La fin des combats cette semaine et presque la fin du livre, moi fière !!
***
La machine se mit à hurler et les alarmes se déclenchèrent toutes en même temps. Le niveau du générateur était à son maximum et le système de refroidissement fonctionnait à plein régime.
L'électricité qui courait le long des muscles électromagnétiques causait des étincelles et le corps entier semblait s'enflammer. Les deux pieds métalliques s'enfoncèrent dans le sol et toute la carcasse gémit.
« La charge actuelle est estimée à mille cinq cents tonnes, informa Al de son ton habituel. Et bien que ce ne soit pas encore référencé, c'est à peu près trente fois supérieur à la charge maximale autorisée. En d'autres termes, la limite de charge est plus que dépassée. Sergent, vous devez vous échapper au plus vite.
- La ferme ! »
Sosuke marmonna en supportant l'effort. À cause du Lambda Driver, le poids s'exerçait également sur son système nerveux.
« Si c'était possible, je l'aurais déjà fait depuis longtemps... »
Tenant tant bien que mal la pression, Sosuke respirait rapidement et tirait ses forces de ses abdominaux profonds.
« ... »
Le champ de force produit par le Laevatein couvait comme une braise ardente. En une seconde, il créa une puissante explosion, repoussant le pied du Behemoth de toute sa force.
Impact.
La cheville droite du géant se tordit et se plia.
Le Behemoth perdit l'équilibre et se retrouva par terre.
« Finissons-en !
- Roger. »
Sortant les couteaux monofilaments rangés dans les genoux, le Laevatein bondit sur l'ennemi.
Visant la tête, il fit une faible parabole dans l'air avant de planter brusquement sa lame au niveau de la nuque, l'enfonçant à deux mains.
Déchirant l'armure qui se brisait sous le champ de force, le couteau trancha l'intérieur de l'appareil.
Puis encore deux coups, trois coups.
Des étincelles et de l'huile jaillirent en cascade. La tête contenant le cockpit fut détachée du reste du Behemoth qui perdit toute sa force.
La quatrième unité était détruite, informa Al.
Il restait encore deux Behemoths qui pouvaient être vus depuis la berge. Un des deux était encore à plusieurs centaines de mètres et l'autre à quelques kilomètres.
Le Behemoth le plus près tira. Le corps du Laevatein s'éclipsa derrière la carcasse de l'ennemi qu'il venait de vaincre. Des balles de trente millimètres et des explosifs plastiques s'écrasèrent autour de lui, entrainant de violentes explosions accompagnées de flammes intenses.
« Je ne veux pas recommencer ce qu'il vient de se produire ! Il y a d'autres armes ?
- Laissez-moi faire. Voilà. »
L'indication apparut sur l'écran de contrôle. Le symbole représentant l'artillerie présente dans le dos clignota.
« Canon de destruction de cent soixante-cinq millimètres ?! »
C'était logique que Sosuke soit enthousiaste. Une arme d'une telle pareille était inconcevable sur un AS. En général, un AS possédait un fusil de quarante millimètres. Ce qu'il préférait lui était un Boxer de cinquante-sept millimètres. Le modèle de snipe de Kurz était plus grand, un fusil adapté au tir de longue distance de soixante-seize millimètres.
À titre indicatif, un char possédait généralement une arme de cent vingt millimètres. Et ce canon était utilisé sur un char de plus de cinquante tonnes. Donc pour AS de dix tonnes...
« Ce n'est pas le genre d'arme utilisée par les ingénieurs ? »
Le canon de destruction avait été créé au départ pour se débarrasser des bâtiments et des structures encombrantes en les écrasant mais sur cette machine, il avait clairement un but militaire.
« Cette arme est pour le combat. La force de tir et de retour est vraiment importante, donc soyez prudent. Il ne peut pas être utilisé sans Lambda Driver. »
L'arme, normalement attachée dans le dos, bascula et le fusil court roula sous l'épaule droite pour se retrouver en position de tir. Même sans voir les indications sur l'écran, il était facile de sentir que ce canon était énorme.
