Vacances, vacances, vacances !!
Pour fêter ça, tartine !
Woot! Woot!!
***
Puisqu'elles étaient devenus complètement inutiles, les fonctions du PC portable avaient été entièrement déconnectées. Pas seulement les logiciels mais également les systèmes de communications qui n’avaient pas été installés.
Ayant délibérément ouvert l’appareil, c’était la conclusion à laquelle Kaname était parvenue.
Oui, évidemment.
Sinon, en ce moment-même, elle ne serait pas en train de travailler pour Amalgame. Ils n’avaient aucune raison de lui fournir du matériel lui donnant accès à des informations importantes. Ils avaient dû imaginer qu’elle aurait indiqué sa position à quelqu’un.
Même si elle tentait de s’échapper, il y avait ces Arastols qui patrouillaient autour de la maison, donc elle n’aurait pas une chance de pouvoir s’enfuir.
Regardant les étoiles depuis la terrasse, elle avait réussi à calculer sa latitude grâce à la trigonométrie. Quinze degrés et quarante minutes nord.
Et il y avait également des indications par rapport à ce qu’elle connaissait du monde. La côte correspondait à cette latitude. Mais elle pouvait être aussi bien en Indonésie, sur la péninsule arabique ou dans l’extrême sud du Mexique, encore que c’était très probablement le Mexique.
Elle savait donc où elle était et même si elle n’avait aucun moyen de s’échapper, elle avait tout de même l’impression d’avoir progressé.
Avec cette idée en tête, elle se mit à faire des recherches. Pourquoi était simplement logée tranquillement ici ?
Kaname se promena dans les environs et tenta d’observer méticuleusement tout ce qui l’entourait. Il devait bien y avoir un moyen de partir. Il devait y avoir quelque chose qu’elle puisse utiliser. C’était ce qu’elle espérait du moins.
Mais et après ? Une fois évadée, où irait-elle ?
Ces questions-là aussi restaient en permanence dans sa tête. Et oui, mais après avoir quitté les lieux, il n’y avait nulle part où elle pouvait aller.
Mais quand ce genre de pensées devenaient trop oppressantes, elle secouait la tête et se dirigeait vers la piscine. Elle se changeait et plongeait, nageant une dizaine d’aller-retour et quelque part, elle se sentait mieux.
Le personnel de la villa remarqua le change d’attitude de Kaname, elle ne cherchait pas à s’en cacher. Peu importait la situation dans laquelle elle se trouvait, l’étau autour d’elle continuait à s’étendre.
Et puis un jour, un homme arriva à la villa. Andreï Kalinin.
Apparemment, il avait apporté un AS de troisième génération d Mithril et Leonard était en train de confirmer ce qui était à l’intérieur, puis ils commençaient à le démonter. C’était du moins ce que Kaname en voyait depuis la fenêtre.
Pourquoi était-il ici ? Les avait-il trahis ? Ou était-il un agent double ?
Cette situation fit trembler le cœur de Kaname. Elle aurait pu avoir une conversation directement avec le Russe mais elle n’en avait pas le courage. Il était là pour quelques jours mais à chaque fois qu’elle le voyait, il était occupé à donner des ordres à ses subordonnées, si bien qu’elle ne chercha pas à l’aborder.
Il avait passé en revue le système de sécurité des environs. En observant la répartition des hommes qui travaillaient dans la villa, Kaname avait conclu que c’était l’œuvre de Kalinin.
Le désastre n’allait pas tarder. Elle le sentait.
Et ses prémonitions devinrent réalité la nuit de la tempête, quelque temps après l’arrivée de Kalinin.
Le vent soufflait dehors et la pluie battait les vitres de plein fouet. Les vagues rugissant en s’écrasant sur la falaise avec un bruit de tonnerre qui résonnait dans toute sa chambre.
Kaname était couchée sur son lit en train de lire quand Leonard Testarossa entra dans la pièce.
