteau sur Lin, sous les yeux horrifiés du reste de la SPR.
Et ce fut à ce moment-là que l’improbable se produisit.
« MAIKO ! ASSIS ! »
Voyant venir le drame, Mai avait hurlé de toutes ses forces, priant pour que l’effet du nom fonctionne.
Et John, en bon kitsune obéissant, s’assit aussitôt sur le plancher vernis et Lin, pris dans son élan, faillit s’étaler sur le sol.
Il y eut un moment de silence terrible, où tout le monde fixait John et Mai, tour à tour. Toujours par terre, le prêtre lançait des regards mauvais avec ses yeux jaunes.
Mai, finalement, posa ses mains sur ses hanches et regarda le kitsune dans les yeux.
« Maiko. Quitte ce corps, s’il te plaît. C’est vraiment trop flippant de voir John agir comme ça. »
Le renard fronça ses sourcils et se leva, résigné.
« D’accord. »
Une lumière orange émana du corps de John et s’évapora dans l’air.
Les iris de John retrouvèrent leur couleur bleue initiale et Bô-san rattrapa le prêtre avant que celui-ci ne tombe totalement dans les pommes.
« J’ai mal à la tête. » fit-il en passant sa main sur ses tempes.
Ayako le regarda avec un air suspicieux.
« C’est vraiment lui, cette fois ? »
« Oui. » coupa Naru. « Regardez là-bas. »
Réfugiée sous un meuble, la renarde les fixait intensément de ses grands yeux jaunes. Mai s’approcha et tendit sa main à la bestiole en souriant gentiment. Le canidé la renifla légèrement et daigna sortir de sa cachette. Seulement, il resta fourré entre les jambes de Mai, méfiant.
« Mai. Dis-lui de prendre forme humaine pour qu’il s’explique. »
« Pour qu’elle s’explique. » corrigea Mai. « Tu veux bien, Maiko ? »
Le renard s’avança tout doucement et prit peu à peu forme humaine : une grande femme aux cheveux roux habillé d’un somptueux kimono rouge. Seuls ses yeux jaune fauve et ses oreilles animales qui dépassaient de sa chevelure indiquaient qu’il s’agissait là d’une créature surnaturelle.
Aussitôt, elle se tourna vers Naru, qui tenait toujours la sphère orangée.
« Rends-moi ça immédiatement, humain. »
« Après quelques explications. »
La renarde grogna sourdement mais n’ajouta rien, se contentant de dévisager Naru en plissant les yeux.
« Pourquoi hantez-vous cet endroit ? »
« Quoi ?! Hanter cet endroit ? Tu veux rire, humain ! » cria le kitsune hors d’elle. « Ceci est ma demeure ! Et je compte bien foutre dehors tous ces misérables qui viennent ici ! Depuis que cette salope d’humaine s’est donnée la mort, cette okiya est mienne ! »
« …cette salope d’humaine ? » répéta Bô-san.
« Une saleté de geisha ! » La renarde eut soudain un rictus malfaisant. « C’était à mourir de rire lorsqu’elle a vu que son si précieux koto avait disparu ! Et lorsque j’en jouais depuis le jardin, elle avait des crises de folie ! Elle criait, elle hurlait, elle jetait des objets ! C’était hilarant ! Et un jour, la pauvrette s’est pendue avec la ceinture de son kimono ! »
« Vous l’avez poussé au suicide ? »
Et là, le pur rire de sadisme de le renarde fit frissonner tout le monde et soudain ces yeux jetèrent des éclairs.
« Elle a tué mes enfants ! Elle m‘a volé ce que j‘avais de plus précieux ! Ils n‘avaient même pas encore leurs deuxièmes queues ! Cette garce méritait le même sort : je lui ai volé son koto ! »
Naru la considéra longuement, jouant avec la balle orangée, puis lui dit finalement :
« Mais vous êtes arrivée à vos fins, n’est-ce pas ? Vous avez fait payé à Kurenaï, vous l’avez amenée au désespoir et à la mort. »
Maiko acquiesça lentement, méfiante. Cet humain ne lui disait rien qui vaille.
« Pourquoi rester ici et faire fuir tous les humains alors ? »
« Je veux juste que mes enfants reposent en paix. Lorsque cette humaine au kiseru a voulu ouvrir une auberge, l’okiya tombait en ruine. J’ai eu peur que les travaux pour rénover le bâtiment… que ces humains ne déterrent les cadavres de mes enfants. » répondit-elle et ses oreilles s’affaissèrent curieusement, comme celle d’un chien battu.
« Kitsune-san… quand sont nés vos enfants ? »
Les oreilles rousses se redressèrent aussitôt par surprise.
« Durant l’ère Edo.»
« Vous rendez-vous compte combien d’années se sont écoulées depuis leurs morts ? »
La renarde ne répondit rien.
« Plus de trois cents ans. Il n’y a plus de cadavres ici depuis bien longtemps et vos enfants reposent sûrement en paix. Mais si vous continuez à vous agiter pour eux, c’est vous qui risquerez de perturber leur repos. »
Les mains du yôkai se mirent à trembler violemment.
« Tr…trois cents ans ? Je…tant que ça !? Ce n’est pas possible ! Je me souviens encore.. C’est toujours aussi net dans ma mémoire ! Je revois la fourche et…tout le sang sur la neige ! Cette garce qui jubilait ! Je me souviens encore de son visage tout bleu lorsqu’elle s’est pendue ! C’est impossible qu’autant de temps soit passé ! »
Soudain, une main réconfortante se posa sur son épaule et la renarde vit le sourire mélancolique de Mai.
« Tu sais…moi aussi je me souviens encore parfaitement de ma mère. Et pourtant ça fait plus de dix ans qu’elle est morte. Je peux te dire qu’elle était brune et très bouclée. Elle mettait toujours du mascara noir et de l’ombre à paupière marron… Et elle adorait mettre des vêtements bleus… »
La renarde la regarda avec des grands yeux mouillés puis elle se jeta sur Mai en criant un « Taniyama-sama ! » éploré et frotta vivement sa tête et ses oreilles contre sa poitrine…comme un chien qui veut un câlin.
Tout le monde regarda la scène, médusés.
Finalement, elle se décrocha de Mai et vint s’incliner devant John.
« Je suis vraiment désolée. Je n’aurais pas du emprunter un corps sans permission. »
John ne répondit rien, trop surpris d’un tel retournement de caractère.
Et se tournant vers le reste de la troupe.
« Pardon de vous avoir fait peur avec tous ces yôkai. »
La plupart acquiescèrent rapidement en disant que non, non, ce n’était pas si grave. Sauf Bô-san bien sûr qui avait toujours son mot à dire et qui maugréa quelque chose d’inaudible. Le problème, c’est que les renards ont l’ouïe beaucoup plus développée que l’oreille humaine…
« Un problème, le bonze ? » feula-t-elle, soudain redevenue menaçante, les griffes près du cou de sa future victime.
Tout le monde s’écarta rapidement.
« Non, non… »
Maiko consentit à le relâcher.
« Très bien alors ! » fit-elle avec un grand sourire.
Derrière, Masako marmonnait quelques paroles à propos de « personnalité double » ou encore de « schizophrénie avancée ».
Finalement, tout s’arrangeait…
« Ah ! J’ai oublié quelque chose ! » s’exclama soudain la renarde.
Elle sortit une affreuse chose rousse de nulle part et le tendit à Ayako.
« Désolée. Je me suis rendue compte qu’après que c’était du synthétique.»
…ou presque.
fic,
ghost hunt