Cependant est-ce que ce monstre était vraiment performant ?
« Il peut tirer ? demanda Sosuke en bougeant le bras afin de mieux contrôler l'arme entre ses mains.
- Réponse inconnue. Aucun test n'a été fait.
- Mais on ne peut rien faire d'autre qu'essayer.
- C'est exact.
- Bien. »
Le Laevatein se mit en position avec le canon et s'appuyant sur la carcasse du Behemoth, bondit vers là où l'ennemi accostait.
Immédiatement le Behemoth ennemi réagit et il tira assez pour éblouir le pilote.
Le Lambda Driver se chargea de détruire les balles inévitables.
Pas si simple !
Dès qu'il atterrit, Sosuke sauta à nouveau en tournant. Un missile antiaérien arrivait sur lui. La mitraillette sur la tête s'en chargea.
L'embuscade le fit trembler, mais grâce au pouvoir du Lambda Driver, il évita le plus grand des dégâts et poursuivit sa parabole en l'air.
La distance avec l'ennemi était d'environ deux cents mètres.
S'il pouvait se le prendre de tout près...
Sosuke sauta une troisième fois malgré la force de l'impact. Le pied de l'ennemi s'avança vers lui.
La bataille était sur le point de commencer et il tira dans la fente arrière en levant les yeux.
« Pas encore ! »
Le Laevatein s'avança encore un peu, prenant appui dans le sable pour partir dans la bonne direction.
En un battement de cils, il visa à nouveau le Behemoth et se tourna pour se retrouver à l'arrière de la tête du géant.
Le Lambda Driver de l'ennemi rugit et le Laevatein se précipita pour concentrer son champ de force sur un seul point.
Normalement, l'onde de choc aurait dû le réduire en poussière.
Pourtant...
« ! »
Le champ de force du Laevatein arrêta celui de l'ennemi et ne ressentit qu'une faible brise.
Le canon de destruction en main, il pointa l'arme sur l'arrière de la tête de son adversaire et il pressa la détente avec tout ce qu'il avait.
Le flash de l'impact brilla sous ses yeux. L'explosif perça l'armure de l'ennemi et pénétra loin dans l'appareil avant d'exploser en son centre.
Le fusil de cent soixante-cinq millimètres eut un recul impressionnant et le Laevatein fut projeté en arrière sur plusieurs mètres.
« ...outch ! »
Son équilibre perdu, le Laevatein tituba sur le Behemoth.
« Succès »
L'information d'Al fut la seule chose que Sosuke put entendre. Les membres de la machine tremblèrent et elle atterrit mollement dans le sable.
« Comment c'était ?
- Comme je vous l'ai dit, succès. »
Une épaisse fumée noire s'éleva du Behemoth qui s'effondra lentement. Ayant perdu l'apport du Lambda Driver pour se tenir, l'appareil tombait en morceaux. L'unité roula plusieurs fois dans le sable dans un bruit de tonnerre qui résonna dans la nuit comme le cri d'une bête agonisante.
Cinq unités de détruites.
« C'est un sacré recul, murmura Sosuke en rechargeant le canon de démolition.
- C'est même au-delà des estimations. Ce genre d'attaque n'avait pas été envisagé.
- Tu devrais pourtant savoir que je suis brutal. Depuis combien de temps on est partenaires ?
- À peu près un an et deux mois. Ce n'est pas si long.
- Ah, oui, maintenant que tu le dis, c'est vrai. »
Soupirant, Sosuke jeta un oeil du côté du dernier Behemoth.
Pour l'instant, le Laevatein était à genoux sur la côte devant la villa. Le dernier ennemi était à peu près à trois kilomètres en mer et apparemment, il avait perdu ses velléités. Il tenta un tir d'intimidation avant de se replier en courant.
« M6 se replie. Il semble qu'il se retire du combat. Devons-nous le poursuivre ?
- Essayons si on peut. À cette distance, on ne peut rien faire. »
Le canon de démolition, tout comme le Boxer, était un modèle court et il ne fonctionnait qu'en combat rapproché. Là, il n'avait aucun moyen de viser précisément l'ennemi et encore moins de l'atteindre.