« Qu’est-ce que tu veux ? demanda froidement Kaname. »
Si tout était normal, son attitude n’aurait éveillé qu’un sourire et un haussement d’épaules pour lui. Mais ce soir, les choses étaient différentes.
Leonard se tenait dans l’encadrement de la porte, l’air sérieux.
« Je voudrais que tu te prépares. Aujourd’hui ou demain nous quittons cet endroit.
- Pourquoi ?
- Plusieurs raisons. Les choses ont changé.
- Et ça t’ennuierait de m’expliquer la situation ? »
Leonard garda le silence. Il ne lui révélait jamais ses intentions. Cette fois n’était pas différente. Il se contentait de se tenir là, sans rien dire, le regard fixe comme s’il réfléchissait.
« Alors c’est comme ça, dit Kaname en repliant les jambes sur son lit, si tu n’es pas d’humeur à bavarder, très bien. C’est bien ton style de me traiter comme une poupée perdue au milieu d’une île déserte. Enfin, je suppose que vu les circonstances, c’était à prévoir.
- Ce n’est pas ça. Je pense juste que te dire des choses qui ne sont pas nécessaires peuvent t’apporter pas mal d’ennuis ici et là.
- Donc tu me prends bien pour une poupée. »
Sa voix devenait légèrement plus incisive et naturelle. Lentement, un sentiment proche de l’irritation se réveilla en elle.
« Je ne suis pas aussi insensible que Tessa, tu sais. Peu importe que tu sois supérieur ou riche ou séduisant, avec un tel comportement, tu te discrédites complètement.
- Ma sœur est pareille.
- C’est vrai. Mais ce que je veux dire, c’est que je ne suis plus la même fille qu’avant. Maintenant, je vais te tenir tête. C’est pour ça que je te parle comme ça. Tu comprends j’espère ? »
Il ne chercha pas à nier ni à confirmer.
« Tu ne peux pas répondre, hein ? Je n’ai pensé à tout ça que très récemment mais ce pourrait-il que tu ne sois qu’un monstrueux trouillard ? »
Après un moment, il finit par murmurer, plus pour lui-même :
« C’est ça, tu as raison. »
Il la regarda avec un visage contrit, comme s’il se décidait enfin à lever le drapeau blanc.
Mais elle n’avait pas pitié de lui.
« Est-ce que tu penses vraiment que parce que tu dis ‘je comprends’ tu as l’air cool ? Si ton adversaire était loin de toi, ok, ça irait, mais je suis juste en face de toi. Donc tu pourrais faire un effort ?
- Même si je t’expliquais, ton attitude ne changerait pas, il me semble.
- T’as pas l’air de comprendre, répliqua-t-elle avec ironie. »
Elle était aussi désagréable que possible, haineuse et agressive.
« Tu prévois de me faire souffrir ? Tu veux que je me taise, embarque mes affaires et en plus que je souris ? Et un beau jour, comme ça, je me rends ? Et ben figure-toi que je ne suis pas surhumaine donc c’est pas vraiment possible. Mais quand bien même, si c’était le cas, est-ce que tu serais content ?
- …
- Tu sais, dans la classe à côté de la mienne, il y a un type vraiment répugnant. Il faisait dans les cent kilos, jurait en permanence et regardait les filles avec un air de pervers. On pourrait dire qu’il ressemblait à un satyre avec ses bouquins vulgaires sur le bondage et les lolicons, en plus il passait son temps à en parler. Encore que je ne sais pas jusqu’à quel point ce qu’il disait était vrai. Enfin bref, ce type c’était le genre de mec qu’on arrive jamais vraiment à cerner… d’où la question, entre ce mec répugnant et toi, à ton avis, avec lequel je préfèrerais sortir si je devais choisir ? »
Il ne répondit pas. Il se contentait d’être là, immobile et placide.
« Tu m’écoutes ? Auquel tu penses .
- Ne pose pas des questions d’aussi mauvais goût.
- Réponds-moi.
- Arrête avec tes idioties. Tu ne peux pas parler d’autre chose ?
