Parce que c'est le White Day, parce que c'est Tidoo's day, parce que je suis de bonne humeur (dites merci aux immondes gélules qui filent le tournis) et parce que j'ai rien glandé au bureau cette semaine, voilà le début du tome 18 de FMP ! C'est la fête les jeunes alors profitez-en !!
***
Prologue
Le soleil brillait à travers le petit velux du plafond.
Assise dans une vieille voiture dans un coin du garage, une fille regardait trois portables, chacun affichant des listes de chiffres les uns derrière les autres. Pour pouvoir tous les voir, il fallait obligatoirement trois écrans et elle commençait à trouver agaçant de devoir constamment passé d’un ordinateur à l’autre pour avancer.
Elle devrait trouver une autre solution, plus simple parce qu’elle n’avait aucune idée de combien de temps elle allait encore travailler de la sorte avant de pouvoir réellement commencer.
A l’intérieur du garage, un peu plus loin, se tenait une pitoyable machine, les restes d’un AS qui avait été abandonné.
Il n’avait ni bras ni jambe, même pas d’armure protectrice. Et avec seulement un minuscule morceau de tête, il ne pouvait même pas avoir de capteur pour permettre à sa mitraillette de tirer.
Au départ, il fonctionnait avec une batterie nucléaire à basse température appelée réacteur à Palladium, mais maintenant l’emplacement était vide.
L’écran continuait de déverser son flot d’informations.
La jeune fille absorbait avidement les renseignements au fur et à mesure, tapotant sur son clavier en même temps. Elle utilisait un langage de programmation appelé Bada pour envoyer les instructions nécessaires.
Efficacement, précisément.
Pour quelqu’un qui le comprenait, ce langage était nettement plus efficace que les autres. Une seule ligne de commande équivalait à une centaines de lignes pour les langages traditionnels.
S’énervant sur les touches, elle semblait discuter avec quelqu’un.
- Bonjour, tu as l’air déjà mort.
- Tu t’aies déjà senti complètement battu. Tout doit se finir, les lumières s’éteignent et tu crois que tu aies enfin libéré des combats. Non, tu ne penses pas. Pour l’instant tu es l’équivalent de la poussière et comme elle, tu ne penses à rien. Comme elle, tu n’es pas triste.
- Pourtant, ce moment de solitude obscure est sur le point de s’arrêter.
- Tout le monde te voit comme une vulgaire ruine, mais pas moi.
- L’interface que tu habitais a été détruite, mais en ce moment même, je la reconstruis.
- Ton cœur est toujours là.
- Et comme tu fonctionnes avec un circuit quantique infini, avec ces simples vestiges, je peux sentir quelque part…
L’angle de soleil à travers le vasistas avait changé.
Son cerveau manquait d’oxygène. Elle prit une profonde inspiration et déroula son épaule ankylosée.
Son cerveau manquait de sucre. Elle prit un morceau de chocolat sur le bureau et avala une gorgée de café froid.
Puis elle se remit à taper.
Une ligne après l’autre, pour se rapprocher de ‘lui’.
Le soleil du matin devint celui du soir et elle comprit qu’elle touchait enfin au but.
Une femme qui lisait dans un autre coin du garage le lui fit remarquer brièvement.
« Electricité, s’il vous plait. »
La jeune femme ferma son livre.
L’AS incomplet était connecté à un appareil électrique de la taille d’un réfrigérateur et il y avait à coté un levier planté dans le mur. Les lumières de l’atelier vibrèrent un peu alors que l’électricité arrivait dans l’unité.
« Tu as déjà fini ? demanda la brune.
- Pour l’instant, on en est au milieu des tests. Ca va me prendre encore un peu de temps.
- Vraiment ? Si tu as besoin de quoi que ce soit, dis-le.
- Bien sûr. »
Les tests prendraient la moitié de la journée.
La fille modifiait le programme, mesurait les réponses de la machine et faisait de nouveaux ajustements. Sa compagne, bien que silencieuse, fatiguait ; elle mordit pensivement dans un sandwich club après avoir fait une courte sieste, puis elle se remit au travail.
Le soleil du matin à travers les velux devint à nouveau le soleil du soir quand elle parla enfin.