Il y eut des bruits de roulis et de fermeture. Le canon de démolition bien que puissant, était plutôt petit donc on pouvait lui ajouter un viseur plus long comme sur un char.
« Changement en monde Gunhowzer complet. Si l'angle balistique est assez grand, sa distance maximale de tir est de vingt kilomètres. »
Un Howitzer sur un AS ? C'était du pur délire pensa Sosuke.
Mais être dans cette machine défiait déjà le sens commun alors tant qu'il gardait le contrôle du Lambda Driver, il pouvait encaisser le recul et la force du contre-coup.
Vu le niveau du combat, la puissance destructrice de son arme n'était pas si impressionnante. Et puis, ce modèle ridiculement trop grand n'était-il pas adapté à la situation du Laevatein ?
« Ok, essayons, marmonna Sosuke à contrecoeur.
- Je me doutais que vous diriez cela.
- La ferme. »
Posant un genou à terre, il passait en mode principal pour tirer avec le plus précision possible. Les capteurs étaient poussés à leur maximum.
En appui sur ses talons, il vit le Behemoth se retirer à toute allure, rendant l'image floue sous la vision nocturne.
L'écran affichait de nombreuses informations.
La température atmosphérique, l'humidité, la vitesse du vent, la température du canon et tout un tas d'autres choses encore.
Ses capacités de sniper était au mieux quelconque et il était incapable d'imiter les merveilles de Kurz. Al n'avait même pas de donnée concernant le snipe et il pouvait seulement compter sur son intuition.
Au milieu de l'écran, le symbole de la cible et le viseur étaient ses seuls indicateurs. Un bip et une courte alarme lui indiquèrent que tout était prêt.
« Verrouillage opéré. Devons-nous tirer ?
- Pas encore, murmura-t-il en controlant le bras avec précision. »
Encore un tout petit peu. C'est ça, encore juste un peu...
Feu.
Il y eut un recul terrible comme la première fois puis une énorme boule de feu qui dépassait la propre taille. Le sable devant lui l'éclaboussa sous la force de l'explosion.
Même s'il s'était bien préparé à maintenir sa position, il fut poussé en arrière et le Laevatein se retrouva sur les fesses.
La bombe de cinq cents livres atteignit sa cible juste devant lui et comme le Lambda Driver de sa machine fonctionnait encore, il donna une force supplémentaire au projectile qui toucha parfaitement l'arrière de la tête du Behemoth, juste comme Sosuke voulait.
Sur son écran, il vit sans problème la partie supérieure de l'AS géant partir en morceaux et s'enflammer.
Une pluie d'étincelles suivit le bruit de l'explosion.
Alors que l'écho se perdait dans la nuit, le dernier Behemoth tomba lentement, sombrant dans la mer.
La sixième unité était détruite.
Soupirant longuement, Sosuke demanda :
« Al ?
- Oui sergent ?
- Combien de temps ?
- Cinq minutes et cinquante-deux secondes.
- ... »
Un silence bizarre suivit et après un court instant, Al conclut :
« Même en étant têtu, vaincre autant d'adversaires en trois minutes était une attente irraisonnable.
- La ferme. Les quatre minutes douze que tu suggérais étaient aussi impossibles.
- Pour un humain, vous avez une très bonne mémoire. Et vous êtes du genre à être rancunier ?
- Exactement. Et où tu as appris ce genre de langage ?!
- Malheureusement, j'ai été abandonné par mon pilote pendant plusieurs mois. J'ai donc de nombreuses opportunités de consulter les programmes télévisés et Internet.
- ...
- Si vous voulez, je peux utiliser un langage moins cossu. Et sinon, vous pensez quoi des bas revenus des travailleurs sud-américains ?
- Arrête. »
Vraiment, c'était bien le moment de réfléchir. Son discours était toujours aussi déprimant. Après un autre soupir, Sosuke avoua sur le ton de la complainte :
« Mais bon, c'est bien que tu sois là. »
Et il le pensait.