- Tu ne sais pas, dit-elle simplement, et bien écoute, tu vas être surpris. Je suis sérieuse. J’ai réfléchi à cette question tous les jours, mais tu ne peux pas comprendre. En gros, la différence entre ce porc et toi, en dehors de l’apparence séduisante ou pataude, il n’y a rien. C’est pour moi la pure vérité. Ce que tu fais, c’est répugnant. Quand Sosuke est rentré dans ma vie, il était lui-aussi relativement dérangé. Mais pas comme toi. Il ne riait presque jamais. Peu importait ce qui arrivait, il combattait de front. Alors que toi, avec ton air supérieur, tu n’es même pas capable de me regarder en face. C’est vrai… il était toujours sérieux.
- Est-ce qu’on pourrait arrêter là ? demanda-t-il la voix cassante malgré son approche lente et mesurée, je suis toujours sérieux.
- Tu n’en as pas l’air. Tu m’as dit que tu m’aimais, non ? C’était vraiment sincère ?
- Oui.
- Pourquoi ? Qu’est-ce qui te plait chez moi ? Est-ce que tu peux m’expliquer ça simplement ?
- Je te l’ai déjà dit.
- Sur le toit du love hôtel ? Non, je ne veux pas de ce genre d’explication. Au final, tu ne comprends vraiment rien à ce qu’est l’amour. C’est sans doute pour ça que Tessa a choisi une autre voie. »
Leonard serra les poings dans ses poches mais Kaname ne remarqua pas son changement d’humeur.
« Tu te caches derrière tes bonnes manières et ton sarcasme pour ne pas ouvrir ton cœur. Tu ne considères les filles que comme des objets. Est-ce que ce genre de choses existe encore ? Tu n’as pas reçu assez d’amour de parents ou quoi ? »
Brusquement Leonard lui attrapa les épaules et la bascula sur le lit.
Avec son corps fin et délicat elle n’était pas capable de lui opposer la moindre résistance, surtout qu’il était plus fort qu’il en avait l’air.
« Et bien, laisse-moi te montrer alors. Regarde-moi dans les yeux.
- Qu’est-ce que tu…
- Regarde. »
Son visage s’invita dans son champ de vision.
Au milieu de ses pupilles grises, là où aucune lumière ne pouvait être perçut, quelque chose s’immisça jusqu’à son cœur.
Un flot d’images.
La Résonance.
« … ! »
Comme frappée par la foudre, Kaname se cambra. Ça n’avait rien à voir avec les autres expériences qu’elle avait eues, c’était bien plus violent, plus intense et plus sombre.
-oOo-
Kaname était au milieu d’un incendie.
Le couloir brûlait. La fumée s’engouffrait et une odeur acre lui irritait le nez. Les flammes étaient grises. Une petite fille pleurait. Des coups de feu intermittents résonnaient et le bruit des cris lui percuta les tympans.
La maison était attaquée.
Un homme parla fort.
Emmène ces deux-là au sol-sol.
Une femme sursauta et cria.
C’est pas la peine, ils vont nous trouver en un rien de temps.
- Jerry va arriver pour nous aider. Si on arrive à tenir en dix minutes de plus… vas-y Maria. Je vais tenir l’ennemi du côté sud.
- Attends Carl. Reste avec moi.
- Je ne peux pas. Vas-y.
- S’il te plait.
Mais l’homme continua son chemin. La femme tenait contre elle ses deux enfants et murmura d’un ton non agressif :
C’est toujours comme ça. C’est à cause de ça que je…
Avec d’autres hommes.
Soudain la scène devint écœurante. Elle était là, au lit, en charmante compagnie. Il y avait cette horrible voix comme étouffée.
Cet homme allait en mer pour accomplir sa mission et cette femme coulait.
Aux yeux du monde, elle était une épouse modèle, mais elle trompait les autres.
Et il le savait. Il l’avait toujours vu.
Les coups de feu se rapprochèrent.
La femme commença à paniquer, elle toussa à cause de la fumée et quand elle parlait à ses enfants en courant vers le sous-sol. Elle descendit l’escalier vers la remise pleine d’outils et de matériel de jardinage.
