[Trad] Together Make My Day part 15
« Merde ! »
Kurz se mit à jurer dans son cockpit alors que l'arme qu'il avait préparée, un petit canon mécanique lui glissait des mains.
Lui et Mao et Clouseau étaient engagés dans un combat difficile et la pression se faisait clairement sentir.
Les trois AS équipés de Lambda Driver de Folwer les attaquaient de façon continue et leurs forces étaient bien supérieures à celles des M9.
La mobilité, la puissance, mais également la coopération et les méthodes de combat étaient bien différentes de celles des Codalrs qu'ils avaient eues en face d'eux jusque-là. Ils n'arrivaient pas à réunir les conditions nécessaires à une bonne attaque et même, ils se retrouvaient presque à se faire tuer, dans une situation où la fuite était la seule échappatoire.
L'AS noir, celui de Folwer, avait un couteau monofilament dans chaque main et les provoquaient en permanence en combat rapproché.
Mais même Clouseau qui était pourtant le meilleur en mêlée était dépassé par les capacités de Folwer.
En plus d'avoir déjà perdu une main, il était face à un adversaire équipé d'un Lambda Driver et même s'il ne considérait pas Folwer comme meilleur que lui, la différence était là.
L'AS blanc était équipé de deux sulfateuses géantes et à moyenne distance, les balles pleuvaient. Malgré un armement très lourd, les mouvements de cet AS blanc étaient gracieux, comme s'il s'agissait d'une femme.
L'unité de Mao encaissait le plus gros de l'attaque et se retrouvait coincée dans l'ombre pour s'abriter. Mao tenta plusieurs coups rapprochés puisque ses talents de pilote n'avaient rien à envier à ceux de Sosuke, pour autant, elle ne parvint pas au moindre résultat. Elle n'avait aucune idée de qui était en commande de cet AS blanc, mais c'était quelqu'un de compétent.
Ensuite il y avait l'AS rouge, équipé lui d'un fusil de sniper.
Par conséquent, c'était un tireur, tout comme Kurz.
Dès leur première rencontre, l'arme de Kurz avait été touchée, finissant coupée en deux parts égales. Comme il n'avait pas cherché à se protéger, l'ennemi avait directement attaqué son fusil pour le détruire.
Si le cockpit avait été visé, ce tir l'aurait abattu, pourtant, ce n'était pas par erreur qu'il avait tiré sur son arme. Peut-être était Fowler qui leur avait ordonné de 'venir les accueillir mais sans les tuer'.
Non, il n'avait pas à se soucier de leurs intentions.
Ce type, celui dans l'AS rouge le provoquait. En voyant son fusil de sniper, et en étant lui-même tireur, il savait parfaitement à qui il avait à faire. Détruire son arme avec une telle précision, c'était une manière de le ridiculiser.
« T'es plutôt bon... »
Kurz murmura pour lui même tout en frissonnant face aux talents du pilote de l'AS rouge.
De vraies compétences.
Il n'était pas idiot. En tirant la première fois, il avait été attentif à son angle de visée et il avait bougé en conséquence. Lors d'un combat avec des AS de troisième génération qui n'utilisait que leur arme pour viser, tirer à cette distance était impossible. Sauf pour un pilote particulièrement brillant. Un pilote capable d'un tel coup, il n'y en avait que très peu dans le monde.
Non.
« Impossible...? »
Le doute s'immisça dans la tête de Kurz un instant pour disparaître sous le feu ennemi. Un tir impeccable depuis l'intérieur de la jungle, l'arme perdue au milieu des armes, des rochers et des lianes. Le fémur de l'armure de Kurz s'était pris une balle.
« Arg !'
L'IA rapporta l'étendue des dégâts. Le système de commande de la jambe gauche était sérieusement touché. La mobilité baissait. Poursuivre les manoeuvres de combat serait difficile.
Il allait se faire tuer s'il continuait ainsi.
Il ne pouvait pas utiliser son fusil par conséquent, il était condamné, réalisa-t-il en riant.
« ... »
Il se résigna et se mit en position pour recevoir le prochain coup, mais le tir suivant n'arriva jamais. Trois secondes, quatre secondes, puis dix, mais toujours pas de tir.
Encore en train de le provoquer ?