Bien que ce soit un peu étrange, grâce au support d'Al dans ce combat, il avait l'impression d'être entouré par un compagnon. Il y avait quelque chose de différent et de bizarre avec Al par rapport aux autres IA des M9 et il l'avait déjà ressenti à Hong Kong, mais là, ce sentiment s'intensifiait.
Et même si Sosuke n'en avait pas encore pleinement conscience, pour Al, c'était une évidence.
« Oui sergent. Moi aussi je suis content. Et je le dis parce que je le ressens.
- Hmm »
Il était une machine et prétendait avoir des sentiments. Pourquoi ? Il n'avait pas d'humeur.
Sosuke leva son unité et surveilla les environs à la recherche d'un ennemi. Comment Kurz et les autres s'en sortaient-ils ? Et aussi, il devait aller aider Limon et les autres.
Avec les armes qu'il lui restait et le Laevatein, ce serait facile.
Quant à poursuivre Kaname après, c'était probablement déjà trop tard.
-oOo-
À l'intérieur de l'hélicoptère qui poursuivait sa route, Kaname attendit prudemment sa chance. L'armée privée de Leonard, des hommes en uniforme de combat, se reposait déjà transquillement. Ces soldats, voyant leur employeur blessé gravement, se contentaient de regarder attentivement par la fenêtre.
Entre la saleté, le sang, et l'air perdu de Kaname, personne ne lui prêtait vraiment attention.
L'homme assis à côté d'elle était bien enfoncé dans son siège et il discutait avec quelqu'un dans la cabine de pilotage. Bien qu'elle ne comprenne pas grand chose à l'espagnol, elle avait cru saisir qu'il parlait de l'état de Leonard.
C'était le moment.
Alors même qu'elle pensait cela, plusieurs conflits intérieurs la dérangèrent.
Cette imprudence serait-elle suffisant ? Tout se passerait-il comme elle l'avait imaginé ? Même avec Kalinin dans cet appareil ? Et lui, aussi... ce pauvre Leonard là maintenant qui souffrait à cause d'elle ?
Idiotie !
Elle secoua la tête.
N'avait-elle pas déjà ressentit tout cela avant ? Cette pitié simpliste allait lui être fatale et elle devait prendre sa décision rapidement !
Fermant les yeux, elle prit une longue inspiration pour se détendre.
Juste à la hanche du soldat sur le siège d'à côté, il y avait un pistolet automatique placé dans son holster.
Ok, allons-y.
Kaname tendit la main vers l'arme et s'en empara brusquement en se précipitant sur le soldat.
L'homme réagit immédiatement à sa main tendue mais c'était déjà trop tard. Elle n'était qu'à un cheveu de lui, mais elle put braquer le pistolet sur lui.
« Ne bougez pas ou je tire ! »
Ca faisait longtemps qu'elle ne s'était pas exprimé d'une voix aussi forte. Visant les soldats se mettant en position, elle cria simplement :
« Amenez-moi au pilote ! Tout de suite ! Faites demi-tour !
- Je comprends, attendez. »
Un des soldats marmonna dans son oreillette et peu de temps après, celui qui arriva ne fut pas le pilote mais Andreï Kalinin.
Il ne fut pas surpris de trouver l'arme d'un de ses hommes pointé sur lui par la jeune fille.
« Vous avez l'air bien. Je pensais que vous seriez encore sous le choc de lui avoir tiré dessus, dit-il. Miss Chidori, ôtez vos doigts de la détente et rendez-moi cette arme calmement. Et ensuite, tout sera fini.
- Ne me donnez pas d'ordre Je vais tirer.
- Ne faites rien d'irresponsable, répondit Kalinin tranquillement. Ceux qui n'ont pas l'intention de tirer ne devraient pas tenir une arme. C'est une perte de temps et des problèmes imprévus surviennent. Je pensais que vous aviez déjà compris cela.
- L'intention de tirer, hein ? »
Kaname inspira profondément et écouta. Sans pleurer, sans faiblir. Ne ressentant rien et dépassant complètement les remarques de vétéran.