Les tirs étaient au rez-de-chaussée. Le bruit de quelqu’un qui s’effondre. Des inconnus descendaient les marches. Les pas monstrueux se rapprochaient.
La femme, la mère parla à ses enfants.
Cachez-vous.
Elle poussa le petite fille en pleurs à l’intérieur d’une boite en bois et plaça par dessus une vieille couverture. Les bruits de pas étaient vraiment tout près. L’enfant restant, le garçon, ce n’était plus possible de le cacher.
Les regards de la mère et du fils se croisèrent.
L’expression atroce de cette femme, jamais Kaname ne pourrait l’oublier.
Patience, hésitation et une haine inexplicable.
Cet enfant sait que je suis infidèle. Il est toujours en train de me le reprocher. Il me prend pour une traînée. Avec son intelligence supérieur, il me prend de haut.
Mère ?
L’enfant appela mais la mère ne répondit pas.
C’était une belle femme. L’air calme, regardant son propre fils droit dans les yeux, sincère et sans artifice. Perdue dans ses contradictions.
C’était plutôt le contraire. Elle ne le voyait qu’avec ses yeux à elle.
Ce fut pour cela que sa décision fut finale, comme si le destin la rendait folle.
Les hommes arrivèrent avec leurs armes bien lustrées.
- Où est l’autre gamin ? demanda l’un d’entre eux.
- Chez une amie. Épargnez-moi, je vous en supplie.
La mère attrapa son fils par les épaules et le leur tendit. Comme elle sortirait son portefeuille de son sac à main face à un voleur.
Désespoir et néant.
Toutes ces émotions troublèrent Kaname avec justesse.
Et à partir, tout reprit sa place comme avant.
-oOo-
Ça avait dû durer quelques secondes, quelques minutes peut-être.
Quand Kaname retrouva ses esprits, Leonard l’avait lâchée pour aller s’installer sur une chaise dans un coin de la pièce.
« … »
Face à lui, Kaname se redressa sur son immense lit, la respiration encore laborieuse. Elle nota que son dos était trempé de sueur.
Le bruit de la pluie qui battait les vitres se répercutaient tristement dans ses oreilles.
« C’est une chose que même ma sœur ignore, murmura Leonard d’un ton absent.
- … et alors, maintenant quoi ? »
Un passé triste, des expériences difficiles. Le genre de choses pour lesquelles il est bon d’avoir un peu de soutien. Même pour Sosuke. Même pour moi.
C’était sûrement malheureux mais là maintenant, en jouant avec le destin de cette personne, il n’y avait aucune raison de sourire.
Quand Kaname comprit enfin cette idée, Leonard soupira.
« Si je racontais cette histoire avec des mots à des humains ordinaires, ils auraient tous cette même réaction. Mais tu es différente. C’est pour ça que j’ai pu te le dire de cette manière. Ça ne regarde pas les autres. »
C’était vrai. Ce n’était pas une expérience qu’il pouvait partager avec les autres. Cette douleur directe et une peine immédiate. Alors que c’était naturelle pour elle de ressentir son expérience.
Elle eut la nausée.
Toussant plusieurs fois, elle tenta de se relever, mais c’était trop tard. Les draps étaient tachés.
Pourquoi réagissait-elle ainsi ?
Quand elle était enfant, elle avait soulevé un caillou sur le bord de la rivière. Les verres de terre et les scolopendres qui se grouillaient sous la pierre en se tortillant. C’était une image dégoûtante qui lui revenait en tête précisément en cet instant.
La confiance, l’amour, l’amitié, la vertu, tous ces jolis mots n’étaient que du vent.
Les hommes étaient sales.
Tout le monde, même lui, ment.
Ou cache des choses.
C’était le seul sentiment que l’on pouvait encore avoir.
« Ce n’est pas que je veuille de ta compassion, dit doucement Leonard, et je ne veux pas non plus utiliser cette affaire pour me justifier. Je pensais et j’agissais par moi-même. Ça n’a rien à voir avec une éventuelle revanche contre ma mère.