C'était ce qu'il pensait mais pourtant, quelque chose avait changé. L'ennemi se repliait. Pas seulement l'AS rouge qui avait acculé Kurz mais les deux autres également.
« ...? »
Sans faire de discours de départ, Fowler et les autres partirent rapidement, disparaissant dans les montagnes et l'obscurité de la nuit.
« Ils s'enfuient ? Mais qu'est-ce qui... demanda Clouseau par radio.
- Qu'est-ce que ça veut dire ? ajouta Mao avec un soupir soulagé.
- Je ne sais pas, mais apparemment, on a échappé de peu à la mort, répondit Kurz, dégoûté. »
La bataille de Kurz et des autres qui était devenue un combat délicat se voyait donc repousser sans explication.
-oOo-
La course de Sosuke continua à l'intérieure de la villa, mais il était toujours poursuivi et les hommes derrière lui ne semblaient pas décidés à lui offrir le moindre répit. Ils tiraient dans tous les sens, le forçant à aller dans une seule direction.
Il n'y avait aucune pitié dans les attaques de l'ennemi.
Le rythme employé pour le courser, la façon dont ils agissaient, leur sens de la coopération dans leurs mouvements, Sosuke connaissait tout cela par coeur.
Lieutenant-colonel...
Il n'y avait pas de doute possible. Ces hommes étaient sous les ordres de Kalinin.
Cet homme avait été éduqué par l'adversité des combats et ce n'était pas le genre de chef qui se contenterait d'un plan d'attaque intelligent. Quand il travaillait pour les services des opérations de Mithril, malgré le niveau des attaques surprises impliquant un matériel et des informations très sophistiqués, il choisissait toujours de se reposer une tactique solide pour ne pas se faire surprendre.
Il n'allait pas se lancer à l'improviste dans une embuscade. Son équipe avait des ordres précis, cherchant à l'empêcher d'aller vers la droite. Aucun doute possible. L'aile droite était la vraie menace.
Ils exagéraient la défense dans cette direction mais ce n'était pas pour gagner du temps. Ils adaptaient les mesures à la situation, ajustant la réponse en fonction du danger, quitte à mettre la maison en pièces.
C'était logique venant d'un tacticien comme Kalinin, mais son chef d'escadron n'avait pas compris ce que cherchait à faire son supérieur.
Dans un match de baseball, si l'équipe adverse n'anticipe pas la possibilité d'un home-run, elle perd une occasion de marquer des points en volant des bases et donc se condamne elle-même.
Mais Sosuke connaissait les techniques de Kalinin et il les comprenait.
Petit à petit, il se faisait cerner au sud de la villa. Pourtant, comme il savait ce que prévoyait Kalinin, la situation n'était pas totalement perdue. Même s'il essayait de prendre une autre direction, il serait arrêté.
Les mouvements de l'ennemi étaient clairs, Sosuke le voyait.
Le lieutenant-colonel était sérieux.
Quelle que soit la façon d'y regarder, c'était une impasse. Depuis le début des combats, l'issue était déjà définie.
Biebn sûr, la pression psychologique commençait à se faire sentir. La tentation d'une victoire facile en observant intelligemment son entourage était présente, mais il s'y refusait.
Tant que la bataille n'était pas finie et qu'il n'était pas rentré chez lui, il devait rester vigilant et prudent. Quand son moment viendrait, il pourrait gagner. Et s'il devait perdre, alors il le ferait en emportant tout ce qu'il pouvait avec lui.
C'était le genre d'homme qu'il était.
C'était du moins ainsi que Kalinin se voyait.
Essaie donc de m'arrêter.
Il n'avait même pas ressenti un semblant de pitié.
Pourquoi ?
Il ne savait pas vraiment. Son corps avait réagi immédiatement pour contre-attaquer, tirant précisément mais son esprit le trahissait, lui donnant le tournis.
Pourquoi ?
Il n'était pas ce genre d'homme. Il gardait la tête froide, il était calme et pouvait parfois sembler sans coeur, mais il ne pouvait pas penser de la sorte.
Je suis perturbé...
Cet embarras est un don du ciel. Penses-y plus tard. Maintenant, il faut combattre.