Rassemblant son courage, elle fit face à ses adversaires et demanda :
« Donc vous le allez tuer ? Sosuke ? »
Elle ne savait pas grand chose sur le relation existante entre Kalinin et Sosuke, même si elle les avait vus ensemble, ils n'étaient pas vraiment portés sur la conversation.
Cependant Kaname savait de quoi il retournait.
Quand Sosuke parlait du lieutenant-colonel, c'était toujours d'une voix calme montrant une confiance absolue. Mao, Kurz, capitaine ou même votre excellence le président du conseil des élèves, il les mentionnait de la même façon mais il n'y avait pas la même force qui s'en dégageait.
Kalinin était-il si facilement passé à l'ennemi ? Etait-il vraiment capable de tirer ? Et si non, pourrait-il la regarder de cette manière ?
« Je tirai, répondit-il sans hésitation. En fait, ajouta-t-il pour être sûr de bien se faire comprendre, j'en ai déjà reçu l'ordre et je l'ai suivi. Mais vous ne pouvez pas comprendre, vous n'avez pas assez de volonté...
- Vous mentez.
- Si c'est ce que vous voulez croire, croyez-le. Mais si vous continuez à vous comporter de manière aussi futile, je vais devoir vous montrer de quoi je suis capable.
- ...
- La contrepartie est la vie de l'homme qui est devant vous. Si vous prévoyez de tirer, faites-le. »
Les mots de Kalinin touchèrent durement Kaname.
C'était déjà bien qu'une amatrice telle qu'elle ait pu se procuer une arme et la pointe sur l'un des passagers de l'hélicoptère. Puis exige d'un ton ferme que l'appareil fasse demi-tour.
Face à la réalité de la situation, combien de mercenaires avaient réagi se demanda Kaname.
Ils n'affichaient aucune peur. Ni moquerie, ni colère ou même une simple contrariété. Tout ce qu'elle avait devant elle, c'était des visages inexpressifs qui la dévisageaient.
Quelques instants plutôt, elle aurait cru à une hallucination mais maintenant, elle avait une bonne idée de ce qu'ils pensaient.
Ils se demandaient probablement si l'arme était chargée et si oui, où la balle allait partir. Ils ne s'inquiétaient pas de leur ami qui s'était fait dérober son revolver bêtement. Si jamais Kaname tirait, la balle traverserait son corps et pourrait par conséquent endommager le matériel de bord de l'appareil.
Pour cela, elle n'avait aucun intérêt à avoir un otage. Ils ne considéraient pas leur vie comme importante.
« C'est vrai. Et que pensez-vous de ça ? »
Kaname pointa l'arme vers le plafond, oubliant le soldat en face d'elle.
D'un coup, les mercenaires se raidirent.
Juste au-dessus de la cabine se tenaient le réservoir et le système hydrolique de même que le système principal des hélices. Et étant un hélicoptère militaire, l'intérieur de la cabine n'était pas prévu contre les balles. Donc si elle tirait, elle pouvait causer de sérieux dégâts et créer un incendie.
« Alors ? Ce serait mieux si je tirais là ?
- Je vois. On se dirige vers une situation pénible. »
Kalinin émit un grognement plaintif. Il avait l'air d'un enseignement qui entendait une fois de plus une réponse idiote d'un de ses élèves.
« Mais à trois cents pieds d'altitude et cent vingt miles par heure, nous ne pourrions pas réussir un atterrissage d'urgence si les dommages étaient vraiment importants. Donc il n'y a pas d'autre solution, nous mourrions tous dans le crash. Si par miracle l'atterrissage d'urgence réussissait et que vous vous en sortiez indemne contrairement à nous, alors vos possibilités pour vous échapper resteraient quasi nulle. »
Ce fut sa réponse et Kaname la comprit parfaitement. Entre l'altitude et la vitesse, il n'y avait pas moyen d'en réchapper. Surtout qu'elle n'avait pas sa ceinture, donc elle serait projetée hors de l'appareil au moment de l'impact.