- Alors pourquoi…
- Je t’ai ouvert mon cœur comme tu l’as dit. C’est tout.
- … »
Il se leva et s’avança droit vers elle.
« Tuer et être tué est ce qu’il y a de pire. Il y a aussi quantité de choses qui semblent pire dans le monde. Être trahi par son partenaire ou sa famille, se faire éconduire, c’est bien pire que mourir. D’une certaine manière, mon père était tranquille puisqu’il n’avait aucune idée de ce qu’il se passait derrière son dos. C’était un soldat exemplaire, un parfait officier, un merveilleux mari, un père adorable. Il croyait en la pureté de sa famille et il est mort en les protégeant. C’est même plus que des qualités, c’est de l’héroïsme.
- C’est…
- Enfin bref, si tu considères que je souris pour un rien, c’est peut-être à cause de ça. Les amateurs du romantisme sont insouciants. C’est peut-être simplement pour ça…
- Mais je ne comprends pas, dit Kaname, son habituelle agressivité envers lui déjà oubliée, si tu es comme ça, pourquoi moi ?
- Mmm, je me demande aussi. »
Il répondit sans la regarder et sortit de la pièce. Puis il finit par ajouter :
« Quoi qu’il en soit, j’espère que tu te prépares vite. Il y a quelque chose que je voudrais te montrer… »
Les vitres et les meubles vibrèrent mais cette fois, ce n’était pas dû à l’orage.
Il y eut une explosion au loin.
-oOo-
Sosuke réussit à se rapprocher à dix kilomètres sans problème.
Passant son M6A3 en mode furtif, il continua sa route vers l’objectif et comme prévu, il rencontra le système de surveillance de l’ennemi.
Radar anti-ECS, capteurs infrarouge, capteurs de pression et même un vulgaire câble pour détecter les mouvements. Avec l’équipement du M6 il put de justesse éviter tout cet arsenal et à cause du radar anti-ECS, il dut faire un long détour.
Mais au final il n’était plus qu’à deux kilomètres de la maison.
Juste quand il pensait être libéré du système de protection, il entendit une énorme explosion.
« … ? »
C’était assez loin. Environ quatre kilomètres au nord-est.
Sosuke s’arrêta au beau milieu de la jungle et sortit son périscope, présent dans le bras gauche de son appareil et il étendit le capteur en direction de l’explosion habilement.
Malgré le ciel couvert, la pluie et le vent, la source de chaleur était clairement visible.
C’était sûrement un hélicoptère ou un avion qui s’était fait descendre par le système de protection antiaérien.
Ça ne peut pas être Limon ?
Après une seconde d’hésitation, il utilisa sa radio pour joindre ses alliés. La voix détendue de Michel Limon lui répondit et l’informa qu’ils attendaient toujours à l’endroit convenu.
« Le bruit d’une explosion ? Qu’est-ce que ça veut dire ?
- Je ne sais pas. Je vais voir. »
Puisque celui qui s’était pas touché n’était pas Limon et son groupe, alors à qui avait-il à faire ?
Avec le périscope…
A l’aide seulement du ce petit capteur prévu pour les courtes distances dans le combat urbain, il n’allait obtenir beaucoup d’informations. En plus, avec l’orage, la visibilité était épouvantable.
Pourtant, près de là où la première explosion avait eu lieu, il perçut un mouvement. Cette fois, c’était au sol. Les arbres étaient bousculés.
Les canons antiaériens du système de défense étaient détruits et c’était certainement l’œuvre de l’AS qui avait atterri depuis l’appareil touché.
« Une bataille commence.
- Quoi ? Mais qui ? »
Des coups de feu retentirent. Il y avait quelque chose qui s’avançait dans la jungle et sautait par dessus le feuillage. Un AS.
Avec des mouvements de combats.
Restant en l’air un court instant, il disparut immédiatement de son champ de vision.