Oubliant ses sentiments, il avança en silence et ajouta quelques tirs du côté droit de l'ennemi, se déplaçant jusqu'à la pièce suivante juste avant que plusieurs grenades ne furent jetées.
Explosion.
L'impact et la fumée blanche qui s'éleva rendirent la visibilité quasi nulle.
Saisissant sa chance, Sosuke pensa à sauter par la fenêtre la plus proche. Mais si l'attaque était orchestrée par le lieutenant-colonel, alors il y aurait plusieurs personnes pour l'accueillir dehors.
Il choisit donc d'aller dans la direction opposée.
Il y avait aussi des ennemis de ce côté, mais armés de lunettes infrarouges, il put utiliser sa carabine et tirer.
Sosuke ne fut pas assez rapide pour se protéger et il fut touché par une balle adverse. Une douleur sourde se propagea dans la partie supérieure de son corps. Il avait pris du gros calibre. Les combinaisons de pilote d'AS pouvaient encaisser les balles, mais s'il avait été atteint par une cartouche de fusil, il aurait pu en mourir.
Il contre-attaqua rapidement.
Même s'il toucha sa cible, l'ennemi se retira dans un passage caché. Et ils avaient eux aussi des protections. Il entendit quelques jurons.
Où est Chidori ?
Il se mit à l'abri derrière une étagère en bois qui était tombée, changea son chargeur et surveilla prudemment son entourage.
Si elle était par là, elle devait dès à présent avoir rejoint l'héliport. Mais comment pouvait-il se sortir de ce piège et ensuite aller la retrouver alors qu'elle devait être précieusement gardée ?
Il eut un court moment d'hésitation. Puis une fois son arme rechargée, il se mit en mouvement et il ressentit tout de suite le souffle d'une immense explosion. A quelques mètres de là, les soldats ennemis avaient été anéantis.
Sosuke se retrouva à terre sous le choc de la déflagration.
« ... »
Ses oreilles sifflaient mais il se leva tout de même et épousseta son dos couvert de débris. À côté de lui, il y avait un trou immense par lequel la brise marine s'engouffrait.
Cette attaque...
Ce n'était pas lui qui était visé. La force de destruction était trop grande.
Ce n'était pas une explosion du niveau de l'infanterie mais plus quelque chose provenant d'un hélicoptère ou d'un AS. Il vit par l'ouverture du mur plusieurs appareils noircirent le ciel.
Trois unités maritimes de Behemoths qui se rapprochaient de lui avec un lance-rocket au bras qui tiraient occasionnellement.
Ils attaquaient la villa. Les deux parties étaient pourtant membres d'Amalgame. Se battaient-ils entre eux ?
Sosuke ne comprenait vraiment pas ce qu'il se passait. L'armée américaine qui combattait également un peu plus au nord, cette attaque, que se passait-il exactement ?
« ! »
Un des Behemoths tira, perçant un angle de la villa à trente mètres de là comme si elle était faite de papier.
Des gravats et des flammes s'élevèrent en direction de Sosuke.
Peu importaient les explications. Pour l'instant, il pouvait profiter de la confusion pour partir à la recherche de Kaname. Il avait ainsi réussi à percer le piège de l'ennemi et s'il arrivait rapidement à l'héliport...
-oOo-
Leonard s'effondra aux pieds de Kaname.
Son corps étendu au sol, du sang s'écoulait depuis sa tête, se répandant au milieu de l'eau de pluie jusqu'à teindre ses cheveux blonds.
« C'est... »
Tombant à genoux, Kaname qui écoutait distraitement les coups de feu au loin, jeta un oeil dégouté à Leonard qui gisait là comme s'il dormait.
La balle qu'elle avait tirée par inadvertance s'était logée profondément dans le crâne de Leonard.
Il est mort ?
En un instant, son coeur se galça. Pourtant, elle réussit à placer ses doigts tremblants sur sa nuque et elle sentit un faible battement.
Il n'était pas encore mort.
Il avait certainement été grièvement blessé mais l'angle n'était pas clair. Kananme secoua Leonard par le coude, sachant qu'elle n'obtiendrait pas de réponse, mais cherchant tout de même de l'aide quelque part.
Que devait-elle faire maintenant ? Devait-elle arrêter l'hémorragie ? Devait-elle stériliser la plaie ? Devait-elle tenter une respiration artificielle et un massage cardiaque ?