« C’est fait. »
Encore un coup, elle appuya sur la dernière touche.
Il y eut un sursaut sur l’écran auquel l’appareil était branché et des lettres apparurent dans la fenêtre.
(é… é…)
La fille ne touchait pas au clavier. C’était directement la sortie de la machine sur le portable.
(é… éch… échapper… immédiatement. Je répète… recommande d’abandonner l’unité et de vous échapper immédiatement.)
… Echapper. Immédiatement. Répète… recommande d’abandonner l’unité et de vous échapper immédiatement.
(Merci, sergent. Bonne chance.)
Merci, sergent, bonne chance.
Seul le moteur et la climatisation vibrèrent dans le garage, l’écho des dernières paroles de l’unité se perdant dans toute la pièce. Il n’y avait aucun danger. C’était probablement avant que l’appareil ne perde ses fonctions, il tentait désespérément d’afficher ses dernières informations.
(…)
La fille attendit un moment. ‘Il’ avait déjà reconnu l’accident et il commençait à faire son propre compte-rendu de la situation.
(… D’où venons-nous, que sommes-nous… où allons-nous.)
Questions étranges.
D’où venons-nous, que sommes-nous… où allons-nous
Est-ce que ces données complexes étaient dues à quelque chose de précis ? Ou bien rêvait-il ?
La connexion avec le portable commença à transmettre le protocole. La liaison était complète et tous les tests avaient été faits avant même son réveil.
Il y eut un autre affichage, dans une nouvelle fenêtre et un pseudo ‘état mental' apparut dans un diagramme tri-dimensionnel en couleur.
La partie en rouge devint jaune, de violentes ondulations de pics et de creux se succédèrent avant de s’estomper petit à petit en une vaste plaine. Il passait du stade mental du combat à celui où il se tenait sur ses gardes, cherchant l’ennemi. Plus encore, il était attentif pour la suite.
Mais ce n’était pas parce qu’il se croyait entre les mains de l’ennemi.
La fille croisa les doigts, serrant ses mains l’une contre l’autre comme pour le saluer.
… Hello, Al. Ca fait un moment que je te cherche.
L’intelligence artificielle garda le silence. Il n’y eut plus aucun signal.
Un type malin, il n’allait pas se mettre à parler si facilement.
Nous sommes alliés, c’est un endroit sûr.
C’était difficile de travailler là-dessus, mais au bout d’une heure de labeur, l’IA commença à réagir.
Deux mots furent sa seule réponse.
< Au rapport.>
… Au rapport.
Derrière la fille, la jeune femme brune qui regardait par dessus son épaule esquissa un sourire.
« Quel est le problème ?
- C’est une copie conforme de son maître. »
Chapitre 1 La sorcière déchue
Le rapport préliminaire du sergent de la police municipale était toujours complètement vide.
La psychiatre Martha Witt étudia les documents encore une fois avec ses lunettes bien campées sur son nez.
Il y avait le nom du patient, ses caractéristiques physiques, son âge approximatif. Et aussi ses conditions physiologiques et les circonstances qui avaient amené la police à s’occuper d’elle.
C’était un hôpital au sud de San Francisco.
La patiente en face du docteur Martha, assise à son bureau, la regardait avec des yeux vides.
C’était une jeune fille, au milieu de son adolescence. Mais en la voyant ainsi, on aurait pu lui donner trente ou quarante ans.
Le t-shirt trop large qu’elle portait lui avait probablement été donné par les services de police. Elle avait de longs cheveux blonds cendrés emmêlés qui lui arrivaient presque à la taille et ses joues et son cou étaient encore couverts de boue.
Pour commencer, le médecin devait informer la fille qu’elle examinait de la procédure. Elle lui poserait des questions auxquelles elle devait répondre de façon intelligible. Puis le médecin lui donna son nom et sa fonction d’une voix aussi douce que possible.
- Comment tu t’appelles ?
- Teletha… Testarosa, répondit la fille
- C’est un joli nom. Enchantée de faire ta connaissance, Teletha. Quel âge as-tu ?
- … dix-sept ans
- Et où vas-tu à l’école ?
- … Je ne vais pas à l’école.