« C’est un M9. »
Sosuke n’eut aucun mal à reconnaître l’appareil à partir des données que son capteur avait récupérées.
Il n’y avait pas d’erreur possible. C’était la silhouette longiligne d’une M9 Gernsback. Et que ce M9 se trouve dans un endroit pareil soulevait d’autre questions. A qui appartenait-il ? Pour qui se battait-il ?
« Les forces restantes de Mithril passent à l’attaque ? demanda Limon par radio. »
De ce qu’il en savait, seul Mithril utilisait les M9 en combat réel.
« Je ne sais pas, mais c’est peu probable.
- Pourquoi ?
- Mon M6 a pu arriver sans se faire voir mais avec les capacités d’un AS supérieur, une meilleure approche, bien plus discrète, est possible. Qui que ce soit, je ne pense pas que les Mithril commette une grossière erreur pareille. »
En plus, ce M9 était légèrement différent du modèle spécifique de Mithril. Le capteur sur la tête ou la forme de l’armure au niveau des épaules n’étaient pas les mêmes. Et l’épaisseur globale de l’armure était plus importante que celle des M9 qu’il connaissait.
Puis il y eut d’autres mouvements. D’après les caractéristiques de cette unité, ces déplacements n’étaient pas très intelligents.
« Alors…
- Probablement l’armée américaine, interrompit une autre voix à côté de Limon ; c’était le colonel Roy Seals, celui qui avait apporté le M6A3. C’est ces gars de l’armée. Le groupe d’assaut de la Delta Force, ils utilisent déjà des M9. Mais évidemment, l’info n’a pas été rendue publique.
- Qu’est-ce que vous dites ? Mais alors qu’ils font là ?
- Maintenant nous sommes sûrs de l’endroit et nos collègues ne savent pas qu’on est là ni pourquoi. C’est vraiment n’importe quoi… »
Seals était chauvin et sa voix trahissait ses émotions, mais il n’impressionna pas Limon et ses acolytes. Pour eux qui agissaient seuls, c’était plutôt étrange d’imaginer l’armée américaine lancer une attaque contre Amalgame à cet endroit.
Amalgame avait la capacité de se débarrasser des forces militaires via sa puissance au sein du monde politique. Leurs buts et leurs opérations n’étaient jamais très clairs.
« Leurs motivations sont trop nombreuses pour être expliquées. Sosuke, suspendons l’opération, j’ai un mauvais pressentiment.
- Ouais mais… »
Limon avait raison. En prenant un peu de recul, il était plus sensé de suspendre les choses maintenant avant de se retrouver enliser dans les problèmes et même Sosuke hésita.
« Pas de mais, OK ? Avec ce genre de pépins, les Codarls de l’ennemi vont pas tarder à débarquer. Tu peux être sûr que tu vas te faire descendre dès que sera à porter de la cible. »
A partir des nouvelles images satellites prises juste avant l’opération, il était clair que des Codarls étaient présents dans la villa. Et ce n’était plus seulement des indices indiquant leur présence mais des données sûres puisqu’après l’orage, ils avaient laissé leurs empreintes caractéristiques dans le sol entourant les bâtiments.
Il n’y avait donc pas d’autre solution que la retraite finalement.
En y pensant à tête reposée, ce serait sans doute le cas. Mais s’il abandonnait maintenant, la fille qui était probablement dans cette maison…
« Attendez. Je vais miser sur cette attaque. »
Et sans réfléchir plus loin, Sosuke trancha. Comme pendant l’incident en Corée du Nord, il ressentait ce malaise inconscient.
Mais puisqu’il était venu jusque là, il devait continuer. Le temps jouait contre lui. S’il décidait de pénétrer dans la villa, il devait faire vite.
Sosuke coupa le mode silencieux et plutôt que de garder le moteur de secours, il mit en route le moteur à explosion.
« L’ennemi va concentrer ses forces sur le groupe de M9. On doit profiter de cette opportunité.
- Reviens Sosuke ! C’est de la folie !