Elle n'en avait aucune idée.
Face à un AS ou n'importe quelle autre arme, système de communication ou intelligence artificielle, elle savait quoi faire, mais là, elle n'arrivait pas à réfléchir à comment agir face à une urgence médicale.
Malgré ses connaissances hors du commun, elle était incapable de faire quoi que ce soit.
Non...
Kaname réfléchit.
En premier lieu, pourquoi devrait-elle le soigner ? Le plan n'était-il pas qu'elle lui tire dessus et qu'elle s'enfuit ?
Les gardes qui avaient senti qu'il y avait eu un problème sortirent de l'hélicoptère et se dirigèrent vers elle.
Je dois partir... maintenant.
C'était à ça qu'elle pensait. À la distance entre l'héliport et elle. Si elle courait maintenant, le garde n'aurait pas une chance.
« Attendez ! cria un des gardes. »
Kaname changea d'avis. Foncer vers la villa et courir droit devant elle. Et ensuite hurler aussi fort qu'elle pouvait : 'Sosuke !'. Si elle faisait ça, il...
Mais ses pieds refusèrent de bouger.
Ni dans un sens, ni dans l'autre. Ses sandales semblaient collées au sol et elle ne pouvait faire un pas.
« ... »
Elle regarda brièvement Leonard qui était toujours au sol. Son sang continuant de couler, il était allongé sous la pluie.
Il avait les yeux entr'ouverts, comme s'il regardait Kaname qui se tenait là, sous le choc. Pourquoi son regard était-il aussi calme et en même temps, tellement plein de pitié ?
Etait-ce à cause de la douleur ou pour autre chose ?
... tirer...
... j'ai enfreint une règle...
Le fait qu'elle ne puisse pas bouger de sa position, qu'elle reste isolée à le regarder mourir réveillait sa culpabilité à l'idée de s'enfuir.
L'hésitation dura une éternité ou quelques secondes. Mais quand elle réalisa, les gardes n'étaient plus qu'à quelques pas, leur arme braquée sur elle.
L'hésitation lui fut fatale. Elle ne pouvait rien faire pour se sauver.
« Lachez le revolver. Vite. »
Ce ne fut que quand l'homme parla qu'elle prit conscience d'avoir toujours l'arme de Leonard en main.
« Euh... »
Kaname qui avait par inadvertance tourné les épaules, se retrouva à cogner sa poitrine contre un buste imposant. Levant les yeux, elle fit face à Andreï Kalinin qui se tenait dans l'encadrement de la porte.
« Et où pensez-vous aller ?
- Je... »
Regardant aussi bien le revolver que Kaname tenait encore que le profil de Leonard, gisant au sol, il y avait quelque chose de triste devant l'indifférence du Russe. Mais ça ne dura qu'un instant. Kalinin redevint lui-même, sans expression, et il attrapa tranquillement l'arme en argent.
« Nous partons, emmenez-la. »
Le garde poussa Kaname et s'agenouilla à côté de Leonard. Il y eut un gémissement à cause de son état. Ce qu'il dit ne fut pas entendu.
« Ah... »
La pluie se transforma en déluge et le bruit monstrueux de l'hélicoptère, des coups de feu, des flammes et des explosions rendait l'environnement dantesque. Kaname avait l'impression de sombrer.
Trois AS apparurent de nulle part, gardant l'héliport et le transporteur dans trois directions différentes. Il y en avait un noir, un blanc et un rouge. Le noir était probablement celui de Folwer, le blanc était piloté par Sabine.
Kaname connaissait bien ces appareils. Il y avait toutes les données les concernant dans le portable qu'elle utilisait, c'était un modèle appelé Erigol équipé d'un Lambda Driver. Ils avaient la même forme basique que les Codarls, mais leur moteur et leur générateur avaient été renforcés même s'ils restaient assez peu satisfaisants comparés au niveau d'un M9.
Kaname était entrainée par deux hommes et elle fut poussée sur le siège passager de l'hélicoptère. Kalinin se chargeait de porter Leonard.
Le moteur du transporteur rugit et lentement, l'appareil décolla. Les trois AS tiraient régulièrement, échangeant les coups de feu contre une armée ennemie quelque part. Peu de temps après, les trois AS quittèrent l'héliport en sautant plus loin et ils se précipitèrent plus au nord.