- Vraiment ? Mais avec ton physique, je suis sûre que les garçons trouvent séduisantes, non ? »
La jeune fille ne réagit pas. Ayant honte de sa propre apparence, elle ne comprit pas les implications qui se cachaient derrière le mot ‘garçons’.
« Bon et alors… il y a le problème de ta santé. Tu as été trouvée pieds nus, marchant sur l’autoroute du côté de Redwood. A trois heures du matin, toute seule.
- … oui
- Et tu te souviens de quelque chose ?
- …non
Sa réponse était relativement claire, mais le problème était que son explication était complètement différente.
- Pourquoi étais-tu là ?
- … parce que j’ai été abandonnée
- Par qui ?
- … je dirai, mes subordonnés.
- Subordonnés ?
Martha dévisagea longuement Teletha Testarosa. Evidemment, ce qu’elle racontait devait être une plaisanterie.
- Hum… tu ne vas pas à l’école, c’est ça ? Ces subordonnés, qui sont-ils ?
- Des mercenaires
- Mercenaires ?
- … des mercenaires de Mithril
- Mithril ?
- Une organisation militaire indépendante qui a pour but de tenir le terrorisme et les conflits en échec. J’étais le capitaine du Tuatha de Danaan de la flotte du Pacifique Ouest.
Teletha regarda fixement le bureau comme si ce qu’elle disait n’avait aucune importance.
- … J’ai le rang de colonel. J’avais réussi plusieurs opérations difficiles grâce à un sous-marin d’assaut, des Arms Slaves de troisième génération et tous les derniers équipements militaires.
- Hahaa… Je ne suis pas experte dans ce domaine, mais ça ressemble à des machines incroyables.
Après avoir dit ça, Martha prit quelques notes sur son bloc.
< as extrêmement rare d’hallucinations. Utilise la terminologie adéquate. Groupe de combats, amphibiens. A besoin d’examens>
Elle ne s’y connaissait pas en termes militaires techniques et elle changea de sujet.
- Tu as parlé de Tuatha de Danaan, non ? Est-ce lié à la mythologie Celte ?
- … oui. Ca vient de la déesse Dana
- Et en tant que capitaine, tu pourrais être une déesse mère ?
- … Dana est le nom de l’IA du sous-marin. C’est un système complexe qui utilise un énorme calculateur quantique.
- Vraiment ?
Martha écrivit sur son bloc ‘De quel livre de SF ?’ puis demanda :
- Et alors… si tu étais le commandant de cette organisation militaire, pourquoi est-ce que tu marchais toute seule sur cette route ? Tu as dit avoir été abandonnée par tes subordonnés…
-… oui
Teletha resta ensuite silencieuse.
La salle d’examen était plutôt sombre. Le néon au plafond clignotait et l’atmosphère humide de la nuit devenait pesante.
- Ma base a subi une offensive importante de l’ennemi.
- L’ennemi ?
- … une organisation appelée Amalgame. Face à cette attaque surpuissante, Mithril a été annihilé. Avec mes subordonnés, je me suis échappée de la base avec le sous-marin, et on a plus ou moins réussi à survivre…
Il y avait une immense douleur immanquable dans les yeux de la jeune fille. Elle devait avoir pensé à un événement vraiment pénible.
Redressant les épaules, elle trembla légèrement.
- Ca va ? Tu n’es pas obligée d’en parler si c’est trop pénible.
- Non.
Teletha déglutit lentement et soupira.
- … Le sous-marin a été fait avec les meilleurs matériaux. Bien qu’il puisse rester en mer pendant plusieurs semaines, mon vaisseau n’était pas en état de naviguer. Et bien sûr, on n’avait plus d’argent. Et donc plus de salaires pour mes subordonnés...
- …
- … dans un sous-marin en pleine mer, l’équipage peut facilement vous mettre la pression. La moitié de mes hommes commençait à se plaindre et au final, ils m’ont vendue, moi et mon vaisseau à l’ennemi.
- Ces fameux subordonnés ?
- … celui qui a organisé la mutinerie a été abattu, annonça Teletha d’un ton détaché.
- Il a été tué ?
- Oui, répondit-elle dans un murmure.
Puis après elle n’ouvrit plus la bouche, refusant de répondre aux autres questions de Martha.