- T’inquiète pas. Je repartirai si ça devient trop dangereux. »
Sosuke répondit sans réfléchir à ce qu’il disait. Tout ce qu’il savait c’était qu’il avait ce drôle de sentiment à cause de ce qui l’attendait droit devant.
Tout ce qu’il entendait était le bruit de la pluie sur l’armure. Avançant laborieusement au milieu des arbres, son appareil se fraya un chemin vers la villa. Les branches et les feuilles étaient secouées sur son passage et continuaient à danser sous l’effet des vibrations de son moteur.
Faisant attention au système de surveillance de l’ennemi, il continua sa route. Leur attention était occupée ailleurs et ils ne s’occupaient pas de lui. La seule chose qui lui manquait, c’était le temps.
Chidori…
Il n’était pas sûr qu’elle soit là. Mais il devait essayer coûte que coûte. Pourquoi ? Parce qu’il sentait qu’elle n’était plus très loin. Il sentait qu’elle se rapprochait de lui, qu’elle l’attendait. Ce n’était pas parce qu’elle était une Whispered, c’était son instinct qui le lui disait. Il y avait comme un parfum dans l’air qui ne pouvait s’expliquer logiquement.
D’après sa carte, il n’était plus qu’à deux kilomètres de la villa.
De là où il était, il ne pouvait pas encore la voir à cause du relief, mais bientôt. Il prévoyait de s’infiltrer rapidement et de courir jusqu’aux abords des bâtiments. Puis il crierait son nom dans ses hauts-parleurs, il arriverait peut-être à la voir.
Elle lui ferait peut-être signe et s’il arrivait à l’attraper, ils s’enfuiraient ensemble à toute vitesse…
L’alarme se mit en route.
A huit heures, distance trois cents.
« ! »
Avec le temps de réaction du M6, il ne serait pas capable d’esquiver. Il se retourna et prit une position défensive, se préparant à l’impact.
Le choc fut violent, toute la machine trembla. Le cockpit fut secoué et les balles ricochèrent de tous côtés, atteignant l’armure au niveau des épaules sous un jet d’étincelles.
Le schéma des tirs récupéré par les capteurs thermiques était clair. Il y avait quelque chose qui se dandinait rapidement sur deux jambes.
En d’autres termes, un AS.
C’était facile à prévoir.
Sosuke pinça les lèvres et étudia les données. Si c’était un M9, il pourrait trouver facilement de quel modèle il s’agissait. Cet appareil n’avait pas d’IA très puissante pour le renseigner.
L’ennemi était un AS de troisième génération, très certainement un Codarl.
Soudain il réalisa qu’il était dans une impasse. Il ne pouvait pas continuer l’opération. Tout ce qu’il pouvait encore faire, c’était attraper ses équipements et utiliser ses compétences pour courir le vite possible.
Retrouver Kaname était hors de question.
Il serra les dents. Il regrettait mais il n’abandonnait pas.
A nouveau, le bruit d’une alarme.
Le Codarl ennemi fonçait droit sur lui. Bien qu’il n’y ait qu’un seul appareil, c’était plus que suffisant. Surtout qu’il le visait directement.
Sous le déluge, Sosuke utilisa le terrain à son avantage et esquiva de peu les tirs adverse. Les balles éclaboussaient le M6 en s’enfonçant dans la boue.
C’est pas passé loin.
Sosuke tira désespérément à l’aide de son fusil mais le Codarl se contenta de faire un pas de côté et de ‘dissiper’ les balles. L’atmosphère devant lui se tordit et la machine put arrêter les balles avant qu’elles ne le touchent. L’air vibra et le métal enveloppant les cartouches s’écrasa avant de partir en fumée.
Lambda Driver.
Cette saleté de système imprévisible. Ne connaissant que son pouvoir de destruction, il se tint là comme un idiot face à un AS ordinaire.
« Mais… »
Même s’il voulait s’enfuir, il devait encore tenter quelque chose.