Kaname regardait tout cela depuis la fenêtre de l'appareil.
Et d'un coup, elle vit quelqu'un qui courait vers l'héliport. A cause du vent violent qui attisait les flammes et propageait une épaisse fumée noire dans le ciel nocturne, elle ne put voir clairement son visage.
Des cheveux noirs et entrant dans une ligne rougeoyante, une combinaison de pilote d'AS.
Ce n'était pas très représentatif, mais pour elle c'était suffisant.
« Sosuke...? »
Dans un sursaut de lumière, elle reconnut un minuscule Sosuke qui criait quelque chose. Elle ne pouvait pas lire sur ses lèvres, mais même sans cela, elle pouvait deviner ce simple mot.
« Chidori ! »
C'était ce qu'il criait.
À ce moment-là, elle aurait dû penser combien elle avait été stupide et regretter de ne pas avoir agi différemment.
Elle n'avait plus la possibilité de s'échapper.
Pourquoi ne s'était-elle pas enfuie dès qu'elle en avait eu l'opportunité ?
Elle avait eu sa chance.
Pourquoi avait-elle hésité ?
Pourquoi...
Du coin de l'oeil, elle vit Leonard qui recevait les premiers soins d'urgence.
Pourquoi n'avait-elle pas pu le laisser derrière et partir ?
Plus que cela, pourquoi n'avait-elle pas résisté, crié, pleuré et hurlé qu'on la laisse partir ?
L'hélicoptère accéléra et la silhouette de Sosuke disparut sous la fumée. Elle crut le voir tomber à genoux et frapper le sol de ses poings, ce qui lui brisa le coeur.
Le Behemoth qui avait accosté ne visa pas l'hélicoptère. Il espérait probablement les capturer Leonard et elle en vie.
Elle ne pouvait rien faire de plus. C'était toujours la même chose, elle n'était qu'une petite poupée bien sage.
Non. Ce n'était pas ça.
C'était évident qu'elle ne pouvait plus le rejoindre, mais il y avait encore des choses qu'elle pouvait faire. Dans ce but, elle avait déjà fait ses préparations dernièrement.
C'est ça, encore juste un tout petit peu...
Kalinin était en pleine conversation avec l'équipage. Les autres hommes ne se souciaient pas d'elle.
Elle devait essayer.
Elle lorgna l'arme dans le holster à la hanche du soldat qui se tenait à ses côtés.
-oOo-
Sosuke continua à courir derrière l'hélicoptère qui lui échappait. L'appareil disparut derrière la ligne des montagnes et pourtant, l'adolescent resta à fixer le ciel vers le nord-ouest.
C'était inutile maintenant.
Mais tout en le sachant, il se permit tout de même de jurer.
« Merde... »
Kaname était dans cet hélicoptère. Il l'avait vu à travers la vitre. Il n'avait pas réalisé tout de suite qui était cette petite aux longs cheveux bleutés, mais elle regardait dans sa direction.
Chidori.
Si je te revoyais, il y aurait des milliers de choses que je voudrais te dire. Et si tu me repousses, ça ira. Mais je veux te parler. C'est pour ça que je suis venu jusque là...
Sosuke se tint immobile au milieu de l'héliport, sous le choc, et il se fit encerclé par les soldats. Ils n'étaient pas les hommes de Kalinin. Ils faisaient partie de ceux qui avaient envahi les lieux avec les Behemoths.
De ce qu'il pouvait en voir, il y avait au moins dix hommes armés.
Ayant une bonne estimation de sa situation, il savait qu'il ne lui servirait à rien de résister. Plusieurs troupes avaient été déployées dans les environs et trois Behemoths étaient en mer. Même si Kurz et Mao s'en étaient sorti, ils ne pourraient pas se rapprocher de là où il était. C'était trop dangereux.
Par conséquent, penser à s'enfuir était grotesque.
Nous ne pourrons plus nous revoir, Chidori.
Le regret de ses efforts vains et le désespoir d'avoir échoué pesaient sur ses épaules.
« Tu es Sosuke Sagara ? demanda celui qui ressemblait au chef.
- ...