« Mais si ça vous convient, allez-y, tirez.
- ... »
Il ne lui parlait pas de manière agressive et les mots ne la blessaient pas. Pourtant, un indescriptible sentiment d'échec l'envahit.
Kalinin n'avait pas le genre d'homme à utiliser les mots pour manipuler, il se contentait de dire la vérité. La pure vérité. Et là, la vérité qu'il lui annonçait c'était que malgré l'arme qu'elle avait récupérée, elle était toujours impuissante.
Malgré toute son intelligence et sa tentative de bluff, son idéé était na¨ve et son audace s'arrêtait là. Face à un militaire entrainé et expérimenté comme lui, elle n'était qu'une gamine malicieuse de dix-sept ans tentant d'attirer l'attention.
Pourquoi fallait-il que cet homme soit son ennemi ? Pourquoi ne lui disait-il pas 'désolé de vous avoir inquiété, je vais vous ramener auprès de Sagara' ? Si au moins elle avait eu un signe, un clin d'oeil, quelque chose lui permettant d'espérer qu'il était de son côté.
Pourquoi ses yeux tristes n'étaient-ils que pour elle ?
« Vous êtes sérieux, alors ? Demanda-t-elle avec dépit. Alors dites-moi, je ne vais jamais le revoir ?
- C'est exact. Vous ne le reverrez pas, répondit Kalinin. »
Kaname avait déjà entendu une telle prédiction. C'était sans espoir. Combien de temps pourrait-elle encore tenir entre ses débats intérieurs, ses doutes, son envie de hurler, de pleurer parce qu'elle ne pouvait pas le revoir ?
Au moins ainsi, personne ne serait blessé.
Ça correspondait bien au pari de Leonard. Elle souhaitait être avec avec Sosuke et être libre, mais pour cela, quelqu'un devrait forcément mourir.
C'était là qu'elle en était maintenant, dans cet hélicoptère, devant un dilemme qu'elle était incapable de résoudre.
« Ca suffit maintenant. Redez-moi votre arme.
- Non... »
Finalement, Kaname posa le canon sur sa tempe. Le contact du métal était dur et froid et elle eut envie de presser la détente.
Oui, elle avait besoin de tirer. Ce serait mieux ainsi. Toute cette situation, c'était trop pour elle. Si elle mettait un peu de force dans son index, tout disparaitrait.
Ses peurs et ses souffrances, ce sentiment perpétuel de culpabilité par rapport à Leonard, l'impression de défaite et de désespoir.
Au fond de son coeur, une petite voix hurlait 'pas question ! C'est trop tôt !' mais elle utilisa toute sa concentration pour l'ignorer.
Ce n'est plus la peine d'espérer. Tu ne peux plus espérer maintenant. Tu n'as pas de solution. Laisse-toi aller, ne prétends plus et souhaite mourir du plus profond de ton coeur.
Elle devait se concentrer là-dessus.
Presser la détente serait simple. Sans penser à rien, sans réfléchir, sans se poser de question...
« Attendez, intervint Kalinin. »
Pour la première fois, sa voix trahit une légère impatience et son visage montrait son inquiétude.
L'odeur pesante de la mort émanait de Kaname et il pouvait facilement la sentir. Il avait vu assez de gens mourir pour reconnaître ce parfum sans problème.
« Arrêtez. On va voir ce qu'on peut faire, dit-il sérieusement.
- Faites demi-tour, commanda Kaname d'une voix morte, les yeux dans le vague.
- C'est difficile à l'heure actuelle. Leonard a besoin de soin, si nous repartons maintenant, il sera en danger. C'est pourquoi vous devez retrouver votre calme et repoussez le canon de votre tempe. Visez-moi à la place. »
Il y avait beaucoup de mots. C'était la première fois qu'il tentait réellement une négociation, qu'il discutait.
C'était le moment d'agir.
« Alors laissez-moi lui dire au revoir.
- ?
- La radio. Je veux juste lui dire au revoir. Ensuite, j'abandonnerai complètement... »