Sosuke manipula doucement les commandes et déchargea une bombe fumigène et une bombe à interférence radar qu’il avait dans son dos. Il laissa la rocket partir dans le cylindre de lancement et exploser au-dessus de lui. Ainsi une lumière aveuglante ainsi qu’une fumée épaisse se répandirent dans toute la zone.
A ce moment-là, il avait perdu la trace de l’ennemi.
Sosuke se remit en mode silencieux et repartit vers le nord. Il prit en considération la distance qui le séparait de son adversaire et il réussit à gagner du terrain avant d’augmenter sa vitesse, utilisant encore une fois le relief pour se cacher et s’éclipser discrètement. Le plus difficile était…
« ! »
Il avait été trop naïf.
L’ennemi était droit devant lui. Distance trois cents.
Il avait prévu ses mouvements et avait anticipé.
Le Codarl gris tourna son œil rouge droit sur le M6 avec le canon de sa mitraillette pointé directement sur lui.
Feu.
Les balles de trente-cinq millimètres s’encastrèrent dans l’armure, touchant Sosuke de plein fouet. Mais il pouvait encore bouger et basculant son appareil, il commença ses manœuvres d’évasion. Il savait que c’était inutile mais il devait essayer de contre-attaquer.
Évidemment, il ne réussit pas à toucher son adversaire. Le champ de force le protégeait parfaitement.
Le Codarl attrapa son couteau monofilament et fit quelques pas en avant. Il prévoyait de découper directement le cockpit.
Peu importait les techniques utilisées par Sosuke, le champ de force du Lambda Driver s’étendait devant lui sans problème.
Mais l’arrière était différent.
Juste sous le nez de Sosuke, il y eut une explosion dans le dos du Codarl. Il se prit des balles de gros calibres par derrière, de la fumée s’éleva et la machine ennemie vacilla.
Ce n’était pas un coup fatal. Il tenta une évasion en sautant de côté pour trouver son agresseur.
Et là, derrière l’unité adverse, un AS seul apparut. C’était un M9 gris.
Une attaque surprise à proximité.
A l’aide de son couteau monofilament, un Crimson Edga particulièrement long, le M9 gris écrasa l’abdomen du Codarl. Un bruit assourdissant retentit et des étincelles jaillirent.
« C’est pas possible… »
Ce M9 ne pouvait être à l’armée américain. Il le connaissait bien, c’était une série E qu’il avait bien assez vue. Il n’y avait pas d’erreur possible. C’était un M9 de série E équipe d’une lame Antenne.
Une fois le bloc central détruit, le Codarl s’effondra. Sautant tranquillement par dessus la carcasse, le M9 se dirigea vers Sosuke et ouvrit ses hauts-parleurs externes.
« … Bon sang… »
C’était la voix d’une femme.
« Quel combat épouvantable. T’as tout vu comme il faut ? »
Cette voix était celle d’une femme que Sosuke connaissait très bien.
C’était Melissa Mao, elle était en vie.
« Mao.
- Sosuke, c’est toi en fin de compte. »
Le son n’était pas très bon.
« Une inter-action calme contre un Codarl, et puis ces mouvements, le canon… Je me doutais que ça pouvait être…
- Ah, tu vois ! J’te l’avais dit ! J’avais raison ! »
Une autre voix. Il devait être un peu plus à quatre-vingt mètres et son unité apparut en brandissant son fusil de sniper pour attirer l’attention.
« Kurz.
- T’es vivant, finalement. Espèce de rabat-joie ! »
C’était toujours les mêmes réflexions. Il n’y avait pas d’erreur. C’était Kurz Weber. Lui aussi était en vie.
« Mais pourquoi vous êtes là ?
- C’est la question qu’on allait te poser. Mais on a plein de trucs à se raconter. Sauf qu’on va avoir de la compagnie, murmura Mao en baissant son unité, deux Codarls à sept heures. L’attaque surprise ne va plus marcher. Plus l’instant, il n’y a que Kurz et moi, tu vas t’en sortir Sosuke ?
- Affirmatif, répondit Sosuke en vérifiant rapidement l’état de son appareil. »