- Lâche tes armes. Nous avons plusieurs questions à te poser mais si tu veux mourir, alors c'est le bon moment parce que nous avons un traitement très particulier des prisonniers de guerre. »
Les hommes qui l'encerclaient se mirent à rire et Sosuke les regarda sourire avant de répondre :
« Faites ce que vous voulez. »
A ce moment-là, à une centaine de mètres de l'héliport, un grand hélicoptère solitaire apparut et le bruit du son moteur et des pales déchira le ciel.
« ?! »
Un MH-53. C'était celui que ce vieux Seals avait utilisé pour apporter le M6. L'appareil s'approchait rapidement, tournait brusquement sa mitraillette.
« Sosuke, couche-toi ! hurla Limon dans le haut-parleur externe. »
Sur le côté de l'hélicoptère, un mini-canon avait été monté, c'était un modèle Vulcain qui arrosa les soldats sous un flot violent. Au milieu de la tempête, les militaires s'effondrèrent ou s'enfuirent n'importe comment.
Limon et ses acolytes se précipitèrent dans la bataille, mais c'était inconscient de leur part.
Se tenant à bout portant, le Behemoth ennemi pouvait attaquer à tout moment. Bien sûr, l'hélicoptère était assez standard, il ne pouvait rien faire face à un Behemoth ou même un AS.
Dépassant le cahot qui l'entourait, Sosuke utilisa sa radio pour joindre l'équipage de l'appareil.
« Ca suffit, Limon. Tire-toi tout de suite. Cette opération est un échec ! »
D'un coup, la voix du vieux Courtney le sermonna par radio interposée.
« Qu'est-ce que tu racontes ?! Tu piges pas, bouge-toi le cul avant d'abandonner !
- De quoi vous parlez... »
Une autre voix, féminine cette fois, et qu'il connaissait bien, fit irruption.
« Sagara ! Nous largons le Laevatein maintenant ! Fais-en ce que tu veux !
- Laeva... quoi ? »
Cette femme était un agent de Mithril, du service des renseignements, au nom de code Wraith.
« Laevatein ! C'est comme ça qu'il dit s'appeler en tout cas !
- A cette hauteur... Oh, je m'en fiche !
- Balancez-le, c'est tout !
- Ouais, c'est bon ! »
Le sas du transporteur s'ouvrit en plein ciel. Dans le ventre de l'appareil, une grande masse sombre attendait. Entre l'obscurité de la nuit et la fumée, il était difficile de l'identifier, mais c'était un AS.
L'hélicoptère se tourna, plusieurs tirs ennemis l'atteignirent et un feu se propagea rapidement depuis l'arrière, montant en spiral. L'appareil commença à tanger dangereusement.
À travers sa radio, Sosuke pouvait entendre les bruits métalliques de l'explosion ainsi que les cris de Courtney et les autres.
« ...! »
Le transporteur passa au-dessus de la tête de Sosuke et sombra, de droite à gauche avant de faire un atterrissage d'urgence dans le jardin. Il y eut un bruit de tonnerre. Les hélices se brisèrent en plein vol, soufflant un nuage de poussière.
Ses amis, à l'intérieur, n'étaient certainement pas indemnes. Et il n'osait imaginer l'état des deux soldats en retraite.
Et d'un coup, un autre objet tomba.
C'était l'AS inconnu que Limon et ses hommes devaient lui apporter. Il semblait très léger au milieu du ciel et il se posa à une dizaine de mètres devant Sosuke. Un atterrissage impeccable, tout en douceur.
« ... »
Les flaques autour de la machine étaient très claires et elles permettaient à la lumière des flammes de se refléter, l'éclairant ainsi parfaitement.
Sosuke voyait maintenant chaque détail de l'AS agenouillé en face de lui.
Cette unité c'est...?
L'armure était trempée par la pluie.
Une silhouette fine et solide. C'était un modèle de troisième génération similaire au M9.
La machine la plus proche de celle-ci serait l'Arbalest. C'était l'AS qu'il utilisait avec Mithril, mais il avait été détruit à Tokyo. C'était le seul modèle doté d'un Lambda Driver et celui-ci avait une certaine ressemblance avec l'ARX-7.
Mais il était bien plus gros que l'Arbalest. Les bras et les jambes étaient bien plus puissants et la force qui s'en dégageait était plus qu'impressionnante. Au-dessus des épaules, il y avait deux énormes canons, de la taille qu'un AS ordinaire ne pourrait porter. C'était plus les modèles rencontrés sur un tank qui avait toujours une artillerie lourde.
L’armure était blanche, mais pas une simple peinture blanche. Par endroits, il y avait des morceaux recouverts de rouge. Assez foncé, comme la couleur du sang.
Comparées aux teintes blanches et bleues de l'Arbalest qui faisaient penser au vent et à la glace, les couleurs de cette unité rappelaient plutôt un feu brûlant.
Les flammes de la colère.
Les flammes du combat.
Une couleur qui impliquait la force et l'énergie de l'attaque.
Sosuke oublia immédiatement qu'il était encore sur le champ de bataille et bêtement, contempla cette machine.
« Ca faisait longtemps, sergent, le salua une voix qui lui parut nostalgique. »
Le ton était neutre, était la voix masculine. Un son synthétique créé par l'IA de l'appareil.
« C'est toi, Al ?
- Affirmatif. Cependant, notez que cette unité s'appelle ARX-8, Laevatein. Sergent Sagara, demande la permission de vous rejoindre au combat. »
C'était vrai. La bataille n'avait pas vraiment commencé. Il pouvait encore tenter sa chance. Et s'il était à nouveau avec ce type...
« Bien sûr. Permission accordée.
- C'est un honneur. Gardons les détails pour plus tard. Premièrement, montez à bord. »
Cette machine, le Laevatein, tendit sa main gauche. Plusieurs ennemis tiraient dans leur direction. L'armure fut touchée et quelques étincelles jaillirent.
Sosuke sauta dans la main de l'AS et s'engouffra sans problème à l'arrière de l'appareil.
« Une armure toute neuve et elle est tout de suite abîmée ! Pourtant, j'aurai bien voulu être plus élégant pour ma première sortie.
- Tes bavardages sont toujours aussi passionnants...
- Ca fait des mois que je n'ai pas parlé à qui que ce soit et c'était ennuyeux.
- Vraiment... »
Quelle arrogance. Enfin, ce n'était pas le moment de se soucier des désagréments.
Sosuke renifla et glissa à travers le sas entr'ouvert. Il n'y avait pas de différence avec le cockpit d'un M9 ou de l'Arbalest.
Attrapant les manettes à plusieurs reprises et écoutant les réactions de l'appareil, il confirma sa condition.
Le sas se referma et les procédures d'initialisation commencèrent. Mode principal, mise en place de l'angle bilatéral, tout se fit rapidement.
« Bon alors... »
Sur l'écran, il vit l'armée ennemie qui continuait son assaut et ensuite l'AS géant Behemoth qui notait enfin leur existence et se préparait à les attaquer. Un AS ennemi de taille normal, un Codarl, avait également été déployé.
« Attention, AS ennemi. Behemoth, trois unités, Codarl, trois unités. Infanteries lourdement armée, environ deux escadrons. »
S'il s'agissait d'un AS ordinaire, sa force de riposte ne serait pas suffisante. Même un seul Behemoth aurait causé sa perte, alors trois, ce n'était même pas envisageable.
Cependant...
« Pour commencer, devons-nous y aller à fond ? »
Sosuke inspira profondément et attrapa le levier.
Il n'avait pas ressenti une telle excitation en six mois. Non, ce sentiment d'omnipotence dépassait même ce qu'il avait ressenti dans sa bataille à Hong Kong quand le pouvoir caché de son unité avait enfin répondu. Depuis son départ de Tokyo, il avait toujours été au combat, mais maintenant, il avait tout de même l'impression d'en être à un point de départ.
Ces six unités étaient-elles impuissantes face à lui ?
Bien, alors il devait éviter de transformer ce combat en bain de sang.
Cette machine, son IA et même son propre sang bouillaient d'impatience devant la bataille.
« Ok, alors finissons-en en trois minutes.
- C'est impossible. Il faudrait au moins quatre minutes et douze secondes.
- La ferme. Allons-y.
- Oui, chef. »
Manoeuvres de combat.
Frappant le sol, comme une épée de feu, le Laevatein fonça droit sur l'ennemi.